Journal (Eugène Delacroix)/25 novembre 1853

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 280-281).

Vendredi 25 novembre. — Visite du ministre Fortoul et du préfet, à l’Hôtel de ville.

Le soir, ce terrible Dumas, qui ne lâche pas sa proie, est venu me relancer à minuit, son cahier de papier blanc à la main… Dieu sait ce qu’il va faire des détails[1] que je lui ai donnés sottement ! Je l’aime beaucoup, mais je ne suis pas formé des mêmes éléments, et nous ne recherchons pas le même but. Son public n’est pas le mien ; il y en a un de nous qui est nécessairement un grand fou.

Il me laisse les premiers numéros de son journal, qui est charmant.

  1. Ces détails sont probablement des détails biographiques pour les Mémoires de Dumas, qui contiennent sur Eugène Delacroix ce fragment auquel il convient de rendre justice pour son indépendance d’allure : « Delacroix, avec son Massacre de Scio, autour duquel se groupaient pour discuter, les peintres de tous les partis, Delacroix qui en peinture, comme Hugo en littérature, ne devait avoir que des fanatiques aveugles ou des détracteurs obstinés, Delacroix qui était déjà connu par son Dante traversant le Styx et qui devait toute la vie conserver ce privilège rare pour un artiste, de réveiller à chaque œuvre nouvelle les haines et les admirations : Delacroix, homme d’esprit, de science et d’imagination qui n’a qu’un travers, c’est de vouloir obstinément être le collègue de M. Picot et de M. Abel de Pujol, et qui par bonheur, nous l’espérons du moins, ne le sera pas. »