Jadis et naguère (1902)/Conseil falot

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V

CONSEIL FALOT


À Raoul Ponchon.


Brûle aux yeux des femmes
Et garde ton cœur,
Mais crains la langueur
Des épithalames.

Bois pour oublier !
L’eau-de-vie est une
Qui porte la lune
Dans son tablier.

L’injure des hommes,
Qu’est-ce que ça fait ?
Va, notre cœur sait
Seul ce que nous sommes.


Ce que nous valons
Notre sang le chante !
L’épine méchante
Te mord aux talons ?

Le vent taquin ose
Te gifler souvent ?
Chante dans le vent
Et cueille la rose !

Va, tout est au mieux
Dans ce monde !
Surtout laisse dire,
Surtout sois joyeux

D’être une victime
À ces pauvres gens :
Les dieux indulgents
Ont aimé ton crime !

Tu refleuriras
Dans un élysée.
Âme méprisée,
Tu rayonneras !

Tu n’es pas de celles
Qu’un coup du Destin
Dissipe soudain
En mille étincelles.


Métal dur et clair,
Chaque coup t’affine
En arme divine
Pour un destin fier.

Arrière la forge !
Et tu vas frémir
Vibrer et jouir
Au poing de saint George

Et de saint Michel,
Dans des gloires calmes,
Au vent pur des palmes
Sur l’aile du ciel !…

C’est d’être un sourire
Au milieu des pleurs,
C’est d’être des fleurs,
Au champ du martyre,

C’est d’être le feu
Qui dort dans la pierre,
C’est d’être en prière,
C’est d’attendre un peu !