Journal (Eugène Delacroix)/27 juillet 1858

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 342-343).

27 juillet. — Départ de l’Empereur à sept heures. — Je continue ma promenade jusqu’au délicieux ruisseau de la route de Saint-Loup.

Je lis depuis trois ou quatre jours les Paysans de Balzac, après avoir été forcé de renoncer à Ange Pitou[1], de Dumas, excédé de cet incroyable mauvais. Le Collier de la Reine[2], plein des mêmes inconvénients et des mêmes intempérances, avait au moins des passages intéressants.

Les Paysans m’ont intéressé au commencement ; mais ils deviennent en avançant presque aussi insupportables que les bavardages de Dumas : toujours les mêmes détails lilliputiens, par lesquels il croit donner quelque chose de frappant à chacun de ses personnages. Quelle confusion et quelle minutie ! À quoi bon des portraits en pied de misérables comparses dont la multiplicité ôte tout l’intérêt de l’ouvrage ! Ceci n’est pas de la littérature, comme disait Mocquart l’autre jour. C’est comme tout ce qu’on fait : on marque tout, on épuise la matière et avant tout la curiosité du lecteur ; Balzac, que j’ai déjà jugé sur d’autres pièces analogues, est cependant de premier ordre, quoique plein des défauts que je viens de dire. Il veut tout dire aussi, et il le redit encore après.

  1. Ce roman, paru en 1853, est une suite de Joseph Balsamo et du Collier de la Reine.
  2. Cette deuxième partie des Mémoires d’un médecin avait paru en 1849-1850.