Œuvres posthumes (Musset)/Jeanne d’Arc
JEANNE D’ARC
Je cherche en vain le repos qui me fuit.
Mon cœur est plein des douleurs de la France.
Jusqu’en ces lieux déserts, dans l’ombre et le silence,
De la patrie en deuil le malheur me poursuit.
Sombre forêt, retraite solitaire,
Muets témoins de mes secrets ennuis,
À mes regards, de mon pauvre pays
Cachez du moins la honte et la misère.
Tristes rameaux, si nous sommes vaincus,
Cachez le toit de mon vieux père ;
Peut-être, hélas je ne le verrai plus !
Tout repose dans la vallée.
Le rossignol chante sous la feuillée
La mélancolie et l’amour.
Déjà l’aurore éveille la nature ;
Déjà brille sur la verdure
La douce clarté d’un beau jour.
Quel est ce bruit dans la campagne ?
Le clairon sonne au pied de nos remparts !
De l’étranger je vois les étendards,
Flotter au loin sur la montagne.
Nous avez-vous abandonnés,
Anges gardiens de la patrie ?
Plaignez-nous si Dieu nous oublie ;
S’il se souvient de nous, venez !
J’ai cru sentir trembler la terre.
J’ai cru que le ciel répondait,
Et, dans un rayon de lumière,
Du fond des bois une voix m’appelait.
Ce n’est pas une voix humaine :
Il m’a semblé qu’elle venait des cieux.
Mère du Christ, est-ce la tienne ?
As-tu pitié des pleurs qui coulent de mes yeux ?
Oui, l’Esprit-Saint m’éclaire !
Je sens d’un Dieu vengeur
La force et la colère
Descendre dans mon cœur.
— En guerre !