Jean-Daniel Dumas, le héros de la Monongahéla/Défense de Québec

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G. Duchamps, libraire-éditeur (p. 100-103).

Défense de Québec


L’année 1759 s’annonçait redoutable ; elle fut plus que cela ; elle fut fatale. La chute de la capitale de la Nouvelle-France termina une série de défaites inévitables : l’ennemi était partout beaucoup plus considérable en nombre, mieux armé et mieux nourri.

L’Angleterre a toujours pratiqué la maxime qui veut que la victoire aille aux gros bataillons.

M. Dumas prit une part très active à la défense de Québec. Durant cette campagne et la suivante, il sut encore se distinguer et reçut à maintes reprises, comme on l’a vu plus haut, des témoignages bien mérités de satisfaction de la part de ses chefs.

Le 28 juin M. Dumas recevait ordre du marquis de Montcalm d’organiser en compagnies tous les miliciens en état de porter les armes et de mettre à leur tête des officiers de milice ou des bourgeois notables, en attendant qu’on pût les remplacer par des officiers plus expérimentés. M. Dumas s’acquitta consciencieusement de cette tâche ardue.

M. de Vaudreuil ayant décidé, à la demande des marchands de la basse-ville de Québec, d’envoyer un détachement à la Pointe-Lévis pour tâcher de réduire au silence les batteries ennemies qui menaçaient de détruire cette partie de la ville, chargea M. Dumas de ce service. Le détachement qu’il commandait était composé de 150 soldats, de quelques hommes des troupes de la colonie, d’environ 300 Canadiens du camp de Beauport, d’un bon nombre de miliciens de la ville, et d’un groupe de trente élèves du Séminaire que l’on avait en badinant baptisé le Royal Syntaxe. Tous s’étaient offerts volontairement. M. Dumas conduisit cette troupe hétérogène au Cap-Rouge, d’où il traversa le fleuve durant la nuit du 12 au 13, afin de surprendre l’ennemi à la pointe du jour. Ayant divisé sa troupe en deux colonnes, la première prit les devants. S’étant égarée dans un petit bois, elle rebroussa chemin sans s’en apercevoir, et, dans la demi-obscurité, elle rencontra la seconde colonne dont faisaient partie les élèves du Séminaire. Celle-ci se croyant en face de l’ennemi, fit feu sur la première qui riposta aussitôt. Cette méprise rendit ces troupes nerveuses et la panique s’étant emparée d’elles, ce fut un sauve-qui-peut général vers les chaloupes. M. Dumas, malgré toute son expérience et son énergie, n’y put rien et dut se rembarquer, ramenant à Québec le détachement tout piteux de cette mésaventure.

Après cette malheureuse affaire de la Pointe-Lévis, M. Dumas fut mis à la tête d’un camp volant destiné à suivre les mouvements que pourrait faire l’ennemi au-dessus de Québec et à s’opposer à toute descente qu’il pourrait y tenter. Allant, venant, contre-marchant avec ses miliciens, il couvrait tous les points à la fois, et fut d’un grand secours à l’armée de défense.

Durant la nuit du 18 au 19 juillet, des vaisseaux anglais ayant remonté le fleuve, M. Dumas fut envoyé à Sillery avec 600 hommes d’infanterie et de la cavalerie pour les observer.

« Le 21, vingt berges débarquèrent à la pointe aux Trembles, au petit jour ; quelqu’actif que fut M. Dumas, il ne put y arriver assés tôt. Les Anglois enlevèrent environ 200 femmes, filles ou enfants qu’ils me renvoyèrent le lendemain… » [1]

Le 25, M. de Vaudreuil ayant été informé que les Anglais avaient opéré un débarquement à l’anse Saint-Michel, avertit M. Dumas qui laissa M. de Saint-Martin au Cap-Rouge avec 180 hommes et en mena mille jusqu’à Jacques-Cartier pour empêcher l’ennemi de s’y retrancher ; mais celui-ci s’était rembarqué.

Le 3 août, l’ennemi continuant de renforcer son artillerie au camp de la chute Montmorency, M. Dumas y amena la plus grande partie des troupes qu’il avait à Jacques-Cartier, ne laissant que 200 hommes à cet endroit. M. de Bougainville prit alors en mains le commandement des forces au-dessus de la ville, et M. Dumas resta à Québec, et prit part à la bataille des Plaines d’Abraham où il commanda l’aile droite.

Les jours et les semaines se passaient et le siège n’avançait guère. Le plan de défense du marquis de Montcalm consistait, non pas à risquer une grande bataille, mais à gagner du temps. La fin de l’été approchait ; s’il pouvait tenir jusqu’à l’automne, Québec était sauvé — pour cette année du moins — et au printemps suivant il pourrait recevoir des renforts en hommes et en vivres dont il avait un urgent besoin.

Il ne s’agit point ici de raconter ce siège célèbre, non plus que les péripéties de la bataille des Plaines d’Abraham. Ce récit a été fait et bien fait.[2] Nous nous contenterons tout simplement de dire que le marquis de Vaudreuil, après la retraite des troupes du marquis de Montcalm, rassembla de 1 000 à 1 200 hommes, « qui revinrent sur la hauteur, où ils fusillèrent longtemps. Il ne fallut rien moins pour favoriser la retraite de la droite de notre armée commandée par M. Dumas, qui étoit encore aux prises et qui avoit fait plier jusqu’à trois fois la gauche des ennemis ».[3]

  1. M. de Vaudreuil au ministre, 5 octobre 1759. Archives du Canada, série F, vol. 309.
  2. Voir Siege of Quebec, by A. G. Doughty, Québec, 1901.
  3. Lettre du marquis de Vaudreuil du 5 octobre 1759, Voir aussi Siege of Quebec, by M. A. G. Doughty, vol. IV. p. 243.