Journal (Eugène Delacroix)/14 juillet 1858

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 340-341).

14 juillet. — Dans Dumas : « La reine fut toujours femme : elle se glorifiait d'être aimée. » Certaines âmes ont cette aspiration vers la sympathie de tous ceux qui les entourent, et ce ne sont pas les âmes les moins généreuses en ce monde.

Après une promenade que le soleil me gâte toujours un peu, je suis monté fatigué à l'établissement pour la première fois et pour lire les journaux. Rentré chez moi et ressorti à quatre heures passées, et retrouvé ce maudit soleil qui m’a chassé de la musique que j’avais entendue de la route de Luxeuil. La vulgarité, l’inanité de cette musique suffisait déjà à me mettre en fuite. Le bon Possoz m’a mené avant-hier soir à la ferme Jacquot ; c’est une promenade charmante et où je ne rencontrerai personne.

Aujourd’hui, après dîner, sorti par la route d’Épinal. J’y ai fait des découvertes charmantes, des roches, des bois, et surtout des eaux, des eaux dont on ne peut se lasser. On éprouve un désir incessant de s’y plonger, d’être saint Jean, d’être l’arbre qui s’y baigne, d’être tout, excepté un malheureux homme malade et ennuyé.