Journal (Eugène Delacroix)/6 octobre 1853

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 230-231).

Champrosay. — Jeudi 6 octobre. — Parti pour Champrosay à onze heures. J’ai eu cette fois deux fiacres pour me transporter et faire transporter mes bagages ; moyen préférable et plus économique que celui de la voiture du commissionnaire.

J’étais souffrant depuis plus d’une semaine. Dimanche, j’ai pris un froid aux oreilles qui m’a donné des douleurs dont je souffre encore : c’était pendant mon équipée du Jardin des Plantes. J’ai pu dire, en arrivant comme Tancrède, ce que je dis toujours en arrivant ici :

Qu’avec ravissement je revois ce séjour !

Avant dîner, le temps était fort beau, contre son habitude ; j’ai fait un grand tour de forêt au détriment de ma chaussure et de mon pantalon. Pris par l’allée qui mène au chêne Prieur ; mais, à moitié chemin, pris l’allée qui descend vers le milieu, pour tomber sur la grande route qui croise celle de l’Ermitage. Sentiment délicieux de la solitude et de l’indépendance, en rentrant dans mon ermitage et en m’attablant… Je l’ai bien éprouvé le lendemain, et j’espère qu’il sera ainsi tout le temps que je serai ici.