Journal (Eugène Delacroix)/8 août 1850

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 23-24).

Malines, jeudi 8 août. — Parti pour Alost, à sept heures. Rencontré Raisson[1] à la station. Cette vieille figure de camarade m’a fait plaisir. Il est un peu froid, et cela n’en vaut peut-être que mieux. Nous avons été ensemble jusqu’à Audeghen, où j’ai pris l’omnibus d’Alost. Les ennuis de ce petit voyage étaient sauvés par le sentiment de plaisir que me cause ce pays, et aussi par cette vie décousue qui a son charme.

Arrivé par la pluie, descendu chez la bonne dame de l’auberge des Trois Rois, pauvre auberge de commis marchands.

J’ai commencé par aller voir le tableau : j’ai vu tout de suite, quoi qu’on prétende qu’il a peu souffert, que son aspect lisse et jaune était l’effet de la restauration. Il y a au-dessous, sur l’autel, deux esquisses de Rubens, représentant saint Roch.

Revenu déjeuner à l’auberge et attendu l’heure de retourner. Enfin, passé deux heures seul dans l’église à faire un croquis.

J’ai été, dans ce voyage, la providence des bedeaux.

À trois heures, reparti en société de trois prêtres d’une gaieté remarquable. Ils ont l’air dans ce pays d’être tout à fait chez eux ; ils ont cet air heureux et confiant qui ne se rencontre pas, chez nous, chez les gens de cette robe.

  1. Horace Raisson (1798-1854), homme de lettres et journaliste, a été un des collaborateurs de Balzac. C’était un des plus anciens camarades de Delacroix, qui l’avait connu vers 1816. (Voir Catalogue Robaut, nos 62, 63, 192, 1469.)