Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Je dors, mais mon cœur veille

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Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 1 (p. 280-281).

LXVII[1]


Je dors, mais mon cœur veille ; il est toujours à toi.
Un songe aux ailes d’or te descend près de moi.
Ton cœur bat sur le mien. Sous ma main chatouilleuse
Tressaille et s’arrondit ta peau voluptueuse.
Des transports ennemis de la paix du sommeil
M’agitent tout à coup en un soudain réveil ;
Et seul, je trouve alors que ma bouche enflammée
Crut, baisant l’oreiller, baiser ta bouche aimée ;
Et que mes bras, en songe allant te caresser,
Ne pressaient que la plume en croyant te presser.

Et dormant ou veillant, moi je rêve toujours.


Le doux sommeil habite où sourit la fortune.
Pareil aux faux amis, le malheur l’importune.

Il vole se poser, loin des cris de douleurs,
Sur des yeux que jamais n’ont altérés les pleurs.
Perfide ; mais pourtant chère quoique perfide.

Et ton cœur m’aimera, si ton cœur peut aimer.

..........tu verras ses rigueurs
Se fondre et s’amollir à tes douces langueurs.

  1. Éd. G. de Chénier.