Journal (Eugène Delacroix)/11 janvier 1857

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 198-203).

Dimanche 11 janvier. — Essais d’un Dictionnaire des Beaux-Arts. Extrait d’un Dictionnaire philosophique des Beaux-Arts[1].

Fresque[2]. On fait un grand mérite aux maîtres qui ont excellé dans la fresque de la hardiesse qui leur a fait exécuter au premier coup ; mais presque toutes sont retouchées à la détrempe.

Faire (le faire).

Français. Le style français dans la mauvaise acception. Voir mes notes du 23 mars 1855[3].

Sculpture française. Exécution. Voir mes notes du 6 octobre 1849 et du 25 septembre 1855[4].

Modèle. Le modèle qui pose. Emploi du modèle[5].

Effet. Clair-obscur.

Composition.

Accessoires[6]. Détails, Draperies, Palette.

Peinture à l’huile.

Grâce, Contour. Doit venir le dernier, au contraire de la coutume. Il n’y a qu’un homme très exercé qui puisse le faire juste.

Pinceau. Beau pinceau. Reynolds disait qu’un peintre devait dessiner avec le pinceau.

Couleurs. Coloris ; son importance. Voir mes notes du 3 janvier 1852[7].

Couleurs (matérielles) employées dans la peinture.

Dessin, par les milieux ou par le contour.

Beau. Définition de Poussin et de Voltaire. Voir mes notes du 1er octobre 1855[8]. Voir ce que dit Voltaire de Pascal[9].

Simplicité. Exemple de simplicité, dernier terme de l’art, l’Antique, etc.

Antique. Parthénon (marbres du Parthénon) ; Phidias ; engouement moderne pour ce style, au détriment des autres époques.

Académies. Ce qu’en dit Voltaire : quelles n’ont point fait les grands hommes.

Ombres. Il n’y a pas d’ombres proprement dites : il n’y a que des reflets. Importance de la délimitation des ombres. Sont toujours trop fortes. Voir mes notes du 10 juin 1847[10]. Plus le sujet est jeune, plus les ombres sont légères.

Demi-teintes. La détrempe les donne plus facilement.

Localité. (Importance de la localité.)

Perspective ou dessin.

Sculpture. Sculpture moderne, sculpture française. Sa difficulté après les anciens.

Manière[11].

Maître. Celui qui enseigne.

Maître. Qui a la maestria.

Goût. S’applique à tous les arts.

Flamands, Hollandais. Albert Dürer, Titien, Raphaël, etc.

Panneaux. Peinture sur panneaux.

École de David.

Écoles italienne, flamande, allemande, espagnole, française ; leur comparaison.

Expression.

Cartons. Études préparatoires pour l’exécution.

Esquisses.

Copie.

Méthode. Y en a-t-il pour dessiner, peindre, etc. ?

Tradition. A suivre jusqu'à David.

Maîtres. Respect exagéré pour ceux à qui on donne ce nom. Voir mes notes du 30 octobre 1845, à Strasbourg[12].

Élèves. Différence des mœurs anciennes et modernes dans les élèves.

Technique. Se démontre la palette à la main. Le peu de lumières qu’on trouve dans les livres à ce sujet.

Adoration du faux technique dans les mauvaises écoles. Importance du véritable pour la perfection des ouvrages. C’est dans les plus grands maîtres qu’il est le plus parfait du monde : Rubens, Titien, Véronèse, les Hollandais ; leur soin particulier ; couleurs broyées, préparations, dessiccation des différentes couches. (Voir Panneaux.) Cette tradition tout à fait perdue chez les modernes. Mauvais produits, négligence dans les préparations, toiles, pinceaux, huiles détestables. Citer des passages d’Oudry.

David a introduit cette négligence en affectant de mépriser les moyens matériels.

Vernis. Leurs funestes effets ; leur emploi dans les anciennes peintures très judicieux.

Il faudrait que les vernis fussent une espèce de cuirasse pour le tableau, en même temps qu’un moyen de le faire ressortir.

Boucher et Vanloo. Leur école : la manière et l’abandon de toute recherche et de tout naturel. Procédés d’exécution remarquables. Restes de la tradition.

Watteau. Très méprisé sous David et remis en honneur. Exécution admirable. Sa fantaisie ne tient pas en opposition aux Flamands. Il n’est plus que théâtral à côté des Van Ostade, des Van de Velde, etc. Il a la liaison du tableau.

  1. Sur un Projet de Dictionnaire des Beaux-Arts : « Ce petit recueil est l’ouvrage d’une seule personne qui a passé toute sa vie à s’occuper de peinture. Il ne peut donc prétendre qu'à donner sur chaque objet le peu de lumières qu’il a pu acquérir, et encore ne donnera-t-il que des informations toutes personnelles. L’idée de faire un livre l’a effrayé. Il faut un grand talent de composition pour ne mettre dans un livre que ce qu’il faut et pour y mettre tout ce qu’il faut… Il lui a semblé qu’un dictionnaire n'était pas un livre, même quand il était tout entier de la même main. Chaque article séparé ressort mieux et laisse plus de trace dans l’esprit. Il semble qu’il faille, dans un traité en règle, que le lecteur fasse lui-même, s’il veut tirer quelque profit de sa lecture, la besogne que l’auteur, etc.. Point de transitions nécessaires. » (Eugène Delacroix, sa vie et ses œuvres, p. 433.)
  2. A rapprocher ce fragment détaché d’un album : « Il faut attribuer à la fresque le grand style des écoles italiennes. Le peintre remplace par l’idéal l’absence des détails. Il lui faut savoir beaucoup et oser encore plus. La fresque seule pouvait amener à l’exagération des Primatice et des Parmesan, dans une époque où la peinture sortant de ses langes devait encore être timide. Je crois, au reste, qu'à moins d’une organisation très rare et bien variée, il est presque impossible de réussir également dans l’un et l’autre genre. Je ne peux me figurer ce qu’eussent été les fresques de Rubens ; et les tableaux à l’huile de Raphaël se ressentent de cette hésitation qu’il a du éprouver à y introduire des détails que la fresque ne comporte pas, qu’elle bannit même. » (Eugène Delacroix, sa vie et ses œuvres, p. 413.)
  3. Voir t. III, p. 15.
  4. Voir t. I p. 383, et t. III, p. 86 et suiv.
  5. C’est une théorie chère à Delacroix. (Voir t. II, p. 238 et 246.)
  6. « Entre autres choses, ce qui fait le grand peintre, c’est la combinaison hardie d’accessoires qui augmente l’impression. Ces nuages qui volent dans le même sens que le cavalier emporté par son cheval, les plis de son manteau qui l’enveloppent ou flottent autour des flancs de sa monture. Cette association puissante… car qu’est-ce que composer ? c’est associer avec puissance… » (Eugène Delacroix, sa vie et ses œuvres, p. 421.)
  7. Ces notes étaient sans doute inscrites sur un carnet qui n’a pas été retrouvé.
  8. Voir t. III, p. 97.
  9. Voir t. III, p. 189.
  10. Voir t. I, p. 321 et 322.
  11. Sur une feuille volante, avec ce titre : Les manières, Delacroix écrivait : « Les lois de la raison et du bon goût sont éternelles, et les gens de génie n’ont pas besoin qu’on les leur apprenne. Mais rien ne leur est plus mortel que les prétendues règles, manières, conventions qu’ils trouvent établies dans les écoles, la séduction même que peuvent exercer sur eux des méthodes d’exécution qui ne sont pas conformes à leur manière de sentir et de rendre la nature. — On les condamne toujours au nom de ces manières en vogue, et non pas au nom de la raison et de la convenance. Ainsi Gros, par respect pour la manière de David, etc… On en voit l’influence sur Rubens lui-même : la vue des Carrache… Nul doute que la manière qui est sortie de leurs écoles, manière réduite tellement en principe qu’elle est devenue pendant deux cents ans et qu’elle est encore la règle de l’exécution en peinture, n’ait porté un coup mortel à l’originalité de bien des peintres. » (Eugène Delacroix, sa vie et ses œuvres, p. 422.)
  12. Les carnets de 1845 n’ont pas été retrouvés.