L’histoire de Juliette/troisième partie

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JULIETTE,

OU

LES PROSPÉRITÉS DU VICE.






Il est tems, mes amis, de vous parler un peu de moi… et sur-tout de vous peindre mon luxe, fruit des plus terribles débauches, afin que vous puissiez le comparer à l’état d’infortune où se trouvait ma sœur, pour s’être avisée d’être sage. Vous tirerez de ces rapprochemens les conséquences que votre philosophie vous suggérera.

Le train de ma maison était énorme ; vous devez vous en douter, en voyant toutes les dépenses que j’étais obligée de faire pour mon amant : mais en laissant à part la multitude des choses exigées pour ses plaisirs, il me restait à moi un hôtel superbe à Paris, une terre délicieuse au-dessus de Sceaux, une petite maison des plus voluptueuses à la Barrière-Blanche, douze tribades, quatre femmes-de-chambre, une lectrice, deux veilleuses, trois équipages, dix chevaux, quatre valets choisis à la supériorité du membre, tout le reste des attributs d’une très-grande maison, et pour moi seule, plus de deux millions à manger par an, ma maison payée. Voulez-vous ma vie maintenant ?

Je me levais tous les jours à dix heures : jusqu’à onze, je ne voyais que mes amis intimes ; depuis lors jusqu’à une heure, grande toilette, à laquelle assistaient tous mes courtisans ; à une heure précise je recevais des audiences particulières pour les graces que l’on avait à me demander, ou le ministre, quand il était à Paris. À deux heures, je volais à ma petite maison, où d’excellentes appareilleuses me faisaient trouver régulièrement tous les jours quatre hommes et quatre femmes, avec qui je donnais la plus ample carrière à mes caprices. Pour que vous ayez une idée des objets que j’y recevais, qu’il vous suffise de savoir qu’il n’y entrait pas un individu qui ne me coûtât vingt-cinq louis au moins, et souvent le double ; aussi n’imagine-t-on pas ce que j’avais de délicieux et de rare, dans l’un et dans l’autre sexe : j’y ai vu plus d’une fois des femmes et des filles de la première naissance ; et je puis dire avoir goûté, dans cette maison, des voluptés bien douces, et des plaisirs bien recherchés. Je rentrais à quatre heures, et dînais toujours avec quelques amis. Je ne vous parle point de ma table : aucune maison de Paris n’était servie avec autant de splendeur, de délicatesse et de profusion. Il n’était jamais rien d’assez beau, ni d’assez rare : l’extrême intempérance dont vous me voyez, doit, je crois vous faire bien juger de cet objet. Je place l’une de mes plus grandes voluptés, dans ce léger vice ; et j’imagine que, sans les excès de celui-là, on ne jouit jamais bien des autres. J’allais ensuite ait spectacle ; où je recevais le ministre, si c’étaient ses jours.

À l’égard de ma garde-robe, de mes bijoux, de mes économies, de mon mobilier, quoiqu’il y eût à peine deux ans que je fusse avec monsieur de Saint-Fond, je ne vous dirai point trop, en évaluant ces objets à plus de quatre millions, dont deux en or dans ma cassette, devant lesquels j’allais quelquefois, à l’instar de Clairwil, me branler le con, en déchargeant sur cette idée singulière : J’aime le crime, et voilà tous les moyens du crime à ma disposition. Oh ! mes amis, qu’elle est douce cette idée, et que de foutre elle m’a fait perdre. Desirais-je un nouveau bijou, une nouvelle robe, mon amant, qui ne voulait pas me voir trois fois de suite les mêmes choses, me satisfaisait à l’instant… et tout cela sans exiger autre chose de moi que du désordre, de l’égarement, du libertinage, et les soins les plus excessifs aux arrangemens de ses débauches journalières. C’était donc en flattant mes goûts, que tous mes goûts se trouvaient servis ; c’était en me livrant à toute l’irrégularité de mes sens, que mes sens se trouvaient enivrés. Mais dans quelle situation morale tant d’aisance m’avait-il placée ? Voilà ce que je n’ose dire, mes amis, et ce dont il faut pourtant que je convienne avec vous. L’extrême libertinage, dans lequel je me plongeais tous les jours, avait tellement engourdi les ressorts de mon ame, qu’aidée des pernicieux conseils, dont j’étais abreuvée de toutes parts, je n’aurais pas, je crois détourné un sol de mes trésors, pour rendre la vie à un malheureux. À peu près vers ce tems, une disette affreuse se fit sentir dans les environs de ma terre ; tous les habitans furent réduits à la plus grande détresse : il y eut des scènes affreuses, des filles entraînées dans le libertinage, des enfans abandonnés, et plusieurs suicides ; on vint implorer ma bienfaisance ; je tins ferme, et colorai très-impertinemment mes refus, des dépenses énormes auxquelles m’avaient entraînée mes jardins. Peut-on donner l’aumône, disais-je insolemment, quand on fait faire des boudoirs de glaces au fond de ses bosquets, et qu’on garnit ses allées de Vénus, d’Amours et de Sapho ? En vain offrait-on à mes regards tranquilles, tout ce qu’on imaginait de plus propre à toucher ma sensibilité… Des mères éplorées, des enfans nuds, des spectres dévorés par la faim ; rien ne m’ébranlait, rien ne sortait mon ame de son assiette ordinaire, et l’on n’obtenait jamais de moi que des refus. Ce fut alors qu’en me rendant compte de mes sensations, j’éprouvai, ainsi que me l’avaient annoncé mes instituteurs, au lieu du sentiment pénible de la pitié, une certaine commotion produite par le mal que je croyais faire, en rejetant ces malheureux, et qui fit circuler dans mes nerfs une flamme à peu près semblable à celle qui nous brûle chaque fois que nous brisons un frein ou que nous subjuguons un préjugé. Je conçus dès-lors, combien il pouvait devenir voluptueux de mettre ces principes en action ; et ce fut de ce moment que je sentis bien, qu’aussi-tôt que le spectacle de l’infortune causée par le sort, pouvait être d’une sensualité si parfaite sur des âmes disposées ou préparées par des principes, comme ceux que l’on m’inculquait, le spectacle de l’infortune, causée par soi même, devrait améliorer cette jouissance ; et comme vous savez que ma tête va toujours bien loin, vous n’imaginez pas ce que je conçus de possible et de délicieux sur cela. Le raisonnement était simple ; je sentais du plaisir au seul refus de mettre l’infortune dans une situation heureuse ; que n’éprouverai-je donc pas, si j’étais moi-même la cause première de cette infortune. S’il est doux de s’opposer au bien, me disais-je, il doit être délicieux de faire le mal. Je rappelai, je flattai cette idée, dans ces momens dangereux où le physique s’embrase aux voluptés de l’esprit… Instans où l’on se refuse d’autant, qu’alors rien ne s’oppose à l’irrégularité des vœux ou à l’impétuosité des desirs, et que la sensation reçue, n’est vive qu’en raison de la multitude des freins que l’on brise, ou de leur sainteté. Le songe évanoui ; si l’on redevenait sage, l’inconvénient serait médiocre ; c’est l’histoire des torts de l’esprit. On sait bien qu’ils n’offensent personne ; mais on va plus loin malheureusement. Que sera-ce, ose-t-on se dire, que la réalisation de cette idée, puisque son seul frottement sur mes nerfs, vient de les émouvoir si vivement ; on vivifie la maudite chimère, et son existence est un crime.

Il y avait à un quart de lieue de mon château, une malheureuse chaumière appartenant à un paysan fort pauvre, qui se nommait Martin-des-Granges, père de huit enfans, et possédant une femme que l’on pouvait appeler un trésor par sa sagesse et son économie ; croiriez-vous que cet asyle du malheur et de la vertu, excita ma rage et ma scélératesse. Il est donc vrai que c’est une chose délicieuse que le crime ; il est donc certain que c’est au feu dont il nous embrâse, que s’allume le flambeau de la lubricité… qu’il suffit seul à l’éveiller en nous, et que pour donner à cette délicieuse passion tout le degré d’activité possible sur nos nerfs, il n’est besoin que du crime seul.

Elvire et moi nous avions porté du phosphore de Boulogne, et j’avais chargé cette fille leste et spirituelle, d’amuser toute la famille, pendant que je fus le placer adroitement dans la paille d’un grenier qui se trouvait au-dessus de la chambre de ces malheureux ; je reviens, les enfans me caressent, la mère me raconte avec bonhomie tous les petits détails de sa maison. Le père veut que je me rafraîchisse ; il s’empresse à me recevoir de son mieux… rien de tout cela ne me désarme, je ne suis attendrie par rien ; je m’interroge, et loin de cette fastidieuse émotion de la pitié, je n’éprouve qu’un chatouillement délicieux dans toute mon organisation : le plus chetif attouchement m’aurait fait décharger dix fois. Je redouble mes caresses à toute cette intéressante famille, dans le sein de laquelle je viens apporter le meurtre ; ma fausseté est au comble, plus je trahis, et mieux je bande. Je donne des rubans à la mère, des bonbons aux enfans ; nous revenons ; mais mon délire est tel, que je ne puis rentrer chez moi, sans prier Elvire de soulager l’état terrible dans lequel je suis. Nous nous enfonçons dans un taillis, je me trousse, j’écarte les cuisses… elle me branle… À peine m’a-t-elle touchée que je décharge ; jamais encore je ne m’étais trouvée dans un égarement si terrible ; Elvire, qui ne se doutait de rien, ne savait comment interprêter l’état où elle me voyait… Branle… branle… lui dis-je, en suçant sa bouche, je suis dans une prodigieuse agitation ce matin ; donne-moi ton con, que je le chatouille aussi, et noyons-nous dans des flots de foutre… Et qu’est-ce donc que madame vient de faire ; — des horreurs… des atrocités, et le sperme coule bien délicieusement lorsque ses flots s’élancent au sein de l’abomination ; branle-moi donc, Elvire, il faut que je décharge. Elle se glisse entre mes jambes, elle me suce… Oh foutre ! lui criai-je, que tu as raison, tu vois que j’ai besoin de grands moyens… tu les emploies… et j’inonde ses lèvres… Nous rentrâmes, j’étais dans un état qui ne peut se peindre, il me semblait que tous les désordres…, tous les vices s’armaient à la fois pour venir débaucher mon cœur ; je me sentais dans une espèce d’ivresse… dans une sorte de rage ; il n’était rien que je n’eusse fait, aucune luxure dont je ne me fusse souillée. J’étais désolée de n’avoir atteint qu’une si petite portion de l’humanité, j’aurais voulu que la nature entière eut pu se ressentir des égaremens de ma tête ; je fus me jeter nue sur le sopha d’un de mes boudoirs, et j’ordonnai à Elvire de m’amener tous mes hommes, en leur recommandant de faire de moi tout ce qu’ils voudraient, pourvu qu’ils m’invectivassent et me traitassent comme une putain. Je fus maniée, plottée, battue, souffletée ; mon con, mon cul, mon sein, ma bouche, tout servit ; je desirais d’avoir vingt autels de plus à présenter à leur offrande. Quelques-uns amenèrent des camarades que je ne connaissais pas, je ne refusai rien, je me rendis la coquine de tous, et je perdis des torrens de foutre, au milieu de toutes ces luxures. Un de ces grossiers libertins… je leur avais tout permis, s’avise de dire que ce n’était pas sur des canapés qu’il voulait me foutre, mais dans la fange… Je me laisse traîner par lui sur un tas de fumier, et me prostituant là comme une truie, je l’excite à m’humilier davantage encore. Le vilain le fait, et ne me quitte qu’après m’avoir chié sur le visage… Et j’étais heureuse ; plus je me vautrais dans l’ordure et dans l’infamie, plus ma tête s’embrâsait de luxure, et plus augmentait mon délire. En moins de deux heures je fus foutue plus de vingt coups, pendant qu’Elvire me branlait toujours… et rien… non rien n’appaisait l’état cruel où me plongeait l’idée du crime que je venais de commettre. Remontée dans mon boudoir, nous appercevons l’atmosphère éclaircie. Oh madame, me dit Elvire, en ouvrant une fenêtre… regardez donc… le feu… le feu où nous avons été ce matin… et je tombe presqu’évanouie… Restée seule avec cette belle fille, je la conjure de me branler encore… Sortons, lui dis-je… je crois que j’entends des cris ; allons savourer ce délicieux spectacle… Elvire, il est mon ouvrage, viens t’en rassasier avec moi… Il faut que je voye tout, il faut que j’entende tout, je ne veux pas que rien m’échappe. Nous sortons… toutes deux échevelées, froissées, enivrées ; nous ressemblions à des bacchantes, À vingt pas de cette scène d’horreur, derrière un petit tertre qui nous déguisait aux regards des autres, sans nous empêcher de rien voir, je retombe dans les bras d’Elvire presqu’autant agitée que moi : nous nous branlons à la lueur des flammes homicides, qu’allumait ma férocité… aux cris aigus du malheur et du désespoir que faisait pousser ma luxure, et j’étais la plus heureuse des femmes.

Nous nous levons enfin pour analiser mon forfait : je vois avec douleur que deux victimes me sont échappées ; je reconnais les autres cadavres, je les retourne avec le pied : ces individus vivaient ce matin, me dis-je… J’ai tout détruit dans quelques heures… tout cela pour perdre mon foutre… Et voilà donc ce que c’est que le meurtre !… Un peu de matière désorganisée… quelques changemens dans les combinaisons, quelques mollécules rompues et replongées dans le creuset de la nature, qui les rendra dans quelques jours sous une autre forme à la terre : et où donc est le mal à cela ? Une femme, un enfant, sont-ils donc plus chers à la nature, que des mouches ou des vermisseaux ? Si j’ôte la vie à l’un, je la donne à l’autre : où est donc l’offense que je lui fais ! Cette petite révolte de mon esprit

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contre mon cœur commotionna vivement les globules électriques de mes nerfs, et mon con mouille encore une fois les doigts de ma tribade. Si j’avais été toute seule, je ne sais pas d’honneur jusqu’où j’aurais porté les effets de mon déréglement. Aussi cruelle que les caraïbes, j’aurais peut-être dévoré mes victimes ; elles étaient là… jonchées : le père et l’un de ses enfans s’étaient seuls échappés ; la mère et les sept autres étaient sous mes yeux ; et je me disais, en les observant… en les touchant même… c’est moi qui viens de consommer ces meurtres ; ils sont mon unique ouvrage ; et je déchargeais encore… Pour la maison, il n’en restait plus de vestiges ; à peine se doutait-on de la place qu’elle avait occupée.

Eh bien ! croiriez-vous, mes amis, que, lorsque je racontai cette histoire à Clairwil, elle m’assura que je n’avais fait qu’effleurer le crime, et que je m’étais conduite comme une poltrone.

Il y a trois ou quatre fautes graves, me dit-elle, dans l’exécution de cette aventure ; premièrement (et je vous rends tout ceci, pour que vous jugiez mieux le caractère de cette étonnante femme) premièrement, dit-elle, tu as manqué de conduite, et si malheureusement quelqu’un fût venu… à ton désordre… à tes mouvemens, on t’aurait jugé criminelle : prends garde à cette faute ; tout ce que tu voudras d’ardeur au dedans, mais le plus grand flegme au dehors. Quand tu resserreras ainsi les effets lubriques, ils auront plus d’activité.

2°. Ta tête n’a pas conçu la chose en grand ; car tu conviendras qu’ayant sous tes fenêtres un bourg immense et sept ou huit gros villages aux environs, il y a de la sagesse… de la pudeur à n’aller s’égarer que sur une seule maison et dans un endroit bien isolé… de crainte que les flammes, en se propageant, n’augmentent l’étendue de ton petit forfait : on voit que tu as frémis en exécutant. Voilà donc une jouissance manquée, car celles du crime ne veulent pas de restriction ; je les connais ; si l’imagination n’a pas tout conçu, si la main n’a pas tout exécuté, il est impossible que le délire ait été complet, parce qu’il reste toujours un remords… Je pouvais, faire davantage, je ne l’ai pas fait. Et les remords de la vertu sont pis que ceux du crime : lorsqu’on est dans le train de la vertu et que l’on a fait une mauvaise action, on imagine toujours que la multitude des bonnes œuvres effacera cette tache, et comme on se persuade aisément ce qu’on desire, on finit par se calmer ; mais celui qui, comme nous, s’achemine à grand pas dans la carrière du vice, ne se pardonne jamais une occasion manquée, parce que rien ne le dédommage ; la vertu ne vient pas à son secours ; et la résolution qu’il forme de faire quelque chose de pis, en échauffant davantage sa tête sur le mal, ne le consolera sûrement pas de l’occasion qu’il a manqué d’en faire.

À ne considérer ton plan d’ailleurs que dans le rétréci, poursuivit Clairwil, il y a encore une grande faute, car j’aurais fait poursuivre des Granges, moi ; il était dans le cas d’être brûlé comme incendiaire, et tu sens bien qu’à ta place, je ne l’aurais sûrement pas manqué : quand le feu prend à la maison d’un homme en sous-ordre comme celui-là, dans ta terre, ne sais-tu donc pas que tu es en droit de faire vérifier par tes gens de justice si ce n’est pas lui qui est coupable : qui t’a dit que cet homme ne voulait pas se défaire de sa femme et de ces enfans, pour aller gueuser hors du pays ; dès qu’il tournait le dos, il fallait le faire arrêter comme fuyard, et comme incendiaire, le livrer à ta justice ; avec quelques louis, tu trouvais des témoins, Elvire elle-même t’en servait ; elle déposait que le matin elle avait vu cet homme errer dans son grenier, d’un air insensé, qu’elle l’avait interrogé, qu’il n’avait pu répondre à ses questions ; et dans huit jours, on serait venu te donner le spectacle voluptueux de brûler ton homme à ta porte : que cette leçon te serve, Juliette, ne conçois jamais le crime sans l’étendre ; et quand tu es dans l’exécution, embellis encore tes idées.

Voilà, mes amis, les cruelles additions que Clairwil eût désiré me voir mettre au délit que je lui avouais, et je ne vous cache pas que, profondément frappée de ses raisons, je me promis bien de ne plus retomber dans des fautes si graves. La fuite du paysan me désolait sur-tout, et je ne sais ce que j’aurais donné pour le voir rôtir à ma porte ; je ne me suis jamais consolé de cette fuite.

Enfin le jour de ma réception au club de Clairwil arriva. On appellait cette réunion : La Société des Amis du Crime. Dès le matin, mon introductrice m’apporta les statuts de l’assemblée : je les crois assez curieux pour vous les montrer. Les voici.

Statuts de la Société des Amis du Crime.

La Société se sert du mot crime, pour se conformer aux usages reçus, mais elle déclare qu’elle ne désigne ainsi aucune espèce d’action de quelque sorte qu’elle puisse être. Pleinement convaincue que les hommes ne sont pas libres, et qu’enchaînés par les loix de la nature, ils sont tous esclaves de ces loix premières, elle approuve tout, elle légitime tout, et regarde comme ses plus zélés sectateurs, ceux qui sans aucun remords se seront livrés à un plus grand nombre de ces actions vigoureuses, que les sots ont la faiblesse de nommer crime, parce qu’elle est persuadée qu’on sert la nature en se livrant à ces actions, qu’elles sont dictées par elle, et que ce qui caractériserait vraiment un crime, serait la résistance que l’homme apporterait à se livrer à toutes les inspirations de la nature, de telle espèce qu’elle puisse être. En conséquence, la Société protège tous ses membres ; elle leur promet à tous secours, abri, refuge, protection, crédit, contre les entreprises de la loi ; elle prend sous sa sauve-garde tous ceux qui l’enfreignent, et se regarde comme au-dessus d’elle, parce que la loi est l’ouvrage des hommes, et que la société, fille de la nature, n’écoute et ne suit que la nature.

1°. Il n’y aura aucune distinction parmi les individus qui composent la société, non qu’elle croye tous les hommes égaux aux yeux de la nature ; elle est loin de ce préjugé populaire, fruit de la faiblesse et de la fausse philosophie, mais elle est persuadée que toute distinction serait gênante dans les plaisirs de la Société, et qu’elle les troublerait nécessairement tôt ou tard[1].

2°. L’individu qui veut être reçu dans la société, doit renoncer à toute religion de quelqu’espèce qu’elle puisse être ; il doit s’attendre à des épreuves qui constateront son mépris pour ces cultes humains et leur chimérique objet ; le plus petit retour de sa part, à ces bêtises, lui vaudra, sur-le-champ, l’exclusion.

3°. La société n’admet point de Dieu ; il faut faire preuve d’athéisme pour y entrer ; le seul Dieu qu’elle connaisse est le plaisir ; elle sacrifie tout à celui-là ; elle admet toutes les voluptés imaginables ; elle trouve bon tout ce qui délecte ; toutes les jouissances sont autorisées dans son sein : il n’en est aucune qu’elle n’encense, aucune qu’elle ne conseille et ne protège.

4°. La société brise tous les nœuds du mariage et confond tous ceux du sang ; on doit jouir indifféremment, dans ses foyers, de la femme de son prochain comme de la sienne ; de son frère, de sa sœur, de ses enfans, de ses neveux, comme de ceux des autres ; la plus légère répugnance à ces règles, est un titre puissant d’exclusion.

5°. Un mari est obligé de faire recevoir sa femme ; un père, son fils ou sa fille ; un frère, sa sœur ; un oncle, son neveu ou sa nièce, etc.

6°. On ne reçoit personne dans la société qui ne prouve, au moins, vingt-cinq mille livres de rente, attendu que les dépenses annuelles sont de dix mille francs par individu. Sur cette masse se prennent toutes les dépenses de la maison, ceux du loyer, des sérails, des voitures, des bureaux, des assemblées, des soupers, de l’illumination ; et quand le trésorier a de l’argent de reste au bout de l’année, il se partage entre les frères ; si les dépenses ont excédé la recette, on se cottise pour rembourser le trésorier, toujours cru sur sa parole.

7°. Vingt artistes ou gens de lettres seront reçus au prix modique de mille livres par an ; la société protectrice des arts, veut leur décerner cette espèce de déférence ; elle est fâchée que ses moyens ne lui permettent pas d’admettre, à ce médiocre prix, un beaucoup plus grand nombre d’hommes, dont elle fera toujours tant d’estime.

8°. Les amis de cette société, unis comme on l’est au sein d’une famille, partagent toutes leurs peines comme tous leurs plaisirs ; ils s’aident et se secourent mutuellement dans toutes les différentes situations de la vie ; mais toutes aumônes, charités, secours donnés à des veuves, orphelins ou indigens sont absolument défendus, et dans la société et aux personnes de la société ; tout membre seulement soupçonné de ces prétendus bonnes œuvres, sera exclu.

9°. Il y aura toujours en réserve une somme de trente mille livres pour l’utilité d’un membre que la main du sort aurait plongé dans quelque mauvais cas.

10°. Le président est élu au scrutin, et n’est jamais qu’un mois en exercice ; il est pris, tantôt dans un sexe, tantôt dans un autre, et préside douze assemblées ; il y en a trois par semaine ; son unique emploi est de faire respecter les lois de la société, de maintenir la correspondance exécutée par un comité permanent dont le président est le chef. Le trésorier et les deux secrétaires de l’assemblée sont membres de ce comité ; mais les secrétaires se renouvellent tous les mois comme le président.

11°. Chaque séance s’ouvre par un discours, ouvrage de l’un des membres ; l’esprit de ce discours est toujours contraire aux mœurs et à la religion ; s’il en mérite la peine, il est imprimé sur-le-champ aux frais de la société, et mis dans ses archives.

12°. Dans les heures consacrées à la jouissance, tous les frères et toutes les sœurs sont nuds ; ils se mêlent, ils jouissent indistinctement, et jamais un refus ne pourra soustraire un individu aux plaisirs d’un autre. Celui qui sera choisi, doit se prêter, doit tout faire : n’a-t-il pas le même droit l’instant d’après. Un individu qui se refuserait aux plaisirs de ses frères, y serait contraint par la force et chassé après.

13°. Dans le sein de l’assemblée, aucune passion cruelle, excepté le fouet, donné simplement sur les fesses, ne pourra s’exercer ; il est des sérails dépendans de la société, et dans lesquels les passions féroces pourront avoir le cours le plus entier ; mais au sein de ses frères, il ne faut que des voluptés crapuleuses, incestueuses, sodomistes et douces.

14°. La plus grande confiance est établie parmi les frères ; ils doivent entr’eux s’avouer leurs goûts, leurs faiblesses, jouir de leurs confidences, et y trouver un aliment de plus à leurs plaisirs. Un être qui trahirait les secrets de la société, ou qui reprocherait à l’un de ses frères les faiblesses ou les passions qui ont le bonheur de sa jouissance, serait exclu sur-le-champ.

15°. Près de la salle publique des jouissances, sont les cabinets secrets, où l’on peut se retirer pour se livrer solitairement à toutes les débauches du libertinage ; on peut y passer en tel nombre que l’on veut, on y trouve tout ce qui est nécessaire ; et dans chaque, une jeune fille et un jeune garçon prêts à exécuter toutes les passions des membres de la société, et même celles qui ne sont permises que dans l’intérieur des sérails, parce que ces enfans étant de la même espèce que ceux que l’on livre aux sérails, et en dépendant même, peuvent être traités comme eux.

16°. Tous les excès de table sont autorisés ; on donnera tout secours et toute assistance à un frère qui s’y sera livré ; tous les moyens possibles sont fournis dans l’intérieur pour y satisfaire.

17°. Aucune flétrissure juridique, aucun mépris public, aucune diffamation n’empêchera d’être reçu dans la société. Ses principes étant basés sur le crime, comment, ce qui vient du crime, pourrait-il jamais entraver ? Ces individus, rejetés du monde, trouveront des consolations et des amis dans une société qui les considérera, et qui les admettra toujours de préférence. Plus un individu sera mésestimé dans le monde, plus il plaira à la société ; ceux de ce genre, seront élus présidens dès le même jour de leur réception, et admis dans les sérails sans noviciat.

18°. Il y a une confession publique aux quatre grandes assemblées générales, lesquelles se tiennent aux époques appelées par les catholiques les quatre plus grandes fêtes de l’année : là, chacun est obligé d’avouer à haute et intelligible voix, généralement tout ce qu’il a fait : si sa conduite est pure, il est blâmé ; on le comble de louanges si elle est irréguliere : est-elle horrible, s’est-il couvert de forfaits et d’exécration, il est récompensé ; mais dans ce cas, il doit produire des témoins. Les prix s’élèvent toujours à dix mille francs, toujours pris sur la masse.

19°. Le local de la société, qui ne doit être connu que de ses membres, est d’une grande beauté ; de superbes jardins l’environnent. L’hiver il y a grand feu dans les salles. L’heure de la réunion est depuis cinq heures du soir, jusqu’à midi du lendemain.

Vers minuit, on y sert un superbe repas, et des rafraîchissemens tout le reste du tems

20°. Tous les jeux possibles sont défendus dans la société ; occupée de délassemens plus agréables à la nature, elle dédaigne tout ce qui s’écarte des divines passions du libertinage, les seules en possession d’électriser l’homme.

21°. Le récipiendaire, de quelque sexe qu’il soit, est, pendant un mois, au noviciat ; il est, tout ce tems, aux ordres de la société ; il en est comme le plastron, et ne peut pas entrer aux sérails, ni être admis à aucune place. Il y a peine de mort prononcée contre lui, s’il s’avisait de se refuser à telles propositions qui pourraient lui être faites.

22°. Toutes les places s’élisent au scrutin secret ; les cabales sont sévèrement défendues. Ces places sont celle de la présidence, les deux du secrétariat, celle de la censure, celles des deux directions des sérails, celle du trésorier, du maître-d’hôtel, des deux médecins, des deux chirurgiens, de l’accoucheur, de la direction de la secrétairerie, dont le chef a sous lui, les écrivains, les imprimeurs, le réviseur et le censeur des ouvrages, et l’inspecteur général des billets d’entrée.

23°. On ne reçoit point de sujets au-delà de quarante ans, pour les hommes, et de trente-cinq ans pour les femmes ; mais ceux qui vieillissent dans la société, peuvent y rester toute leur vie.

24°. Tout membre que l’on n’aura pas vu d’un an dans la société, en sera exclu, sans que ses emplois publics ou ses charges puissent légitimer ses absences.

25°. Tout ouvrage contre les mœurs ou la religion, présenté par un membre de la société, soit qu’il l’ait composé ou non, sera, sur-le-champ, déposé à la bibliothèque de la maison, et l’on récompensera celui qui l’aura offert, en raison du mérite de l’ouvrage, et de sa part qu’il y aura.

26°. Les enfans faits dans la société, seront aussitôt placés dans la maison du noviciat des sérails, pour en devenir membres, dès qu’ils auront atteint l’âge de dix ans, pour les garçons, de sept pour les filles.

Mais une femme ou une fille qui serait sujette à faire des enfans, serait promptement exclue. La propagation n’est nullement l’esprit de la société ; le véritable libertinage abhorre la progéniture ; la société le réprime donc ; les femmes dénonceront les hommes assujétis à cette manie, et si l’on les reconnait incorrigibles, ils seront également priés de se retirer bientôt.

27°. Les fonctions du président sont de veiller à la police générale de l’assemblée Il a sous lui le censeur ; tous deux doivent maintenir le calme, la tranquillité, les caprices des agens, la soumission des patiens, le silence, modérer les rires, les conversations, tout ce qui n’est pas enfin dans l’esprit du libertinage, ou tout ce qui y nuit. Il a, pendant sa présidence, la grande inspection sur les sérails. Dans le cours de sa séance, il ne peut quitter le bureau sans s’y faire remplacer par son devancier.

28°. Les juremens, et sur-tout les blasphêmes, sont autorisés ; on peut les employer à tous propos. On ne doit jamais se parler entre-soi qu’en se tutoyant.

29°. Les jalousies, les querelles, les scènes ou propos d’amour, sont absolument défendus : tout cela nuit au libertinage, et l’on ne doit s’occuper là, que de libertinage.

30°. Tout tapageur, tout duéliste, sera exclus sans miséricorde. La poltronnerie y sera reverée comme à Rome, Le poltron vit en paix avec les hommes. Il est d’ailleurs assez communément libertin, c’est le sujet qu’il faut à la société.

31°. Jamais le nombre des membres ne pourra être au-dessus de quatre cents ; et l’on le maintiendra toujours, le plus possible, en égalité de sexe.

32°. Le vol est permis dans l’intérieur de la société ; mais le meurtre ne l’est que dans les sérails.

33°. Un membre n’aura pas besoin d’apporter les meubles nécessaires au libertinage ; la maison fournira ces objets avec abondance, choix et propreté.

34°. Nulles infirmités dégoûtantes ne seront souffertes. Quelqu’un qui se présenterait, affligé de cette manière, ne serait assurément pas reçu. Et si de pareils maux survenaient à des membres déjà reçus, ils seraient priés de donner leur démission.

35°. Un membre attaqué du mal vénérien, sera contraint à se retirer, jusqu’à son entier rétablissement, attesté par les médecins et chirurgiens de la maison.

36°. Aucun étranger ne sera reçu, pas même les habitans de la province. Cet établissement n’existe absolument que pour les personnes domiciliées à Paris ou dans la banlieue.

37°. Les titres de naissance ne feront rien pour l’admission ; il ne s’agira que de prouver que l’on a le bien nécessaire et indiqué ci-dessus. Telle jolie que puisse être une femme, elle ne sera point reçue, si elle ne prouve la fortune requise. Il en sera de même d’un jeune homme, quelque beau qu’il puisse être.

38°. La beauté, ni la jeunesse, n’ont aucun droit exclusif dans la société ; les droits détruiraient bientôt l’égalité de mœurs, qui doit y régner.

39°. Il y a peine de mort contre tout membre qui révélerait les secrets de la société ; il sera poursuivi par-tout, aux frais d’icelle.

40°. L’aisance, la liberté, l’impiété, la crapule, tous les excès du libertinage, tous ceux de la débauche, de la gourmandise, de ce qu’on appele en un mot, la saleté de la luxure, régneront impérieusement dans cette assemblée.

41°. Il y aura toujours cent frères servans en activité, soudoyés par la maison, qui, tous jeunes et jolis, pouront être employés comme patiens, aux scènes libidineuses ; mais ils n’y joueront jamais d’autres rôles. La société possède à ses ordres seize équipages, deux écuyers, et cinquante valets extérieurs. Elle a une imprimerie, douze copistes et quatre lecteurs, sans comprendre ici tout ce que nécessitent les sérails.

42°. Aucune arme, aucun bâton ne seront tolérés, dans les salles destinées aux jouissances. Tout se laisse en entrant dans une vaste antichambre, où des femmes sûres vous déshabillent, et vous répondent de vos vêtemens. Il y a aux environs de la salle, plusieurs cabinets d’aisances, servis par des jeunes filles et des jeunes garçons, obligés de se prêter à toutes les passions, et de la même espèce de ceux qui sont dans les sérails ; ils tiennent là des seringues, des bidets, des lieux à l’anglaise, des linges très-fins, des odeurs, et généralement tout ce qui est nécessaire, avant, après le besoin, ou pendant qu’on y procède. Leur langue après est à votre service.

43°. Il est absolument défendu de s’immiscer dans les affaires du gouvernement. Tout discours de politique est expressément interdit. La société respecte le gouvernement sous lequel elle vit ; et si elle se met au-dessus des loix. C’est parce qu’il est dans ses principes, que l’homme n’a pas le pouvoir de faire des loix, qui gênent et contrarient celles de la nature, mais les désordres de ses membres, toujours intérieurs, ne doivent jamais scandaliser, ni les gouvernés, ni les gouvernans.

44°. Deux sérails sont affectés aux membres de la société, et leurs bâtimens forment les deux ailes de la grande maison, l’un est composé de trois cents jeunes garçons, depuis sept ans jusqu’à vingt-cinq ; l’autre, d’un pareil nombre de filles, de cinq ans à vingt-un. Ces sujets varient perpétuellement, et il n’y a pas de semaine où l’on ne réforme au moins trente sujets de chaque sérail, afin de procurer plus d’objets nouveaux aux membres de la société : près de là, est une maison où l’on élève quelques sujets destinés à des remplacemens ; soixante maquerelles sont chargées de ces renouvellemens ; et il y a, comme on l’a dit, un inspecteur à chaque sérail. Ces sérails sont commodes, bien distribués ; on y fait absolument tout ce que l’on veut ; les passions les plus féroces s’y exécutent ; tous les membres de la société y sont admis sans payer ; les meurtres seuls s’y payent cent écus par sujet. Ceux des membres qui veulent souper là sont les maîtres ; les cartes pour y entrer sont distribuées par le président, qui ne peut jamais les refuser à tout membre ayant fait son mois de noviciat. La plus grande subordination des sujets règne dans les sérails, les plaintes que l’on aurait à faire du défaut de soumission ou de complaisance seront sur-le-champ portées à l’inspecteur de ce sérail ou au président, et l’on punit, aussitôt le sujet de la peine prononcée par vous, et que vous avez le droit d’infliger vous même, si cela vous amuse. Il y a douze cabinets de supplice par sérail, où rien ne manque de ce qui peut plonger la victime dans les tourmens les plus féroces et les plus monstrueux. On peut mêler les sexes et conduire à volonté des hommes chez les femmes, ou celles-ci chez les hommes. Il y a aussi douze cachots par chaque sérail pour ceux qui se plaisent à y laisser languir des victimes. Il est défendu de conduire, ni chez soi, ni dans les salles, aucun des sujets de ces deux sérails. On trouve également dans ces pavillons, des animaux de toutes les espèces, pour ceux qui sont adonnés au goût de la bestialité : c’est une passion simple et dans la nature ; il faut la respecter comme les autres. Trois plaintes, contre un même sujet, suffisent à le faire renvoyer. Trois demandes de mort suffisent à l’en faire punir sur-le-champ. Il y a, dans chaque sérail, quatre bourreaux, quatre geoliers, huit fustigateurs, quatre écorcheurs, quatre sage-femmes, et quatre chirurgiens, aux ordres des membres, qui, dans leurs passions, pourraient avoir besoin du ministère de pareils personnages ; bien entendu que les sages-femmes et les chirurgiens ne sont là que pour des supplices, et nullement pour des soins à rendre. Dès qu’un sujet a le plus léger symptôme de maladie, il est envoyé à l’hôpital, et ne rentre plus à la maison. Les deux sérails sont environnés de hauts-murs. Toutes les fenêtres en sont grillées, et jamais les sujets ne sortent. Entre le bâtiment et le haut-mur environnant, est un intervalle de dix pieds, formant une allée plantée de cyprès, où les membres de la société font quelquefois descendre les sujets, pour se livrer avec eux, dans cette promenade solitaire, à des plaisirs plus sombres et souvent plus affreux. Aux pieds de quelques-uns de ces arbres, sont ménagés des trous où la victime peut à l’instant disparaître : on soupe quelquefois sous ces arbres, quelquefois dans ces trous même : il y en a d’extrêmement profonds, où l’on ne peut descendre que par des escaliers secrets, et dans lesquels on peut se livrer à toutes les infamies possibles avec le même calme, le même silence que si l’on était dans les entrailles de la terre.

45°. Nul ne peut être reçu sans signer préalablement, et le serment qu’on lui fait prononcer, et les obligations imposées à son sexe.

L’heure arrivée, nous partîmes. J’étais parée comme la déesse du jour ; Clairwil, comme jouant le rôle de ma maraine, était mise avec une coquetterie moins jeune ; elle me prévint, en route, de l’extrême docilité que je devais apporter à tous les desirs des membres de la société, et me dit aussi de ne point m’impatienter si je ne pouvais, comme novice, participer d’un mois aux plaisirs du sérail.

La maison se trouvant dans un des faubourg le plus désert et le moins peuplé de Paris, nous fûmes près d’une heure en chemin. Le cœur me battit dès que je vis la voiture entrer dans une cour très-sombre, absolument entourée de grands arbres, et dont les portes se refermèrent aussi-tôt sur nous. Un écuyer vint nous recevoir à la descente de notre voiture, et nous introduisit dans la salle. Clairwil fut obligée de se mettre nue : je ne devais me déshabiller qu’en cérémonie. Le local me parut superbe et magnifiquement éclairé : nous ne pûmes arriver qu’en marchant sur un grand crucifix tout parsemé d’hosties consacrées, au bout duquel était la bible, qu’il fallait de même fouler aux pieds. Vous croyez bien qu’aucune de ces difficultés ne m’arrêtât.

Je pénétrai. C’était une fort belle femme de trente-cinq ans qui présidait, elle était nue, magnifiquement coëffée ; ce qui l’entourait au bureau, était également nud : il y avait deux hommes et une femme. Plus de trois cents personnes, étaient déjà réunies et nues : on enconnait, on se branlait, on se fouettait, on se gamahuchait, on se sodomisait, on déchargeait, et tout cela dans le plus grand calme ; on n’entendait aucune autre espèce de bruit que celle nécessitée par les circonstances. Quelques-uns se promenaient doubles ou seuls ; beaucoup examinaient les autres et se branlaient lubriquement en face des tableaux. Il y avait plusieurs grouppes ; quelques-uns même formés de huit ou dix personnes ; beaucoup, d’hommes seuls avec des hommes ; beaucoup, de femmes entièrement livrées à des femmes ; plusieurs femmes entre deux hommes ; et plusieurs hommes occupant deux ou trois femmes. Des parfums extrêmement agréables brûlaient dans de grandes cassolettes et répandaient des vapeurs énivrantes qui plongeaient, malgré soi, dans une sorte de langueur voluptueuse. Je vis plusieurs personnes sortir ensemble des cabinets d’aisance. Au bout d’un instant, la présidente se leva et prévint, à basse voix, qu’on lui prêtât, quand on pourrait, un moment d’attention. Quelques minutes après tout le monde m’entoura ; je n’avais été de ma vie tant examinée ; chacun prononçait, et j’ose dire que je ne recueillis de tout cela que des éloges ; de grands complots, de grands projets se formèrent sur moi et autour de moi, et je frémis d’avance de l’obligation où j’allais être de me prêter à tous les desirs que faisaient naître ma jeunesse et mes charmes. Enfin la présidente me fit monter sur une estrade en face d’elle ; et là, séparée par une balustrade de toute l’assemblée, elle ordonna que l’on me mit nue : deux frères servans arrivèrent, et dans moins de trois minutes, il ne me resta pas un vêtement sur le corps. J’avoue qu’un peu de honte s’empara de moi, lorsque les frères, en se retirant, m’exposèrent absolument nue aux yeux de l’assemblée ; mais les nombreux applaudissemens, que j’entendis, me rendirent bientôt toute mon impudence. Telles furent les questions que m’adressa la présidente ; j’y joins mes réponses.

Promettez-vous de vivre éternellement dans les plus grands excès du libertinage ? — Je le jure.

Toutes les actions luxurieuses, même les plus exécrables, vous paraissent-elles simples et dans la nature ? — Je les vois toutes comme indifférentes à ses yeux.

Les commettriez-vous toutes au plus léger desir de vos passions ? — Oui, toutes.

Protestez-vous, de vous conformer exactement à tout ce qui vous a été lu par votre marraine, dans les Statuts de la Société ? et vous soumettez-vous aux peines portées par ces Statuts, si vous devenez réfractaire ? — Je jure et promets tout ce qui est contenu dans cet article.

Êtes-vous mariée ? — Non.

Êtes-vous pucelle ? — Non.

Avez-vous été enculée ? — Souvent.

Foutue en bouche ? — Souvent.

Fouettée ? — Quelquefois.

Comment vous appelez-vous ? — Juliette.

Quel âge avez-vous ? — Dix-huit ans.

Vous êtes-vous branlée avec des femmes ? — Souvent.

Avez-vous commis des crimes ? — Plusieurs.

Avez-vous volé ? — Oui.

Avez-vous attenté à la vie de vos semblables ? — Oui.

Promettez-vous de vivre toujours dans les mêmes écarts ? — Je le jure.

Et ici de nouveaux applaudissemens se firent entendre.

Ferez-vous recevoir à la Société tous ceux qui vous tiendront par les liens du sang ? — Oui.

Promettez-vous de ne jamais trahir les secrets de la société ? — Je le jure.

Promettez-vous la complaisance la plus entière à tous les caprices, et toutes les lubriques fantaisies des membres de la Société ? — Je la promets.

Qu’aimez-vous mieux, des hommes ou des femmes ? — J’aime beaucoup les femmes pour me branler, infiniment les hommes pour me foutre ; et cette naïveté fit éclater de rire tout le monde.

Aimez-vous le fouet ? — J’aime à le donner et à le recevoir.

Qu’aimez-vous mieux des deux jouissances qui peuvent être procurées à une femme, celle de la fouterie en con, ou celle de la sodomie ? — J’ai quelquefois raté l’homme qui m’enconnait, jamais celui qui me foutait en cul ; et il me parut que cette réponse faisait aussi le plus grand plaisir.

Que pensez-vous des voluptés de la bouche ? — Je les idolâtre.

Aimez-vous à être gamahuchée ? Infiniment.

Et gamahuchez-vous bien les autres ? Très-moëlleusement.

Vous sucez donc aussi des vits avec plaisir ? — Et j’en avale le foutre.

Avez-vous faits des enfans ? — Jamais.

Protestez-vous de vous en abstenir ? — Le plus que je pourrai.

Vous détestez donc la progéniture ? — Je l’abhorre.

S’il vous arrivait de devenir grosse, auriez-vous le courage de vous faire avorter ?

— Assurément.

Votre marraine est-elle munie de la somme que vous devez payer, avant que d’être reçue ? — Oui.

Êtes-vous riche ? — Immensément.

Vous n’avez jamais fait de bonnes œuvres ? — Je les déteste.

Vous ne vous êtes livrée à aucun acte de religion depuis votre enfance ? — À aucun.

Clairwil remit aussitôt entre les mains du secrétaire, la somme convenue, et elle prit un papier, que l’on m’ordonna de lire à haute voix. Ce papier imprimé avait pour titre : Instructions aux femmes admises à la Société des Amis du Crime.

Le voilà, mes amis, dit madame de Lorsange, il est trop intéressant, pour que je ne vous en fasse pas la lecture[2]. « En quel qu’état ou condition que soit née celle qui va signer ceci, dès qu’elle est femme, elle est de ce moment-là seul, créée pour les plaisirs de l’homme, il faut donc lui prescrire une conduite, qui la mette à même de rendre ces plaisirs utiles à sa bourse et à sa lubricité ; c’est dans l’état du mariage, que nous allons la prendre ; car, celles qui n’étant point mariées, vivent néanmoins avec un homme, soit comme maîtresses, soit comme entretenues, se trouvant avec les mêmes chaînes que celles qui existent sous les nœuds de l’hymen, trouveront dans les conseils suivans, les mêmes avis, pour se soustraire à ces chaînes, ou pour se les rendre plus douces : on prévient donc que le mot homme employé dans cet écrit, voudra génériquement dire, amant, époux, ou entreteneur, tout individu s’arrogeant en un mot des droits sur une femme, dans quelqu’état qu’elle soit, parce que, fut-elle riche à millions, elle doit néanmoins toujours retirer de l’argent de son corps, la première loi de toutes les femmes étant de ne foutre jamais que par libertinage ou par intérêt ; et comme souvent elle est obligée de payer ceux qui lui plaisent, il faut qu’elle se mette en fond pour cela, par le moyen de ce qu’elle retire des prostitutions où elle se livre avec ceux qui ne lui plaisent pas, bien entendu que tout ceci n’a pour objet que sa conduite dans le monde, les statuts qu’elle vient de jurer, fixent celle que l’on doit garder dans la société. »

1°. Pour réussir à cette apathie nécessaire à conserver, soit qu’elle foute pour de l’argent, soit qu’elle foute pour son plaisir, la première chose qu’elle observera, sera de tenir toujours son cœur inaccessible à l’amour ; car si elle fout pour son plaisir, elle jouira mal, étant amoureuse ; l’occupation où elle sera de donner des plaisirs à son amant, l’empêchera d’en goûter elle-même ; et si elle fout pour de l’argent, elle n’osera jamais pressurer celui qu’elle aimera : telle doit être pourtant son unique occupation avec l’homme qui la paye.

2°. Abstraction faite de tout sentiment métaphysique, elle donnera donc toujours la préférence à celui qui, si elle fout par plaisir, bandera le mieux, aura le plus beau vit, et, si elle fout par intérêt, à celui qui la payera le plus cher.

3°. Qu’elle évite toujours, avec soin, ce qu’on appelle des gréluchons, cette engeance là paye aussi mal qu’elle fout ; qu’elle s’en tienne aux valets, aux crocheteurs, voilà les culottes où la vigueur est reléguée… les esprits où le secret se conserve ; on change de cela comme de chemise, et il n’y a jamais d’indiscrétion à redouter.

4°. Quel que soit l’homme qui l’enchaîne, qu’elle se garde bien de la fidélité ; ce sentiment puéril et romanesque n’est bon qu’à perdre une femme… à lui causer beaucoup de chagrins, elle peut être sûre qu’il ne lui rapportera jamais aucuns plaisirs ; et par quelle raison serait-elle fidelle, puisqu’il est certain qu’il n’est pas un seul homme dans le monde qui le soit ? N’est-il pas ridicule que le sexe le plus fragile… le plus faible, celui que tout entraîne perpétuellement au plaisir, celui que des séductions journalières autorisent à succomber, n’est-il pas absurde que ce soit celui-là qui résiste pendant que l’autre n’a, pour faire le mal, que sa seule et unique méchanceté ? et d’ailleurs, à quoi sert la fidélité à une femme ? si son homme l’aime véritablement, il doit être assez délicat pour tolérer toutes ses faiblesses, et pour partager même idéalement les jouissances qu’elle se procure ; s’il ne l’aime pas, quelle extravagance elle ferait, de s’enchaîner à quelqu’un qui la trompe journellement ; les infidélités de la femme sont les torts de la nature, celles de l’homme ceux de sa fourberie et de sa méchanceté ; la femme, dont il s’agit ici, ne se refusera donc à aucune infidélité, au contraire, elle en fera naître les occasions le plus souvent possible, et elle les multipliera journellement.

5°. La fausseté est un genre de caractère essentiel dans une femme, de tout tems elle fut l’arme du faible ; toujours placée devant son maître, comment résistera-t-elle à l’oppression sans le mensonge et sans l’imposture ? qu’elle use donc sans crainte de ces armes, elles lui sont données par la nature pour la défendre contre toutes les entreprises de ses oppresseurs ; les hommes veulent être trompés, une agréable erreur est plus douce qu’une triste réalité ; ne vaut-il pas mieux qu’elle déguise ses torts que de les avouer ?

6°. Une femme ne doit jamais avoir de caractère à elle, il faut qu’elle emprunte, avec art, celui des gens qu’elle a le plus d’intérêt à ménager, soit pour sa luxure, soit pour son avarice, sans néanmoins que cette souplesse lui ôte l’énergie essentielle à se plonger dans tous les genres de crimes qui doivent flatter ses passions ou les servir, tels que ceux de l’adultère, de l’inceste, de l’infanticide, des empoisonnemens, du vol, du meurtre, et tous ceux enfin qui peuvent lui être agréables, et auxquels, sous le voile de la fausseté et de la fourberie que nous lui conseillons, elle peut se livrer, sans aucune espèce de crainte ni de remords, parce qu’ils sont placés, par la nature, dans le cœur des femmes, et que de faux principes reçus, avec l’éducation, l’empêchent seuls de les caresser chaque jour comme elle le devrait.

7°. Que le libertinage le plus excessif, le plus renouvelé, le plus crapuleux, loin de l’effrayer, devienne la base de ses plus délicieuses occupations ; si elle veut écouter la nature, elle verra qu’elle a reçu d’elle les plus violens penchans à cette sorte de plaisir, et qu’elle doit par conséquent s’y livrer journellement sans crainte, plus elle fout, mieux elle sert la nature, elle ne l’outrage que par sa continence[3].

8°. Qu’elle ne se refuse jamais à tel acte de débauche qui lui sera proposé par son homme ; la complaisance la plus entière, en ce cas là, lui deviendra toujours un des plus sûrs moyens de captiver celui-qu’elle a intérêt de conserver ; la jouissance d’une femme fatigue bientôt un homme ; qu’arrive-t-il, si elle n’a pas l’art de le ranimer ? il se dégoûte et l’abandonne ; mais celui qui reconnaîtra dans une femme l’étude la plus entière à deviner et savoir ses goûts, à les prévenir et à s’y enchaîner ; celui-là, dis-je, trouvant la possession d’une femme toujours nouvelle, se fixera bien plus certainement, il deviendra dès-lors bien plus facile à la femme de le tromper ; et telle doit toujours être la plus chère étude de l’individu du sexe dont nous traçons les devoirs.

9°. Que cet individu charmant évite, avec le plus grand soin, l’air de la pruderie et de la modestie, quand elle est avec son homme ; il en très-peu qui aime cette manière d’être, et l’on risque de dégoûter fort promptement ceux qui ne l’aiment point ; qu’elle adopte ce masque pour en imposer dans le monde si elle le croit nécessaire, tout ce qui tend à l’hypocrisie est bon ; c’est un moyen de plus de tromper, et il n’en est aucun qu’elle ne doive prendre.

10°. On ne saurait trop lui recommander d’éviter les grossesses, soit en faisant un grand usage de toutes les manières de jouir, qui détournent la semence du vase prolifique, soit en détruisant le germe, sitôt qu’elle en soupçonne l’existence ; une grossesse trahit, gâte la taille, et n’est bonne sous aucun rapport ; qu’elle se livre, de préférence, au plaisir antiphysique, cette délicieuse jouissance lui assure à-la-fois et plus de plaisir et plus de sûreté, presque toutes les femmes qui en ont essayé s’y tiennent ; l’idée, d’ailleurs, de donner ainsi bien plus de plaisir aux hommes, doit être pour leur délicatesse, un motif puissant de ne plus adopter d’autre genre.

11°. Que son ame, absolument cuirassée, ne laisse jamais pénétrer dans elle, une sensibilité qui la perdrait ; une femme sensible doit s’attendre à tous les malheurs, car comme elle est plus faible et plus délicate que les hommes, tout ce qui attaquera cette sensibilité, la déchirera bien plus cruellement, et dès-lors plus aucun plaisir pour elle ; sa complexion la porte à la luxure ; si par cet excès de sensibilité que nous cherchons à détruire, elle va s’enchaîner à un seul homme, elle divorce de ce moment là avec tous les charmes du libertinage, les seuls qui soient vraiment faits pour elle, et qui doivent la combler de volupté, d’après l’organisation qu’elle a reçue de la nature.

12°. Qu’elle évite soigneusement toute pratique de religion ; ces infamies qu’elle doit avoir foulé sous ses pieds dès long-tems, ne pourraient en timorant sa conscience, que la rappeler à un état de vertu, qu’elle ne reprendrait pas sans être obligés de renoncer à toutes ses habitudes et à tous ses plaisirs ; ces platitudes affreuses ne valent pas les sacrifices qu’elle serait obligée de leur faire ; et comme le chien de la fable, elle quitterait, en les poursuivant, la réalité pour l’apparence. Athée, cruelle, impie, libertine, sodomiste, tribade, incestueuse, vindicative, sanguinaire, hypocrite et fausse, voilà les bases du caractère d’une femme qui se destine à la Société des Amis du Crime, voilà les vices qu’elle doit adopter, si elle veut y trouver le bonheur.

L’énergie avec laquelle je lus ces principes, en convainquant la société qu’ils étaient déjà tous au fond de mon cœur, me valut de nouveaux applaudissemens, et je descendis dans la salle.

Tous les couples distraits par l’événement de ma réception, se renouèrent, et je fus bientôt attaquée ; de ce moment jusqu’à celui du souper, je ne revis plus Clairwil. Le premier qui m’aborda était un homme de cinquante ans. Te voilà bien putain pour le coup, me dit-il, en me conduisant sur un canapé, il n’y a plus à t’en dédire à présent ; te voilà garce comme une raccrocheuse ; j’ai été content de toi, tu m’as fait bander ; et le paillard m’enconne en me disant cela, Il lime un quart-d’heure, baise beaucoup ma bouche, puis, saisi par une autre femme, il me quitte sans décharger. Une vieille de soixante ans vint à moi, et m’ayant recouchée sur le canapé que j’allais quitter, elle me branla, et se fit branler fort long-tems. Trois ou quatre hommes nous examinaient ; un d’eux encula la matrone, et la fit crier de plaisir. Un autre de ces hommes voyant que je me pâmais sous les coups de doigts de la tribade, vint m’offrir son vit à sucer ; et comme la vieille me quitta, le coquin passa de ma bouche à mon con ; il avait le plus beau vit du monde, et foutait à merveille ; une jeune personne me l’enleva encore, il me laissa là pour la foutre à mes yeux ; ma rivale me fit un signe, je l’approchai, et la putain me gamahucha ; elle eut le foutre de l’homme qu’elle m’avait enlevée, je lui donnai le mien. Deux jeunes gens nous assaillirent, et formèrent le grouppe le plus agréable, en nous enconnant toutes deux ; ma compagne suivit le jeune homme, avec lequel elle venait de s’amuser, et me laissa seule un instant. Un homme, que je reconnus pour un évêque, avec lequel j’avais fait des parties chez la Duvergier, m’enconna de même, après s’être fait pisser sur le nez. Celui qui vint après, et que je reconnus également pour un ecclésiastique, me le mit dans la bouche et y déchargea. Une jeune personne très-jolie, vint se faire branler, je la gamahuchai de tout mon cœur. Un homme d’environ quarante ans, la prit les fesses en l’air et l’encula ; le libertin m’en fit bientôt autant, il nous invectivait en jouissant ainsi de nous ; il nous traitait de tribades, de gamahucheuses, et lorsqu’il en enculait une, il claquait toujours les fesses de l’autre. Que fais-tu de ces deux bougresses, lui dit un jeune homme, en l’abordant, et l’enculant lui-même ; tiens, bougre, voilà ce qu’il te faut, disait-il, et non pas des culs de femmes, Tout me quitte encore une fois, lorsqu’un vieux homme, armé d’une poignée de verges, vient m’en échauffer le derrière, et se faire un instant branler. N’est-ce pas toi qu’on a reçue ce soir, me dit-il ? — Oui. — Je suis fâché de ne t’avoir pas vu, j’étais au sérail ; tu as le plus beau cul du monde… courbe-toi, que je te sodomise ; et le vilain triompha, j’eus son foutre. Un très-joli jeune homme parut, et me traita de même, mais je fus fouettée bien plus fort : il en vint dix de suite, parmi lesquels je reconnus à la coëffure, six robins et quatre prêtres ; tous m’enculèrent. J’étais en feu, je m’approchai d’une garde-robe : comme les femmes n’allaient qu’à celles qui étaient servies par des hommes, et les hommes à celles que les femmes soignaient, le jeune garçon, après m’avoir placée sur le fauteuil, me demanda si j’employerais sa langue. Lui ayant répondu en lui exposant mon derrière, il me nétoya d’une manière si agréable, que je perdis du foutre. Je m’apperçus en rentrant, qu’il y avait des hommes qui guettaient les femmes sortant de ces garde-robes ; l’un d’eux m’aborde, et me demande le cul à baiser, je le présente, il gamahuche, et paraît très-fâché de ne plus trouver de vestiges. Il me quitta sans me rien dire, pour prendre un jeune homme qui entrait dans le même lieu, et qu’il suivit ; parcourant alors un instant la salle, je puis dire que je vis là, tous les tableaux que l’imagination la plus lascive pourrait à peine concevoir en vingt ans, que d’attitudes voluptueuses, que de caprices bisarres, quelle variété de goûts et de penchans ! Oh Dieu ! me dis-je, comme la nature est belle, et combien sont délicieuses toutes les passions qu’elle nous donne. Mais une chose fort extraordinaire, que je ne cessais de remarquer, c’est qu’excepté les mots nécessaires à l’action, les cris de plaisir, et beaucoup de blasphêmes, on eût entendu le vol d’une mouche. Le plus grand ordre régnait au milieu de tout cela ; s’élevait-il quelque altercation, ce qui était fort rare, d’un geste la présidente ou le censeur, y ramenait l’ordre ; les plus décentes actions ne se seraient point passées avec plus de calme. Et je pus facilement me convaincre en cette circonstance, que ce que l’homme respecte le plus dans le monde, ce sont ces passions.

Beaucoup d’hommes et de femmes passaient aux sérails ; la présidente, en souriant, leur distribuait des cartes ; en ce moment, plusieurs femmes m’attaquèrent ; je me branlai avec trente-deux, dont plus de la moitié avait passé quarante ans ; elles me sucèrent, me foutirent en cul et en con avec des godmichés ; une d’elles me fit pisser dans sa bouche pendant que je la gamahuchais ; une autre me proposa de nous chier mutuellement sur les tettons ; elle le fit, je ne pus lui rendre ; un homme, en se faisant enculer, vint manger l’étron que cette femme avait fait sur mon sein ; et il chia lui-même après, en déchargeant dans la bouche de celui qui venait de le foutre.

La présidente eut envie de moi ; elle se fit relever par un homme, et vint me trouver ; nous nous baisâmes, nous nous suçâmes, nous nous dévorâmes de caresses ; je n’avais jamais vu de femme, excepté Clairwil, décharger avec tant d’abondance et de lubricité ; sa passion favorite était de se faire enculer pendant qu’appuyée sur le visage d’une femme, elle s’en faisait sucer le con, en en gamahuchant une autre ; nous exécutâmes ce tableau, et la putain reprit son fauteuil.

Les hommes revinrent : à cette seconde séance, je trouvai peu de conistes, mais infiniment de bougres, quelques masturbateurs, et une douzaine de fouteurs en bouche ; un d’eux se fit sucer par un jeune homme, pendant qu’il sentait et respirait mes aisselles ; il les léchait de tems en tems, ce qui m’occasionnait un chatouillement très-agreable. Je fus fouettée cinq ou six fois ; je reçus trois ou quatre lavemens que ceux

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qui les administraient, me firent rendre dans leur bouche ; on me fit péter, cracher ; un homme se fit enfoncer un million d’épingles les dans les couilles, dans les fesses, et resta ainsi toute la soirée ; un autre avait pour manie de me sucer par-tout ; il passa, pendant deux heures, sa langue dans ma bouche, sur mes yeux, autour de mes oreilles, dans mes narines, entre les doigts de mes pieds, et déchargea en me l’enfonçant dans le cul. Plusieurs femmes exigèrent de moi d’être enculées avec des godmichés ; une me fit branler sur le trou de son cul, le vit d’un homme qu’elle m’amena ; elle voulut que j’y fisse ensuite entrer le foudre avec le bout de mon doigt ; une très-jolie fille me chia sur les fesses, un vieux homme la suivit, qui l’encula en dévorant, sur mon cul l’étron qu’elle venait d’y faire. On m’assura que c’était le père et la fille. Je vis d’autres couples semblables ; je vis des frères enculant leurs sœurs ; des pères enconnant leurs filles ; des mères foutues par leurs enfans ; enfin tous les tableaux de l’inceste, de l’adultère, de la sodomie, de la prostitution, de l’impureté, de la crapule, de l’impiété s’offrirent à moi sous mille nuances, et je crois que jamais les bacchanales ne réunirent, à la fois, plus d’ordure et plus d’infamie.

Lassée du rôle de victime, je voulus être agente à mon tour ; j’attaquai cinq ou six jeunes gens dont les vits me parurent fort gros, et qui tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, quelquefois de tous deux ensemble, me foutirent pendant près de deux heures. Au sortir de là un vieil abbé se fit branler sur mon clitoris, par une très-jolie nièce, que je gamahuchais ; un assez beau jeune homme voulut baiser mes fesses, pendant qu’il enculait sa mère. Deux jolies sœurs me mirent entre elles, l’une me branlait le con, pendant que l’autre me chatouillait le derrière ; je déchargeai, sans me douter que le papa les enconnait alternativement toutes deux. Un autre père me fit enculer par son fils, pendant qu’il jouissait du jeune homme, de la même manière ; il me sodomisa lui-même après, et son fils lui rendit ce qu’il venait d’en recevoir. Un frère m’enconna, pendant que sa sœur l’enculait avec un bijou de religieuse… et tous ces prétendus outrages à la nature, se passaient avec un ordre… une tranquillité bien capables de nourrir les réflexions d’un philosophe. S’il y a quelque chose de simple en effet dans le monde, c’est l’inceste ; il est dans les principes de la nature, il est conseillé par elle ; des loix climatérales seules le poursuivirent ; mais ce qui est toléré dans les trois-quarts de la terre, peut-il faire un crime dans l’autre quart ? L’impossibilité de commettre ce délicieux crime, me désolait ; je ne sais ce que j’aurais donné pour avoir un père ou un frère ; avec quelle ardeur je me serais livrée à l’un ou l’autre… comme il eût fait de moi tout ce qu’il aurait voulu.

D’autres objets m’environnèrent bientôt ; deux très-jolies sœurs de dix-huit à vingt ans me menèrent dans un cabinet où elles s’enfermèrent avec moi : là, elles me firent exécuter sur elles tout ce que la lubricité peut avoir de plus piquant et de plus fort. Si nous nous amusions ainsi dans le salon, me dirent-elles, nous serions entourées de ces vilains hommes qui viendraient nous inonder de leur sperme gluant ; il est bien plus poli de n’être qu’entre femmes ; et les petites friponnes alors me firent l’aveu de leurs goûts. Délicates zélatrices de leur sexe, elles ne pouvaient supporter les hommes ; entraînées dans cette société par leur père, l’espoir de posséder des femmes tant qu’elles en voudraient, les avait consolé de l’obligation de se prêter aux hommes… Vous ne vous marieriez donc point, leur dis-je ? — Oh ? jamais ; nous aimerions mieux mourir, que de nous enchaîner avec des hommes : je les tatais sur leurs autres principes ; quoique si jeunes encore, elles étaient fermes : philosophiquement élevées par leur père, on ne trouvait plus dans ces cœurs-là ni morale, ni religion, tout était soigneusement élagué, elles avaient tout fait… étaient prêtes à tout recommencer, et leur énergie m’étonna ; de tels caractères s’arrangeaient trop parfaitement au mien, pour que je n’accablasse pas ces charmantes filles de caresses ; et après avoir bien perdu du foutre ensemble, et nous être promis de nous cultiver, nous rentrâmes. Un jeune homme, qui m’avait vu sortir d’avec elles, me pria de me renfermer un instant avec lui dans le cabinet ; Oh ciel ! me dit-il dès que nous fûmes seuls, j’ai frémi, vous voyant avec ces créatures ; méfiez-vous d’elles, ce sont des monstres… qui, malgré leur extrême jeunesse, sont capables de toutes les horreurs… Mais, dis-je ; n’est-ce donc point ainsi qu’il faut être ? — Soit ; mais entre nous, il faut se respecter, se chérir ; ce n’est qu’au dehors que doivent s’aiguiser nos armes ; et les créatures que vous venez de quitter, n’ont de plaisirs qu’à nuire à leurs frères ; méchantes, sournoises, traîtresses ; elles ont tous les défauts qui peuvent déplaire à la société : il suffit quelles viennent de s’amuser avec vous, pour tâcher de vous perdre, ou de vous faire esclave, si elles peuvent en venir à bout : sachez-moi quelque gré, de vous prévenir, et donnez-moi votre cul pour récompense. Je crus qu’il allait me foutre ; point du tout ; la seule passion de cet original consistait à m’épiler en dessous, en léchant le trou de mon cul : sur ce que je lui représentai qu’il me faisait mal, il me dit que l’avis qu’il me donnait, m’en épargnait de bien plus grands ; nous sortîmes enfin, au bout d’un quart de ce supplice, sans que mon jeune homme éjaculât. À peine l’eus-je quitté, que j’appris que tout ce qu’il m’avait dit sur les deux sœurs, n’était pas vrai, que la calomnie le faisait bander, et que par ces faux avis, il croyait payer à merveille les tourmens auxquels il condamnait toutes les femmes.

Une musique mélodieuse se fit entendre ; on me dit que c’était l’avertissement du souper ; je passai avec tout le monde dans la voluptueuse salle du festin. La décoration représentait une forêt, coupée par une infinité de petits bosquets, sous lesquels étaient des tables de douze couverts. Des guirlandes de fleurs pendaient aux festons des arbres, et des millions de lumières, placées avec le même art que celles de l’autre sallon, répandaient la clarté la plus douce : deux frères servans, attachés à chacune de ces tables, la soignaient avec autant de propreté que de promptitude ; il n’assista guères que deux cents personnes au souper ; tout le reste était aux sérails. Chacun choisissait sa compagnie pour se placer à ces différentes tables ; et là, splendidement et magnifiquement servis, au son d’une musique enchanteresse, on se livrait, à-la-fois, aux intempérances de Comus, et à tous les désordres de Cypris.

Clairwil, revenue des sérails, s’était rapprochée de moi ; il était facile de voir à son désordre, les excès où elle venait de se porter ; ses regards brillans, ses joues animées, ses cheveux flottans sur son sein ; les mots mots obscènes ou féroces qu’elle prononça, tout, tout peignait encore des nuances de délire qui la rendait mille fois plus belle : je ne pus m’empêcher de la baiser en cet état. Scélérate, lui dis-je, à combien d’horreurs tu viens de te livrer ! Console-toi, me dit-elle, nous les ferons bientôt ensemble. Les deux petites sœurs avec lesquelles je venais de me branler, deux femmes de quarante ans, deux fort jolies de vingt à vingt-cinq, et six hommes, composaient notre table.

Ce qu’il y avait de fort singulier dans l’arrangement de ces bosquets, c’est qu’il n’était pas une seule table d’où l’on ne pût voir toutes les autres ; et par une suite du cinisme qui avait dirigé tout ceci, les lubricités du souper ne pouvaient pas plus échapper à l’œil observateur, que celles du salon.

Ces dispositions me firent voir des choses bien extraordinaires ; on ne se figure point l’égarement d’une tête luxurieuse en de pareils instans. Je croyais tout savoir en libertinage, et cette soirée me convainquit que je n’étais encore qu’une novice. Oh ! mes amis, que d’impuretés, que d’horreurs que d’extravagances ! Quelques-uns sortaient de table pour passer dans des cabinets, et il était impossible de se refuser à ces desirs ; ceux des membres de la société devenaient des loix pour l’individu qui en était l’objet. Celui-ci bientôt en faisait autant : il ne se voyait là que des despotes et des esclaves ; et ces derniers, consolés par l’espoir de changer à l’instant de rôle, ne balançaient jamais à se plier aux soumissions qu’ils retrouvaient bientôt leur tour.

La présidente, élevée dans une chaire, d’où elle dominait sur tout, maintenait l’ordre au souper, comme au salon ; et le même calme y régnait. Le ton des conversations y était extrêmement bas ; on s’y croyait dans le temple de Vénus, dont la statue se voyait sous un bosquet de myrthes et de roses, et on s’appercevait là, que ses sectateurs recueillis, ne voulaient troubler leurs mystères, par aucunes de ces vociférations dégoûtantes qui n’appartiennent qu’au pédantisme et qu’à l’imbécillité.

Électrisés par les vins étrangers et par la bonne chère, les orgies de l’après souper furent encore plus luxurieuses que celles d’avant. Je vis un instant où tous les membres de la société ne formaient plus qu’un seul et unique grouppe ; il n’y en avait pas un qui ne fût agent ou patient, et l’on n’entendait plus que des soupirs et des cris de décharges. J’eus encore de terribles assauts à soutenir : pas un sexe qui ne me passa par les mains, pas une partie de mon corps qui ne fût souillée ; et si j’avais les fesses meurtries, j’avais la gloire d’en avoir outragées beaucoup d’autres. Enfin je sortis au jour, dans un tel état de fatigue et d’épuisement, que je fus obligée d’être trente-six heures dans mon lit.

Je ne respirais qu’après la fin de mon mois de noviciat ; il arrive enfin, ce terme si desiré : l’entrée des sérails m’est permise. Clairwil, qui voulait me faire tout connaître, m’accompagna par-tout.

Rien de si délicieux que ces sérails, et comme celui des garçons ressemblait à celui des filles, en vous donnant la description de l’un, vous aurez celle de l’autre.

Quatre grandes salles, entourées de chambres et de cabinets, formaient l’intérieur de ces ailes séparées ; ces salles servaient à ceux qui voulaient, comme à la société, s’amuser l’un devant l’autre ; les cabinets se donnaient aux personnes qui desiraient isoler leurs plaisirs, et les chambres étaient destinées à loger les sujets. Le goût et la fraîcheur présidaient à l’ameublement ; les cabinets, sur-tout, étaient de la dernière élégance, c’étaient autant de petits temples consacrés au libertinage, où rien ne manquait de tout ce qui pouvait en échauffer le culte. Quatre duègnes présidaient à chaque salle, elles recevaient les billets que vous apportiez, s’informaient de vos desirs, et vous satisfaisaient aussitôt, on voyait dans le même lieu, également toujours prêts, un chirurgien, une sage-femme, deux fustigateurs, un bourreau et un geolier ; rien d’aussi rébarbatif que la figure de ces cinq derniers personnages. Ne t’imagine pas, me dit Clairwil, que ces êtres-là soient simplement pris dans la classe qui les fournit ordinairement ; ce sont des libertins comme nous, mais qui, n’ayant pas de quoi payer ce qu’il faut pour être admis, exercent ces fonctions par plaisirs, et la besogne de cette manière est, comme tu le crois, bien mieux faite ; quelques-uns se payent, d’autres ne demandent que les droits d’un membre de la société, on le leur accorde.

Lorsque ces êtres-là étaient en fonctions, ils étaient revêtus d’un costume effrayant ; les geoliers avaient autour d’eux des ceintures de clefs, les fustigateurs étaient entourés de verges et de martinets, et le bourreau, les bras nuds, deux effrayantes moustaches sous les lèvres, avait toujours deux sabres et deux poignards à ses côtés ; celui-ci se leva dès qu’il vit entrer Clairwil, et vint la baiser sur la bouche : m’employe-tu aujourd’hui, bougresse, lui dit-il ; tiens, répondit Clairwil, voilà une novice que je t’amène, et qui, sois en bien sûr, fera pour le moins, de tes bras, un usage aussi grand que moi ; et le scélérat, me baisant comme il avait fait mon amie, m’assura qu’il était, sous tous les rapports, à mes ordres. Je le remerciai, lui rendis son baiser de tout mon cœur, et nous poursuivîmes notre examen.

Chacune de ces salles était destinée à un genre de passion particulière ; on se livrait, dans la première, aux goûts simples, c’est-à-dire, à toutes les masturbations et à toutes les fouteries possibles. La seconde salle était destinée aux fustigations et autres passions irrégulières. La troisième aux goûts cruels ; la quatrième au meurtre. Mais comme un sujet de l’une ou l’autre de ces salles pouvait mériter la prison, le fouet ou la mort, il se trouvait également, dans toutes, des geôliers, des bourreaux, des fustigateurs : les femmes étaient aussi bien reçues dans le sérail des garçons que dans celui des filles, et les hommes dans celui des filles que dans celui des garçons ; tous les sujets, lorsque nous entrâmes, étaient employés, ou attendaient, dans leurs chambres, qu’on les mit en œuvre. Clairwil ouvrit quelques cellules du sérail féminin, et me fit voir des créatures vraiment célestes ; elles étaient en chemises de gazes, coëffées de fleurs, et toutes celles dont nous ouvrîmes les portes, nous reçurent avec l’air du plus profond respect. J’allais m’amuser d’une de seize ans, qui me parut belle comme un ange ; je lui maniais déjà le cul et la gorge lorsque Clairwil me gronda de l’air de délicatesse et d’honnêteté que j’employais avec cette jolie personne. Ce n’est point ainsi que l’on se conduit avec ces garces-là, me dit-elle ; trop heureuses du choix que tu veux bien en faire… commande, et l’on t’obéira ; je changeai de ton aussitôt, et l’on répondit à mes ordres par la plus aveugle obéissance. Nous visitâmes d’autres chambres, par-tout mêmes grâces, mêmes beautés, par-tout même soumission ; il ne faut pas sortir d’ici, dis-je à Clairwil, sans quelques petites expéditions ; et comme cette idée me vint dans la cellule d’une fille de treize ans, jolie comme l’amour, par laquelle je venais de me faire lécher le cul et le con pendant plus d’un quart-d’heure, je choisis sur-le-champ celle-là pour ma victime ; nous appelâmes un fustigateur ; l’enfant fut conduit par une des vieilles, dans un des cabinets de supplices ; et là, liée, garottée comme une carotte de tabac, nous fîmes mettre la donzelle en sang, pendant que nous nous branlions en face du sacrifice. Clairwil, s’appercevant que l’opérateur bandait, développa son vit, et se l’introduisit dans le con, pendant, qu’à la prière de ce libertin, je lui rendais ce qu’il venait d’appliquer à ma jeune victime ; le coquin m’enfila après Clairwil, et nous nous remîmes à fustiger la petite fille, qui sortit de nos mains en un tel état, qu’il fallut l’envoyer à l’hôpital le lendemain. Nous passâmes au sérail des hommes.

Que veux-tu faire ici, me dit Clairwil ? branler beaucoup d’engins, lui dis-je ; il n’y a rien que j’aime autant que de secouer un vit ; la récolte du foutre humain est une chose délicieuse pour moi, j’aime à le moissonner, j’aime à voir jaillir le sperme, à m’en sentir arrosée. Eh bien, satisfais-toi, me répondit mon amie, je ne me nourris pas de viande si creuse ; écoute, contractons ensemble un arrangement que je fais quelquefois avec une femme de mes amies ; comme je ne veux pas que les vits me déchargent dans le corps, ils me fouteront, et tu les branleras ; je te les enverrai tout roides, tu auras de moins la peine de les mettre en train ; j’accepte. On nous envoya, dans la grande salle, quinze garçons de dix-huit à vingt ans ; nous les rangeâmes en haie devant nous, et sur des canapés ; en face d’eux, nous nous plaçions, pour les défier, dans les plus lascives postures : le moins fourni avait un engin de sept pouces de long, sur cinq de tour, et le plus gros, huit sur douze ; ils arrivaient à nous en raison du feu que nous leur inspirions ; Clairwil les recevait, et me les renvoyait ; je les faisais couler sur mon sein, sur ma motte, sur mon visage ou sur mes fesses ; au quatrième, me sentis des démangeaisons si violentes autour de l’anus, que je me mis à présenter le derrière à tous ceux qui sortaient du vagin de Clairwil ; ils se préparaient dans son con, et venaient décharger dans mon cul ; ils redoublèrent, mais sans nous rassasier ; rien n’est tel que le tempérament d’une femme quand il est excité, c’est un volcan que l’on enflamme en voulant l’appaiser. Nous redemandâmes des hommes, on nous en envoya dix-huit de vingt à vingt-cinq ans ; ici nous avions changé de rôle ; ces nouveaux vits, pour le moins aussi beaux que les précédens, s’allumaient dans mon con, et s’éteignaient au cul de ma compagne ; mais nous branlions nous-mêmes ceux que nous préparions ; et il arrivait souvent que l’excès de nos desirs, troublant l’ordre que nous avions établi, nous en trouvions tout d’un coup six ou sept, ou dans nous, ou autour de nous.

Nous nous relevâmes enfin, colées de foutre sur nos sophas, comme Messaline sur le banc des gardes de l’imbécille Claude, après avoir été foutues quatre-ving-cinq coups chacune. Les fesses me brûlent, me dit Clairwil ; quand j’ai été prodigieusement foutue, j’éprouve un incroyable besoin d’être fouettée. J’ai la même envie, répondis-je. — Il faut faire venir deux fustigateurs. — Prenons-les tous les quatre mon ange ; il faut ce soir que mon cul soit mis en marmelade. Attends, dit Clairwil, en voyant entrer un homme de sa connaissance, il faut faire de cela une petite scène. Elle parle bas à cet homme, qui se chargeant d’avertir les fustigateurs, eut l’air de nous condamner lui-même au supplice. Nous fûmes saisies ; on nous lia les mains, et fustigées toutes deux devant cet homme qui se branlait, en ordonnant et en maniant le cul des flagellateurs, quand nous fûmes en sang, nous présentâmes le con à nos bourreaux, qui munis de vits monstreux, nous foutirent encore deux coups chacun. Pour moi, mes belles poulettes, me dit le maître des cérémonies, je ne vous demande, pour ma récompense, que de contenir à mes attaques, le rable d’un de ces gaillards-là. Nous le satisfaisons, il encule ; les autres le fouettent, pendant qu’il sodomise ; et nous suçons, avec délices, les vits des fustigateurs.

Je n’en puis plus, dit Clairwil, dès que nous fûmes seules, le libertinage m’entraîne aux cruautés ; immolons une victime… As-tu remarqué ce joli garçon de dix-huit ans, qui nous baisait avec tant d’ardeur… Il est joli comme un ange, et m’échauffe horriblement la tête. Faisons-le passer dans la salle des tourmens, nous l’égorgerons. — Friponne ; tu ne m’as point fait la même proposition dans le sérail des femmes ? — Non, J’aime mieux massacrer des hommes, je te l’ai dit, j’aime à venger mon sexe ; et s’il est vrai que celui-là ait une supériorité sur le nôtre, l’imaginaire offense à la nature, n’est-elle pas plus grave en l’immolant ? — On te croirait désolée de ce que cette offense est nulle. — Tu me juges bien, je suis au désespoir de ne trouver jamais que le préjugé, au lieu du crime que je desire, et que je ne rencontre nulle part. Oh ! foutre, foutre, quand pourrai-je donc en commettre un ! Nous emmenons le jeune homme ; nous faudra-t-il un bourreau, dis-je à mon amie ? N’en ferons-nous pas bien nous-mêmes les fonctions ? — À merveille. — Allons donc.

Nous fîmes entrer notre victime dans un cabinet attenant à cette salle, où nous trouvâmes tout ce qui était nécessaire pour le supplice que nous destinions à ce jeune homme ; il fut aussi long qu’affreux : l’infernale Clairwil but son sang et avala une de ses couilles. Moins portée à ces meurtres masculins, que Clairwil, mon délire ne fût peut-être pas aussi vif que le sien ; il l’eût été davantage avec une femme : quoiqu’il en fut, je déchargeai beaucoup, et quittant le sérail des hommes, nous repassâmes dans celui des filles. Montons dans la salle où il se fait des choses extraordinaires, dis-je à Clairwil, nous ne ferons rien, si tu veux, mais nous verrons faire.

Un homme de quarante ans, c’était un prêtre, tenait une petite fille de quinze ans, fort jolie, pendue par les cheveux, au plafond ; il la lardait à coups d’aiguilles : le sang ruisselait de toutes parts : il encula Clairwil en mordant mon cul. Un second donnait le fouet sur la gorge et sur le visage à une très-belle fille de vingt ans : il se contenta de nous demander si nous voulions en recevoir autant. C’était par un pied que le troisième avait pendu sa victime. Rien n’était plaisant comme de voir cette créature ainsi accrochée : elle paraissait avoir dix-huit ans, un beau corps : au moyen de cette attitude, le con se trouvant fort écarté,

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le vilain enfonçait dedans un godmiché à pointes de fer ; quand il nous vit, il dit à Clairwil de tenir celle des jambes de cette fille qui pendait, afin de lui entrouvrir davantage le vagin, et il me plaça à genoux près de lui, en m’ordonnant de lui branler le cul d’une main, le vit de l’autre : en très-peu de minutes, nous fûmes toutes deux couvertes du sang que perdait la victime. Le quatrième était un vieux robin de soixante ans ; il avait enchaîné sur un gril une très-jolie petite fille de douze ans, et par le moyen d’un vaste réchaud de braise, que le vilain ôtait et remettait à volonté, il la faisait ainsi rôtir en détail : je vous laisse à penser quels cris poussait la malheureuse quand il plaisait à cet homme cruel de lui griller les chairs : dès qu’il nous vit, il chauffa sa créature, et me demanda le cul ; je le lui présentai ; il l’enfile en claquant celui de ma compagne ; mais malheureusement il décharge : le supplice est interrompu, et le barbare nous maudit d’être ainsi venues le troubler.

Tout cela m’avait échauffé la tête, je voulus absolument passer dans la salle des meurtres ; Clairwil m’y suivit par complaisance ; quoiqu’elle n’aimât pas tuer des femmes, sa férocité naturelle lui faisait indifféremment accepter tout ce qui flattait ses goûts.

Je fis mettre vingt filles en haie sur lesquelles j’en choisis une de dix-sept ans, de la plus jolie figure qu’il fût possible de voir. Je passai avec elle dans le cabinet qui m’était destiné.

La malheureuse que j’allais sacrifier, s’imaginant trouver plus de pitié dans mon cœur que dans celui d’un homme, se jetta à mes pieds pour m’attendrir : belle comme un ange, et pleine de délicatesse, ses moyens, eussent nécessairement triomphé avec une ame moins endurcie, moins corrompue que la mienne… il n’était plus tems. Tout ce qu’elle employa pour m’adoucir ne servit qu’à m’irriter davantage… Aurais-je osé faiblir sous les yeux de Clairwil ! Après m’être fait sucer deux heures par cette belle fille, après l’avoir souffletée, battue, fustigée, après l’avoir enfin flétrie de toutes les manières, je la fis lier sur une table, et la criblai de coups de poignards, pendant que mon amie, accroupie sur moi, me chatouillait à la fois, le clitoris, l’intérieur du vagin et le trou du cul. De mes jours, je n’avais fait une aussi délicieuse décharge ; elle m’épuisa au point de m’ôter la force de reparaître au salon. J’emmenai Clairwil chez moi ; nous soupâmes et couchâmes ensemble. Ce fut là où cette charmante femme, s’imaginant m’avoir vu manquer d’énergie dans l’action que je venais de commettre, cm devoir m’adresser encore le conseil suivant :

En vérité, Juliette, me dit-elle, ta conscience n’est pas encore où je la voudrais ; ce que j’exige est qu’elle devienne tellement tortue qu’elle ne puisse jamais se redresser ; il faudrait employer mes moyens, pour en venir là ; je te les indiquerai si tu veux, mais je crains que tu n’aie pas la force de les mettre en usage. Ces moyens, chère amie, sont de faire à l’instant, de sang froid, la même chose qui, faite dans l’ivresse, a pu nous donner des remords. De cette manière, on heurte fortement la vertu quand elle se remontre, et cette habitude de la molester positivement à l’instant où le calme des sens lui donne envie de reparaître, est une des façons la plus sure de l’anéantir pour jamais ; emploie ce secret, il est infaillible ; dès qu’un instant de calme laisse arriver à toi la vertu, sous la forme du remords, car c’est toujours là le déguisement qu’elle prend pour nous ressaisir, dès que tu t’en apperçois, fais, sur-le-champ, la chose dont ta allais concevoir du regret ; à la quatrième fois, tu n’entendras plus rien, et tu seras tranquille toute ta vie ; mais il faut beaucoup de force pour cela ; car c’est l’illusion qui soutient le crime ; et il devient très-difficile pour une ame faible de le commettre, quand elle est dissipée ; le secret est pourtant certain : je dis mieux, c’est que par vertu même tu ne concevras plus le repentir, car tu auras pris l’habitude de faire mal dès qu’elle se montre et pour ne plus faire mal, tu l’empêcheras de paraître. Oh Juliette ! sois-en sûre, il est difficile de te donner un meilleur conseil sur cette importante matière ; tu le vois, puisqu’elle t’apprend à vaincre totalement la plus pénible des situations, soit que tu veuilles la combattre par le vice, soit que tu veuilles l’anéantir par la vertu. Clairwil, dis-je à mon amie, ce conseil est excellent, sans doute, mais mon ame a fait un tel chemin dans la carrière du vice, que je ne crois pas avoir besoin de ton remède pour lui redonner de la vigueur ; sois bien assurée que tu ne me verras jamais frémir quelle que soit l’action qu’il me faille commettre, soit pour mes intérêts, soit pour mes plaisirs. Cher ange, me dit Clairwil, en me baisant, je t’exhorte à n’avoir jamais d’autres Dieux.

À quelques tems de-là, Clairwil vint me proposer une assez singulière partie. Nous étions dans le carême : allons faire nos dévotions, me dit-elle. — Es-tu folle ? — Non : c’est une fantaisie fort extraordinaire que j’ai conçue depuis quelques tems, et que je ne veux passer qu’avec toi. Il y a aux carmes un religieux de trente-cinq ans, beau comme le jour, que je convoite depuis six mois ; je veux absolument en être foutue, mais par un moyen bien plaisant : nous allons aller à confesse à lui ; nous échaufferons sa tête par les plus lubriques détails ; il bandera ; je suis persuadée que, de lui-même, il nous fera des propositions ; il nous indiquera la façon de le voir, nous nous y rendrons sur-le-champ et nous l’épuiserons… Nous n’en resterons pas là ; nous irons communier, nous recueillerons les hosties dans nos mouchoirs, puis nous reviendrons déjeûner chez toi et faire des horreurs sur ce misérable symbole de l’infâme religion chrétienne.

Ici, je crus devoir observer à mon amie, que la première partie de ses projets me paraissait avoir plus de charmes et plus de réalité que la seconde. Dès que nous ne croyons pas en Dieu, ma chère, lui dis-je, les profanations que tu desires ne sont plus que des enfantillages absolument inutiles. J’en, conviens, me dit-elle, mais je les aime ; elles échauffent ma tête : rien, selon moi, n’enlève comme cela, la possibilité du retour ; on ne peut plus rendre aucune existence à des objets qu’on a traités de cette manière. Te l’avouerai-je, d’ailleurs, je ne te crois pas encore très-ferme sur toutes ces choses-là.

Ah ! Clairwil, quelle est ton erreur, répondis-je, je suis peut-être plus rassurée que toi ; mon athéisme est à son comble. N’imagine donc pas que j’ai besoin des enfantillages que tu me proposes pour m’y affermir ; je les exécuterai puisqu’ils te plaisent, mais comme de simples amusemens, et jamais comme une chose nécessaire, soit à fortifier ma façon de penser, soit à en convaincre les autres. Eh bien ! mon ange, me répondit Clairwil, eh bien ! soit, nous ne les ferons que comme un plaisir : bien sûre de toi maintenant, je ne les exigerai pas d’une autre manière. Mais livrons-nous à cette plaisanterie par libertinage, je t’en conjure. La confession où nous séduirons le carme en est un acte bien constaté et bien délicieux, répondis-je ; mais la profanation du petit morceau de pâte rond qui forme la ridicule idole des chrétiens, ne saurait pas plus en être un, que la rupture ou la brûlure d’un chiffon de papier. D’accord, reprit Clairwil, mais aucune sorte d’idée n’est attachée à ce morceau de papier, et les trois quarts de l’Europe en attachent de très-religieuses à cette hostie… à ce crucifix, et voilà d’où vient que j’aime à les profaner ; je fronde l’opinion publique, cela m’amuse ; je foule aux pieds les préjugés de mon enfance, je les anéantis, cela m’échauffe la tête. Eh bien ! partons, répondis-je, je suis à toi. Nous, montâmes en voiture ; notre toilette simple et sans art répondait parfaitement à nos projets, et le père Claude que nous demandâmes et qui arriva bientôt au confessionnal, ne pût assurément nous prendre que pour deux dévotes.

Clairwil commença ; je m’en apperçus : le pauvre carme était déjà tout en feu quand je le pris. Oh ! mon père, lui dis-je, accordez-moi beaucoup d’indulgence, car j’ai de grandes horreurs à vous révéler ! — Courage mon enfant, Dieu est bon et miséricordieux, il nous écoute avec bonté ; de quoi est-il donc question ? — De fautes énormes, mon père, et qu’un affreux libertinage me fait commettre chaque jour : quoique bien jeune encore, j’ai brisé tous les freins, j’ai cessé d’implorer l’être suprême et il s’est séparé de moi. Oh ! quel besoin j’ai de votre intercession près de lui ! les écarts de ma luxure vous feront frémir, j’ose à peine vous les avouer. — Êtes-vous mariée ? — Oui, mon père, et j’outrage chaque jour mon époux par la conduite la plus débordée. — Un amant… une inclination ? — Le goût des hommes en général, celui des femmes, tous les genres possibles de débauches. — Vous avez donc un tempérament ? — Irrassasiable, mon père ; voilà ce qui m’entraîne dans la carrière du vice… ce qui m’y plonge avec un tel acharnement, que je crains bien de succomber sons cesse, malgré tous les secours que la religion peut m’offrir… Faut-il vous l’avouer, dans ce moment-ci même, le plaisir de vous entretenir en secret vient troubler l’action de la grâce ; je cherche Dieu dans ce saint tribunal, et je n’y vois qu’un homme charmant, que je suis prête à préférer à lui. — Ma fille, dit le pauvre moine tout troublé… votre état me fait peine, il m’afflige… de grandes pénitences pourront seules. — Ah ! la plus cruelle pour moi sera de ne plus vous voir… Et pourquoi donc, les ministres de Dieu ont-ils des charmes qui distraient du seul objet qui devrait occuper ici ? Mon père, je brûle au lieu d’être appaisée ; homme céleste, c’est à mon cœur que vont tes paroles et non à mon esprit, et je ne rencontre que de l’irritation où je voudrais trouver du calme : voyons-nous dans un autre lieu ; quittes cet appareil redoutable qui m’effraie, cesses un moment d’être l’homme de Dieu, pour n’être plus que l’amant de Juliette.

Claude bandait comme un homme de son ordre : une gorge blanche et ronde que j’avais adroitement découverte devant lui, des yeux très-animés, des gestes qui devaient convaincre de l’état où j’étais, tout détermina le carme ; il était hors de lui. Aimable dame, me dit-il de l’air le plus ardent, votre amie, dans le même cas que vous, vient aussi de me proposer des choses… que vos yeux m’inspirent… que je brûle de faire… Vous êtes deux sirènes, qui m’enivrez par vos douces paroles, et je ne suis plus en état de résister à tant de charmes : quittons l’église ; j’ai près d’ici une petite chambre… voulez-vous y venir, je ferai tout ce qui dépendra de moi pour vous calmer ? Puis quittant le confessional et prenant la main de Clairwil : suivez-moi, suivez-moi toutes deux, femmes séductrices, c’est l’esprit infernal qui vous envoie pour me tenter ; ah ! puisqu’il fut plus puissant que Dieu même, il faut bien qu’il maîtrise un carme. Nous sortîmes.

La nuit était déjà fort sombre ; Claude nous dit de bien examiner où il entrerait, et de le suivre à vingt pas de distance. Il prit le chemin de la barrière de Vaugirard, et nous arrivâmes bientôt dans un réduit mystérieux et frais, où le bon moine nous offrit des biscuits et des liqueurs. Homme charmant, lui dit ma compagne, laissons-là le langage mystique ; nous te connaissons maintenant toutes les deux ; nous t’aimons : que dis-je, nous brûlons du desir effréné d’être foutues par toi. Ris avec nous de la ruse que nous avons employée ; et satisfais nous. Il y a pour mon compte six mois que je t’adore, et deux heures que je décharge pour ton vit. Tiens, poursuit notre libertine, en se troussant, voilà où je veut le nicher ; vois si la cage est digne de l’oiseau. Se jetant aussitôt sur le lit, la coquine à bientôt mis le bracquemart à l’air. Oh ! juste ciel, quel engin… Juliette, me dit Clairwil, en se pâmant d’avance, saisie cette poutre, si tes mains peuvent l’empoigner, et conduis-là ; je te rendrai bientôt le même service. Clairwil est obéie ; l’engin disparaît bientôt dans un con, qui déjà tout humecté de foutre, baillait depuis un quart d’heure pour le recevoir. Oh ! mes amis, qu’on a raison de citer un carme, quand on veut offrir un modèle de vit et d’érection. Le membre de Claude, semblable à celui d’un mulet, portait neuf pouces six lignes de tour, sur treize pouces de long, tête franche ; et cette tête redoutable, mes amis, mes deux mains l’empoignaient à peine. C’était le plus beau champignon, le plus rubicond, qu’il soit possible d’imaginer. Par un miracle de la nature, uniquement accordé par elle à ses favoris, Claude était doué de trois couilles… mais, comme elles étaient pleines !… comme elles étaient gonflées ! il y avait, de son propre aveu, plus d’un mois que le coquin n’avait perdu de semence. Quels flots il en répandit dans le con de Clairwil, sitôt qu’il en eut touché le fond ; et dans quel état, cette prolifique éjaculation, mit ma voluptueuse compagne. Claude me maniait en foutant, et la manière adroite, dont il chatouillait mon clitoris, me fit bientôt imiter les modèles que j’avais sous les yeux. Le moine se retire ; je le patine ; Clairwil reste en attitude. La putain se chatouille en attendant qu’on la refoute. L’outil reprend sa vigueur, j’ai si bien l’art de le branler[4] ! Claude échappant bientôt de la main qui le dirige, veut s’engloutir au vagin présenté… Non, non, dit Clairwil, en contenant l’ardeur de son amant : Juliette, fais-le moi desirer ; branle-moi le clitoris ; et Claude ne se prête à ces préliminaires, qu’en me palpant ; pendant qu’une de ses mains entrouvre le con de Clairwil, l’autre me masturbe. Semblable, enfin, au coursier fougueux qui se dérobe au frein de son conducteur, Claude s’engloutit dans l’antre qui lui est offert ; et me renversant à côté de Clairwil, le fripon fout l’une à tour de reins, pendant qu’il branle l’autre avec toute l’adresse imaginable. Tu me crèves scélérat, dit Clairwil, en jurant comme une forcenée ; ah ! sacré foutre-dieu, je ne tiens pas à tes coups de reins ; il n’en est pas un seul qui ne me coûte un torrent de sperme… Baise-moi donc au moins, redoutable fouteur…… enfonce ta langue dans ma bouche, aussi avant que ton vit l’est dans ma matrice… Ah ! foutre, je décharge, ne m’imite pas, poursuit-elle, en le jetant de côté, d’un vigoureux coup de cul : réserve tes forces, il faut que tu me limes encore ; mais le malheureux ne pouvant se contenir, déchargeait une seconde fois ; je le branlais en dirigeant sur le con tout baillant de Clairwil, les flots écumeux qu’il lançait. C’était avec du foutre que je tâchais d’éteindre les feux qu’allumait le foutre. Ah ! double foutu-dieu, dit Clairwil en se relevant, ce bougre-là m’a tué… Juliette, tu ne le soutiendras pas. Cependant elle s’empare du moine, elle le secoue ; pour presser l’érection du serviteur de Dieu, la coquine essaye de le sucer ; mais l’engin est trop gros pour entrer dans sa bouche : usant d’un autre moyen, elle lui enfonce deux doigts dans le cul ; avec des moines faits à s’enculer, un tel remède est toujours efficace. Sur les libertines questions de Clairwil, à ce sujet, Claude convient, que dans sa jeunesse, il servait de bardache à ses confrères. Eh bien ! nous te foutrons aussi, dit Clairwil, en découvrant les fesses du moine, les lui baisant, et gamahuchant le trou. Oui, nous te sodomiserons, poursuit-elle, en lui montrant un godmiché ; ta maîtresse va devenir ton amant. Fouts, mon ami, je vais t’enculer, et tu nous enculeras toutes deux après, si cela t’amuse : tiens, vois ce derrière, dit-elle, en montrant ses fesses au carme ; ne valent-elles pas bien le con que tu viens de foutre. Tout est bon pour des putains comme nous ; et lorsque nous venons pour être foutues, c’est dans toutes les parties de notre corps que nous prétendons l’être. Allons, scélérat, tu bandes ; fouts cette charmante, novice qui vient de se confesser à toi : enconne-là, jean-foutre, pour sa pénitence ; et fous-là sur-tout aussi roide que tu m’as foutue…… Elle m’amène ce monstre ; j’étais sur le lit, les cuisses écartées… l’autel s’offrait au sacrificateur ; mais, quel que fût mon libertinage, à quelque point que je fusse accoutumée aux introductions des plus beaux vits de Paris, il me fut cependant impossible de soutenir celui-là, sans préparation. Clairwil a pitié de moi ; elle humecte de sa bouche, et les lèvres de mon con et l’énorme tête du vit de Claude ; pressant ensuite mes fesses d’une main, pour avancer mon ventre sur le bélier, et rapprochant de l’autre ce terrible anchois sur mon con, elle fit tant, qu’il pénétra de quelques lignes. Claude, encouragé par ce commencement de victoire, me saisit les reins avec force ; il sacre, il écume, il pourfend, il triomphe ; mais ses lauriers me coûtent du sang, j’en perds autant que le jour où mon pucelage fut cueilli, et les douleurs furent les mêmes ; bientôt métamorphosées néanmoins dans les plus douces sensations de plaisirs, je rends à mon vainqueur tous les coups de reins dont il m’accable. Fixe un moment ces impétueux élans, dit Clairwil à mon cavalier, je ne puis saisir ton cul dans ces voluptueuses agitations, et tu sais que je t’ai promis de le foutre ; Claude s’arrête, deux très-belles fesses s’entrouvrent sous les doigts libertins de Clairwil : affublée d’un godmiché, la garce encule mon fouteur. Cet épisode si précieux pour un libertin, ne sert qu’à le rendre plus agile encore, il pousse, il presse, il décharge ; et je n’ai pas le tems de le rejeter ; l’aurais-je pu, grand Dieu ! et ma tête égarée me l’eût-elle permis ! Ah ! pense-t-on à des dangers quand on est ivre de plaisir ? À mon tour, dit Clairwil, ne le laissons pas reposer ; tiens, bougre, voilà mes fesses, encule-moi, tu vas me mettre en sang, je le sais, que m’importe ; prends le godmiché, Juliette, tu le sodomiseras, tu me rendras ce que j’ai fait pour toi. Claude, excité par mes caresses, par la perspective du beau cul que lui présente Clairwil, n’est pas long-tems à se ranimer ; je rends à mon amie ce que j’en ai reçu, ma bouche humecte son anus et le saint dard du serviteur de Christ. On ne se figure pas les peines que Claude éprouve à pénétrer, vingt fois il est hors de combat par la difficulté de l’entreprise ; mais mon amie se prête avec tant d’art, elle desire ce vit avec tant d’ardeur, qu’il s’engloutit enfin dans son cul… Oh ! foutre, il m’estropie, s’écrie-t’elle… elle veut fuir, elle veut se débarrasser du poignard monstrueux qui la sonde. Il n’est plus tems, l’engin disparu tout entier, ne laisse pas même appercevoir sa liaison avec le libertin qui l’emploie. Ah Juliette, s’écrie mon amie, laisse ce bougre-là, ne l’excite pas plus qu’il n’est ; j’ai bien plus besoin de ta main que son cul n’a besoin de ton godmiché, viens me branler, car je me meurs. Quoiqu’elle en dise, j’encule avant tout le moine, puis allongeant mon bras, je branle mon amie ; vivement chatouillée par moi, la putain soutient avec un peu plus de courage, les assauts qui lui sont portés. J’ai trop auguré de mes forces, s’écrie-t-elle ; Juliette, ne m’imites pas, il pourrait t’en coûter la vie. Cependant Claude décharge ; on ne vit jamais une ardeur mieux soutenue, le vilain braye comme un âne, et laisse au fond du cul de ma compagne, des preuves non équivoques du plaisir qu’il vient de goûter.

Clairwil était en sang, je brûlais de l’imiter, elle s’y opposa ; il ne faut pas, dit-elle, pour le vain plaisir d’un instant, risquer le bonheur de ses jours ; ce n’est pas un homme que ce drôle-là, c’est un taureau. Je suis bien persuadée qu’il n’a jamais pu foutre de femmes de sa vie ; et le pénaillon avoua qu’il n’y avait dans tout Paris, que le cul de son supérieur, qui put résister à son vit. Tu l’encules donc, scélérat, dit Clairwil ? — Très-souvent. — Et tu dis la messe, tu confesses avec la journalière habitude de ces désordres ? — Pourquoi pas ? le plus dévot des hommes est celui qui sert tous les Dieux.

Mesdames, poursuivit le moine, assis au milieu de nous, et maniant un cul de chaque main, vous imaginez-vous que nous croyons à la religion plus que vous ? Placés plus près de l’être qu’elle suppose, nous appercevons bien mieux que d’autres, tous les linéamens de la chimère ; la religion est une fable sacrée, dont nous avons besoin pour vivre, et le marchand ne doit pas discréditer sa boutique. Nous vendons des absolutions et des Dieux, comme une maquerelle vend des putains ; sommes-nous donc d’une autre chair que la vôtre, pour être insensibles à vos passions ; et croyez-vous que quelques onctions ridicules, quelques simagrées absurdes, nous cuirassent aux dards de l’humanité, eh, non, les passions, dit un homme d’esprit, prennent une nouvelle force sous le froc, on les porte dans le cœur, l’exemple les fait éclorre, l’oisiveté les renouvelle, l’occasion les augmente : le moyen d’y résister ! Les vrais athées sont chez les prêtres, mes chères dames ; vous ne faites vous autres que soupçonner le néant de l’idole ; nous qui sommes ses prétendus confidens, nous sommes bien sûrs qu’elle n’existe pas. Toutes les religions révélées que l’on voit dans le monde, sont remplies de dogmes mystérieux, de principes inintelligibles, de merveilles incroyables, de récits étonnans, qui ne semblent imaginés que pour confondre la raison ; elles annoncent toutes un Dieu caché, dont l’existence est un mystère. La conduite que l’on lui prête est aussi difficile à concevoir que l’essence de ce Dieu lui-même ; si la divinité existait, aurait-elle parlé d’une façon si énigmatique ? que signifierait de se révéler pour n’annoncer que des mystères ? Plus une religion a de mystéres, plus elle présente à l’esprit de choses incroyables, et plus elle plaît malheureusement aux hommes qui y trouvent dès lors une pâture continuelle ; plus une religion est ténébreuse, et plus elle paraît divine, c’est-à-dire, conforme à la nature d’un être caché, et duquel on n’a point d’idée. C’est le propre de l’ignorance de préférer l’inconnu, le fabuleux, le merveilleux, l’incroyable, le terrible même, à ce qui est clair, simple, et vrai. Le vrai ne donne pas à l’imagination des secousses aussi vives que la fiction ; le vulgaire ne demande pas mieux que d’écouter les fables absurdes que nous lui débitons ; les prêtres et les législateurs en inventant des religions, et en forgeant des mystères, ont bien servi le peuple à son gré ; ils se sont attachés par là des enthousiastes, des femmes, des ignorans ; de pareils individus se payent aisément de raisons qu’ils sont incapables d’examiner ; l’amour du simple et du vrai ne se trouve que dans le petit nombre de ceux dont l’imagination est réglée par l’étude et par la réflexion. Non, non, mesdames, rassurez-vous, il n’est point de Dieu, l’existence de cette infâme chimère est impossible à supposer, et toutes les contradictions qu’elle renferme, suffisent à la culbuter au plus léger examen que nous daignons en faire.

Pendant cette discussion, le moine assis entre Clairwil et moi, ainsi que je viens de vous le dire, branlait à-la-fois nos deux culs… Le beau derrière, disait-il en parlant du mien… quel dommage de ne pouvoir enfiler cela… mais si nous essayions… Oh, madame, un peu de complaisance ; avec tant de beauté, peut-on être cruelle ? Scélérat, dis-je-en me relevant, je ne te prêterai même plus mon con, je me ressens encore trop du mal que tu m’as fait, pour avoir envie de m’exposer à de nouvelles douleurs. Secouons-le, Clairwil, faisons-le décharger jusqu’au sang, pour qu’il n’ait plus envie de recommencer. Nous l’étendîmes sur le lit, Clairwil le branlait sur ses tettons, et moi, accroupie sur son nez, je lui faisais baiser la porte du temple, dont je lui interdisais l’entrée ; il le chatouillait avec sa langue, et repassant une de ses mains sur ma motte, il me branlait le clitoris ; nous déchargeâmes encore une fois tous les deux.

Clairwil demanda au moine s’il existait beaucoup de libertins comme lui, dans son couvent ; Claude lui ayant assuré qu’il y en avait au moins trente, mon amie voulut savoir s’il serait possible d’aller faire une partie dans l’intérieur de sa maison. Assurément, répondit le moine ; si vous voulez être bien foutues, vous n’ayez qu’à venir l’une et l’autre, et je vous réponds qu’on vous forcera d’implorer grace. Alors, Clairwil demanda si la partie d’impiété qu’elle desirait, aurait également lieu de cette manière. Bien mieux qu’ailleurs, dit le carme, nous vous ferons faire chez nous tout ce que vous voudrez. Mon cher, dit Clairwil, comme nous ne voulons pas venir en vain, vas demander à ton supérieur si ce que nous desirons est possible ; explique-lui bien tout ; nous attendons ta réponse.

Juliette, me dit Clairwil, dès que le moine fut dehors, tu sens que ce coquin-là m’a trop bien foutue pour que je ne lui desire pas la mort… et la plus affreuse, sans doute. — Oh ciel ! tu complotes déjà contre ce malheureux. — L’horreur que j’ai pour les hommes quand ils m’ont satisfaite, se mesure aux plaisirs que j’en ai reçus, et il y avait bien long-tems que je n’avais aussi délicieusement déchargé… il faut qu’il meure. Deux moyens s’offrent à mon esprit pour le perdre : celui de le faire mettre in pace, par son supérieur ; il ne s’agit pour cela que de faire sentir à ce chef combien il est dangereux d’avoir chez lui un homme capable de révéler, comme Claude l’a fait avec nous, tous les secrets de la maison ; mais par ce moyen, il ne me restera plus rien de lui ; et j’ai des projets sur son merveilleux engin. — Mais si tu le fais mourir, comment ces projets s’exécuteront-ils ? — Le plus facilement du monde : engageons-le de venir passer vingt-quatre heures à ta terre ; on verra le reste… Oh Juliette ! quel beau godmiché que le vit de ce bougre-là ? Et comme mon amie ne voulut pas s’expliquer davantage, en attendant le retour du moine, nous nous amusâmes à fouiller son manoir.

On n’a pas d’idée de ce que nous y trouvâmes d’estampes et de livres obscènes : le premier que nous apperçûmes, fut le Portier des Chartreux, production plus polissonne que libertine, et qui, néanmoins, malgré la candeur et la bonne-foi qui y règne, donna, dit-on, au lit de la mort, des repentirs à son auteur… Quelle sottise ! l’homme capable de se repentir en ce moment de ce qu’il osa dire ou écrire pendant sa vie, n’est qu’un lâche, dont la postérité doit flétrir la mémoire.

Le second, fut l’Académie des Dames, ouvrage dont le plan est bon, mais l’exécution mauvaise ; fait par un homme timide, qui avait l’air de sentir la vérité, mais qui n’osait la dire, et d’ailleurs, plein de bavardage.

L’Éducation de Laure, fut le troisième ; autre production manquée net, par de fausses considérations. Si l’auteur eut prononcé l’uxoricide, qu’il laisse soupçonner, et l’inceste, autour duquel il tourne sans cesse, en ne l’avouant jamais ; s’il eût multiplié davantage les scènes luxurieuses… mis en action les goûts cruels dont il ne fait que donner l’idée dans sa préface, l’ouvrage, plein d’imagination, devenait délicieux : mais les trembleurs me désesperent, et j’aimerais cent fois mieux qu’ils n’écrivissent rien que de nous donner des moitiés d’idées.

Thérèse Philosophe figurait ; ouvrage charmant du marquis d’Argens[5], le seul qui ait montré le but, sans néanmoins l’atteindre tout-à-fait ; l’unique qui ait agréablement lié la luxure à l’impiété, et qui, bientôt rendu au public, tel que l’auteur l’avait primitivement conçu, donnera enfin l’idée d’un livre immoral.

Le reste était de ces misérables petites brochures, faites dans des cafés, ou dans des bordels, et qui prouvent à-la-fois deux vuides dans leurs mesquins auteurs, celui de l’esprit et celui de l’estomac ; la luxure, fille de l’opulence et de la supériorité, ne peut être traitée que par des gens d’une certaine trempe… que par des individus enfin, qui, caressés d’abord par la nature, le soient assez bien ensuite par la fortune, pour avoir eux-mêmes essayé ce que nous trace leur pinceau luxurieux ; or, cela devient parfaitement impossible aux polissons qui nous inondent des méprisables brochures dont je parle, parmi lesquelles je n’excepte pas même celles de Mirabeau, qui voulût être libertin, pour être quelque chose, et qui n’est et ne sera pourtant rien toute sa vie[6].

À la suite de nos recherches chez le moine, nous trouvâmes des godmichés, des condoms, des martinets, tous meubles qui nous convainquirent que le père Claude ne nous avait pas attendu pour se jeter dans le libertinage. Il revint ; j’ai, nous dit-il, l’acceptation en forme de mon supérieur, vous pouvez venir quand il vous plaira ; ce ne sera pas long, mon ami, répondis-je, nous avons été trop bien choyées par un seul membre de l’ordre, pour ne pas merveilleusement augurer du reste : repose-toi sur nos cons fougueux, et juge, par ce que tu leur as vu faire, de ce qu’ils pourront entreprendre, quand ils seront encore mieux foutus. En attendant, Claude, je t’invite à nous venir voir dans trois jours ; mon amie et moi nous te recevrons, dans une terre charmante, où tu nous combleras de plaisirs ; répare tes forces, et ne manque pas.

Nous voulûmes en passant prendre langue nous-mêmes avec le supérieur ; c’était un homme de soixante ans, d’une superbe figure, et qui nous reçut à merveille. Vous nous ferez le plus grand plaisir, nous dit-il ; parmi les trente moines qui sont dignes de ces orgies, je vous en promets vingt de trente à trente-cinq ans, qui, membrés comme Claude, et vigoureux comme des moines, vous traiteront comme des Messalines. À l’égard du mystère, vous pouvez être sûres qu’il sera plus exact qu’il ne saurait jamais l’être dans le monde. Vous avez desiré quelques impiétés ; nous savons ce que sont toutes ces petites folies, soyez tranquilles, vous serez satisfaites sur tout. Les sots disent que les moines ne sont bons à rien, nous vous prouverons, mesdames, que les carmes au moins sont excellens pour foutre. Un langage aussi énergique, joint aux épreuves que nous venions de faire, ne pouvant plus nous laisser de doute sur la façon dont nous serions reçues, nous prévînmes ces honnêtes anachorètes que nous amènerions avec nous deux jolies filles pour aider et servir nos amusemens. Mais comme différentes affaires s’opposaient à ce que cette agréable partie s’arrangeât aussi vîte que nous l’aurions désiré, elle fut remise au jour de Pâques, Ce choix s’arrange on ne peut mieux avec nos petites impiétés, dit Clairwil ; j’aurai, quoiqu’on en puisse dire, un véritable plaisir, à profaner le plus saint des mystères de la religion chrétienne, dans celui des jours de l’année qu’elle regarde comme une de ses plus grandes fêtes.

julT7p101

Il y avait près d’un mois jusqu’à cette époque, et comme cet intervalle est marqué par deux événemens assez singuliers, je crois devoir les placer ici dans leur ordre, avant que de vous entretenir des suites de notre libertinage aux Carmes.

Le premier de ces événemens fut la mort tragique de Claude ; le malheureux vint à la campagne au jour indiqué ; Clairwil s’y trouva ; nous entourâmes cet infortuné de plaisir, et quand son vit fut dans la plus grande érection, ma scélérate amie, le faisant aussitôt captiver par cinq femmes, lui fit trancher la verge au niveau du ventre, et l’ayant fait préparer par un chirurgien, elle s’en composa le plus singulier et le plus beau godmiché qu’on ait vu de la vie. Claude expira dans d’affreux tourmens, dont Clairwil nourrit sa lubrique rage, pendant que trois femmes et moi, la branlions à deux pieds de la victime, et parfaitement en face d’elle. Eh bien ? me dit la putain, après nous avoir inondé de foutre, ne t’avais-je pas dit qu’en massacrant ce bougre-là, il me resterait pourtant quelque chose de lui ?

Voici quel fût le second événement ; je doute qu’il fasse plus d’honneur à mon ame que n’en fit à celle de mon amie le trait que je viens de vous raconter.

J’étais à ma toilette, entourée d’une foule de courtisans qui paraissaient attendre, avec respect, toute leur fortune de moi ; un de mes gens m’annonce un homme de quarante-cinq ans, dans la plus extrême misère, et qui sollicite avec ardeur la grâce de m’entretenir un instant en particulier. Je fais répondre d’abord que je ne suis pas dans l’usage de recevoir de pareils gens, que s’il s’agit de secours ou de recommandations auprès du ministre, on n’a qu’à me présenter un mémoire, et que je verrai ce qu’il sera possible de faire ; l’ardent solliciteur insiste. Plus par curiosité que par aucun autre motif, je dis enfin qu’on fasse entrer dans un petit salon où je donnais communément mes audiences secrètes ; et après avoir ordonné à mes gens de ne point s’éloigner, je vais écouter ce nouveau personnage.

Je me nomme Bernole, madame, me dit l’inconnu, je sais que ce nom doit être ignoré de vous ; il ne le serait pas autant de la mère que vous avez eu le malheur de perdre, et qui, malgré le faste où vous vivez, ne vous laisserait pas dans le désordre et le libertinage qui vous le procure. Monsieur, dis-je à cet homme, en l’interrompant : le ton que vous prenez n’est guères, ce me semble, celui de quelqu’un qui sollicite des secours… Doucement, Juliette, reprit Bernole, il est possible que je demande des secours, et très-possible en même-tems que j’aie avec vous des droits qui m’autorisent au ton dont vous vous plaignez. — Quelque soit votre rang, apprenez, monsieur. Apprenez vous-même, Juliette, que si je viens implorer des secours près de vous, je vous honore en vous les demandant ; jetez les yeux sur ces papiers, mademoiselle, et vous y verrez à-la-fois, et le besoin que j’ai de ces secours, et le droit que j’ai de les demander à vous. Oh ciel ! que vois-je, interrompis-je, après avoir parcouru ces papiers… quoi, ma mère !… elle fut coupable…… et c’est avec vous ? — Oui, Juliette, je suis votre père, reprit Bernole avec vivacité… c’est moi qui vous donnai le jour ; j’étais le cousin de votre mère ; mes parens me destinaient à elle, un mariage plus avantageux se présenta, elle fut sacrifiée ; elle était déjà grosse de vous ; nous osâmes tromper votre père, il s’aveugla sur votre naissance… C’est à moi seul que vous la devez ; une tache, de café, au-dessous du sein droit, prouve ce que j’avance… Juliette, portez-vous cette marque ? — Oui monsieur. — Reconnais donc ton père, ame insensible et froide ! ou si tu balances encore, parcours avec plus d’attention ces papiers, ils éclairciront tous tes doutes. Après la mort de ta mère… mort affreuse… fruit de la scélératesse d’un certain Noirceuil, avec lequel tu oses, quoiqu’instruite, avoir des liaisons, et qui serait roué demain si nous avions des preuves (elles nous manquent malheureusement)… Après cette mort, dis-je, toutes les infortunes possibles sont venues fondre sur ma tête : mon bien fut englouti avec celui de ta mère ; il y a dix-huit ans que je ne vis que des charités publiques ; mais je te retrouve, Juliette ; tous mes malheurs sont finis… Monsieur, dis-je, j’ai ma sœur, que des préjugés vaincus par moi retiennent sans doute dans la misère ; est-ce aussi de vous qu’elle tient la vie ? — Justine. — Oui monsieur. — Assurément elle est aussi ma fille, rien ne put vaincre le penchant qu’eût pour moi ta mère de tout tems, et j’ai toujours joui seul du bonheur de la rendre mère.

Oh ciel ! s’écria la malheureuse Justine, mon père était vivant et je l’ignorais ; Dieu ! que ne me l’envoyais-tu, j’eusse adouci ses peines, j’eus partagé ma misère avec lui, et il eût, ma sœur, retrouvé dans mon ame sensible, les consolations que la votre lui refusa barbarement sans doute. Mon enfant, dit le marquis, qu’une nuit passée avec Justine avait étonnamment irrité contre cette fille, quand on vous fait ici l’honneur de vous admettre, ce n’est point pour entendre vos jérémiades, et je prie madame de continuer.

J’imagine, mes amis, que vous me rendez assez de justice pour croire que je n’étais ni flattée ni attendrie de cet événement ; aucune ame n’était moins faite que la mienne aux reconnaissances dramatique ; je n’avais pas même versé une larme pour la perte de celui que je croyais mon père depuis ma naissance : était-il naturel que je fusse fort touchée des malheurs de celui que le hasard me rendait. J’avais d’ailleurs, vous le savez, un profond éloignement pour les aumônes, c’était, selon moi, l’argent le plus mal employé ; et l’individu qui se présentait avait beau se dire mon père, il n’en fallait pas moins, pour le contenter, ou diminuer mon trésor, ou implorer, pour ce malheureux, un ministre qui, aussi dur, aussi inflexible que moi sur ces sortes de réclamations, ne pouvait pas souffrir que je l’importunasse pour lui en faire. Assurément je ne pouvais pas douter que le personnage dont il s’agissait ne fut l’auteur de mes jours ; j’en avais la preuve sous les yeux, mais la nature était muette ; j’avais beau l’interroger, elle ne m’inspirait rien pour cet original. Monsieur, lui dis-je fermement, tous les contes que vous me faites peuvent être vrais, mais je ne vois pas la plus petite nécessité à ce que je les entende, j’ai d’invariables principes qui m’éloignent, malheureusement pour vous, de cette commisération que vous implorez ; quant aux titres de paternité que vous établissez vis-à-vis de moi, les voilà, monsieur, je vous les rends, en Vous assurant que je n’en ai pas le moindre besoin ; que j’aie un père, que je n’en aye pas, tout cela est pour moi d’une indifférence dont vous pourriez difficilement vous faire une idée. Je vous conseille donc, monsieur, de me débarrasser fort vite de votre présence, à moins que par un entêtement ridicule, vous ne vouliez me contraindre, en restant malgré moi, à vous faire jeter par les fenêtres ; et je me lève aussitôt pour sonner : mais Bernole, se précipitant au-devant de moi…… Enfant ingrat, s’écrie-t-il, ne me punis pas d’une faute que j’ai pleuré toute ma vie ; si ta naissance n’est pas légitime, en es-tu moins sortie de mon sang, et m’en dois-tu moins des secours ? Que les accens plaintifs de la misère et du désespoir remplacent, s’il est possible, dans ton ame endurcie, les sentimens que la nature paraît avoir oublié d’y mettre ; et se courbant à mes genoux, qu’il arrose de larmes, Juliette, s’écrie-t-il, tu nages au milieu des richesses, et ce n’est que du pain que demande ton malheureux père ! soulage les malheurs de l’amant de ta mère ! respecte le seul homme qu’ait aimé celle qui t’a portée neuf mois dans son sein ! et si tu ne veux pas que le ciel te punisse, ne ferme pas ton cœur aux accens plaintifs de l’infortune.

Il y avait sans doute beaucoup de pathétique dans ce que m’adressait ce malheureux homme ; mais il existe des ames qui s’endurcissent au lieu de s’émouvoir aux efforts de ceux qui cherchent à les attendrir. Semblables à cette espèce de bois que l’on met au feu pour le rendre plus dur, c’est dans l’élément même qui paraîtrait devoir les consumer, qu’ils retrouvent un nouveau degré de force. Bernole, au lieu d’exciter en moi les sentimens de la compassion, était au moment d’y faire naître cette commotion lubrique, née du refus de procurer un bien ; imparfaite image de celle qui arrive à nous, par l’action du mal. Mes regards qui n’étaient encore que ceux de l’indifférence, s’enflammèrent bientôt de plaisir ; ce chatouillement perfide qui nous délecte à l’idée, au souvenir ou au complot d’une mauvaise action, vint glisser sur mon cœur[7] ; mes sourcils se froncent, ma respiration se presse, et sentant que je deviens plus dur, parce que je commence à l’être avec volupté…… parce que je bande enfin… Je vous ai déclaré, mon ami, dis-je à ce manant, que je vous méconnaissais, que je vous méconnaîtrais toujours, et que je ne donne jamais rien aux pauvres ; c’est donc pour la dernière fois que je vous supplie de sortir de mon appartement, si vous ne voulez pas que je vous fasse pourrir dans un cachot. Un mouvement de rage s’empare aussitôt de cet homme ; employant tour-à-tour les imprécations et les prières, les invectives et les mots les plus tendres, il se jette la tête contre terre, il se la brise, des flots de sang inondent mon cabinet… Ce sang est le mien, et c’est avec délice que je le vis répandre ; après avoir joui quelques instans, je sonne : qu’on prenne l’adresse de cet original, dis-je à mes gens, et qu’on le fasse aussitôt sortir de chez moi ; on m’obéit… J’étais dans une agitation… dans un feu… Je fus obligée d’aller m’éteindre dans le sein de mes femmes, qui furent deux heures avant que de pouvoir m’appaiser. Puissant effet du crime sur un cœur comme le mien ! Il était écrit dans le livre sacré de la nature, que tout ce qui révolterait les ames ordinaires devait délecter la mienne, et que tout ce qui devait outrager cette nature méconnue par elles, devait, absolument devenir pour moi les premiers moyens du plaisir.

Le ministre et Noirceuil dînaient tous les deux chez moi ce jour là : je demandai à celui-ci s’il avait connaissance d’un certain Bernole, se disant l’amant de ma mère, et convaincu de m’avoir donné le jour ?… Oui me dit Noirceuil, j’ai connu cela ; il avait des fonds chez ton père, perdus avec ceux de ta famille, et perdus par mes soins. Je me souviens que ce Bernole était effectivement fort bien avec ta mère, qu’il la regretta beaucoup, et que ce n’est pas sa faute si je n’ai pas été pendu… il faut se défaire de ce drôle-la… Assurément, dit le ministre, Juliette n’a qu’à dire, nous le ferons coucher ce soir à la Bastille… Non, non, dit Noirceuil, il faut faire de cela une scène pathétique. — Assurément, répondis-je, des cachots sont trop doux pour de tels scélérats… Noirceuil et vous, Saint-Fond, vous savez à quel point vous avez travaillé mon ame, croyez qu’en cette occasion elle ne se montrera pas au-dessous de vos leçons ; puisque nous faisons tant que de commettre un crime, faisons-le bon : il faut que ce coquin-là périsse de ma main, pendant que vous jouirez de moi. Oh ! Juliette, s’écrie le ministre déjà bien pris de vin de Champagne !… tu es délicieuse ! et se déculottant… vois comme ton idée met mon vit en couroux… Quoi ! tu auras la force de te déterminer à cela ? — J’en fais le serment sur ce vit que j’aime, dis-je en empoignant le redoutable membre que Saint-Fond venait de mettre au jour… Et Noirceuil profitant de l’attitude penchée où me tenait mon mouvement, s’empare de mon cul, en s’écriant : oh ! foutre, ne t’ai-je pas dit, Saint-Fond, que cette créature était délicieuse ! et il se donne deux ou trois coups de poignets sur mes fesses. Écoutes, dis-je en me remettant, il faut joindre à ceci quelques épisodes divins ; je vais me raccommoder avec Bernole, le tromper par des avances, le rendre amoureux de moi, lui faire beau jeu… il me le mettra… Je veux plus, il faut qu’il m’encule… il le fera. Vous, Saint-Fond… vous le surprendrez, vous tomberez sur lui au moment de la crise, et pour me punir, le poignard sur le sein, vous m’obligerez à le tuer moi-même. Confions cette idée à Clairwil, qu’elle en partage la douce exécration, et faisons de cela une scène unique.

Le projet d’un crime est toujours sûr de plaire aux scélérats. Ces deux-ci s’échauffèrent tellement la tête de mon plan, qu’il ne fut plus possible de les contenir. Un boudoir s’ouvre ; quelques individus secondaires se joignent à nous, et mon cul reçoit la double offrande de deux monstres qu’irritait ma perfide imagination : un bon de cinq cent mille francs me fut aussitôt remis, avec promesse du double le jour de l’exécution.

Elle me chatouillait trop pour la reculer ; je vole à ma terre : j’écris à Bernole, que la tendresse filiale vient enfin d’entr’ouvrir mon ame ; la pureté de l’air de la campagne adoucit, je crois, cette férocité dont celui de Paris souille nos cœurs, lui mandais-je ; venez me voir au sein de la nature, et vous éprouverez bientôt tout ce qu’elle m’inspire pour vous. Mon homme arrive… Vous n’imaginez pas à quel point je jouissais de le tromper… J’en étais exactement dans l’ivresse ; mon premier soin est d’étaler à ses yeux tout le luxe dont j’étais environnée ; de séduisantes caresses achèvent d’étourdir Bernole : comment, lui dis-je, après un excellent souper, comment réparer tous les torts que ma mauvaise tête m’a fait commettre envers vous ? Faut-il vous l’avouer, Bernole ? je me suis crains ; j’ai des précautions bien sévères à garder ; je suis la confidente et l’amie du ministre ; d’un mot, il peut me perdre : vous ne m’avez rien inspiré comme père, je l’avoue ; un autre sentiment mille fois plus tendre et plus délicat, en me faisant redouter la chûte, m’a contrainte à ne vous montrer que de la dureté, où s’allumait le plus saint amour… Bernole, vous avez aimé ma mère, je veux que vous m’aimiez aussi ; il ne s’agit, pour être heureux ensemble, que d’une discrétion à toute épreuve ; en êtes-vous capable ?

L’honnête et loyal Bernole frémit à ce discours… Oh Juliette ! me dit-il, très-ému, je ne cherche à ranimer en vous que les sentimens de l’amour filial ; ceux-là seuls me sont dûs ; la religion et l’honneur, dont je fis toujours profession, m’empêchent d’en accepter d’autres : ne me taxez pas d’immoralité, pour avoir vécu avec votre mère, nous n’avons jamais cru, l’un et l’autre, respecter d’autres nœuds que ceux volontairement adoptés par nous à la face du ciel ; c’est un tort, j’en conviens, mais c’est celui de la nature, et ceux que vous me proposez lui feraient horreur. Quel préjugé, Bernole, m’écriai-je, en devenant pressante au point de baiser sa bouche et de laisser tomber une main sur ses cuisses ; toi que j’adore, hélas ! poursuivis-je, en redoublant de chaleur, ne te refuses pas à mon empressement ; viens rendre une seconde fois à la vie celle qui se glorifie de la tenir de toi : je dus ma première existence à l’amour, laisse-moi lui devoir la seconde ; laisse embellir par lui, les jours qu’il a formés. Oh ! mon ami je le sens, je ne puis plus exister sans toi. Une gorge blanche et fraîche, qui se découvre alors comme par hasard, des yeux pleins de langueur et de volupté… des mains s’égarant au point de déboutonner la culotte paternelle, et de secouer avec art l’instrument à demi bandé qui m’a donné le jour, tout réveille à la fin les passions timides de Bernole… Oh ! grand Dieu, s’écrie-t-il, quels assauts… et comment puis-je y résister ? Comment repousser la vivante image de celle que j’adorai jusqu’au dernier soupir. — Tu la retrouves en moi, Bernole, la voilà celle que tu aimas… elle respire ; achève de la rendre à la vie, par les tendres baisers que sa bouche implore ; tiens, vois l’état où tu me mets, ajoutai-je, en me troussant et me précipitant sur un canapé… oui, vois-le cet état cruel et résistes-y, si tu l’oses.

Le crédule Bernole entraîné, tombe dans le piège que je tends à sa vertu, et vient s’énivrer d’amour dans le sein de celle qui ne s’occupe, en le caressant, que de la manière perfide dont elle le fera bientôt tomber sous ses coups. Bernole, doué d’un membre sec, dur, nerveux, et sur-tout fort long, foutait délicieusement ; il m’échauffait, je le traitais bien, je maniais ses fesses en le pressant sur moi. Bientôt me coulant sous lui, je pompe avec plaisir ce premier mobile de mon existence ; reprenant ensuite mon poste, je me le renfonce jusqu’aux couilles : Bernole, très-échauffé de mes écarts, n’est pas long, le coquin décharge ; je l’imite et reçois dans mes entrailles incestueuses le germe d’un fruit semblable à celui qu’il laissa jadis dans le sein de ma mère. Telle fut l’époque de la grossesse dont je vous parlerai bientôt.

Bernole, égaré par l’amour, oubliant sous les loix de ce Dieu, celles de l’honneur et de la probité, qui l’avaient si bien contenu jusqu’alors, me conjure de lui laisser passer la nuit avec moi. Très-échauffée de la délicieuse idée de foutre avec un père, que ma férocité condamne à la mort, je consens à tout. Les efforts de Bernole surpassèrent mes espérances ; je fus foutue sept coups, et moi, toujours brûlée de mes projets féroces, je décharge le double, à la délicieuse pensée d’enterrer, le lendemain, celui qui joint au tort d’être mon père, le tort plus grand, de m’énivrer de délices. Ce fut vers le milieu de ces courses, que lui dévoilant les craintes affreuses où j’étais qu’une grossesse ne vint à trahir notre intrigue, je lui tournai le plus beau cul du monde, pour l’engager à changer de route : le crime, hélas ! était si loin du cœur de mon vertueux père, qu’il ignorait jusqu’à la manière de procéder à ces infamies. (Je me sers de ses expressions) auxquelles il ne consentait, me dit-il, que par prudence et par excès d’amour ; le butor m’encula trois fois : cette répétition était nécessaire à la pièce qui devait se jouer le lendemain. Ce que j’en ressentis fut si vif que je m’évanouis de plaisir.

Il arriva cet heureux lendemain où je devais enfin goûter les charmes indiscibles d’un crime que je me désolais de ne pouvoir exécuter : la nature, que j’allais si grièvement outrager, ne m’avait jamais paru si belle ; jamais je ne m’étais trouvée si jolie, si fraîche et si bien portante ; jamais des chatouillemens aussi vifs ne s’étaient fait éprouver en moi… Je me sentis, dès en me levant, d’une luxure… d’une méchanceté… j’éprouvais le besoin des horreurs, et près de lui, le désespoir affreux de ne pouvoir les aggraver au point où je les désirais… c’est un crime que je vais commettre, me disais-je… un très-grand crime, assure-t-on, mais ce n’en est qu’un ; et qu’est-ce qu’un crime pour celle qui voudrait n’exister qu’au milieu du crime, ne vivre que pour lui seul et n’adorer que lui. Je fus quinteuse, maussade, capricieuse, taquine, toute la matinée. Je fouettai deux de mes femmes, en colère ; je fis, méchamment, tomber par la fenêtre, un enfant confié à l’une d’elles : il se tua, j’en fus enchantée : il n’y eût enfin sorte de petites cruautés, de petites lutineries auxquelles je ne me livrasse tout le jour. L’heure du souper vint enfin ; j’avais ordonné qu’il fût aussi délicieux que la veille, et comme la veille ; dès qu’il fut fini, j’entraîne Bernole sur un canapé, et c’est mon cul que je lui présente. Séduit par mes sophismes, le malheureux s’y plonge… À peine y est-il, que Clairwil, Noirceuil et Saint-Fond se jettent sur nous avec impétuosité : Bernole est garotté de tous ses membres. Juliette, me dit Saint-Fond, tu mériterais que je l’immolasse à côté de ce monstre, pour te punir d’abuser ainsi de ma confiance… Un seul moyen, perfide, peut te sauver la vie ; saisis ce pistolet destiné pour ton crime ; trois balles sont dedans… il faut qu’elles fassent voler la cervelle de ce scélérat ! — Oh ciel ! qu’exigez-vous, c’est mon père. — Celle qui fut à-la-fois sodomiste et incestueuse, pourra bien être parricide. Quel arrêt ! — Il le faut, ou vous périssez à l’instant vous-même. — Confiez donc cette arme à ma main chancelante ; père adoré, m’écriai-je, pardonneras-tu cette mort aux violences dont tu vois que je suis la victime ?… Monstre, repond Bernole, exécute, et souviens-toi seulement que tu ne me rends pas ici la dupe de tes fourberies et de tes crimes… Eh bien ! papa, dit Clairwil, en éclatant de rire, cesse donc d’être dupe, puisque tu ne veux pas l’être, et saches qu’il est très-vrai que ta mort est l’ouvrage de ta fille, qui certes n’a pas grand

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tort d’immoler un individu qui ne peut être qu’un grand scélérat, puisqu’il a pu donner le jour à une telle fille.

Tout s’arrange, Bernole est lié sur une chaise attachée par de grands clous à terre ; sa tête à dix pas de moi, se trouve à ma portée. Saint-Fond se couche dans un canapé, et me fixe sur lui, par le moyen du membre qu’il m’introduit dans le derrière. Noirceuil dirige l’instrument d’une main, il se branle de l’autre ; Clairwil à droite, baise la bouche de Saint-Fond, et chatouille mon clitoris. Je mets en joue : Saint-Fond, dis-je, attendrai-je les flots de ton foutre ; non, non, sacré nom d’un foutre Dieu, non, non ; tue garce, tue ; c’est le coup qui feras jaillir mon sperme. Je le lâche. Bernole, atteint au front, expire, et nous déchargeons tous les quatre en jetant des cris furieux.

Le barbare Saint-Fond se lève, et va contempler la victime ; c’était son plus grand plaisir. Il m’appelle, il veut que je l’observe avec lui… Il m’examine, il est content de mon sang-froid. C’est avec une curiosité méchante, que Clairwil observe les contorsions de la mort, sur le visage de ce malheureux. Rien ne me fait bander comme cela, dit la scélérate : qui de vous trois veut me branler, pendant cet examen ? je m’offre, et comme je suis penchée sur les genoux du mort, Noirceuil m’encule en cet état, pendant que Saint-Fond prenant Clairwil à revers, la traite de même… Tout le monde décharge encore une fois, et le plus voluptueux souper est de nouveau servi sur une table, aux pieds de laquelle on veut que le corps reste. Juliette, me dit Saint-Fond, en me baisant avec ardeur, tiens voilà ce que je t’ai promis. Faut-il te l’avouer, chère fille, ce n’est en vérité que d’aujourd’hui que je te crois bien digne de nous. Je ne pense pas tout à fait comme cela, dit Clairwil, et je lui trouve toujours le même défaut ; elle ne commet le crime que dans l’enthousiasme, il faut qu’elle bande ; et l’on ne doit jamais s’y livrer que de sang froid. C’est au flambeau du crime qu’il faut allumer celui de ses passions, tandis que ce n’est qu’à celui des passions que je la soupçonne d’allumer celui du crime. La différence est fort grande, dit Saint-Fond, car le crime alors n’est que l’accessoire, et il doit toujours être le principal. Je pense comme Clairwil, ma chère Juliette, dit Noirceuil ; vous avez encore besoin de quelques encouragemens, il faut diminuer cette sensibilité qui vous perd. Tous les écarts où notre imagination nous entraîne, poursuivit Noirceuil, deviennent des preuves certaines de notre esprit ; sa vivacité, ses élans, ne lui permettent de s’arrêter à rien ; plus il voit de digues à franchir, plus il conçoit de délices ; mais ce n’est point une preuve qu’il se déprave, comme les sots se l’imaginent, c’en est une bien plus certaine qu’il se fortifie. Vous voilà parvenue, Juliette, à l’âge où cette faculté de notre existence, est dans sa plus extrême vigueur ; vous avez prévenu cette époque par de bonnes études, par des réflexions solides, par un abandon total de tous les liens et de tous les préjugés de l’enfance. Ne doutez point qu’à présent, cet espoir si bien préparé, ne vous fasse culbuter toutes les bornes : un tempéramment ardent et vigoureux, une santé robuste, une grande chaleur d’entrailles, un cœur très-froid, viennent à l’appui de cet esprit bouillant, instruit et dégagé de tous les freins. Soyons bien assurés que Juliette ira aussi loin qu’elle peut aller ; mais qu’elle ne s’arrête pas en chemin, qu’elle ne tourne jamais les yeux en arrière, que pour se reprocher son peu de progrès, et non pour s’étonner de la grandeur du chemin qu’elle a fait. Je veux plus, dit Clairwil, je vous repète que j’exige d’elle de faire le mal… non pas pour s’exciter à la luxure, comme je crois qu’elle le fait, mais pour le seul plaisir de le commettre. Je veux qu’elle trouve dans le mal dénué de toute luxure, l’entière volupté qui existe pour elle dans la luxure ; je veux qu’elle n’ait besoin d’aucun véhicule pour exercer le mal. Qu’une fois dans cette situation, elle y éprouve tous les attraits piquans du libertinage, à la bonne heure ; mais je ne veux pas qu’elle ait besoin de se branler pour faire un crime, parce qu’alors, il résultera de cette manière de se conduire, qu’aussitôt que son tempéramment sera usé, elle n’osera plus se livrer à aucun écart ; au lieu que par le moyen que j’indique, ce sera dans le crime qu’elle retrouvera le feu des passions. Elle n’aura plus besoin de se branler pour commettre un crime ; mais en commettant ce crime, elle desirera de se branler. Il est, je crois, impossible de s’expliquer plus clairement. C’est précisément parce que je comprends à merveille ta philosophie, ma chère, dis-je à Clairwil, que crois devoir t’assurer que j’en adopte tous les principes, et que j’en suis l’esprit mot à mot. Je suis prête à te le prouver par telle épreuve où il te plaira de me soumettre. Si tu m’avais mieux observée que tu n’as fait, dans l’évènement qui vient de se passer, tu ne m’adresserais, j’en suis sure, aucun reproche ; j’aime à présent le mal pour lui-même ; ce n’est que dans son sein que mes plaisirs s’allument, et nulle volupté n’existerait pour moi, si le crime ne l’assaisonnait. Je ne dois plus maintenant vous consulter, que sur un seul point : le remords est nul, je vous proteste que je n’en ressens pas la plus légère atteinte, quelque soit l’horreur où je me livre ; mais j’ai quelquefois de la honte ; je rougis comme Eve après son péché. Il me semble, qu’excepté vous et nos amis, je ne voudrais pas que personne, sût les écarts où nous nous livrons : expliquez-moi, je vous prie, pourquoi placée entre ces deux mouvemens, j’éprouve le plus faible, n’étant plus sensible au plus actif ; quelle est, en un mot, la différence qui se trouve entre la honte et le remords.

La voici, dit Saint-Fond, c’est que la honte est le fruit de la douleur d’une mauvaise action relativement à l’opinion publique ; et le remords, relativement à notre propre conscience ; ensorte qu’il est possible d’avoir honte d’une action qui ne donne aucun remords, si cette action n’offense que les usages reçus, sans effleurer la conscience ; et qu’il est également possible d’avoir des remords sans honte, si l’action commise s’accorde avec les lois et les usages de notre pays, quoiqu’elle répugne à notre conscience. Un homme, par exemple, rougirait d’aller se promener tout nud dans la grande allée des Tuileries, quoiqu’il n’y eût rien, dans cette action qui dut lui donner des remords ; et un général d’armée aura peut-être des remords d’avoir fait tuer vingt mille hommes dans une bataille, quoiqu’il n’y ait rien dans cette action qui doive lui donner de la honte. Mais ces deux mouvemens fâcheux s’énervent également par l’habitude. La société des Amis du Crime, dans laquelle Clairwil vous a fait entrer, absorbera dans vous ce sentiment pusillanime de la honte ; l’habitude que vous vous ferez d’un cinisme toujours prononcé, dissipera bientôt cette faiblesse ; et pour vous en guérir, je vous exhorte à faire parade de vos écarts, à vous montrer souvent nue en public, à affecter le plus grand désordre dans la manière de vous habiller ; insensiblement vous finirez par ne plus rougir de rien : quand la fermeté des principes se joindra aux procédés que je vous conseille, tout se dissipera, tout s’applanira petit à petit, et vous ne sentirez plus que du plaisir où vous éprouviez jadis de la honte.

Des choses plus sérieuses succédèrent à cette discussion ; Saint-Fond m’annonça que le mariage d’Alexandrine sa fille, avec son ami Noirceuil, allait enfin se terminer, et que d’accord avec son gendre, la jeune personne demeurerait trois mois dans ma maison pour y être instruite et formée aux goûts du nouvel être avec lequel on allait l’unir. Nous vous prions, Noirceuil et moi, poursuivit Saint-Fond, de mettre cette petite ame au même point que la vôtre. Ne lui refusez aucun soin, aucun conseil, aucun exemple ; peut-être Noirceuil la conservera-t-il, s’il la trouve aussi ferme que vous, à coup sûr il ne la gardera pas long-tems si elle est prude ou bégueule : tâchez, Juliette, que cette éducation vous fasse honneur, et soyez bien assurée que vos peines ne seront pas perdues. Monsieur, dis je au ministre, vous savez que de pareilles leçons ne peuvent se donner qu’entre deux draps. C’est bien ainsi que je l’entends, dit Saint-Fond : moi de même très-assurément, dit Noirceuil ; peut-on instruire une fille sans coucher avec elle, dit Clairwil ? Aussi, reprit Noirceuil, notre chère Juliette couchera-t-elle avec ma femme aussi souvent que bon lui semblera.

St.-Fond nous entretint ensuite d’un projet cruel de dévastation qu’il, avait conçu pour la France. Nous craignons, nous dit-il, une prochaine révolution dans le royaume ; nous en voyons le germe dans une population beaucoup trop nombreuse. Plus le peuple s’étend, plus il est dangereux ; plus il s’éclaire, plus il est à craindre : on n’asservit jamais que l’ignorance. Nous allons, poursuivit le ministre, supprimer d’abord toutes ces écoles gratuites, dont les leçons se propageant avec rapidité, nous donnent des peintres, des poëtes et des philosophes, où il ne doit y avoir que des crocheteurs. Quel besoin tous ces gens-là ont-ils donc de talens, et quelle nécessité il y a-t-il de leur en donner ? Diminuons bien plutôt leur nombre ; la France a besoin d’une vigoureuse saignée, et ce sont les parties honteuses qu’il faut attaquer. Pour parvenir à ce but, nous allons d’abord vivement poursuivre la mendicité ; telle est la classe où se trouvent presque toujours les agitateurs : nous démolissons les hôpitaux, les maisons de piété ; nous ne voulons pas laisser au peuple un seul asyle qui puisse le rendre insolent. Courbé sous des chaînes mille fois plus lourdes que celles qu’il porte en Asie, nous voulons qu’il rampe en esclave, et il n’y aura sorte de moyens que nous ne mettions en usage pour y réussir. Ces moyens seront longs, dit Clairwil, et si vous avez besoin d’une diminution subite, il en faut de plus prompts… La guerre… la famine… la peste. Le premier est sûr, dit Saint-Fond, nous allons avoir la guerre : nous ne voulons pas du dernier, parce qu’il serait à craindre que nous nous en trouvassions les premières victimes. Quant à celui de la famine, l’accaparement total des grains auquel nous travaillons, en nous comblant d’abord de richesses, va bientôt réduire le peuple à se dévorer lui-même. Nous espérons beaucoup de ce moyen. Il est arrêté dans le conseil parce qu’il est prompt, infaillible, et qu’il nous couvre d’or…

Il y a bien long-tems, poursuivit le ministre, que pénétré des principes de Machiavel, je suis infiniment persuadé que les individus ne sont rien en politique ; machines secondaires du gouvernement, les hommes doivent travailler à la prospérité de ce gouvernement, et jamais le gouvernement ne doit travailler à celle des hommes. Tout gouvernement qui s’occupe de l’homme est faible, il n’y a de vigoureux que celui qui se compte pour tout, et les hommes pour rien : le plus ou le moins d’esclaves dans un état est indifférent ; ce qui est essentiel, c’est que la chaîne pèse lourdement sur le peuple, et que le souverain soit despôte. Rome fut languissante et faible tant qu’elle voulut se gouverner elle-même ; elle maîtrisa la terre quand des tyrans envahirent l’autorité ; c’est dans le souverain seul que doit être considérée toute la force, et puisque cette force n’est que morale, dès que physiquement le peuple est le plus puissant, ce ne doit donc être que par une suite non interrompue d’actions despotiques que le gouvernement peut établir en lui la force physique qui lui manque ; elle n’y sera jamais qu’idéalement sans cela. Lorsque nous sommes jaloux d’en imposer aux autres, il faut les accoutumer, petit à petit, à voir en nous ce qui foncièrement n’y existe pas ; autrement ils nous verront tels que nous sommes, et nous y perdrons infailliblement… J’ai toujours cru, dit Clairwil, que l’art de gouverner les hommes était celui qui demandait le plus de fausseté… Cela est vrai, et la raison en est simple, reprit Saint-Fond, on ne gouverne les hommes qu’en les trompant ; or, il faut être faux pour les tromper ; l’homme éclairé ne se laissera jamais conduire, il faut donc le priver de la lumière pour le mener à sa guise, et la fausseté seul e conduit à tous ces moyens. Mais la fausseté n’est-elle pas un vice, demandai-je à Saint-Fond ? Je la vois bien plutôt comme une vertu, répondit le ministre, elle est la seule clef du cœur de l’homme, il serait impossible de vivre avec lui en n’employant que la franchise ; uniquement occupé de nous tromper, où en serions-nous, si nous n’apprenions pas à le tromper nous-mêmes ? la principale étude de l’homme, et sur-tout de l’homme d’état, est de pénétrer toujours les autres sans se laisser démêler lui-même ; c’est son seul talent. Or, s’il n’arrive-là que par la fausseté, la fausseté est donc une vertu ; dans un monde absolument corrompu, il n’y a jamais de danger à être plus gangrené que les autres ; c’est s’assurer alors toute la somme de bonheur et de tranquillité que nous procurerait la vertu dans un gouvernement moral ; mais jamais la machine qui mène le gouvernement ne pourra être vertueuse, parce qu’il est impossible de prévenir tous les crimes, de se mettre à l’abri de tous les crimes sans être criminel aussi ; ce qui mène des hommes corrompus doit être corrompu lui-même ; et ce ne sera jamais avec la vertu, qui est un mode sans action, que vous conduirez le vice, qui est un mode toujours en action ; le gouvernant doit avoir plus d’énergie que le gouverné ; or, si celle de gouverné n’est pétrie que de crimes, comment voulez-vous que celle du gouvernant ne soit pas elle-même criminelle ; les punitions que l’on employe pour l’homme sont-elles autre chose que des crimes ? qui les excuse ? la nécessité de le gouverner. Voilà donc le crime, un des ressorts du gouvernement ; je vous demande maintenant, de quelle nécessité peut être dans le monde le mode que vous appelez vertu, lorsqu’il est constant que vous ne pouvez obtenir ce mode que par des crimes ; d’ailleurs, il est extrêmement nécessaire, pour le gouvernement même, que la masse des hommes soit très-corrompue : plus elle le sera, plus il agira facilement, Examinez, en un mot, la vertu sous tous les rapports, et vous la verrez toujours inutile et dangereuse. Je voudrais, Juliette, poursuivit Saint-Fond, en ne s’adressant plus qu’à moi, détruire radicalement en vous tous les préjugés sur cet objet, qui feront infailliblement votre malheur ; je voudrais assurer vos opinions dans le cours de votre vie, car il est affreux d’être né avec des penchans à mal faire, et de ne pouvoir s’y livrer sans frémir. Convainquez-vous bien, mon ange, que dussiez-vous troubler et déranger l’ordre de la nature dans tous les sens possibles, vous n’auriez jamais fait qu’user des facultés qu’elle vous a données pour cela… des facultés qu’elle gavait bien que vous employeriez à cela, usage qu’elle ne blâme pas sans doute, puisque loin de vous priver d’aucunes de ces facultés nuisibles, elle vous inspire à tout moment le desir de les mettre en œuvre. Faites donc tout le mal qu’il vous plaira, sans que cela trouble un instant votre repos ; soyez bien sûre que, de quelqu’espèce que soit celui que vous inventerez, il ne sera jamais aussi violent que pourrait le desirer la nature qu’elle veut la destruction… qu’elle l’aime… qu’elle s’en nourrit… qu’elle s’en abreuve, et que vous ne lui plairez jamais mieux, que quand vos mains détruiront comme les siennes, de même que vous ne l’outragez jamais davantage… que vous n’empiétez jamais autant sur ses droits que lorsque vous travaillez à une propagation qu’elle abhore… ou que vous laissez subsister sans trouble cette masse d’hommes qui nuit à ses facultés ; car le crime et la mort sont les véritables loix de la nature, et nous ne la servons jamais mieux qu’en moissonnant, comme elle, tout ce que nos bras peuvent atteindre.

Oh ! Saint-Fond, dis-je à mon amant, j’adhère à tous les principes que vous venez d’établir ; une seule chose m’inquiète, il faut, avez-vous dit, être fausse avec tout le monde ; si malheureusement vous l’étiez avec moi, vous sentez tout ce que j’aurais à craindre. Ne redoutez point cela, dit le ministre, je ne serai jamais faux avec mes amis, parce qu’au fait, il faut avoir quelque chose de solide dans le monde ; se sur quoi pourrait-on compter, si ce n’est sur le commerce de ses amis ? vous pouvez donc être certains, tous trois, que je ne vous tromperai jamais, à moins que vous ne me trompiez les premiers ; la raison de cela est bien simple, je vais l’étayer par l’égoïsme, la seule règle que je connaisse pour se bien juger soi et les autres. Nous vivons ensemble : n’est-il pas vrai que si vous vous apperceviez que je vous trompe, vous me le rendriez bientôt, et je ne veux pas être trompé : voilà toute ma logique en amitié ; c’est, dans le fait, un sentiment fort difficile entre sexe égal, impossible entre sexe différent, et que je n’estime qu’autant, ce qui est fort rare, qu’il peut-être fondé sur des rapports d’humeurs et de goûts ; mais il est faux de dire qu’il faille que la vertu en soit le ciment ; il deviendrait alors, si cela était vrai, un sentiment fort plat, que la monotonie détruirait bientôt ; quand les plaisirs en sont la base, chaque nouvelle idée en resserre les liens ; le besoin, seul aliment réel de l’amitié, rapproche ses nœuds à tous les instans, l’on s’aime tous les jours d’autant mieux… d’autant plus, que tous les jours on a plus besoin l’un de l’autre ; on jouit de son ami, on jouit avec son ami, on jouit pour son ami, les voluptés s’augmentent les unes par les autres, et ce n’est véritablement qu’alors qu’on peut se flatter de les connaître. Mais qu’obtiens-je d’un sentiment vertueux ? Quelques voluptés sèches, quelques jouissances intellectuelles qui se détruisent à la première épreuve, et qui donnent des regrets d’autant plus amers que l’amour-propre en demeure blessé, et qu’il n’est point de traits plus sensibles que ceux qui vont à l’orgueil.

Il était tard, on se coucha ; nous nous mîmes tous quatre dans un lit de huit pieds quarrés, construit pour de pareilles scènes, et après quelques luxures on s’endormit. Des affaires ayant rappelé Noirceuil à Paris, il nous quitta de bonne heure ; Clairwil et moi tînmes compagnie à Saint-Fond, qui desirait passer quelques jours à la campagne.

À notre retour à Paris, Saint-Fond m’amena sa fille, dont l’appartement avait été préparé pendant notre voyage, Il était impossible de rien voir d’aussi régulièrement beau ; la plus sublime gorge, de très-jolis détails dans les formes, de la fraîcheur dans la peau, du dégagement dans les masses, de la grâce, du moëlleux dans l’attachement des membres, une figure céleste, l’organe le plus flatteur… le plus intéressant, et beaucoup de romanesque dans l’esprit.

Voici ma fille, me dit Saint-Fond, en me la présentant, vous savez que je la destine à Noirceuil qui ne se scandalisera pas des privautés que j’ai déjà prises, et que je prends encore tous les jours avec elle : tout n’est pas cueilli ; Alexandrine est vierge d’un côté… mais son cul… ce superbe cul, Juliette, est depuis bien long-tems effeuillé par moi… Eh, comment y aurais-je résisté ? regardez-le, mon ange, et dites si de vos jours vous vîtes quelque chose de plus délicieux. Il était difficile, en effet, de rien voir de plus blanc et de mieux coupé… il n’y paraît pas, poursuivit Saint-Fond, en écartant, on ne peut se douter, ni que je la fouette tous les matins, ni que je la sodomise tous les soirs ; je vous laisse cette fille, Juliette, éduquez-la pendant quelque tems ; rendez-la digne de l’ami auquel je la destine, inspirez-lui le goût de tous les crimes, et la plus forte horreur pour toutes les vertus. Je vous cède mes droits sur elle ; transmettez-lui les principes que vous avez reçus de celui qui doit l’épouser ; donnez-lui tous nos goûts, communiquez-lui toutes nos passions : jamais le mot de Dieu ne fut prononcé devant elle, ce n’est pas avec vous que je crains qu’elle en puisse concevoir l’idée. Je lui brûlerais moi-même la cervelle, à l’instant où je lui entendrais parler de cette exécrable chimère. D’importans objets empêchent Noirceuil et moi, de nous livrer aux soins que nous vous confions, ils ne sauraient être en meilleures mains. Ce fut à cette occasion que le ministre m’apprit la nomination de Noirceuil à l’une des places les plus importantes de la cour, et qui lui valait cent mille écus de rente. Il la obtenu, me dit Saint-Fond, au même tems que le roi vient de m’en conférer une, qui me vaut le double. Et pendant que le vice triomphait avec cette impudence, vous voyez, mes amis, comme la main du sort écrasait toutes les victimes de ces indignes scélérats… Combien ces réflexions si fort au désavantage du bien, si singulièrement en faveur du mal, achevèrent de me captiver à jamais dans le sein du crime et de l’infâmie… Oh ! quelle horreur j’avais pour la vertu !

Je passai la nuit suivante avec Alexandrine ; cette jeune fille était, sans doute, délicieuse, Mais j’avoue que je la vis si philosophiquement, avec des sens tellement rassis, que je ne serais pas trop en état de vous parler des voluptés que j’en reçus : il aurait fallu de l’enthousiasme, à peine y eut-il de l’émotion. J’étais si fort affermie dans mes idées, le moral dominait si bien en moi le physique, mon indifférence était telle, mon flegme si soutenu, que soit satiété, soit dépravation, soit systême, je pus, sans m’émouvoir, la tenir nue dix heures dans mon lit, la branler, m’en faire branler, la sucer, la gamahucher, sans que ma tête en fut seulement échauffée ; et voilà, j’ose le dire, un des plus heureux fruits du stoïcisme. En roidissant notre ame contre tout ce qui peut l’émouvoir, en la familiarisant au crime par le libertinage, en ne lui laissant de la volupté que le physique, et en lui en refusant opiniâtrement la délicatesse, elle l’énerve, et de cet état dans lequel son activité naturelle ne lui permet pas de rester long-tems, elle passe à une espèce d’apathie, qui se métamorphose bientôt en plaisirs mille fois plus divins, que ceux que lui procureraient des faiblesses ; car le foutre que je perdis avec Alexandrine, quoiqu’il ne fût dû qu’à cette fermeté que je vous peins, me procura des jouissances bien plus vives, que celles qui n’eussent été le fruit que de l’enthousiasme ou des tristes feux de l’amour.

Quoiqu’il en soit, Alexandrine me parut presqu’aussi neuve au moral qu’au physique ; son cœur et son esprit n’avaient encore fait nuls progrès. Cependant la petite coquine avait du tempérament, et quand je cherchais à l’émouvoir, je la trouvais toujours pleine de foutre. Je lui demandai si son père lui faisait beaucoup de mal en l’enculant : les premières fois, me dit-elle, mais elle y était si fort accoutumée, qu’elle ne souffrait plus. Sur ma demande si elle n’avait jamais vu que Noirceuil, elle me dit que son père avait exigé d’elle, des complaisances pour un autre homme ; et je vis au portrait, que c’était Delcour. Mais ce Delcour l’avait-il enculée ?… non, il l’avait seulement fouettée devant son père ; et vous pouvez juger de là, quelle est la trempe de l’imagination d’un père, qui bande et qui décharge, en faisant fouetter devant lui, sa fille, par un bourreau. J’appris dès la première nuit, à mon écolière, tout ce qui tient à la théorie du libertinage ; et, au bout de trois jours, elle me branlait aussi bien que Clairwil. Peu à peu, néanmoins, cette petite fille parvint à me monter la tête, je l’immolais déjà dans ma perfide imagination, lorsque je demandai enfin à Noirceuil, ses intentions sur cette créature ; je veux en faire une victime, me répondit-il, comme j’ai fait de toutes mes autres femmes. — En ce cas, pourquoi retarder ? — À cause de la dot, à cause d’un enfant qu’il faut que je lui fasse, ou que je lui fasse faire, à cause de la protection du ministre qu’il faut que je conserve au moyen de cette alliance. Ces réflexions auxquelles je ne m’étais pas livrée, dérangèrent un peu mes idées. Et comme j’ai à vous raconter des événemens plus intéressans pour moi que ceux-là, vous saurez seulement, pour ne plus revenir à Alexandrine, qu’elle épousa Noirceuil, qu’elle devint grosse, je ne sais comment ; et que comme rien dans elle ne répondait aux instructions morales que je lui avais données, elle périt au bout de fort peu de tems, victime de la scélératesse de son époux et de son père, dans des orgies, que des événemens dans le détail duquel je vais bientôt entrer, m’empêchèrent de partager.

Les filles que j’étais obligée de fournir au ministre, ne me coûtaient pas toujours les sommes que je recevais pour elles ; il arrivait même quelquefois qu’elles me rapportaient au lieu de me coûter. Je vais vous en citer un exemple, qui ne vous donnera peut-être pas une haute idée de ma probité.

Un homme de province m’écrit un jour, que le gouvernement lui doit cinq cents mille francs pour des avances faites dans la dernière guerre ; sa fortune bouleversée depuis lors, le réduit, faute de cette somme, à mourir de faim, lui et une fille de seize ans, qui fait la consolation de ses jours, et qu’il marierait avec une partie de cet argent, s’il pouvait en obtenir la rentrée. Le crédit qu’il me connait, auprès du ministre, l’engage à s’adresser à moi, et il m’envoie toutes ses pièces. Je m’informe, le fait est vrai ; ce ne sera pas sans beaucoup de crédit qu’on aura ces fonds ; mais ils sont dûs très-effectivement. La jeune personne, dont il s’agit, est d’ailleurs, m’assure-t-on, l’une des plus intéressantes créatures qu’il y ait au monde. Sans rien expliquer de mes projets au ministre, je lui demande un ordre pour retirer l’argent. Je l’obtiens à la minute ; vingt-quatre heures suffisent à me procurer, ce que le bon provincial ne pouvait obtenir depuis dix ans. Dès que je suis en possession de la dette, j’écris au solliciteur que tout est en bon train ; mais que sa présence est absolument nécessaire ; qu’une jeune et jolie personne, produite avec lui dans les bureaux, ne peut qu’accélérer la réussite de sa demande ; que je l’invite, en conséquence, à amener sa fille avec lui. Le benet, dupe de mes conseils perfides, apporte lui-même sa réponse, et me présente effectivement une des plus belles filles que j’eusse encore vues. Je ne les lis pas languir long-tems après leur arrivée. Un de ces dîners ministériels, que je donnais chaque semaine à Saint-Fond, les mit en ma puissance. Déjà maîtresse des cinq cents mille francs, et le devenant, par cette insigne trahison, du père et de la fille, vous devinez, je crois aisément, l’emploi que je fis des uns et des autres. L’argent qui eût fait la fortune de plusieurs familles, fut dépensé par moi dans moins d’une semaine ; et la fille destinée à faire la félicité d’un honnête homme, après avoir été souillée par nos pollutions nocturnes, pendant trois jours de suite, devint le quatrième, victime avec son père, de la férocité de Saint-Fond et de Noirceuil, qui les firent expirer tous deux, dans un supplice, d’autant plus barbare, qu’ils y vécurent douze heures dans les angoisses les plus effrayantes.

À ces preuves de ma perfidie, je dois, pour achever de me peindre à vous, vous en donner de mon avarice. Croiriez-vous que je la portais au point de prêter sur gages. M’en trouvant un jour pour huit cents mille francs, qui à peine m’eussent, en les rendant, rapporté le quart de la somme, je fis banqueroute, et ruinai par ce trait, vingt malheureuses familles, qui n’avoient mis dans mes mains leurs effets les plus précieux, que pour se procurer une triste subsistance momentanée, et qu’ils ne trouvaient pas dans des travaux qui leur coûtaient néanmoins tant de peines et tant de sueurs.

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L’époque de Pâques approchait, Clairwil fut la première à me rappeler notre partie des carmes. Introduites dans l’intérieur du couvent avec Elvire et Charmeil, mes deux plus jolies tribades, le supérieur commença par nous demander des nouvelles de Claude ; il n’avait pas paru, nous assura-t-il, depuis l’invitation que nous lui avions faite. Nous assurâmes le bon moine, que nous ignorions absolument le sort de son confrère ; mais qu’avec le libertinage que nous lui avions reconnu, il paraissait fort vraisemblable qu’il avait jeté le froc aux orties. Il n’en fut plus question ; nous passâmes dans une salle immense ; et ce fut-là, où le supérieur nous fit faire la revue des combattans. Eusèbe les faisait tous passer, les uns après les autres ; ils arrivaient entre les mains de mes deux femmes, qui les branlaient, et nous montraient les vits. Tout ce qui n’avait pas au moins six pouces de tour, sur neuf de long, fut réformé, ainsi que tout ce qui passait cinquante ans. On ne nous en avait promis qu’une trentaine, il y eut soixante-quatre moines et dix novices, tous munis d’engins, dont les plus petits se trouvaient dans les proportions qui viennent d’être dites, et quelques-uns de dix sur quatorze. La cérémonie commença.

Clairwil et moi, toujours dans cette même salle, nous étions étendues sur des canapés larges, élastiques et profonds, les jambes pendantes, les reins soulevés par de gros carreaux, absolument nues, et c’était le con, que dans cette première attaque, nous présentions à nos adversaires. Les tribades nous envoyaient les vits par rangs de taille, de manière à ce que les plus petits commençassent ; mais ce n’était qu’aux pollutions de nos doigts qu’on adressait des vits ; attendu que nous branlions de chaque main, les deux successeurs de celui qui nous enconnait. Aussi-tôt que le con se remplissait, aux dépens d’une main, il arrivait tout de suite un nouveau vit dans cette nain, et nous avions toujours trois hommes, chacune, sur le corps. Celui qui était hors de combat, se retirait dans une salle voisine, jusqu’à nouvel ordre. Tous étaient nuds, et tous déchargeaient dans un gondon, dont leur vit était revêtu. Ils passaient successivement de Clairwil à

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moi ; nous fûmes donc ainsi foutues, chacune d’abord soixante et quatre coups : pendant les derniers, nos femmes étaient passées dans la seconde pièce, où elles travaillaient à faire rebander les moines. La seconde course recommença… Encore soixante et quatre coups chacune ; mêmes procédés pour la troisième ; mais ce fut le cul que nous présentâmes ; et nos athlètes nous furent envoyés cette fois, de manière à ce que nous eussions toujours un vit dans le cul, l’autre dans la bouche ; et c’était celui qui sortait de nos culs que nous suçions, afin de le préparer à la quatrième attaque. Ici, l’on observait l’alternative ; c’est-à-dire, que je suçais le vit qui se retirait du cul de Clairwil, et elle suçait celui qui sortait du mien. On redoubla, de manière, qu’après cette première scène, nous avions été foutue chacunes cent vingt-huit coups en con, et cent vingt-huit en cul, formant deux cent cinquante-six en tout. On servit des biscuits et des vins d’Espagne, puis les grouppes se formèrent.

Nous reçûmes à la fois huit hommes ; nous avions un vit sous chaque aisselle, un dans chaque main, un dans les tetons, un dans la bouche, le septième en con, le huitième en cul. Ici plus de gondons ; il fallait que tous déchargeassent, afin que nous nous trouvassions arrosées de foutre sur toutes les parties de nos corps, et que de toutes parts, on le vit bouillonner sur nous. Chaque brigade de huit redoubla en changeant de femmes et de manière de foutre, de façon que nous éprouvâmes, chacune, huit pareils assauts, au bout desquels nous n’exigeâmes plus rien. Toutes deux offertes à leur lubricité, nous leur déclarâmes qu’ils étaient les maîtres de choisir entre Clairwil et moi, et de jouir comme bon leur semblerait. Clairwil de cette manière, fut encore foutue quinze coups en bouche, dix en con, et trente-neuf en cul, et moi quarante-six en cul, huit en bouche et dix en con[8]. Deux cent coups chacune au total.

Le jour parut, et comme c’était celui de Pâques, les coquins, en nous traitant ainsi, allaient dire leur messe et en revenaient ; on nous avertit pour le dîner ; nous témoignâmes au supérieur le desir de procéder avant aux petites impiétés convenues. Spectateur de nos lubricités, Eusèbe qui n’aimait que les hommes, s’était contenté de nous disposer des vits et d’enculer quelques-uns de ses confrères, pendant que nous en étions foutues. Eh bien ! nous dit-il, je vais moi-même célébrer le saint mystère dans la chapelle de la vierge, en haut. Comment desirez-vous que cela se fasse ; il faut, dit Clairwil, qu’un autre moine célébre à côté de vous : ces deux messes se diront sur les cons de nos deux tribades ; un moine les foutra en bouche pendant ce tems-là, afin de présenter son cul au célébrant, et il chiera sur le ventre de la fille, dès que l’hostie sera consacrée : de ce moment, le prêtre fera tenir le petit Dieu dans cet étron ; mon amie et moi irons le chercher là, nous en brûlerons une partie, nous donnerons des coups de couteau dans l’autre ; on fera quatre parts ensuite de ce qui restera, deux de ces parts seront enfoncées à coups de vits dans le cul des deux célébrants ; le reste s’introduira de même dans le cul de Juliette et dans le mien : au bout d’un instant, le vin consacré s’introduira dans quatre petites seringues, et l’on injectera ces quatre portions dans le cul des deux prêtres et dans les deux nôtres. On nous ressodomisera tous quatre, et l’on nous déchargera dans le cul. Vos plus beaux crucifix seront sous nos ventres et sous nos pieds pendant l’opération, et nous chierons dessus, ainsi que dans vos ciboires et vos calices, dès que nous aurons été foutues.

Tout se passa comme l’avait desiré mon amie : allons, dit-elle, je suis satisfaite ; je sais bien que ce sont des enfantillages, des inutilités, mais cela m’a échauffé la tête ; n’était-ce donc pas tout ce qu’il fallait ? Les voluptés ne sont que ce que l’imagination les fait ; et la plus délicieuse de toutes n’est jamais que celle qui plaît le mieux.

Tous les goûts sont dans la nature ;
Le meilleur est celui qu’on a.

Eusèbe, et les quatre moines qui nous avaient plu davantage, furent les seuls admis au magnifique repas qui nous fut servi ; nous reposâmes deux heures, et les orgies recommencèrent.

Cette fois-ci, nos deux tribades, placées au-dessus de la tête de Clairwil, exposaient l’une son con, l’autre son cul ; moi, je devais branler les soixante-quatre vits et les introduire l’un après l’autre, d’abord dans le vagin, ensuite dans l’anus de ma compagne, qui les attendait couchée sur le dos et les jambes en l’air, liées aux quenouilles d’un lit ; ils ne faisaient que s’exciter dans le con, tous étaient obligé de décharger dans le cul ; je pris la place de Clairwil ; elle me rendit le même service. Ces libertins, en jouissant ainsi de nous, avaient, non-seulement le plaisir de foutre de deux manières. mais même encore celui, pendant qu’ils foutaient, d’être aidés, servis par une jolie main, et de baiser une bouche, un con ou un cul, à leur volonté ; tous répandirent du foutre.

À la seconde séance, chacune de nos tribades nous branlait un vit sur la figure ; nous en branlions un de chaque main, et deux moines nous gamahuchaient ; nous étions assises sur le visage de celui qui nous léchait le trou du cul ; entre nos jambes, à genoux, était celui qui nous suçait le con ; le septième et le huitième attendaient nos ordres, le vit à la main, et ils nous enconnaient ou nous enculaient au moment où, suffisamment excitées par les gamahucheurs, nous leur faisions signe de s’introduire. Nous obtînmes encore huit coups de cette manière.

Ma compagne et moi étions excédées, lorsqu’il passa par la tête de Clairwil une idée bien digne de son libertinage.

En s’y prenant, dit-elle, avec adresse, il est possible qu’une femme soit enconnée par deux hommes à-la-fois, que ceux qui bandent encore m’approchent, que le mieux fourni des deux m’enfile en me prenant sur lui ; que l’autre me le mette à l’envers, en me branlant le trou du cul ; qu’un troisième vienne se faire sucer ; tout cela ne m’empêchera pas d’en pouvoir branler encore deux.

Clairwil se trouvait heureusement assez large pour l’exécution de son projet : vigoureusement secouée par deux monstrueux engins, dont l’un se retirait pendant que l’autre s’engloutissait jusqu’au poil[9], ainsi foutue en mesure pendant plus de trois heures, par vingt-six des moines qui furent assez adroits pour réussir, la putain sortit de-là comme une frénétique ; ses yeux étincelaient, sa bouche écumait ; elle était en nage, et toute excédée qu’elle paraissait, la garce desirait encore ; on la voyait comme une bacchante parcourir les rangs et sucer les vits pour tâcher d’en obtenir de nouveaux efforts. Trop jeune et trop délicate pour me permettre d’essayer même l’obscène irrégularité que ma compagne venait de mettre en œuvre, je m’étais amusée pendant ses orgies à lui préparer des vits, mais il ne m’était plus possible de rien faire ; j’éprouvais, dans l’une et l’autre région du plaisir, un tel feu, une cuisson si considérable que je pouvais à peine me tenir assise.

Nous soupâmes… Il était tard. Clairwil dit qu’elle voulait coucher au couvent. Tu me feras mettre un matelat sur le maître-autel, dit-elle au supérieur, je veux y foutre toute la nuit. Juliette m’imitera ; il fait chaud, nous serons là plus fraîchement, ou bien elle ira dans la chapelle de cette putain, qui, dit-on, fut la mère du Dieu pendu de l’infâme religion chrétienne. Juliette, tu coucheras sur cet autel, et te modelant sur le putanisme de la garce chez laquelle tu seras, au lieu des soldats de la garnison de Jérusalem, par qui la bougresse s’en faisait donner tous les jours, tu choisiras parmi ces moines ceux dans qui tu soupçonneras encore quelque vigueur. Ah ! je ne peux plus foutre, m’écriai-je. — Eh bien ! tu les branleras, ils te branleront ; tu les suceras, ils te suceront ; il y aura toujours du foutre de répandu sur tes autels impies de cette effroyable putain. Pour moi, continua-t-elle, je ne te ressemble pas, il s’en faut : à quelque point que j’aie été limée, je brûle encore du besoin d’être foutue ; les flots de sperme qui m’ont inondé le cul et le con, n’ont fait que m’enflammer ; je brûle… Plus l’on fout, à mon âge, et plus l’on veut foutre : ce n’est que le foutre qui appaise l’inflammation causée par le foutre ; et quand une femme a le tempéramment que m’a donné la nature, ce n’est qu’en foutant qu’elle peut être heureuse. Le putanisme est la vertu des femmes ; nous ne sommes créées que pour foutre ; malheur à celle qu’une stupide vertu enchaîne encore à de plats préjugés ; victime de ses opinions et de la froide estime qu’elle attend presque toujours en vain des hommes, elle aura vécu sans plaisir et mourra sans être regrettée. Le libertinage des femmes fut honoré sur toute la terre ; par-tout il eut et des sectateurs et des temples ; ah, comme je deviens sa zélatrice ! comme je jure et proteste d’être putain le reste de mes jours !… Que de grâces j’ai à rendre à ceux qui m’ont applani la carrière du vice… C’est à eux seuls que je dois la vie ; je l’avais reçue de mes parens, souillée d’indignes préjugés ; le feu des passions les a consumé tous, et puisque le jour n’est pur, à mes yeux, que depuis que je connais l’art de foutre, c’est de cette seule époque que j’ai reçu l’existence… Des vits, oui, sacre-dieu, des vits, voilà mes Dieux, mes parens, mes amis, je ne respire que pour ce membre sublime ; et quand il n’est ni dans mon con, ni dans mon cul, il se place si bien dans ma tête, qu’en me disséquant un jour on le trouvera dans ma cervelle.

Après ce mouvement d’effervescence, prononcé de l’air et du ton d’une énergumène, Clairwil prit deux carmes avec elle, et fut se coucher sur l’autel ; je, l’imitai : m’étant bien bassinée avec de l’eau de rose, j’essayai de me prêter aux nouvelles attaques de deux superbes novices que j’avais amené, et j’en jouissais lorsque Clairwil, se jettant au bas de l’autel où elle s’est mise, s’écrie qu’il lui faut de nouveaux hommes ; que l’on soit difficile et que l’on choisisse au sein de l’abondance, dit-elle, rien de plus simple ; mais nous manquons maintenant ; ces bougres-là sont anéantis… Le croirais-tu, Juliette, je viens d’être ratée… moi, qui jamais n’éprouvai cet affront. Allons, allons, il y a d’autres vits dans ce couvent ; nous n’avons choisi que les plus beaux, tatons les autres maintenant ; suis moi. Si le supérieur, poursuit-elle, en ordonnant qu’on aille le lui chercher, n’a pas été bon pour satisfaire individuellement mes desirs, il le sera pour les faire appaiser par ceux de ses confrères qui, reposés, frais et gaillards, et n’ayant encore rien fait avec nous, doivent avoir toutes les forces requises pour nous contenter… Allons, lui dit-elle, dès qu’elle le vit paraître, conduis-nous dans les cellules habitées par les moines qui n’ont point paru à nos bacchanales ; nous le suivons ; les portes s’ouvrent à notre approche ; et quelle que fût la conformation de ceux que nous trouvions dans ces chambres, il fallait qu’ils jouissent de nous. Tous souscrivirent au marché, tous le signèrent de leur sperme ; les uns nous prenaient par devant ; d’autres, et ce fut le plus grand nombre, ne voulaient enfiler que le cul ; et nous, ne poursuivant qu’un seul objet, celui d’être foutues, nous présentions indistinctement tout ce qu’on pouvait exiger de nous, contentes d’obtenir du foutre, dans quelque partie du corps qu’il dût couler : voilà comme doivent penser toutes les femmes. Est-il rien de plus absurde, en effet, que de supposer qu’il n’y ait pour recevoir des vits, qu’une partie de nos corps, et que si malheureusement on s’écarte de la grande route, il y a aussi-tôt des crimes de commis ; comme si la nature en nous formant deux trous n’avait pas indiqué à l’homme, que c’était pour les boucher indistinctement l’un et l’autre ; et que quelque fût celui qu’il préférât, il accomplirait toujours les loix d’une mère trop sage, pour avoir donné à l’une de ses plus faibles créatures, le plaisant droit de l’outrager.

Très-partisanne de cette manière de jouir, et la préférant, sans nulle comparaison à l’autre, je fus assez heureuse, dans cette seconde tournée, pour ne m’entendre demander que le cul, et je ne le refusai à personne.

Nous passâmes enfin chez les vieux ; il ne faut rien excepter, dit Clairwil, tous les hommes sont intéressans dès qu’ils déchargent ; je n’exige d’eux que du foutre. Quelques-uns, couchés avec des novices, nous repoussèrent ; vous ne nous dédommageriez pas de l’infidélité, nous dirent-ils : dussiez-vous même nous offrir l’autel où nous sacrifions, il y aurait un voisin trop redoutable pour que nous puissions essayer l’hommage.

Une femme a beau faire, elle a beau se tourner,
Ce sera toujours une femme.
Martial, Epig.

D’autres nous reçurent ; mais que de peines nous eûmes seulement à les faire bander… Que de complaisances !… que de soins…… que de lubriques attentions ! que de differens rôles à jouer ? Tour-à-tour victimes ou prêtresses, tantôt il nous fallût réveiller chez les uns, par de cruelles macérations, une nature épuisée, que les autres ne sortaient de la létargie, qu’en nous molestant nous-mêmes. Un de ces vieux pécheurs voulût nous fouetter, nous le souffrîmes ; nous étrillâmes les autres ; il fallût prêter nos bouches à cinq ou six ; et dupes de nos complaisances avec ceux-là, leurs forces s’y épuisèrent, sans que nous puissions y rien gagner ; d’autres voulurent des choses plus singulières encore ; nous fîmes tout… tout déchargea, jusqu’au sacristain, jusqu’au portier, jusqu’aux balayeurs, qui nous foutirent deux ou trois cents coups chacun ; et après avoir couru plus de trois cents postes, soit d’un côté, soit de l’autre, nous nous retirâmes, épuisées de tous les genres de fatigue qui peuvent accabler le corps humain. Un régime exact de neuf jours, pendant lesquels nous prîmes beaucoup de bains et de petit-lait, nous rendit aussi fraîches, que si nous n’eussions jamais imaginé cette partie.

Mais s’il n’en restait plus de vestiges à mon extérieur, ma tête n’en était pas moins embrâsée ; on n’imagine pas dans quel état cette extravagance l’avait mise, j’étais exactement dans le délire de la lubricité, je voulus, ou pour m’appaiser, ou pour m’enflammer davantage, aller toute seule une fois à notre Société des Amis du Crime, il y a des momens, où, quelqu’agréable que soit la compagnie d’un être qui pense comme nous, on préfère cependant la solitude, il semble que l’on sera plus libre, que l’on inventera davantage ; on est alors dispensé de cette espèce de honte dont on a tant de peine à se débarrasser avec les autres, et rien ne vaut enfin les crimes solitaires.

Il y avait quelque tems que je n’avais paru dans ce cercle : perpétuellement entourée de plaisir, je savais rarement auquel donner la préférence. Je n’y fus pas plutôt entrée, que je reçus mille éloges et mille complimens nouveaux, et je me vis bientôt contrainte à n’être que victime, lorsque j’arrivais pour être sacrificateur. Un homme de quarante ans m’enconnait ; et fort peu occupée de répondre à ses feux, me laissant faire comme une machine, j’observais avec bien plus d’attention un fort bel abbé ; enculant alternativement deux jeunes personnes pendant qu’on le fouettait lui-même : il était à deux pieds de moi ; je l’excitais par des propos, et je m’apperçus promptement qu’il faisait à moi bien plus d’attention qu’aux individus dont il se servait. Nous étant donc promptement débarrassés de nos entours, nous nous liâmes. Votre façon de jouir me plaît bien plus que celle de celui où vous venez de me voir livrée, lui dis-je, je ne conçois pas comment un homme fait pour être dans cette société, ose encore s’amuser d’un con. Je ne l’entends pas non plus, me dit Chabert… car c’était lui, mes amis… lui qui fait aujourd’hui les délices de notre campagne, et que vous allez bientôt voir jouer un rôle dans mes aventures. C’est-à-dire, poursuivit mon aimable abbé, que ce vit que vous voyez bander encore, vous chatouillera davantage au cul qu’au con ? Assurément, répondis-je. Eh bien ! dit-il, en emmenant avec nous celui qui le foutait, passons dans un boudoir, et je vous ferai voir là que nos goûts se ressemblent. Nous entrons ; le fouteur de Chabert l’avait comme un mulet : l’abbé lui-même était fort bien muni, mon cul les épuisa tous deux. Je promis à Chabert de le retrouver, et m’esquivai bientôt dans les sérails, où les stimulans que je venais de recevoir me firent entrer toute en feu. Après m’en être fait donner trois heures dans celui des hommes, je fus me chercher des victimes dans celui des femmes. Je brûlais de descendre dans ces trous pratiqués sous terre, entre les deux murs, et dans lesquels il semblait que l’on fût au bout du monde. J’y conduisis deux petites filles de cinq ou six ans, et n’ai jamais eu tant de plaisir : on criait, on déraisonnait, on battait la campagne là, tant que l’on voulait, les antipodes vous eussent plutôt entendus que les habitans de notre hémisphère, et après des horreurs dont vous vous doutez, sans que je sois obligée de vous les peindre, je remontai, seule, quoique nous, fussions descendus trois.

Ce fut à quelque tems de là que je me trouvai à dîner chez Noirceuil avec un fort bel homme de quarante-cinq ans, qui fut annoncé sous le nom du comte de Belmor. Voilà notre nouveau président, me dit Noirceuil ; c’est aujourd’hui le jour de son entrée à la présidence, et il nous a promis, pour sa réception, un discours sur l’amour, que je suis charmé de te faire entendre, pour prémunir ton cœur contre ce sentiment que les femmes n’ont que trop souvent l’extravagance de concevoir pour les hommes. Vous, mon ami, continua-t-il en s’adressant à Belmor, trouvez bon que je vous présente la fameuse Juliette. Vous êtes-vous rencontré à la société ? Non, dit le comte ; je ne me rappelle pas d’avoir vu madame… Eh bien ! dit Noirceuil, vous ferez connaissance ici avant que de partir… c’est le cul le plus blanc… et l’ame la plus noire… Oh ! elle est bien digne de nous ! Elle viendra vous entendre cet après-midi… Voulez-vous faire quelque chose avant dîner ?… J’attends Clairwil… Mais avant que sa toilette ne soit finie il sera quatre heures ; or, comme il n’en est que trois, je vous exhorte à passer tous deux un instant dans mon boudoir, mon valet-de-chambre va vous suivre. Belmor consentit ; le valet vint et nous nous enfermâmes tous trois. La passion de Belmor était simple ; il baisait, il examinait long-tems les fesses de la femme, pendant que l’homme l’enculait ; puis dès que cet homme avait déchargé, il lui branlait le vit sur le cul de la femme, lui faisait perdre une seconde fois du foutre bien positivement au trou, et dévorait ce que venait de perdre cet homme, pendant que la femme pétait. On le fouettait alors. Le comte remplit avec moi tous les épisodes de ses goûts ; mais se sentant de la besogne pour le soir, il ne déchargea pas : nous rentrâmes. Clairwil, belle comme un ange, venait d’arriver ; on se mit à table.

Juliette me dit Noirceuil, ne vous imaginez pas que le comte ait toujours des passions aussi douces que celle que vous venez de lui satisfaire ; il vous a traitée comme notre amie. Comme un homme qui se ménage, dit Clairwil. Vous savez donc, madame, ce que fait monsieur dans ses momens de délire, dis-je à Clairwil en souriant : si cela est, dites-le moi, je vous en conjure, car il me paraît si aimable, que je ne veux rien ignorer de ce qui le concerne. Comte, dit Noirceuil, trouvez-vous bon qu’on le lui dise ? — Je ne devrais pas y consentir, cela va donner à madame une beaucoup trop mauvaise idée de moi. Je connais assez mon amie, dit Clairwil, pour vous assurer qu’elle ne vous estimera qu’en raison de la multitude ou de la supériorité de vos vices. Eh bien ! dit Noirceuil, ce scélérat a pour passion favorite de faire attacher un petit garçon de cinq ou six ans sur les épaules d’une belle femme ; on fait couler le sang de la petite victime par mille plaies différentes, mais de manière à ce que le ruisseau coule sur le trou du cul de cette femme, obligée de chier pendant cette opération. Quant à lui, agenouillé devant le derrière, il avale le sang, pendant que trois hommes s’énervent dans son cul. Vous voyez que ce que vous venez de faire avec lui, n’est qu’un diminutif de sa fantaisie de choix ; tant il est vrai que les petites habitudes chez les hommes, caractérisent les plus grandes, et que le vice dominant, s’annonce toujours par quelque chose.

Oh foutre, dis-je au comte, en l’embrasant de tout mon cœur, votre manie me fait tourner la tête, employez souvent, je vous prie, mes fesses, à de semblables opérations, et soyez bien sûr que je ne négligerai rien de ce qui pourra perfectionner votre extase. M. de Belmor m’assura que la journée ne se passerait pas sans cela ; et il me conjura tout bas de lui réserver mon étron. Ah ! dit Clairwil, je savais bien que vous ne déplairiez pas à mon amie, en lui annonçant votre libertinage. Il est certain, dit Noirceuil, que c’est une sotte vertu que la tempérance ; l’homme est né pour jouir, et ce n’est que par ses débauches qu’il connaît les plus doux plaisirs de la vie : il n’y a que les sots qui se contiennent. Pour moi, reprit Clairwil, en se qu’il faut aveuglément se livrer à tout, et que ce n’est qu’au milieu de ses égaremens que doit se trouver le bonheur. La nature, dit le comte, indique à l’homme de ne le chercher que dans les excès ; l’inconstance dont il est doué, en lui conseillant d’augmenter ses sensations chaque jour, prouve bien que les plus douces ne sont que dans les écarts. Malheur à ceux qui, contenant les passions de l’homme dans sa jeunesse, lui font une habitude des privations, et le rendent par là, le plus infortuné des êtres. Quels mauvais services on lui rend alors… Il ne faut pas se tromper sur le but de ceux qui se conduisent ainsi, dit Noirceuil ; ne doutons point que ce ne soit par méchanceté, par jalousie… de peur que les autres ne soient aussi heureux, que ces pédans-là sentent bien qu’on peut l’être en se livrant à toutes leurs passions,… La superstition, dit Belmor, y contribue beaucoup, il fallait bien composer des offenses envers le Dieu que la superstition créait ; un Dieu qui ne se serait fâché de rien, devenait un être sans puissance ; et où pouvait mieux se trouver le germe des crimes, que dans le jet des passions ?… Que de tort, dit Noirceuil, la religion a fait à l’univers. Je la regarde, dis-je, comme le fléau le plus dangereux de l’humanité ; celui qui le premier put en parler aux hommes, dût être nécessairement son plus grand ennemi : le plus effrayant des supplices eût encore été beaucoup trop doux pour lui… On ne se sent pas assez, dit Belmor, la nécessité de la détruire… de l’extirper dans notre patrie… Ce sera fort difficile, dit Noirceuil, il n’y a rien à quoi l’homme tienne, comme aux principes de son enfance : un jour peut-être par un enthousiasme de préjugés tout aussi ridicules que ceux de la religion, vous verrez le peuple en culbuter les idoles. Mais semblable à l’enfant timide, il pleurera au bout de quelque tems, le brisement de ses hochets, et les réédifiera bientôt avec mille fois plus de ferveur. Non, non, jamais vous ne verrez la philosophie dans le peuple, ses organes épais ne s’ammolliront jamais sous le flambeau sacré de cette déesse ; l’autorité sacerdotale, un instant affaiblie peut-être, ne se rétablira qu’avec plus de violence, et c’est jusqu’à la fin des siècles, que vous verrez la superstition nous abreuver de ses venins. — Cette prédiction est horrible. — Elle est vraie. — Le moyen de s’y opposer… Le voici, dit le comte, il est violent, mais il est sûr ; il faut arrêter et massacrer tous les prêtres, dans un seul jour… traiter de même tous leurs adhérens ; détruire à la même minute jusqu’au plus léger vestige du culte catholique… proclamer des systêmes d’athéïsme, confier dans l’instant l’éducation de la jeunesse, à des philosophes ; multiplier, donner, répandre, afficher les écrits qui propagent l’incrédulité, et porter sévèrement pendant un demi siècle, la peine de mort contre tout individu qui rétablirait la chimère[10]. Mais, ose-t-on vous dire, on fait des prosélites avec la sévérité ; l’intolérance est le berceau de tous les martyrs : cette objection est absurde, ce que l’on me dit là n’est arrivé, que parce qu’on a mis au contraire, beaucoup trop de mollesse et de douceur dans le procédé ; on a tatonné l’opération, et jamais on n’a été au but. Ce n’est pas une des têtes de l’hydre qu’il faut couper, c’est le monstre en entier qu’il faut étouffer ; le martyr d’une opinion voit la mort avec courage, parce que cette force lui est inspirée par celui qui le précède. Massacrez tout en un seul jour, que rien ne reste, et vous n’aurez plus de ce moment ni sectateurs ni martyrs… Cette opération n’est pas aisée, dit Clairwil… Infiniment plus qu’on ne pense, répondit Belmor, et je me charge de l’exécuter avec vingt-cinq mille hommes, si le gouvernement veut me les confier ; il ne faut à cela, que de la politique, du secret, de la fermeté, sur-tout point de molesse et point de queue ; vous craignez les martyrs, vous en aurez tant, qu’il restera un sectateur à l’abominable Dieu des chrétiens… Mais, dis-je, il faudrait donc détruire les deux tiers de la France. Pas même un, répondit Belmor, mais à supposer que la destruction nécessaire fut aussi grande que vous le dites, ne vaudrait-il pas cent fois mieux que cette belle partie de l’Europe ne fût habitée que par dix millions d’honnêtes gens, que par vingt-cinq millions de coquins. Cependant, je le répète, ne croyez pas qu’il y ait en France autant de sectateurs de la religion chrétienne, que vous semblez l’imaginer ; le triage serait bientôt fait. Un an dans l’ombre et le silence me suffirait à l’établir, et je n’éclaterais que sûr de mon fait. — Cette saignée serait prodigieuse. — J’en conviens, mais elle assurerait à jamais le bonheur de la France ; c’est un remède violent administré sur un corps vigoureux : en le tirant promptement d’affaire, il lui évite une infinité de purgations, qui, trop multipliées, finissent par l’épuiser tout à fait.

Soyez bien certains que toutes les plaies qui déchirent la France depuis dix-huit cents ans, ne viennent que des factions religieuses[11]… À vous entendre, comte, dit Noirceuil, vous n’aimez pas infiniment la religion. — Je la vois peser sur les peuples comme une des plaies dont la nature afflige quelquefois les hommes, et si je n’aimais pas autant mon pays, j’abhorrerais moins tout ce qui peut l’embrâser et le détruire… Allons, dit Noirceuil, puisse le gouvernement vous confier le soin que vous desirez, je jouirais bien sincèrement avec vous du résultat, puisqu’il bannirait de dessus la partie du monde que j’habite, une abominable religion que je hais pour le moins autant que vous. Et comme il était tard ; après le plus succulant et le plus somptueux dîner, on partit-pour la société.

Il y avait un usage fort extraordinaire à la réception d’un nouveau président ; appuyé sur le ventre, dans un canapé, au bas de sa chaire, il fallait que tous les membres de la société fussent lui baiser le cul avant qu’il ne s’établit dans son fauteuil ; le comte se place, et chacun satisfait à l’hommage. Il monte.

Mes frères, dit-il, j’ai promis d’entretenir aujourd’hui la société sur l’Amour, et quoique ce discours n’ait l’air de s’adresser qu’aux hommes, les femmes, j’ose vous l’assurer, y trouveront de même tout ce qui leur est nécessaire pour se préserver d’un sentiment aussi dangereux. Puis, s’étant couvert, et l’assemblée l’écoutant avec le plus grand silence, voici comme il s’exprima :

« On appelle Amour, ce sentiment intérieur qui nous entraîne, pour ainsi dire, comme malgré nous, vers un objet quelconque ; qui nous fait vivement desirer de nous unir à lui… de nous en rapprocher sans cesse… qui nous flatte… qui nous enivre, quand nous réussissons à cette union, et qui nous désespère… qui nous déchire quand quelques motifs étrangers viennent nous contraindre à briser cette union, si cette extravagance ne nous entraînait jamais qu’à la jouissance prise avec cette ardeur, cet enivrement, elle ne serait qu’un ridicule ; mais comme elle nous conduit à une certaine métaphysique qui, nous transformant en l’objet aimé, nous rend ses actions, ses besoins, ses desirs aussi chers que les nôtres propres, par cela seul elle devient excessivement dangereuse, en nous détachant trop de nous-même, et en nous faisant négliger nos intérêts pour ceux de l’objet aimé ; en nous identifiant, pour ainsi dire, avec cet objet, elle nous fait adopter ses malheurs, ses chagrins, et ajoute, par conséquent, ainsi, à la somme des nôtres. D’ailleurs, la crainte ou de perdre cet objet, ou de le voir se refroidir, nous tracasse sans cesse ; et de l’état le plus tranquille de la vie, nous passons insensiblement, en adoptant cette chaîne, au plus cruel, sans doute, qui se puisse imaginer dans le monde. Si la récompense ou le dédommagement de tant de peines était autre chose qu’une jouissance ordinaire, peut-être conseillerais-je de le risquer ; mais tous les soucis, tous les tourmens, toutes les épines de l’amour ne conduisent jamais qu’à ce qu’on peut aisément obtenir sans lui ; où donc est la nécessité de ses fers ? Lorsqu’une belle femme s’offre à moi, et que j’en deviens amoureux, je n’ai pas avec elle un but différent que celui qui la voit et qui la desire sans former aucune espèce d’amour ; tous deux nous voulons coucher avec elle ; lui, ce n’est que son corps qu’il desire ; et moi, par une métaphysique fausse et toujours dangereuse, m’aveuglant sur le véritable motif, qui, néanmoins, n’est autre que celui de mon concurrent, je me persuade que ce n’est que le cœur que je veux, que toute idée de jouissance est exclue, et je me le persuade si bien, que je ferais volontiers avec cette femme l’arrangement de ne l’aimer que pour elle-même, et d’acheter son cœur aux prix du sacrifice de tous mes desirs physiques. Voilà la cause cruelle de mon erreur ; voilà ce qui va m’entraîner dans ce gouffre affreux de chagrins, voilà ce qui va flétrir ma vie ; tout va changer pour moi dans cet instant : les soupçons, les jalousies, les inquiétudes, vont devenir les alimens cruels de ma malheureuse existence ; et plus j’approcherai de mon bonheur, plus il se constatera, plus la fatale crainte de le perdre, empoisonnera mes jours. En renonçant aux épines de ce sentiment dangereux, n’imaginez pas que je me prive de ses roses ; je les cueillerai alors sans danger ; je ne prendrai que le suc de la fleur, j’en éloignerai toutes les matières hétérogènes ; j’aurai de même la possession du corps que je desire, et n’aurai pas celle de l’ame qui ne m’est utile à rien. Si l’homme s’éclairait mieux sur ses vrais intérêts dans la jouissance, il épargnerait à son cœur cette fièvre cruelle qui le brûle et qui le dessèche : s’il pouvait se convaincre qu’il n’est nullement besoin d’être aimé pour bien jouir, et que l’amour nuit plutôt aux transports de la jouissance qu’il n’y sert, il renoncerait à cette méthaphysique du sentiment qui l’aveugle, se bornerait à la simple jouissance des corps, connaîtrait le véritable bonheur, et s’épargnerait pour toujours le chagrin inséparable de sa dangereuse délicatesse.

C’est un être de raison… une sensation tout-à-fait chimérique que cette délicatesse que nous plaçons dans le desir de la jouissance : elle peut être de quelque prix dans la métaphysique de l’amour ; c’est l’histoire de toutes les illusions, elles s’embellissent mutuellement ; mais elle est inutile, nuisible même dans ce qui ne tient qu’à la satisfaction des sens ; de ce moment, vous le voyez, l’amour devient parfaitement inutile, et l’homme raisonnable ne doit plus voir, dans l’objet de sa jouissance, qu’un objet pour lequel le fluide nerval s’enflamme, qu’une créature fort indifférente par elle-même, qui doit se prêter à la satisfaction purement physique des desirs allumés par l’embrâsement qu’elle a causé sur ce fluide, et qui, cette satisfaction donnée et reçue, rentre au yeux de l’homme raisonnable, dans la classe où elle était auparavant. Elle n’est pas unique dans son espèce, il peut en retrouver d’aussi bonne, d’aussi complaisante ; il vivait bien autrefois, avant que de l’avoir connue ; pourquoi ne vivra-t-il pas tout de même après ? Comment l’infidélité de cette femme pourrait-elle le troubler en quoique ce puisse être ? En prodiguant ses faveurs à un autre, enlève-t-elle quelque chose à son amant ? il a eu son tour, de quoi se plaint-il ? pourquoi un autre ne l’aurait-il pas de même ; et que perdra-t-il en cette créature qu’il ne puisse aussi-tôt retrouver dans un autre ? Si elle le trompe d’ailleurs pour un rival, elle peut de même tromper ce rival pour lui ; ce second amant ne sera donc pas plus aimé que le premier ; pourquoi, d’après cela, sera-t-il jaloux, puisqu’ils ne sont pas mieux traités l’un que l’autre ? Ces regrets seraient tout au plus pardonnables, si cette femme chérie était unique dans le monde ; ils sont extravagans, dès que cette perte est réparable. Me mettant un instant ici à la place de ce premier amant ; qu’a-t-elle donc cette créature, je vous prie, pour occasionner ainsi mes douleurs ? un peu d’attention sur moi-même, quelques retours sur mes sentimens ; l’illusion seule leur prêtait de la force, c’est le desir de posséder cette femme ; c’est la curiosité qui l’embellissait à mes yeux, et si la jouissance ne me les dessille pas, c’est, ou parce que je n’ai pas encore assez joui, ou par un reste de mes premières erreurs ; c’est le voile que j’étais accoutumé de porter avant que de jouir, qui retombe encore malgré moi sur mes yeux : et je ne l’arrache pas ! c’est de la faiblesse… de la pusillanimité ; détaillons la bien après la jouissance, cette déesse qui m’aveuglait avant… Saisissons le moment du calme et de l’épuisement pour la considérer de sang froid ; passons un instant, comme dit Lucrèce, dans les arrières scènes de la vie ; eh bien ! nous le verrons, cet objet divin qui nous faisait tourner la tête, nous le verrons doué des mêmes desirs, des mêmes besoins, des mêmes formes de corps, des mêmes appétits… affligé des mêmes infirmités que toutes les autres créatures de son sexe ; et nous dépouillant à cet examen de sang froid, du ridicule enthousiasme qui nous entraînait vers cet objet, entièrement semblable à tous les autres du même genre, nous verrons qu’en ne l’ayant plus, nous ne perdons que ce que nous pouvons aisément réparer. Ne faisons entrer pour rien ici les agrémens du caractère, ces vertus entièrement du ressort de l’amitié ne doivent être appréciées que par elle ; mais en amour, je me trompe, si j’ai cru que c’était là ce qui m’avait décidé ; c’est le corps seul que j’aime, et c’est le corps seul que je plains, quoique je puisse le retrouver à tout moment : à quel point dès-lors sont donc extravagans mes regrets ?

Osons le dire, dans aucun cas, la femme n’est faite pour le bonheur exclusif de l’homme ; envisagée du côté de la jouissance, assurément elle ne la rend pas complette, puisque l’homme en trouve une, beaucoup plus vive avec ses semblables ; si c’est comme amie, sa fausseté et sa soumission, ou plutôt sa bassesse, s’opposent à la perfection du sentiment de l’amitié ; il faut dans l’amitié de la franchise et de l’égalité ; si l’un des deux amis domine l’autre, l’amitié se détruit ; or, cette autorité de l’un des deux sexes sur l’autre, fatale à l’amitié, existe nécessairement entre deux amis de sexe différent ; donc la femme n’est bonne ni pour maîtresse, ni pour amie ; elle n’est réellement placée que dans l’esclavage où les orientaux la tiennent ; elle n’est bonne que pour la jouissance, au-delà de laquelle, comme le disait le bon roi Chilpéric, il faut s’en défaire le plutôt possible.

S’il est aisé de démontrer que l’amour n’est qu’un préjugé national ; que les trois-quarts des peuples de l’univers dont la coutume est d’enfermer leurs femmes, n’ont jamais connu ce délire de l’imagination ; en remontant alors à l’origine de ce préjugé, il nous sera facile et de nous assurer qu’il n’est que cela, et d’arriver au moyen sûr de sa guérison : or, il est certain que notre esprit de galanterie chevaleresque qui offre ridiculement à notre hommage l’objet qui n’est fait que pour nos besoins, il est certain, dis-je, que cet esprit vient de l’ancien respect que nos ancêtres avaient autrefois pour les femmes, en raison du métier de prophêtes qu’elles exerçaient dans les villes et dans les campagnes ; on passa par frayeur du respect au culte, et la galanterie naquit au sein de la superstition ; mais ce respect ne fut jamais dans la nature, on perdrait son tems à l’y rechercher ; l’infériorité de ce sexe sur le nôtre est trop bien établie pour qu’il puisse jamais exciter en nous aucun motif solide de le respecter ; et l’amour, qui naquit de ce respect aveugle, n’est qu’un préjugé comme lui : le respect pour les femmes augmente en raison de ce que l’esprit du gouvernement s’éloigne des principes de la nature ; tant que les hommes n’obéissent qu’à ces premières loix, ils doivent souverainement mépriser les femmes ; elles deviennent des Dieux quand ils s’avilissent, parce que l’homme s’affaiblit alors, et qu’il faut nécessairement que le plus faible commande quand le plus fort se dégrade : aussi le gouvernement est-il toujours débile, quand les femmes règnent : ne me citez point la Turquie ; si son gouvernement est faible, ce n’est que depuis l’époque où les intrigues du sérail ont réglé ses démarches : les turcs ont détruit l’empire de Constantinople, quand ils traînaient ce sexe enchaîné, et quand, en face de son armée, Mahomet second tranchait la tête d’Irène, à laquelle on soupçonnait trop d’empire sur lui. Il y a de la bassesse et de la dépravation à rendre le plus léger culte aux femmes : ce culte est impossible même au moment de l’ivresse : comment peut-on le soupçonner après ? Si de ce qu’une chose sert, devient un motif pour l’adorer, il faut donc de même adorer son bœuf, son âne, sa chaise-percée, etc.

Ce qui s’appelle amour, en un mot, n’est autre chose que le desir de jouir, tant qu’il existe, le culte est inutile ; dès qu’il est satisfait, il est impossible : ce qui prouve que ce ne fut certainement point du culte que naquit le respect, mais du respect que naquit le culte : Jetez les yeux sur les exemples d’avilissement où ce sexe fut autrefois, où il est encore chez une grande partie des peuples de la terre, et vous acheverez de vous convaincre que la passion métaphysique de l’amour n’est nullement innée dans l’homme, mais qu’elle est le fruit de ses préjugés et de ses usages, et que l’objet qui fit naître cette passion généralement méprisée par tout, n’aurait jamais dû l’aveugler.

Ce mépris est tel chez les Croates, plus particulièrement connus des géographes sous le nom d’Uscoques et de Morlaques[12], que quand ils veulent parler de leurs femmes, ils emploient cette même expression vulgaire dont se sert le peuple au sujet d’un animal vil[13]. Jamais ils ne les souffrent dans leur lit, elles couchent à terre, sont obligées d’obéir au moindre signe, et déchirées à coups de nerfs de bœufs à la plus légère désobéissance ; leur soumission, leur régime, leurs fatigues journalières, ne s’interrompent jamais, même dans leur grossesse : on les voit souvent accoucher en pleine campagne, ramasser leurs enfans, les laver au premier ruisseau, les rapporter chez elles, et recontinuer leurs occupations : on a remarqué que, dans ce pays, les enfans étaient beaucoup plus sains, beaucoup plus robustes et les femmes beaucoup plus fidelles ; il semble que la nature ne veut pas perdre les droits que notre luxe et notre fausse délicatesse cherchent à lui ravir, en nos climats, sans en recueillir d’autres fruits, que d’abaisser notre sexe, en lui assimilant celui qu’elle n’a créé que pour en être l’esclave.

Chez les Cosaques Zaporariens, les femmes sont absolument exclues des peuplades ; celles qui servent à la propagation, sont reléguées dans des îles séparées, et ils vont s’en servir là quand ils en ont besoin, mais sans choix, sans distinction ; le besoin seul agit ; l’âge, la figure, ni le sang, n’établissent aucune différence, ensorte que le père a des enfans de sa fille ; le frère, de sa sœur ; et point d’autres loix chez ces peuples, que celles qu’établit le besoin.

Il y a des pays où, quand les femmes ont leurs règles, elles sont traitées comme des bêtes ; on les enferme étroitement, et on leur jette à manger de loin, comme à des tigres ou à des ours : croyez-vous que ces peuples-là soient bien amoureux de leurs femmes ?

Au royaume de Louango, en Afrique, les femmes enceintes sont encore plus maltraitées ; une fois dans cet état, elles n’en paraissent que plus impures, que plus difformes et plus dégoûtantes ; et qu’y a-t-il, en effet, de plus affreux qu’une femme grosse ? pour se bien pénétrer de toute l’horreur qu’inspire ce sexe, il me semble que ce devrait être toujours à nud, et dans cet état, qu’il faudrait l’offrir à ses sectateurs. Les nègres de Barré n’ont de commerce avec elles, que quatre ans après qu’elles sont accouchées.

Les femmes de Maduré ne parlent de leurs maris, qu’avec des circonlocutions qui expriment le profond respect qu’elles ont pour eux.

Les Romains et les Celtes avaient sur leurs femmes, le droit de vie et de mort, et ils en usaient souvent ; ce droit, nous est assuré par la nature ; nous lui désobéissons, et nous dégradons ses loix, en ne l’exerçant pas.

Leur esclavage est affreux dans presque toute l’Afrique ; elles se trouvent bien heureuses en ce pays, quand le mari daigne accepter leurs soins.

Elles sont si maltraitées, si malheureuses dans le royaume de Juida, que celles que l’on recrute pour compléter le sérail du souverain, aiment mieux, quand elles le peuvent, se tuer que de se laisser conduire ; ce prince ne jouissant jamais de ses femmes, qu’en leur imposant, dit-on, d’exécrables supplices.

Jeterons-nous les yeux sur ces magnifiques retraites de l’Asie : nous y verrons d’orgueilleux despotes, faisant prendre leurs desirs pour des ordres, assouplir la beauté la plus pure aux sales caprices de leur imagination, et réduire à l’avilissement le plus extrême, ces fières divinités que notre bassesse encense.

Les Chinois méprisent souverainement les femmes ; ils disent qu’il faut se presser de les rejeter, aussitôt qu’on s’en est servi.

Lorsque l’empereur de Golconde veut se promener, douze des plus grandes et des plus vigoureuses filles de son sérail, forment, en s’arrangeant les unes sur les autres, une espace de dromadaire, dont les quatre plus grandes composent les jambes ; on huche sa majesté sur les reins de ces filles, et elles partent ; je vous laisse à soupçonner les mœurs de ce monarque, dans l’intérieur de son harem, et dans quel étonnement il serait, si l’on venait lui dire que les créatures dont il se sert pour ses besoins, sont des objets de culte en Europe.

Les Moscovites ne veulent rien manger de ce qui a été tué par une femme : ah ! croyez-le, mes frères, ce n’est pas pour nous avilir, par un sentiment aussi bas que celui de l’amour, que la nature a mis la force de notre côté ; c’est, au contraire, pour commander à ce sexe faible et trompeur, pour le contraindre à servir nos desirs ; et nous oublions totalement ses vues, quand nous laissons quelqu’empire aux êtres qu’elle nous a soumis.

Nous imaginons trouver le bonheur dans la tendresse que nous supposons aux femmes pour nous : mais ce sentiment n’est jamais que joué, que mesuré sur le besoin qu’elles croient avoir de nous, ou l’espèce de passion que nous flattons en elles ; que l’âge vienne, ou que la fortune change, ne pouvant plus servir à leurs plaisirs ou à leur orgueil, elles nous abandonnent à l’instant, et deviennent souvent nos plus mortelles ennemies. Dans tous les cas, nous n’en avons point de plus cruels que les femmes, qui même nous adorent sincèrement ; si nous en jouissons, elles nous tyrannisent ; si nous les méprisons, elles se vengent, et finissent toujours par nous nuire ; d’où il résulte que de toutes les passions de l’homme, l’amour est la plus dangereuse, et celle dont il doit se garantir avec le plus de soin.

Mais, faut-il autre chose que son aveuglement, pour en faire juger la folie ? faut-il autre chose que cette illusion fatale qui lui fait prêter tant de charmes à l’objet qu’il encense. Il n’est pas un tort qui ne devienne une vertu ; pas un défaut ; qui ne soit une beauté ; pas un ridicule, qui ne soit une grace ; eh ! quand l’ivresse est dissipée, et qu’éclairé sur le méprisable objet de son culte, l’homme peut le considérer de sang-froid, ne devrait-il pas au moins, en rougissant de son indigne erreur, prendre de fermes résolutions, pour ne plus s’aveugler à l’avenir ?

L’inconstance et le libertinage, voilà, mes frères, les deux contre-poisons de l’amour ; tous deux, en nous accoutumant au commerce de ces fausses divinités, font insensiblement tomber l’illusion ; on n’adore plus ce qu’on voit tous les jours : par l’habitude de l’inconstance et du libertinage, le cœur perd insensiblement de cette mollesse dangereuse, qui le rend susceptible des impressions de l’amour ; il se blase, il s’endurcit, et la guérison suit de près. Eh ! comment irai-je me morfondre près des rigueurs de cette créature qui me brave, lorsqu’avec un peu de réflexion, je vois qu’un couple de louis peut me procurer, sans peine, la possession d’un corps aussi beau que le sien ? Ne perdons jamais de vue que la femme qui essaie de nous captiver le mieux, cache certainement des défauts qui nous dégoûteraient bientôt, si nous pouvions les connaître ; que notre imagination les voie, ces détails… qu’elle les soupçonne, qu’elle les devine ; et cette première opération faite dans le moment où l’amour naît, parviendra peut-être à l’éteindre. Est-elle fille ? certainement elle exhale quelqu’odeur mal saine, si ce n’est dans un tems, c’est dans un autre ; est-ce bien la peine de s’enthousiasmer devant un cloaque ? Est-elle femme ? les restes d’un autre peuvent, j’en conviens, exciter un moment nos desirs… Mais notre amour… et qu’idolâtrer là, d’ailleurs ? le vaste moule d’une douzaine d’enfans… Représentez-vous là quand elle accouche cette divinité de votre cœur ; voyez cette masse informe de chair, sortir gluante et empestée du centre où vous croyez trouver le bonheur. Déshabillez enfin, même dans un autre tems, cette idole de votre ame, seront-ce ces deux cuisses courtes et cagneuses, qui vous tourneront la cervelle ? ou ce gouffre impur et fétide qu’elles soutiennent… Ah ! ce sera peut-être ce tablier plissé qui, retombant en ondes flottantes sur ces mêmes cuisses, échauffera votre imagination… ou ces deux globes ammolis et pendans jusqu’au nombril ? Peut-être est-ce au revers de la médaille que votre hommage s’érige ? Et ce sont ces deux pièces de chair flasques et jaunes, renfermant en elle un trou livide, qui se réunit à l’autre ; oh, oui, ce sont assurément ces charmes-là, dont votre esprit se repaît, et c’est pour en jouir, que vous vous ravalez au-dessous de la condition des bêtes les plus stupides !… Mais, je me trompe, ce n’est rien ce tout cela qui vous attire, de bien plus belles qualités vous enchaînent ; c’est ce caractère faux et double, cet état perpétuel de mensonge et de fourberie, ce ton acariâtre, ce son de voix semblable à celui des chats, ou ce putanisme, ou cette pruderie, car jamais une femme n’est hors de ces deux extrêmes… cette calomnie… cette méchanceté… cette contradiction… cette inconséquence… Oui, oui je le vois, ce sont les attraits qui vous retiennent ; et sans doute, ils valent bien la peine de vous tourner la tête[14].

N’imaginez pas que j’outre la matière : si tous ces défauts ne sont pas réunis dans le même être, celui que vous adorez en possède assurément une partie ; si vous ne les voyez pas, c’est qu’on vous les dérobe, mais ils existent : si la toilette ou l’éducation déguise ce qui vous dégoûterait, le défaut n’en est pas moins réel ; recherchez-le avant que de vous lier, vous le reconnaîtrez infailliblement, et si vous êtes sage, n’allez pas sacrifier votre bonheur et votre tranquillité à la puissance d’un objet, qui certainement, vous fera bientôt horreur.

O mes frères ! jetez les yeux sur la multitude de peines où cette funeste passion entraîne les hommes… les maladies cruelles, fruits des tourmens qu’elle donne, la perte des biens, du repos, de la santé, l’abandon de tous les autres plaisirs ; sentez les sacrifices énormes qu’elle coûte, et profitant de tous ces exemples, faites comme le nautonier prudent qui ne passe point auprès de l’écueil où vient d’échouer le navire, qui fendait les mers avec lui.

Eh ! la vie ne vous offre-t-elle pas bien d’autre plaisirs sans ceux-là ?… que dis-je ; elle vous présente les mêmes, et elle vous les donne sans épines. Puisque le libertinage vous assure les mêmes jouissances, et ne vous demande que de les dégager de cette métaphysique à la glace, qui n’ajoute rien aux plaisirs, jouissez sans liens de tous les objets offerts à vos sens ; et quelle nécessité y a-t-il donc d’aimer une femme pour s’en servir ? Il me semble que nous éprouvons tous ici qu’on s’en sert beaucoup mieux quand on ne l’aime point, ou qu’il est au moins très-inutile de l’aimer pour en venir là. Qu’avons-nous besoin de prolonger ces plaisirs par une ivresse folle et ridicule ? Au bout de cinq à six heures n’avons-nous pas eu de cette femme tout ce qu’il nous en faut ; une autre nuit, cent autres nuits, ne nous ramèneraient que les mêmes plaisirs ; et d’autres objets vous en préparent de nouveaux. Quoi ! tandis que des milions de beautés vous attendent, vous auriez la folie de ne vous attacher qu’à une : ne ririez-vous pas de la simplicité d’un convive qui, dans un repas magnifique, ne se nourrirait que d’un seul plat, quoique plus de cent fussent offerts à son appétit ; c’est la diversité, c’est le changement qui fait le bonheur de la vie, et s’il n’est pas un seul objet sur la terre qui ne puisse vous procurer une volupté nouvelle, comment pouvez-vous porter l’extravagance au point de vous captiver à celui qui ne peut vous en présenter qu’une ?

Ce que j’ai dit des femmes, mes frères, vous pouvez le rapporter aux hommes. Nos défauts sont aussi grands que les leurs, et nous ne méritons pas mieux de les fixer ; toute espèce de chaîne est une folie, tout lien est un attentat à la liberté physique dont nous jouissons sur la surface du globe. Et tandis que je perds mon tems avec cet être quelconque, cent mille autres se flétrissent autour de moi, qui mériteraient bien mieux mon hommage.

Est-ce une maîtresse, d’ailleurs, qui peut satisfaire un homme ? est-ce alors, qu’esclave des volontés et des desirs de sa déesse, il ne travaillera qu’à la contenter, qu’il pourra s’occuper de ses voluptés personnelles : la supériorité est nécessaire dans l’acte de la jouissance ; celui des deux qui partage, ou qui obéit, est certainement exclu du plaisir ; loin de nous, cette délicatesse imbécille qui nous fait trouver des charmes… même dans nos sacrifices ; ces jouissances purement intellectuelles, peuvent-elles valoir celle de nos sens ? Il en est de l’amour des femmes, comme de celui de Dieu, ce sont des illusions qui nous nourrissent dans l’un et l’autre cas. Dans le premier nous voulons n’aimer que l’esprit, abstraction faite du corps ; dans le second, nous prêtons un corps à l’esprit, et dans tous deux nous n’encensons que des chimères.

Jouissons ; telle est la loi de la nature ; et comme il est parfaitement impossible d’aimer long-tems l’objet dont on jouit, subissons le sort de tous les êtres que nous ravalons injustement au-dessous de nous, et que nous enchaînons par la force, bien plus que par la raison. Voyons-nous le chien ou le pigeon, reconnaître sa compagne quand il en a joui ? Si l’amour l’enflâme un instant, cet amour n’est que le besoin, et sitôt qu’il est satisfait, l’indifférence ou le dégoût, succède jusqu’au moment d’un nouveau desir ; mais ce ne sera plus avec la même femelle ; toutes celles qui se rencontreront, deviendront, tour-à-tour, l’objet des vœux du mâle inconstant ; et s’il s’élève une dispute, la favorite de la veille sera sacrifiée comme le rival du jour. Ah ! ne nous éloignons pas de ces modèles plus rapprochés que nous de la nature ; ils en suivent bien mieux les loix ; et si nous avons reçu quelques sens de plus qu’eux, c’est pour rafiner leurs plaisirs. Du moment que la femelle de l’homme n’a au-dessus de l’animal, précisément que ce qui forme ses défauts, pourquoi voulons-nous adorer dans elle, cette portion qui ne l’en distingue, que pour l’humilier ? Aimons le corps, comme fait l’animal ; mais n’ayons aucuns sentiments pour ce que nous croyons être distinct du corps, puisque c’est positivement là que se trouve ce qui contrebalance le reste, et ce qui devrait servir seul à nous en éloigner. Quoi ! c’est le caractère d’une femme, c’est son esprit bourru, c’est son ame perfide, qui devrait toujours me refroidir sur l’envie que j’ai de jouir de son corps, et j’oserai dire dans mon ivresse métaphisyque, que ce n’est point le corps que je veux, mais le cœur ; c’est-à-dire, précisément la chose qui devrait m’éloigner de ce corps. Cette extravagance ne peut se comparer à rien ; et d’ailleurs, la beauté n’étant qu’une chose de convention, l’amour ne peut plus être qu’un sentiment arbitraire, dès que ces traits de beauté, qui font naître l’amour, ne sont pas uniformes. L’amour ne devenant plus que le goût exigé par les organes, ne peut plus être qu’un mouvement physique, où la délicatesse ne peut plus s’allier ; car, de ce moment, il est clair que j’aime une blonde, parce qu’elle a des rapports qui s’enchaînent à mes sens ; vous, une brune, par de semblables raisons ; et dans tous deux, l’objet matériel s’identifiant à ce qu’il y a de plus matériel en nous, comment adapterez-vous de la délicatesse et du désintéressement à cet unique organe du besoin et de la convenance ? Tout ce que vous y mettrez de métaphisyque ne sera plus qu’illusoire, fruit de votre orgueil bien plus que de la nature, et que le plus léger examen doit dissiper comme un souffle. Ne traiteriez-vous pas de fou, l’homme qui, de sang froid, vous assurerait qu’il n’aime d’un œillet que l’odeur, mais que la fleur lui est indifférente ; il est impossible d’imaginer dans quelles erreurs on tombe, en s’attachant ainsi à toutes les fausses lueurs de la métaphisyque.

Mais y m’objectera-t-on, peut-être, ce culte exista de tous tems ; les Grecs et les Romains firent des divinités de l’Amour et de sa mère. Je réponds à cela, que ce culte put avoir chez eux les mêmes principes que chez nous ; les femmes prédisaient aussi l’avenir chez les Grecs et chez les Romains. De-là, sans doute, sont nés le respect, et le culte du respect ainsi que je l’ai fait voir. Il faut très-peu, d’ailleurs, s’en rapporter aux Grecs et aux Romains, sur les objets de culte ; et les peuples qui adoraient la merde sous le nom du Dieu Stercutius, et les égoûts sous celui de la déesse Cloacine, pouvaient bien adorer les femmes si souvent rapprochées par l’odeur de ces deux antiques divinités.

Soyons donc sages à la fin, et faisons de ces ridicules idoles ce que les Japonais font des leurs, quand ils n’en obtiennent pas ce qu’ils desirent. Adorons ou faisons semblant d’adorer, si l’on veut, jusqu’à l’obtention de la chose desirée ; méprisons-le dès qu’elle est à nous ; si on nous refuse, donnons cent coups de bâton à l’idole, pour lui apprendre à dédaigner nos vœux ; où si vous l’aimez mieux, imitons les Ostiaques qui fustigent leurs Dieux à tour de bras, aussitôt qu’ils en sont mécontens ; il faut pulvériser le Dieu qui n’est bon à rien ; c’est bien assez d’avoir l’air d’y croire dans le moment de l’espérance.

L’amour est un besoin physique, gardons-nous de le considérer jamais autrement[15]. L’amour est, dit Voltaire, l’étoffe de la nature que l’imagination a brodée. Le but de l’amour, ses desirs, ses voluptés, tout est physique en lui ; fuyons pour toujours l’objet qui semblerait prétendre à quelque chose de plus ; l’absence et le changement sont les remèdes assurés de l’amour ; on ne pense bientôt plus à la personne qu’on cesse de voir, et les voluptés nouvelles absorbent le souvenir des anciennes ; les regrets de pareilles pertes sont bientôt oubliés ; ce sont les plaisirs irrétrouvables qui peuvent en donner d’amers ; mais ceux qui se remplacent aussi facilement, ceux qui renaissent à toutes les minutes… à tous les coins de rues, ne doivent pas coûter une larme.

Eh ! si l’amour était vraiment un bien, s’il était réellement fait pour notre bonheur, un quart de la vie s’écoulerait donc sans en pouvoir jouir ? Quel est l’homme qui peut se flatter d’enchaîner le cœur d’une femme, quand il a passé soixante ans ? il en a pourtant quinze encore à jouir s’il est bien constitué ; il doit donc renoncer au bonheur pendant ces quinze années-là. Gardons-nous d’admettre un pareil systême ; si l’âge vient faner les roses du printemps, il n’éteint ni les desirs, ni les moyens de les satisfaire ; et les plaisirs que goûte le vieillard, toujours plus recherchés… toujours plus améliorés… toujours plus dégagés de cette froide metaphysique, véritable tombeau des voluptés ; ces plaisirs, dis-je, seront mille fois plus délicieux, cueillis au sein de la débauche, de la crapule et du libertinage, que ne pouvaient l’être ceux qu’il procurait jadis à sa belle maîtresse : alors, il ne travaillait que pour elle, c’est lui seul qui l’occupe aujourd’hui. Regardez ses rafinemens ; observez comme il craint de perdre ce qu’il sait bien ne pouvoir caresser qu’une minute ; quels détails dans sa lubrique jouissance… comme tout est pour lui, et comme il veut qu’on ne s’occupe que de lui. L’apparence même du plaisir le troublerait dans l’objet qui le sert, ce n’est que la soumission qu’il veut. La blonde Hébé détourne ses regards, elle ne peut cacher ses dégoûts ; qu’importe au septuagénaire Philatre ; ce n’est pas pour elle qu’il veut jouir, c’est pour lui seul : ces mouvement d’horreur qu’il produit, tournent au profit de sa volupté même : il est bien aise de l’inspirer ; il est obligé de contraindre ; il faut presque qu’il menace, pour obtenir qu’on dirige dans sa bouche fœtide une langue douce et fraîche, que la jeune beauté qui lui est sacrifiée, craint de profaner par ce sale mystère ; et voilà tout d’un coup l’image du viol, et par conséquent, pour Philatre, un plaisir de plus. Jouissait-il de tous ces plaisirs à vingt ans ; on le prévenait, on l’accablait de caresses, à peine avait-il le loisir d’en desirer, et la jouissance éteinte dans elle-même, ne lui laissait jamais aucune pointe. Est-ce un desir, que le mouvement satisfait avant que de naître ? La résistance n’est-elle donc pas la seule ame du desir, où peut-elle en ce cas exister plus entière qu’au sein des dégoûts ? Si donc le plaisir ne s’irrite que par la résistance, et que celle-ci ne soit réelle, qu’enfantée par le dégoût, il peut donc devenir délicieux d’en causer, et toutes les fantaisies qui en donnent à une femme peuvent donc devenir plus sensuelles, et cent fois meilleures que l’amour… que l’amour… la plus absurde de toutes les folies, et dont je crois vous avoir suffisamment démontré le ridicule et tous les dangers.

On imagine bien que cette dissertation ne fût pas très-applaudie par les femmes ; mais Belmor, qui ne recherchait guères plus leurs éloges que leurs sentimens, fut amplement consolé par les applaudissemens masculins qui partirent de tous les coins de la salle ; remettant les attributs de la présidence à son devancier, il descendit pour aller prendre connaissance des sérails, et y exercer son autorité ; Noirceuil, Clairwil et moi, le rejoignîmes au bas de la tribune, et nous passâmes ensemble aux harems ; un homme de soixante ans arrête Belmor comme il allait sortir avec nous de la salle, et pour lui témoigner la reconnaissance qu’il avait du discours qui venait de prononcer, il le supplie de lui prêter le cul ; Belmor ne pouvant refuser, se mit en posture ; le sexagénaire l’encule, et ne nous rend Belmor, qu’a près lui avoir déchargé dans le derrière ; voilà une bonne fortune, à laquelle je ne m’attendais pas, dit le comte ; elle est dûe à ton éloquence, répondit Noirceuil. Partisan de physique, comme vous venez de le voir, dit Belmor, j’aimerais mieux la devoir à mon cul qu’à mon esprit ; et nous entrâmes au sérail, en riant tous de cette saillie.

Le président se fit tout ouvrir, et pendant ce tems, personne ne put pénétrer que nous, à qui il permit de l’escorter ; vous imaginez qu’avec le genre d’esprit que vous venez de lui reconnaître, le nombre des coupables qu’il trouva fut prodigieux ; il était suivi, dans sa tournée, de quatre bourreaux, de deux écorcheurs, de six flagellateurs et de quatre geoliers : le premier sérail qui s’ouvrit, fut celui des femmes ; il en condamna au fouet, trente de cinq à dix ans ; vingt-huit, de dix à quinze ; quarante-sept, de quinze à dix-huit ; soixante-cinq, de dix-huit à vingt-un : il y eut dans ce même sérail trois enfans condamnés à être écorchés vifs, de l’âge de six à dix ans ; trois de cette même classe reçurent leur sentence de mort ; dans celle de dix à quinze, il y eut six filles destinées à ce premier supplice, quatre au second ; dans celle de quinze à dix-huit, six écorchées, et huit sentences de mort ; et dans la dernière, seulement quatre à la mort, et cinq à l’écorchure. Ces sortes d’exécutions ne se faisaient pas tout de suite, les créatures ainsi condamnées, passaient dans des chambres séparées, et c’étaient les premières qu’on livrait aux libertins qui voulaient sacrifier à ces goûts. Quatre sujets chez les femmes furent condamnées au cachot ; à l’égal des flagellations, elles furent toutes subies sous nos yeux : on amenait la victime nue au président, il l’examinait, la maniait à son aise un instant, ensuite un des flagellateurs s’en emparait, il la courbait vigoureusement sur ses genoux ; et dès qu’elle était en position de ne pouvoir plus remuer, un second flagellateur, armé de verges ou de martinets, le tout au gré du président, appliquait le nombre de coups prescrits de même par lui ; Belmor nous fit l’honnêteté de nous laisser presque toujours fixer ce nombre, et vous imaginez aisément que nous ne fûmes pas en dessous de sa sévérité ; six de ces jeunes filles reçurent une si grands quantité de coups, qu’on fut obligé de les emporter à moitié mortes ; tous les quatre enlacés dans les bras l’un de l’autre, nous nous branlions beaucoup pendant ces lubriques opérations, et le foutre jaillissait souvent.

On passa chez les hommes ; ici Clairwil excita vivement Belmor à n’être pas plus compâtissant ; et celui-ci, dont je vous ai dit que les goûts consistaient à faire massacrer des petits garçons sur lui, n’eût pas besoin de stimulant pour montrer sa férocité. Quarante-deux enfans de sept à douze ans, reçurent le fouet avec la plus extrême rigueur ; il y eut dans cette classe six sentences de mort, et dix d’écorchures. Soixante et quatre garçons de douze à dix-huit, ne furent pas plus épargnés ; et là, trois sentences de mort, et huit d’écorchures. Dans la dernière classe, c’est-à-dire dans celle de dix-huit à vingt-cinq, il y eut cinquante-six culs fouettés, deux morts et trois écorchures ; six en tout, sur le total, furent condamnés au cachot ; il y eut aussi deux matrones de fouettées, pour cause de relâchement dans leur service, et ce fut Belmor qui les étrilla de sa main, jusqu’à ce qu’il eût enlevé la première peau de leurs fesses.

Je n’avais pas cessé de le branler pendant toutes ces opérations, il bandait excessivement ; mais je dois rendre, à la fermeté de son caractère, la justice de dire qu’il ne déchargea pas une seule fois, et ne s’appitoya pas un instant. Allons, lui dit Noirceuil, occupons-nous de plaisirs maintenant ; fais-nous voir ta passion, Belmor, tu nous l’a promis. J’y consens, dit le comte ; mais comme me voilà furieusement échauffé, je prétends lui donner une extension terrible. À la bonne heure, dit Noirceuil, nous en jouirons mieux. Le président, alors, révisa tous les petits garçons ; il en choisît dix de sept ans, il lui fallait un pareil nombre de belles et grandes filles ; mais ayant desiré tenir la place de l’une d’elles, il n’en fit sortir que neuf : elles étaient toutes de dix-huit à vingt-un ans, et je remarquai, comme une chose assez singulière, que ces neuf sujets étaient tous du nombre de ceux que sa méchanceté venait de condamner à la mort ou à l’écorchure. Dix hommes, mais uniquement choisis à la supériorité du membre, furent nommés pour le foutre pendant son opération, et voici comme elle commença.

On lia d’abord sur une des filles, (afin qu’avant de servir à la chose, j’eusse au moins le plaisir d’en juger ;) on lia, dis-je, un des enfans sur les épaules de cette fille, mais si étroitement garotté, qu’on eût presque dit que les deux corps n’en faisait qu’un ; alors la fille, avec son paquet sur le dos, se mit à plat-ventre sur un sopha, les fesses prodigieusement exposées ; le comte examina, mordit, pinça vigoureusement le cul de l’enfant, et claqua de même celui de la fille ; une autre fille, sur trois de douze ans, choisie à cet effet, s’étendit à terre entre les jambes de celle qui avait l’enfant sur le dos, et Belmor, se mettant à genoux sur un carreau de même entre les jambes de la fille au paquet, foutit en bouche celle qui était étendue ; on l’encula dans cette posture, et Clairwil devait fouetter l’enculeur. Par l’attitude du comte, sa tête se trouvait à la hauteur des fesses de la fille appuyée sur le sopha ; deux bourreaux s’emparèrent alors du corps de l’enfant lié, et par mille différentes blessures, firent couler son sang dans l’entre-deux des fesses en face desquelles se trouvait la tête du comte. Allons, chiez, dit-il à la fille, dès qu’il apperçut le premier ruisseau de sang… chiez, putain, chiez-moi dans la bouche, on obéit, et le paillard, collant ses lèvres au trou du cul, reçut par ce moyen à-la-fois, et le sang qui coulait du corps de l’enfant et la merde qui sortait du cul de la fille. Il ne se faisait aucun changement que la victime liée n’eut perdu tout son sang ; dès qu’elle n’avait plus de vie, la fille qui le portait, se relevait, et, sans quitter son fardeau, elle se portait en face de l’opération, de manière à former une perspective au comte. Je fus seule dispensée de cette cérémonie ; je passai la troisième et l’on détacha l’enfant dès que je me relevai ; tous dix furent ainsi massacrés, pendant que les dix fouteurs enculaient, que les dix filles chiaient, et que les trois suçeuses se relayaient ; Belmor déchargea une fois dans chaque bouche, et continua toujours son opération, sans s’arrêter ; Clairwil était excédée ; elle avait au moins distribué plus de dix mille coups de fouet sur le cul des fouteurs du comte. Pour Noirceuil, il avait examiné avec assez de sang-froid, au milieu de deux filles de seize ans, fort jolies, qui le branlaient et le suçaient tour-à-tour, pendant qu’il molestait leurs fesses.

Voilà une charmante passion, dit-il à Belmor, quand celui-ci eut déchargé pour la dernière fois ; mais je vais, moi, avec la permission du comte, lui faire voir qu’on pourrait, ce me semble, donner une autre tournure à cette même fantaisie. Qu’on m’amène, dit-il, dix petites filles de cinq à sept ans, et dix garçons de seize à dix-huit ; il me semble que les fouteurs du comte bandent encore ; je me servirai d’eux. Voici maintenant comme je disposerais cette jouissance ; il fit tenir droit un des jeunes gens de seize à dix-huit ans, et ce fut sur son sein qu’il lia la petite fille, en sorte qu’elle avait le con sur la bouche du jeune homme ; la ligature se fit si serrée, que le jeune homme étouffait presque. Vous voyez, nous dit Noirceuil, que le porteur et le porté souffrent dans mon opération, ce qui n’est pas dans celle du comte, où la porteuse n’éprouve pas la moindre douleur ; et il me semble que de telles expéditions ne se perfectionnent qu’autant que les douleurs se multiplient. Noirceuil s’agenouilla devant le porteur, et lui suça le vit ; les bourreaux se mirent à travailler l’enfant ; les suceuses pompèrent tour-à-tour le vit de Noirceuil, et on le foutit ; le sang de la victime coula bientôt sur le vit que suçait Noirceuil, qui, par ce moyen, avalait à-la-fois et du foutre et du sang. Les dix victimes passèrent, et cette fantaisie barbare coûta, comme vous le voyez, la vie à vingt enfans ; j’aime mieux la scène de cette manière, dis-je, et s’il n’était pas si tard, ce serait ainsi que je l’exécuterais dans l’instant. Belmor, loin de combattre l’avis de Noirceuil, parut l’approuver ; mais ce qui fait pourtant, nous dit-il, que je ne changerai pas, c’est que ce sont des filles que sacrifie Noirceuil, et que j’ai, moi, le mauvais goût de n’aimer à sacrifier que des petits garçons. Ah ! voilà ce qui me décidera toujours pour votre genre, s’écrie Clairwil, il n’y a rien de délicieux dans le monde comme de choisir ses victimes parmi les hommes ; qu’est-ce que le triomphe de la force sur la faiblesse ? ce qui est tout simple, peut-il amuser ? Mais quelles sont flatteuses, quelles sont douces les victoires remportées par la faiblesse sur la supériorité ; puis, s’adressant aux deux amis, avec cette effervescence qui la rendait si belle : hommes feroces, s’écria-t-elle, massacrez des femmes tant que vous voudrez, je suis contente, pourvu que je venge seulement dix victimes de mon sexe, par une du vôtre. Ici l’on se sépara, Noirceuil et Belmor passèrent au sérail des femmes, où nous sûmes qu’ils avaient encore victimé une douzaine de créatures de toutes les manières et de tous les genres possibles ; Clairwil et moi, nous restâmes à celui des hommes, dont nous sortîmes après nous être fait foutre soixante ou quatre-vingt coups chacune, et après quelques autres petites horreurs dont vous vous doutez, sans que je sois obligée de vous les dire.

Très-peu de jour après les infamies où nous nous étions livrées à la société avec le Comte de Belmor et son ami, cet aimable président de notre assemblée vint me voir et me convaincre que Clairwil ne m’avait point trompé en m’assurant qu’il éprouvait le plus grand desir de se lier à moi ; le comte excessivement riche, me proposa cinquante mille francs par mois, seulement pour deux soupers par semaine : rien ne s’y opposait, puisque Saint-Fond ne me gênait nullement. Je répondis au comte que je me lierais avec lui de bon cœur, mais que les cinquante mille francs qu’il me proposait ne suffiraient seulement pas à payer les frais des soupers ; le comte m’entendit et doubla la somme, en se chargeant de payer tous les détails à part… lesquels étaient d’autant plus considérables que le libertin voulait voir régulièrement à chaque souper trois superbes femmes nouvelles, sur le corps desquelles il immolerait, ou ferait immoler trois jeunes garçons ; ses meurtres consommés, il coucherait avec moi, et nous nous branlerions quelquefois encore deux ou trois heures, au bout desquelles il se retirerait chez lui. Telles étaient ses conventions ; j’acceptai.

Sans en excepter Noirceuil et Saint-Fond, il y avait peu d’hommes aussi corrompus que Belmor ; il l’était par principes… par tempéramment… par goût, et sa perfide imagination lui faisait souvent inventer des choses qui surpassaient tout ce que j’avais conçu… entendu jusqu’alors.

Cette imagination que vous vantez en moi, Juliette, me dit-il un jour, est précisément ce qui m’a séduit chez vous ; on en a difficilement une plus lascive… une plus riche… une plus variée ; et vous avez dû remarquer que mes plus douces jouissances avec vous, sont celles où, donnant l’essor à nos deux têtes, nous créons des êtres de lubricité dont l’existence est malheureusement impossible : oh, Juliette ! qu’ils sont délicieux les plaisirs de l’imagination, et que l’on parcourt voluptueusement toutes les routes que nous offre sa brillante carrière ! Conviens, cher ange, que l’on n’a pas d’idée de ce que nous inventons, de ce que nous créons dans ces momens divins où nos âmes de feu n’existent plus que dans l’organe impur de la lubricité ; de quels délices on jouit en se branlant mutuellement, pendant l’érection de ces phantômes ; comme on les caresse avec transport !… comme on les entoure !… comme on les augmente de mille épisodes obscènes. Toute la terre est à nous dans ces instans délicieux ; pas une seule créature ne nous résiste ; tout présente à nos sens émus la sorte de plaisir dont notre bouillante imagination la croit susceptible : on dévaste le monde… on le repeuple d’objets nouveaux, que l’on immole encore ; le moyen de tous les crimes est à nous, nous usons de tous ; nous centuplons l’horreur ; et les épisodes de tous les esprits les plus infernaux et les plus malins n’atteindraient pas, dans leurs plus malfaisans effets, où nous osons porter nos desirs… Heureux, cent fois heureux, dit la Métrie, ceux dont l’imagination vive et lubrique tient toujours les sens dans l’avant-goût du plaisir !… En vérité, Juliette, je ne sais si la réalité vaut les chimères, et si les jouissances de ce que l’on n’a point ne valent pas cent fois celles qu’on possède : voilà vos fesses, Juliette, elles sont sous mes yeux, je les trouve belles, mais mon imagination, toujours plus brillante que la nature, et plus adroite, j’ose le dire, en crée de bien plus belles encore ; et le plaisir que me donne cette illusion n’est-il pas préférable à celui dont la vérité va me faire jouir ? Ce que vous m’offrez n’est que beau, ce que j’invente est sublime ; je ne vais faire avec vous que ce que tout le monde peut faire, et il me semble que je ferais avec ce cul, ouvrage de mon imagination, des choses, que les Dieux même n’inventeraient pas.

Il n’était pas étonnant qu’avec une telle tête, le comte n’eut donné dans bien des écarts ; peu d’hommes, sans doute, avaient été aussi loin que lui, et peu d’hommes étaient plus aimables ; mais j’ai tant de choses à vous raconter encore, qu’il m’est impossible de m’arrêter aux horreurs que nous commîmes ensemble, qu’il vous suffise de savoir qu’elles furent à leur comble, et que Ce que vous pourriez concevoir, se trouverait toujours au-dessous du vrai.

Il y avait environ quatre mois d’écoulés depuis que j’avais admis mon père à l’honneur de ma couche ; le moment où il m’avait vu étant critique, je mourais de peur d’être restée grosse. Cette funeste crainte ne se réalisa que trop : il ne me fut plus possible de m’aveugler ; mon parti fut bientôt pris ; J’en fis part à un célèbre accoucheur, qui, nullement scrupuleux sur cette matière, introduisit adroitement une aiguille aussi longue qu’effilée, dans ma matrice, en atteignit l’embryon et le perça. Deux heures après, je le rendis sans la plus légère douleur : ce remède, plus sûr et meilleur que la sabine, parce qu’il n’attaque en rien l’estomac, est celui que je conseille à toutes les femmes qui, comme moi, auront assez de courage pour préférer leur taille et leur santé à quelques mollécules de foutre organisées qui, venues à maturité, feraient souvent le désespoir de celles qui les auraient vivifiées dans leur sein. L’enfant de monsieur mon père, une fois dans la fosse d’aisance, je reparus avec une taille plus belle et plus dégagée que jamais.

Écoute, me dit Clairwil un jour, j’ai l’adresse d’une femme fort extraordinaire, il faut que nous y allions ensemble ; elle compose et vend des poisons de toutes les sortes ; elle dit de plus la bonne aventure, et rarement elle manque la vérité. Et donne-t-elle, dis-je, la recette des poisons qu’elle vend ? — Pour cinquante louis. — Éprouvés ? — Devant soi, si l’on veut. — Assurément, je te suis, Clairwil ; j’ai toujours aimé l’idée des poisons. — Ah ! mon ange, il est délicieux d’être maître de la vie des autres. Il faut absolument, dis-je, que ce soit une grande jouissance que celle-là, car, au même instant où tu m’as parlé de ce projet, j’ai senti mes nerfs tressaillir, une flamme inconcevable embrâsait leur masse, et je suis sûre que si tu me touchais, tu me verrais encore toute mouillée. Ah ! sacre-dieu, me dit Clairwil, en me troussant pour vérifier, quelle tête est la tienne, ma chère ?… comme je t’aime… tu es un Dieu pour moi… Mais ne m’as-tu pas dit, ce me semble, que Saint-Fond t’avait confié une caisse entière. Qu’en as-tu fait ? — Elle est consommée, et je n’ose plus lui en demander. — Comment, tu as usé ? — Tout. — Pour ses besoins ? — Un tiers au plus, le reste pour mes passions. — Des vengeances ? — Quelques-unes, mais beaucoup de lubricités. — Délicieuse créature ! — Oh Clairwil ! tu n’imaginerais jamais jusqu’où j’ai porté l’horreur en ce genre… les voluptés que m’ont fait éprouver ces écarts ! Une boëte de dragées empoisonnées, dans mes poches, je parcourais à pied, déguisée, les promenades publiques, les bordels ; je distribuais indifféremment ces funestes bombons ; je poussais la noirceur au point d’en donner de préférence aux enfans ; je vérifiais ensuite mes forfaits ; trouvais-je une bière à la porte de l’individu auquel j’avais administré le jour d’avant mes cruelles attrapes, un feu divin circulait dans mes veines… je n’étais plus à moi, il fallait que je m’arrêtasse ; et la nature qui pour ses besoins, sans doute, m’organisa différemment que les autres, couronnait d’un extase indicible, ce que des sots auraient cru devoir l’outrager autant. Rien de plus facile à concevoir, me répondit Clairwil, et les principes dont Saint-Fond. Noirceuil et moi, t’avons nourrie depuis long-tems, doivent dévoiler à tes yeux, sur tout cela, les grands secrets de la nature ; il n’est pas plus extraordinaire d’en venir là, que d’aimer à donner le fouet, c’est le même plaisir rafiné ; et dès qu’il est prouvé que de la commotion de la douleur éprouvée par les autres, il résulte une vibration sur la masse de nos nerfs, qui doit nécessairement disposer à la lubricité, tous les moyens possibles de faire ressentir de la douleur, en deviendront pour nous de goûter des plaisirs ; et débutant par les choses légères, nous arriverons bientôt aux exécrations. Les causes sont les mêmes, il n’y a que les effets qui diffèrent ; par un accroissement insensible, suite nécessaire des loix de la nature, et plus que tout de la satiété, on commence par une piqûre, on finit par un coup de poignard : il y a, d’ailleurs, une sorte de perfidie dans l’emploi du poison, qui en accroît singulièrement les délices. Te voilà supérieure à tes maîtres, Juliette, j’en avais peut-être conçu davantage, mais je n’en avais pas tant exécuté… Conçu davantage, dis-je à mon amie ! et que diable, je te prie, pouvais-tu concevoir de plus ? Je voudrais, dit Clairwil, trouver un crime dont l’effet perpétuel agit, même quand je n’agirais plus, en sorte qu’il n’y eût pas un seul instant de ma vie, où même en dormant, je ne fus cause d’un désordre quelconque, et que ce désordre pût s’étendre au point qu’il entraînât une corruption générale, ou un dérangement si formel, qu’au-delà même de ma vie, l’effet s’en prolongeât encore… Je ne vois guère mon ange, répondis-je, pour remplir tes idées sur cela, que ce qu’on peut appeler le meurtre moral, auquel, on parvient par conseil, par écrit ou par action. Belmor et moi, nous avons raisonné sur cette matière ; il y a peu d’imagination comme la sienne, et voici un petit calcul de sa main, qui suffira à te faire voir la rapidité de cette contagion, et combien elle peut être voluptueuse à produire, s’il est vrai comme ni toi, ni moi, n’en doutons, que la sensation gagne en raison de l’atrocité du crime.

Et madame de Lorsange montra, à ses amis, le même papier qu’elle avait autrefois reçut de Belmor. Le voici :

Un libertin décidé à cette sorte d’action, lut Juliette, peut aisément, dans le cours d’une année, corrompre trois cents enfans ; au bout de trente ans, il en aura corrompu neuf mille ; et si chaque enfant corrompu par lui, l’imite seulement dans le quart de ses corruptions, ce qui est plus que vraisemblable ; et que chaque génération ait agi de même, au bout de ses trente ans, le libertin qui aura vu naître sous lui deux âges de cette corruption, aura déjà près de neuf millions d’êtres corrompus, ou par lui ou par les principes qu’il aura donnés… Charmant, me répondit Clairwil ! mais le projet adopté, il faut le suivre… Il faut, dis-je, que non-seulement le nombre des trois cents victimes soit régulièrement corrompu tous les ans ; mais il faut même aider, autant qu’on le peut, à la corruption du reste, — Sacre-dieu, dit Clairwil, si dix personnes s’entendaient pour le même plan, ce qui est extrêmement possible, le degré de la corruption, sous leurs yeux même, deviendrait plus rapide que les progrès les plus violons de la peste ou de la fièvre maligne. Assurément, répondis-je ; mais quand, on entreprend un tel projet, il faut employer à-la-fois, pour la plus grande sûreté de la réussite, les trois moyens que je viens d’indiquer : — conseils, — actions, — écrits… Comme tout cela peut être dangereux, dit Clairwil… J’en conviens, répondis-je ; mais souviens-toi que Machiavel a dit, qu’il valait mieux être impétueux que circonspect, parce que la nature est une femme, de qui l’on ne saurait venir à bout, qu’en la tourmentant. On voit, par expérience, continue le même écrivain, qu’elle accorde ses faveurs bien plutôt aux gens féroces qu’aux gens froids. Sais-tu, continua Clairwil, que ton Belmor doit être délicieux. Il l’est aussi, répondis-je, peu d’hommes sont plus aimables ; il n’est pas de plus libertins ; — il aimera les emplettes que nous allons faire ; il faudra les lui vendre au poids de l’or. — Tu crois donc, qu’à quelque point que l’on aime un homme… quelques soient ses rapports avec nous, tu crois donc, dis-je, que nous devons, malgré cela, le tromper toujours également… Bien certainement, répondit Clairwil, sa seule qualité d’homme nous oblige à le traiter, comme il le fait toujours, quand il vit avec nous ; et dès qu’il n’y a pas un seul homme de franc, pourquoi veux-tu donc que nous le soyons avec eux ? Amuse-toi des goûts de ton amant, dès qu’ils s’enchaînent avec tes caprices ; jouis de ses facultés morales et physiques ; échauffe-toi de son esprit, de ses talens ; mais ne perds point de vue qu’il est d’un sexe ennemi déclaré du tien… que tu ne dois jamais manquer l’occasion de te venger des outrages que ton sexe a reçus de lui, et que tu es tous les jours, toi-même, à la veille d’en recevoir : en un mot, il est homme, et tu dois le duper… Tu es encore d’une incroyable bonhomie sur tout cela ; tu respectes les hommes, tandis qu’il ne faut que s’en servir et les tromper. Tu ne tires pas de Saint-Fond le quart de ce que j’en aurais à ta place ; avec l’extrême faiblesse qu’il a pour toi, j’en obtiendrais des millions tous les jours. Et comme toute cette conversation se tenait dans la voiture de Clairwil, qui nous conduisait chez la sorcière, les chevaux que nous sentîmes s’arrêter, nous contraignirent à suspendre.

C’était au bout du faubourg Saint-Jacques, dans une petite maison isolée et sise entre cour et jardin, que demeurait l’aventurière que nous allions consulter. Nos gens sonnèrent ; une vieille servante s’étant informée de ce que nous voulions, nous introduisit, dès qu’elle le sut, dans une salle basse, en nous priant d’ordonner à nos gens d’aller avec notre voiture nous attendre dans un cabaret assez loin ; ce qui fut aussitôt exécuté.

Au bout d’un quart-d’heure, la Durand parut. C’était une très-belle femme de quarante ans, des formes bien prononcées, étonamment d’éclat, la taille majestueuse, une tête à la romaine, les yeux les plus expressifs, un très-bon ton, des manières nobles, et généralement tout ce qui annonce des grâces, de l’éducation et de l’esprit. Madame, lui dit mon amie, des personnes qui vous connaissent bien et que vous avez satisfaites, nous envoient vers vous… Il faut d’abord que vous nous disiez ce que nous prépare l’avenir, voilà ving-cinq louis pour cela : il faut ensuite que vous nous donniez les moyens de maîtriser cet avenir en nous vendant une collection complette de tous les poisons que vous préparez. Voilà, poursuivit Clairwil, en lui donnant cinquante autres louis, la somme que vous prenez ordinairement pour apprendre à composer ces mêmes poisons, pour faire voir votre cabinet et votre jardin de plantes venimeuses : soyez assurée que nous n’en resterons point là. La première chose que j’observe, répondit la Durand, c’est que vous êtes deux dames fort jolies, et qu’il vous faut subir, avant que d’être satisfaites sur les objets que vous demandez, des cérémonies préliminaires qui, peut-être, ne vous plairont pas… De quoi s’agit-il, madame, dit Clairwil ? Il faut, répondit la sorcière, que vous me suiviez dans un cabinet fort obscur, où je vais vous faire passer, et que là, toutes les deux parfaitement déshabillées, vous soyez fustigées par moi. — Vigoureusement ? — Au sang, mes belles amies… oui, au sang : je n’accorde jamais rien sans cette complaisance préliminaire ; j’ai besoin de votre sang pour vous expliquer l’avenir, et du sang résultatif d’une fustigation préalable… Entrons, dis-je à Clairwil ; dans de semblables circonstances, il ne faut se refuser à rien.

Le cabinet où nous pénétrâmes était trop singulier pour ne pas mériter une description particulière ; et quoiqu’il ne fut éclairé que par une lampe, nous en discernâmes assez bien les objets pour en expliquer les détails. Ce cabinet, peint en noir, avait à-peu-près vingt pieds quarrés : toute la partie droite était remplie d’alambics, de fourneaux et autres instrumens de chimie ; à gauche, se voyaient des tablettes contenant une grande quantité de bocaux et des livres, quelques tables étaient au-dessous ; en face, un rideau noir cachait une pièce dont je parlerai tout-à-l’heure ; et le milieu était orné d’une colonne de bois, garnie de velours noir, au tour de laquelle madame Durand nous lia toutes deux en face l’une de l’autre.

Allons, nous dit l’exécutrice, êtes-vous déterminées à souffrir quelques douleurs, pour parvenir aux instructions que vous desirez ? Agissez, répondîmes-nous, agissez, madame, nous sommes prêtes à tout ; et la Durand alors nous baisa toutes deux très-amoureusement sur la bouche, mania nos fesses et nous mit un bandeau sur les yeux ; dès-lors, le plus grand silence s’observa ; on s’approcha doucement de nous, et sans trop savoir qui nous frappait, nous reçûmes alternativement l’une et l’autre d’abord cinquante coups chacune ; on se servait de verges, mais elles étaient si vertes et si dures, l’on y allait d’une telle violence, que malgré l’habitude où nous étions, Clairwil et moi, de ces plaisirs, je suis bien sûre que le sang paraissait déjà. Cependant on ne disait mot, et nous n’osions nous plaindre. Nos fesses furent palpées, et certainement les mains qui les empoignèrent n’étaient pas celles de madame Durand.

On recommença ; ici nous ne pûmes plus douter de quel sexe était le bourreau ; un vit s’approcha de nos fesses, on le frotta sur le sang qui en coulait ; quelques soupirs, quelques gémissemens voluptueux se firent entendre, et deux ou trois baisers se portèrent aux trous de nos culs, une langue même y pénétra quelques instans ; une troisième reprise eut lieu, mais on ne se servit plus de verges ; quoique nos culs fussent endormis, il nous fut facile de discerner que les coups qu’on nous appliquait ne pouvaient venir que de martinets très-aigus ; ils devaient l’être, sans doute, puisque je sentis aussitôt mes cuisses et mes jambes inondées de sang. Le vit se rapprocha, la langue se fit encore sentir, et la cérémonie cessa. On enleva le bandeau de nos yeux, et nous ne vîmes plus que madame Durand, une soucoupe à la main, qui, placée par elle soigneusement sous nos fesses, se remplit aussitôt de sang : elle nous détacha, nous bassina le derrière avec de beau et du vinaigre, puis nous demanda si nous avions souffert. Cela est égal, répondîmes-nous ; et y a-t-il autre chose à faire ? Oui, répondit la Durand ; il faut que l’on vous branle le clitoris ; je ne puis vous faire aucune prédiction si je ne vous ai pas vues dans le plaisir ; alors la sorcière nous coucha toutes deux près l’une de l’autre sur un canapé, de façon que nos têtes, passées derrière le rideau dont j’ai parlé, ne se trouvaient plus dans la même chambre : ce fut dans celle-là où vint la maîtresse du lieu, qui, resserrant un cordon au-dessus de nos seins, nous ôta, par ce moyen, la possibilité de nous relever et de pouvoir distinguer à qui nous avions affaire ; elle était assise près de nous, à moitié nue ; sa superbe gorge était presque à la hauteur de nos visages ; elle se plaisait à nous la faire baiser ; elle nous observait et regardait la soucoupe teinte de notre sang. On nous branla d’abord sur le clitoris, ensuite avec beaucoup d’art dans le con et au trou du cul ; on nous gamahucha à l’un et l’autre de ces orifices ; puis relevant et rattachant nos jambes par des cordons qui les maintenaient en l’air, un vit assez médiocre s’introduisit alternativement et dans nos cons et dans nos culs. Madame, dis-je à la Durand, dès que je m’apperçus de cette supercherie, êtes-vous au moins bien sûre de l’homme qui nous voit ? Simple créature, répondit la Durand, ce n’est pas un homme qui jouit de vous, c’est Dieu. — Vous êtes folle, madame, dit Clairwil, il n’y a point de Dieu ; et s’il y en avait un, comme tout ce qu’il ferait approcherait de la perfection ; on l’enculerait, peut-être, mais il ne foutrait pas des femmes. Silence, dit la Durand, livrez-vous aux impressions de la chair, sans vous inquiéter de ceux qui vous les font sentir : si vous dites encore un mot tout est perdu. Nous ne dirons rien, répondis-je, mais réfléchissez bien, sur-tout, que nous ne voulons ni vérole, ni enfans. Aucune de ces choses n’est à craindre avec Dieu, reprit la Durand ; encore une fois, silence, car je ne peux plus vous rien répondre ; et je sentis très-distinctement le vit du personnage qui se servait de moi abondamment décharger dans mon cul ; il jura même, il tempêta, il devint furieux ; et sans presque nous en appercevoir, à l’instant, nous fûmes enlevées, toujours sur le même sopha.

Nous nous trouvâmes dans une chambre sans meubles, laquelle, au tems que nous avions été à monter, nous parut extrêmement haute ; là, plus de rideaux qui séparassent nos têtes de nos corps ; la Durand nous avait suivies ; la même trape l’avait enlevée près de nous : deux petites filles de treize à quatorze ans se trouvaient dans cette chambre ; elles étaient liées sur des fauteuils. À leur contenance… à leur pâleur, nous jugeâmes facilement que ces créatures devaient être nées dans sa plus extrême misère ; près de-là, reposait, dans un berceau, deux petits garçons de neuf mois ; une grande table était dans la chambre, et sur cette table beaucoup de paquets ressemblans à ceux qui enveloppent des drogues dans une pharmacie : il y avait aussi, dans cette pièce, une beaucoup plus grande quantité de bocaux que nous n’en avions vu dans l’autre.

C’est ici que je vais vous parler, dit la Durand, et elle nous détacha : vous, Clairwil, dit-elle en fixant les yeux sur la coupe qui contenait son sang (et vous voyez que je sais votre nom, sans que vous, me l’ayez appris) vous, dis-je, Clairwil, Vous ne vivrez plus que cinq ans ; vous en auriez vécu soixante, sans les excès où vous vous plongez : votre fortune augmentera à mesure que votre santé s’affaiblira, et le jour que l’Ours passera dans la Balance, vous regretterez les fleurs du printems. Je ne vous comprends pas, dit Clairwil. Écrivez mes paroles, dit la Durand, et vous verrez qu’elles seront justes un jour… et ici mon amie parut inquiète. Pour vous, Juliette… (et qui m’a dit votre nom, je vous prie) vous, Juliette, vous serez éclairée par un songe, l’ange vous apparaîtra, il vous dévoilera des vérités incompréhensibles ; mais ce que je puis en attendant vous prédire, moi, c’est qu’où le vice cessera, le malheur arrivera. Ici, un nuage fort épais s’éleva dans la chambre ; la Durand tomba en syncope, elle cria, fit d’étranges contorsions, pendant lesquelles son beau corps parut tout à nud, et revint à elle dès que le nuage fut dissipé. Cette vapeur avait laissé dans la chambre, une odeur mêlée d’ambre et de soufre. Nos vêtemens nous furent rendus : dès que nous les eûmes repris, la Durand nous demanda qu’elles étaient les sortes de poisons que nous desirions. Votre prédiction me tourmente, dit Clairwil… mourir dans cinq ans ! Peut-être l’éviterez-vous, répondit la Durand, j’ai dit ce que j’ai vu, mes yeux me trompent quelquefois. J’embrasse cet espoir, dit Clairwil, il me devient nécessaire… Que m’importe, au reste, n’eussé-je que huit jours à vivre, il faut qu’ils soient souillés par des crimes. Allons, faites-moi voir tous les poisons que vous avez ; nous voulons visiter et vos bocaux, et toutes les plantes curieuses de votre jardin : vous nous expliquerez les propriétés de toutes ces choses : nous ferons mettre de côté celles qui nous plairont ; vous nous en donnerez le compte après. Il me faut encore vinqt-cinq louis, dit la sorcière, tout le reste aura son prix à part. Si vous voulez faire des expériences, vous en serez les maîtresses ; les deux petites filles que vous voyez là sont à vos ordres ; si elles ne vous suffisent pas, à cinquante louis pièce, je vous fournirai des hommes ou des femmes, à volonté… Vous êtes délicieuse, madame, dis-je, en sautant au cou de la Durand… oui, vous êtes une femme adorable, et vous serez contente de nous. La sorcière s’emparant alors d’une baguette d’ébène, et descendant à mesure tous les bocaux qui se trouvaient sur les rayons, commença par l’explication des aphrodisiaques et des philtres amoureux, ainsi que des emménagogues et des électuaires anti-aphrodisiaques. Nous fîmes mettre de côté une ample provision des premiers, parmi lesquels beaucoup de cantharides, de gens-eng, et quelques phioles de la liqueur de Joui du Japon, que la Durand nous fit payer, à cause de sa rareté et de ses vertus surprenantes, dix louis la phiole. Ajoutez, pour mon compte, quelques-unes des dernières, dit Clairwil, il y a beaucoup d’hommes à qui j’en ferai prendre avec plaisir.

Venons maintenant aux poisons, dit la Durand, s’il est quelque fois beau de travailler à la progéniture de l’espèce humaine, il est plus souvent délicieux d’en arrêter le cours.

Ne mettez donc point ces deux actions sur la même ligne, dis-je à la Durand, l’une est horrible, l’autre est divine ; ce n’est point pour travailler à la progéniture que nous achetons ces philtres, c’est pour doubler notre lubricité ; et cette progéniture, bien constamment abhorrée, c’est pour la détruire avec délices que nous allons acheter ce qui suit :

Embrassez-moi, dit la Durand, voilà les femmes que j’aime, plus nous nous connaîtrons, et plus, j’espère, nous nous conviendrons mutuellement. Ces poisons étaient en très-grand nombre, classés chacun suivant leur genre. Dans la nomenclature des premiers que nous parcourûmes, la Durand nous fit remarquer particulièrement la poudre du crapaud verdier ; les effets qu’elle nous en raconta irritèrent tellement notre imagination, que nous témoignâmes sur-le-champ, à la Durand, le desir d’en faire une épreuve.

Volontiers, nous dit-elle, choisissez l’une des deux filles qui nous accompagnent ; et ayant détachée celle qui paraissait nous convenir, elle nous demanda si nous avions la fantaisie de la faire foutre par un homme, et de l’empoisonner pendant ce tems : nous répondîmes que cet épisode nous amuserait. La Durand sonna, un grand homme sec, pâle, et bilieux, d’environ cinquante ans, parut dans un assez grand désordre… Voilà, dis-je tout bas à ma compagne, l’homme qui vient de s’amuser de nous. Je le crois, me répondit Clairwil. Alzamor, dit la Durand, il faut dévirginer cette pucelle, pendant que ces dames vont la désorganiser avec cette poudre… Bandes-tu ? Abandonnez-moi l’enfant, dit Alzamor, je verrai ce que je pourrai faire. Madame, dis-je à la Durand, quel est cet homme ? C’est un vieux Silphe, me répondit la Durand, voulez-vous que d’un mot je le fasse disparaître ? Oui, dis-je. La Durand prononça deux effroyables paroles, qu’il me fut impossible de retenir, et nous ne vîmes plus que de la fumée. Faites revenir le Silphe, dit Clairwil ; un mot presque pareil et un second nuage le ramenèrent ; cette fois-ci, le Silphe bandait, et ce fut le vit en l’air qu’il s’empare de l’enfant. Cet homme était d’une vigueur prodigieuse, en deux minutes il dépucela la jeune fille, et fit couler le sang dans la chambre. Ce fut alors que Clairwil fit avaler à la petite fille, de la poudre du crapaud verdier dans un bouillon. Ses convulsions furent subites ; au milieu d’elles, Alzamor la retourne promptement pour l’enculer ; alors ses contorsions et ses cris augmentèrent ; elle faisait horreur à regarder ; en six minutes elle creva, et le Silphe ne lui déchargea dans le cul, que lorsqu’elle fut absolument sans vie. Ses angoisses furent épouvantables ; lui-même poussa des cris affreux, et ce fut à la violence de cette extase, que nous achevâmes de nous convaincre que cet homme était le même qui avait joui de nous. Le mot barbare fut reprononcé, Alzamor disparut, et la victime avec lui.

La Durand poursuivit son poison, et après nous avoir expliqué quelques instructions du second genre : voici, nous dit-elle, de la chair calcinée de l’Engri, espèce de tigre d’Éthiopie ; son effet est d’une subtilité qui mérite d’être observée par des dames aussi curieuses que vous. Faisons donc un essai, dit Clairwil, mais sur un jeune homme. De quel âge le voulez-vous, demanda la Durand ? — Dix-huit ou vingt ans. — Aussitôt il en parut un, beau, bien fait, porteur d’un superbe membre, mais dans un état de misère et de délâbrement, qui nous fit voir qu’elle était la classe où notre sorcière choisissait ses victimes. Vous en amuserez-vous, dit la Durand ? — Oui, dis-je, mais nous voulons que tu sois en tiers avec nous ; il faut qu’il nous foute toutes les trois. — Comment, vous avez envie de me voir foutre ? — La plus grande, répondis-je. — Je suis une scélérate, je vous effrayerai. — Non, garce, non, dit Clairwil, en lui sautant au col, non, tu ne nous effrayeras pas ; tu es digne de nous, et nous brûlons de te voir en action ; et, sans autre formalité, Clairwil vole au jeune homme, elle l’excite pendant que je trousse la Durand, et que je dévore des yeux, des mains et de la langue, toutes les parties de son beau corps. Il était impossible d’être mieux faite, d’avoir des chairs plus fraîches, plus fermes et plus blanches ; Durand avait, sur-tout, les plus belles fesses et les plus beaux tetons qu’il fût possible de voir, et un clitoris… oh ! de nos jours nous n’en avions vu ni de si long ni de si roide. J’avoue que je ressentis dès-lors un penchant inviolable pour cette femme, et je la gamahuchais déjà de tout mon cœur, lorsque Clairwil, amenant le jeune homme par le bout du vit, m’écarta pour enfoncer ce vit dans le con de la sorcière : mais elle s’y opposa avec un cri terrible. Pourquoi donc exiger cette horreur de moi, nous dit-elle, je n’aime pas à foutre en con, je ne le puis d’ailleurs, me prenez-vous donc pour une femme ordinaire ? et, rejetant l’homme d’un vigoureux coup de poing, elle lui présente aussitôt les fesses. Clairwil conduit le membre, qui disparaît sans préparation dans l’anus, avec la même facilité qu’il se serait englouti dans le plus vaste con. Et ce fut alors que la putain frétilla de la plus lubrique manière ; Clairwil et moi nourrissions son extase en la gamahuchant, en la polluant, en la baisant, en la caressant de tous nos moyens physiques et moraux. On ne se peint point l’ardeur de l’imagination de cette femme, la saleté de ses propos, le décousement original de ses idées luxurieuses, le désordre, en un mot, qui régnait dans toute sa personne, établi par l’incroyable chaleur de ses passions. Au milieu de la crise, elle voulut baiser nos culs ; et la putain les gamahucha et les foutit comme l’eut fait un homme. Empoisonnez… empoisonnez donc, nous cria-t-elle au moment où le délire allait s’emparer de ses sens. Non, pardieu, dit Clairwil, il faut que ce manant-là nous encule toutes les deux avant ; et ici la Durand jeta des cris affreux, se tordit les membres, tomba dans une affreuse attaque de nerfs, et perdit une si grande quantité de foutre, que ma bouche, qui la suçait alors, s’en trouva pleine exactement. Il n’a rien perdu, nous dit-elle, en rejetant le jeune homme, empêchez-le de décharger, afin qu’il vous foute mieux ; et mon cul, se trouvant présenté le premier, ce fut dans lui que le fouteur vint élancer un sperme, dont le derrière de la Durand avait si bien préparé l’éjaculation. Je continuai, pendant qu’on m’enculait, de pomper les jets de foutre jaillissans encore du vagin de la Durand dont Clairwil langottait l’anus ; mon amie me remplaça bientôt, et ce fut, pendant que le jeune homme la sodomisait, que la Durand lui fit avaler la poudre. Les convulsions lui prirent avant qu’il n’eut le tems de sortir du cul de mon amie, de manière qu’il mourut en l’enculant, ce qui jeta Clairwil dans une crise de plaisir si violente, que je crus qu’elle en expirerait elle-même. Sacredieu, nous dit la bougresse, je crois que j’ai son ame et son foutre à-la-fois ; vous n’imagineriez pas à quel point le vit de ce coquin-là s’est grossi pendant que les convulsions le travaillaient ; on n’a pas d’idée du plaisir que donne une semblable opération. O femmes voluptueuses ! empoisonnez vos fouteurs pendant qu’ils sont dans vos culs ou dans vos cons, et vous verrez ce qu’on y gagne ; nous eûmes effectivement toutes les peines du monde à retirer le vit du mort de l’anus de ma compagne, et quand nous en fûmes venues à bout, nous nous apperçûmes que les convulsions de la mort ne l’avaient point empêché de décharger. Eh bien ! dit Clairwil, ne vous avais-je pas bien dit que son ame s’était exhalée avec son foutre, et que mon cul avait tout recueilli.

Le cadavre s’emporte, et notre examen continue :

Ce troisième examen nous offrit, entre autres, le poison royal, celui qui, sous Louis XV, fit périr tant d’individus de sa famille ; des épingles et des dards empoisonnés ; les venins mêlés des serpens, connus sous les noms de Cucurucu, de Kokob, et d’Aimorrhoüs, celui du Polpoch, sorte de serpent qui se trouve dans la province Jupatan. La liqueur où je le tiens, nous dit la Durand, est suffisamment empreinte de son venin, pour devenir très-dangereuse ; jamais les épreuves que j’en ai faites ne m’ont manqué : voulez-vous en voir une ?

Assurément, répondis-je, vous êtes bien sûre que nous ne refuserons jamais de telles propositions. — Quelle victime choisissez-vous ? — Un beau jeune homme, dit Clairwil. Allons, dis-je, tu m’entraînes dans toutes tes erreurs ; il faut bien que je me corrompe avec toi : un simple coup de cloche fit paraître un garçon de dix-huit ans plus beau que le dernier, et dans le même état de misère. Voulez-vous, dit la Durand, qu’Alzamor l’encule devant vous ? Volontiers ; un nuage s’élève, et le silphe paraît : foutez ce garçon, dit la Durand, ces dames veulent éprouver sur lui la liqueur du Polpoch. Attendez, dit Clairwil, il faut qu’il m’encule pendant ce tems-là. — Et que ferons-nous, Durand et moi ? — Tu gamahucheras le cul d’Alzamor, Juliette ; et la Durand, sur laquelle je serai couchée, m’enconnera avec son clitoris ; rien n’empêchera ma fouteuse d’agir, et quand elle verra le jeune homme prêt à me décharger dans le cul, elle lui donnera un petit verre du poison dont nous desirons de voir l’épreuve. Tout s’arrange au gré de mon amie ; mais le verre avalé, le jeune homme éprouve une si forte crise, que toutes les attitudes se dérangent ; nous cédons le milieu de la chambre au patient ; Alzamor branle Clairwil, je me jette dans les bras de la Durand, qui me chatouille à ravir ; on n’a ni plus d’art ni plus d’expérience, toutes les issues de la volupté sont également parcourues, par les doigts libertins de cette délicieuse femme, dont la bouche amoureuse me couvre des plus chauds baisers. Cependant la malheureuse victime chancelle comme un homme ivre, peu-à-peu l’infortuné tombe toujours sous nos yeux dans un vertige effrayant ; les commotions ressenties au cerveau, étaient si terribles, qu’il s’imaginait avoir la tête pleine d’eau bouillante ; cet état fut suivi d’une enflure générale de tout le corps ; le

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visage devint livide, les yeux lui sortaient de la tête, et le malheureux, en se débattant d’une manière horrible, tombe enfin à nos pieds, au milieu des contorsions et des convulsions les plus bisarres, pendant que nous répandions, tous quatre, des flots du foutre le plus impur et le plus abondant.

Voilà la plus divine de toutes les passions, dit Clairwil ; voilà celles qui me feront toujours tourner la tête, et auxquelles je me livrerai sans cesse avec délices toutes les fois que je le pourrai sans crainte. Jamais, dit la Durand, le meurtre causé par le poison ne peut en inspirer ; quels témoins vous trahiront dans ce cas ? quelles traces déposeront contre vous ? L’art du plus habile chirurgien y échoue, et il lui est presqu’impossible de discerner les effets du poison d’avec les causes d’une maladie naturelle d’entrailles ; niez, et soyez ferme ; que le crime soit gratuit ; que l’on ne vous trouve point d’intérêt à l’avoir commis, et vous serez toujours à couvert.

Poursuis, séductrice, poursuis, lui dit Clairwil, si je te croyais, je dépeuplerais, je crois, tout Paris ce soir.

La Durand prononça son mot barbare ; le silphe disparut.

Descendons maintenant au jardin, nous dit la sorcière ; je vous le propose, pour vous contenter, car la rigueur du dernier hiver a fait périr toutes mes plantes ; il ne me reste presque plus rien.

Ce jardin, extrêmement sombre, ressemblait beaucoup à un cimetière : excepté dans la partie des plantes rares, de très-grands arbres l’ombrageaient de par-tout : notre curiosité nous porta, sur-le-champ, vers un coin isolé, où la terre nous parut fraîchement remuée : Voilà où tu caches tes crimes, est-il vrai, Durand, demanda Clairwil ? Venez, venez, dit la sorcière, en nous entraînant ; il vaut mieux vous faire voir ce avec quoi l’on tue, que ce qui est tué ; nous la suivîmes.

Après plusieurs explications qu’elle nous fit, écoute, lui dis-je ? la vue de ce cimetière, positivement à côté de nous, m’échauffe étonnamment la tête ; je voudrais que tu fisses avaler de la plante qui occasionne les crises les plus violentes, à une petite fille de quatorze ou quinze ans ; on ouvrirait un trou, prêt à la recevoir ; nous nous enfermerions dans ce cimetière, et lorsque les convulsions du venin entraîneraient naturellement la victime dans le trou préparé, on la couvrirait de terre, et nous déchargerions.

Je suis décidée à ne vous rien refuser, nous dit la Durand : vous voyez que j’ai prévu votre proposition ; car, voilà une jeune fille ; et si vous voulez bien observer le cimetière, vous y verrez, vers l’orient, une fosse toute prête.

Une très-jolie enfant se trouve effectivement toute nue derrière un figuier sauvage de Cayenne, et le trou qu’annonçait la Durand, s’ouvrit sous nos yeux, sans qu’il nous fût possible de deviner par quelle magie… Eh bien ! dit la sorcière, en nous voyant pétrifiées, est-ce que vous avez peur de moi ? — Peur ! non : mais nous ne te concevons pas. Toute la nature est à mes ordres, nous répondit la Durand, et elle sera toujours aux volontés de ceux qui l’étudieront : avec la chimie et la physique on parvient à tout. Archimède ne demandait qu’un point d’appui pour enlever la terre ; et moi, je n’ai plus besoin que d’une plante, pour la détruire en six minutes… Délicieuse créature, dit Clairwil, en la serrant dans ses bras ; que je suis heureuse d’avoir rencontré quelqu’un, dont les procédés répondent si bien à mes opinions.

Nous nous enfermâmes dans le cimetière, avec la petite fille ; dès qu’elle eut avalé le venin, ses contorsions commencèrent : asseyons-nous, dis-je, sur la partie la plus fraichement remuée… Je vous entends, répondit la sorcière ; elle sort une boëte de sa poche, parsème le cimetière de la poudre contenue dans cette boëte, et le terrein se bouleversant aussitôt, nous offre un sol hérissé de cadavres… Oh ! foutre, quel spectacle, dit Clairwil, se vautrant sur ces monceaux de morts : allons, sacredieu ! branlons-nous ici toutes trois, en voyant souffrir cette garce… Mettons-nous nues, dit la Durand ; il faut que nos chairs pressent et foulent ces ossemens ; c’est de cette voluptueuse sensation que nous devons obtenir une des meilleures branches de lubricité ; il y a, dis-je, une chose toute simple à faire ; formons-nous des godmichés, avec les os de ces victimes ; et Clairwil trouvant l’idée délicieuse, se hâte de nous donner l’exemple… Bien, dis-je à ma compagne ; mais il faut être assise sur des têtes ; il faut que le trou de nos culs soit chatouillé de cette pression aiguë… voyez où je me place… Ah ! dit Durand ; c’est justement sur la tête, fraîche encore du dernier garçon que vous avez immolé : attends, Juliette, je vais saisir une de ses mains, pour te branler avec… Que vous dirai-je… mes amis ! le délire et l’extravagance furent à leur comble, nous imaginâmes… nous exécutâmes cent autres choses plus infâmes encore ; et la victime expira sous nos yeux, dans d’exécrables convulsions : les dernières l’ayant machinalement conduite vers son trou, elle y tomba, je déchargeai dans les bras de mes deux amies, qui elles-mêmes m’inondèrent de foutre, en suçant, l’une ma gorge, l’autre ma bouche ; nous nous r’habillons, et notre examen se poursuit avec le même sang-froid qu’auraient fait des sots qui viendraient de se livrer à la vertu. Après avoir parcouru le reste de son jardin, nous remontâmes.

Les deux enfans que vous voyez dans ce berceau, nous dit la Durand, sont les matières dont je vais, si vous voulez, me servir devant vous, pour composer le plus cher et le plus actif de mes poisons. Desirez-vous jouir de ce spectacle ? Assurément, répondîmes-nous, je ne m’en étonne pas, dit la Durand, je vous connais maintenant pour des femmes philosophes, qui ne voyent la désorganisation de la matière que comme une opération de chimie ; et le puissant intérêt des résultats l’emporte dans vous sur le prétendu crime que trouvent les sots dans cette action… Je vais manipuler ; la Durand saisit, l’un après l’autre, les enfans qui étaient dans ce berceau ; elle les pend au plafond par les pieds, et les déchire à coups de verges ; la bouche de ces infortunés se couvre d’écume, la sorcière recueille précieusement cette mousse, et nous la vend cent louis, en nous certifiant que de tous les poisons qu’elle compose, celui-là est le plus violent, et c’était vrai. Les enfans expirèrent, sans que la Durand, qui les laissa toujours acrochés, eut seulement l’air de s’en douter. Heureux flegme du crime, voilà où il faut être pour vous commettre avec délices !

Oh ! ma chère amie, dit Clairwil, en réfléchissant sur tout ce qu’elle venait de voir, vous avez là de terribles secrets. J’en ai bien d’autres, mesdames, répondit la Durand, la vie des hommes est entre mes mains ; je puis répandre des pestes, empoisonner des rivières, propager des épidémies, putréfier l’air des provinces, corrompre des maisons, des vignes, des vergers ; transformer en venin la chair des bestiaux, incendier des maisons, faire mourir subitement celui qui respirera une fleur, ou qui décachetera une lettre ; je suis, en un mot une femme, unique dans mon genre, personne ne peut me le disputer. Mais, madame, dis-je à la Durand, comment quelqu’un qui connaît aussi bien la nature, peut-il admettre l’existence d’un Dieu ? Quand nous vous avons demandé tout-à-l’heure par qui nous étions foutues, vous nous avez répondu que c’était par Dieu. En est-il un plus puissant que le vit, répondit la Durand ? Ah ! dis-je, j’aime mieux que vous répondiez ainsi qu’autrement. Allons, de la franchise, ma chère, n’est-il pas vrai que vous ne croyez pas en Dieu ? Mes amies, nous dit la Durand, plus on étudie la nature, plus on lui arrache ses secrets, mieux on connaît son énergie, et plus l’on se persuade de l’inutilité d’un Dieu ; l’érection de cette idole est, de toutes les chimères, la plus odieuse, la plus ridicule, la plus dangereuse et la plus méprisable ; cette fable indigne, née chez tous les hommes de la crainte et de l’espérance, est le dernier effet de la folie humaine. Encore une fois, c’est méconnaître la nature que de lui supposer un auteur ; c’est s’aveugler sur tous les effets de cette première puissance, que d’en admettre une qui la dirige, et vous ne verrez jamais que des sots ou des frippons admettre ou croire à l’existence d’un Dieu ; le prétendu Dieu des hommes n’est que l’assemblage de tous les êtres, de toutes les propriétés, de toutes les puissances ; il est la cause immanente et non distincte de tous les effets de la nature ; c’est parce qu’on s’est abusé sur les qualités de cet être chimérique, c’est parce qu’on l’a cru tour-à-tour bon, méchant, jaloux, vindicatif, qu’on a supposé de là qu’il devait punir ou récompenser ; mais Dieu n’est que la nature, et tout égal à la nature ; tous les êtres qu’elle produit sont indifférens à ses yeux, puisqu’ils ne lui coûtent pas plus à créer l’un que l’autre, et qu’il n’y a pas plus de mal à détruire un bœuf qu’un homme. Et votre systême sur l’ame, quel est-il, madame, demanda Clairwil ; car votre philosophie s’accorde trop avec nos principes, pour que nous n’aimions pas à l’analiser. Aussi matérialiste sur le systême de l’ame que sur celui de la divinité, je vous avouerai, nous dit la Durand, qu’après avoir lu avec attention toutes les rêveries des philosophes sur cet article, j’en suis revenue à me convaincre que l’ame de l’homme, absolument semblable à celle de tous les animaux, mais autrement modifiée dans lui à cause de la différence de ses organes, n’est autre chose qu’une portion de ce fluide éthéré, de cette matière infiniment subtile, dont la source est dans le soleil. Cette ame, que je regarde comme l’ame générale du monde, est le but le plus pur qui soit dans l’univers : il ne brûle point par lui-même, mais en s’introduisant dans la concavité de nos nerfs, où est sa résidence habituelle, il imprime un tel mouvement à la machine animale, qu’il la rend capable de tous les sentimens et de toutes les combinaisons ; c’est un des effets de l’électricité dont l’analyse ne nous est pas encore suffisamment connue, mais ce n’est qu’absolument pas autre chose ; à la mort de l’homme, comme à celle des animaux, ce feu s’exhale, et se réunit à la masse universelle de la même matière toujours existante, et toujours en action ; le reste du corps se putréfie et se réorganise sous différentes formes que viennent animer d’autres portions de ce feu céleste ; jugez, d’après cette définition, ce que doivent être, aux yeux de ceux qui l’admettent, les comiques idées de l’enfer et du paradis. Ma chère, dit Clairwil, après cette manière franche de raisonner avec nous, et d’après celle dont vous nous voyez adopter, vos opinions, vous devriez bien nous avouer, avec la même candeur, quel est ce Dieu par qui vous nous avez fait si bien fouetter et foutre tout-à-l’heure ; dès que vous révélez à nos yeux les mystères de la nature, pourquoi craindriez-vous de nous dévoiler ceux de votre maison ?… Parce que ceux de la nature sont à tout le monde, répondit la Durand, et que ceux de ma maison n’appartiennent qu’à moi ; je puis, d’après cela, les avouer ou les taire suivant ma volonté ; or elle n’est pas de vous les dire, et si vous persistez à me les demander, dussiez-vous me couvrir d’or, vous n’emporterez rien de chez moi. Eh bien, dis-je, n’appuyons pas davantage sur un objet qu’il plaît à madame de nous cacher ; continuons seulement de lui faire quelques-unes des questions où il me semble qu’elle peut répondre… il est certain qu’il se fait du libertinage chez vous, nous sommes payées pour en être sûres ; quel est celui que vous pouvez nous faire ? car nous sommes extrêmement libertines… Il n’est pas une seule passion, répondit la Durand, pas une seule fantaisie, pas un être vivant sur la terre, pas un égarement, quelque bisare qu’il puisse être, dont vous ne puissiez vous procurer ici la jouissance ; indiquez-moi seulement, quelques heures avant, ce à quoi vous avez envie de vous livrer ; et tel extravagant, tel irrégulier, tel effroyable que cela puisse être, je vous proteste de vous le faire exécuter ; je dis plus, s’il y a quelques hommes ou quelques femmes dans le monde dont vous vouliez connaître les goûts ou les passions, je les ferai trouver ici ; et sans qu’ils puissent soupçonner la trahison, vous les observerez au travers d’une gaze. Cette maison est toute entière à moi, la facilité avec laquelle on arrive de quatre côtés, sans être vu, sa position isolée, la sévérité de sa clôture, le mystérieux, en un mot, dont elle est, assure, ce me semble, à-la-fois et la discrétion et le plaisir ; ordonnez donc, et vous serez servies : tous les individus, toutes les nations, tous les sexes, tous les âges, toutes les passions, toutes les débauches, tous les crimes, tout… tout est à vos ordres ici ; vous payez bien, je le sais, et avec de l’argent l’on fait tout chez moi. Vous ne devez pourtant pas en avoir grand besoin, madame, vos richesses doivent être immenses. Oui, répondit la Durand, mais j’ai des goûts aussi, et comme je mange presque tout ce que je gagne, je ne suis pas, à beaucoup près, aussi riche que vous pourriez le penser… Oui madame, oui, le mystère et la discrétion sont dans leur centre ici ; vous avez immolé cinq ou six victimes, vous en assassineriez cinq cents, qu’il n’en serait pas davantage ; voulez-vous renouveler quelques expériences sur des garçons, sur des filles, sur des personnes faites, sur des enfans, sur des vieillards, parlez, dans un instant vous serez servies. Je veux, dit Clairwil, enculer avec des godmichés de fer rouge deux garçons de quinze ans, pendant que vous les martyriserez, et que deux beaux hommes déjà tout empoisonnés m’enculeront. Cent louis pour chaque victime, dit la Durand, et vous serez satisfaites Vous me donnerez donc deux jeunes filles, dis-je, car je n’aime à faire que sur mon sexe ce que cette putain veut faire aux hommes ; je les enconnerai avec des godmichés semblables, et votre silphe leur déchirera le corps avec des martinets d’acier également rouges ; on me fouettera pendant l’opération… Cinquante louis par fille, dit la Durand ; nous payâmes, et dans moins de dix minutes tout fut en train. Rien de joli comme es petites filles qu’on me donna, et rien de féroce comme les procédés du silphe ; les malheureuses victimes expirèrent dans nos bras, et notre délire à l’un et l’autre devint impossible à peindre ; le silphe et les cadavres disparurent, mais rien ne nous appaisait. Clairwil, échevelée comme une bacchante, écumait de luxure, et je n’étais guères plus calme. La Durand nous conjura de nous livrer à quelqu’autre passion, et que si cela nous plaisait, elle nous ferait, pendant ce tems-là, observer par des libertins. Donnez une victime à chacune, répondîmes-nous, et les examinateurs seront contens ; on m’amène une fille, charmante, nue et garottée ; un semblable holocauste, du sexe masculin, est offert à ma compagne : nous commençâmes à les étriller avec des paquets d’orties, et des martinets à pointes ; ici la Durand, qui s’était retirée, revint doucement frapper à notre porte ; la preuve qu’on vous regarde, nous dit-elle, c’est qu’on vous conjure de prolonger le supplice, et de vous tourner de ce côté en opérant, on veut voir vos culs, l’on n’a pu les juger encore ; sors, et dis qu’on sera satisfait, répondit Clairwil ; nous continuâmes. La féroce créature ouvre le ventre du jeune garçon qu’on lui a donné, elle lui arrache le cœur, et se renfonce tout chaud dans le con ; elle se branle avec. Oh ! sacredieu, dit-elle en se pâmant, il y a un siècle que j’ai la fantaisie de me branler avec des cœurs d’enfans, tu vas voir comme je vais décharger ; couchée sur le cadavre de sa malheureuse victime, elle lui suçait encore la bouche en se foutant avec le cœur ; je veux qu’il m’entre tout entier dans le con, dit-elle, et pour se procurer la facilité de le retirer, elle passa une ficelle au travers, et le viscère disparut. Oh ! foutre, que c’est délicieux, dit Clairwil en hurlant de plaisir, essaye, Juliette, essaye, il n’est pas au monde de voluptés plus grandes. J’ai connu, répondis-je, un homme qui avait à-peu-près le même goût, il faisait un trou dans un cœur encore palpitant, y fourrait son vit, et y déchargeait. Cela pouvait être charmant, dit Clairwil, mais moins joli que ce que je fais ; tâtes-en, Juliette, je t’en conjure.

Rien n’est tel que l’exemple sur une imagination comme la mienne ; il décide, il encourage, il électrise : j’eus promptement éventré ma victime, et son cœur palpitant fut bientôt dans mon con ; mais les voies, plus étroites que celles de ma compagne, résistèrent, je ne pus jamais l’introduire ; coupe-le, me dit Clairwil, en voyant mon embarras, pourvu qu’il en entre une partie c’est tout ce qu’il faut ; j’exécute, et par les mêmes procédés que Clairwil, je m’enfonce une moitié de cœur dans la matrice. L’affreuse coquine avait raison, il n’est point de godmiché qui vaille cela ; il n’en est point qui ait autant de chaleur et d’élasticité… Et le moral, mes amis, comme il est embrâsé par ces horreurs… Oh ! oui, oui, je l’avoue, Clairwil avait une excellente idée, et depuis bien long-tems je n’avais si délicieusement déchargé. Au bout d’une heure passée, dans ces infamies, nous fîmes remonter la Durand ; foutre, dit-elle, en voyant ces affreux débris, il ne s’agit, me semble, que de vous en faire voir. Nous en massacrerions comme cela à toutes les heures du jour, dit Clairwil ; va, ma chère, le meurtre nous est aussi familier qu’à toi…… nous l’idolâtrons comme toi, et dès qu’on tue dans ta maison, tu as dans nous, deux excellentes pratiques. Mes bonnes amies, nous dit la Durand, ce n’est pas tout, j’ai encore quelque chose à vous proposer. Voulez-vous me faire gagner cinquante louis ? — Assurément. — Eh bien, ayez la complaisance de vous prêter toutes les deux un moment à l’examinateur, il brûle du desir de s’amuser avec vous, il en bande comme un furieux. Soit, dis-je, mais nous voulons aussi de l’argent, rien ne porte bonheur comme celui qu’on gagne au bordel ; demande lui cent louis, nous en voulons vingt-cinq chacune. Je suis de l’avis de ma compagne, dit Clairwil ; mais que nous fera cet homme, il faut se faire payer en raison des complaisances… Ah ! dit Durand, il vous fera beaucoup de chose, il est extrêmement libertin ; mais il Sait que vous êtes des dames comme il faut, et il vous ménagera. Qu’il entre, dis-je, et qu’il paye bien, nous n’avons pas envie d’être ménagées, nous sommes des putains, et nous voulons être traitées comme telles.

Le personnage parut : c’était un petit homme d’environ soixante ans, gros, court, et de la tournure d’un opulent financier ; il était presque nud, on le sodomisait, son enculeur l’instrumentant tout en marchant… Les beaux culs foutre… les beaux culs ! s’écria-t-il en nous, les maniant : vous avez fait des choses délicieuses… et continuant toujours de se branler… vous avez tué… vous avez massacré : comme j’aime toutes ces choses là ! Quand vous voudrez nous en ferons autant ensemble. À ces mots le paillard me renverse sur le lit, et m’encule en maniait les fesses de Clairwil ; au bout de quelques allées et venues assez grossièrement faites, il change de poste, et c’est ma compagne qu’il gommorhise, en examinant et baisant mon derrière. Ici son fouteur déchargea ; le petit homme, bien persuadé qu’il ne peut se tenir valeureusement en scelle, s’il n’est étayé d’un bon vit au derrière, décule aussitôt, et s’emparant d’une poignée de verges, il ordonne à son fouteur de nous tenir pendant qu’il va nous fouetter à-la-fois. Mais dans quelle posture bisare le petit scélérat nous met ? son homme était entre nous deux, nous étions chacune sous un des bras de cet homme, et contenues par les cheveux ; au moyen de cela, monsieur Mondor avait un beau vit à branler, et deux superbes culs à fesser ; il se met à l’ouvrage ; nés derrières, déjà très-en train, reçoivent tout ce qu’il plaît à ce bougre-là de leur administrer ; l’opération devient aussi longue que sanglante, il usa six poignées de verges, et nos cuisses furent aussi maltraitées que nos fesses ; dans les intervalles il suçait le vit de son homme, et dès que je l’eut fait bander, il nous fit foutre par ce superbe membre ; après avoir été aussi bien flagellées, vous imaginez facilement que nous avions besoin de ce beaume. Pendant que cet homme nous foutait alternativement, le financier maniait le cul du fouteur, et y introduisait son vit de tems en tems ; quand sa passion fut bien allumée, le scélérat desira un meurtre ; on lui amena un petit garçon de onze ans qu’il encula ; on le foutit : le vilain nous ordonna d’ouvrir la victime, d’en arracher le cœur comme nous venions de faire, et de lui en barbouiller le nez pendant qu’il déchargerait, tout s’exécuta ; et le monstre, inondé de sang, perd son foutre en beuglant comme un taureau : à peine a-t-il fini, qu’il disparaît comme un éclair, sans nous adresser un seul mot. Tels sont les effets du libertinage sur des ames timorées, le remords et la honte suivent de près l’instant du délire, parce que ces gens-là ne savent pas se faire de principes, et qu’ils s’imaginent toujours avoir mal fait, parce qu’ils n’ont pas fait comme tout le monde.

Quel est cet original, demandâmes-nous à la Durand ? C’est un homme excessivement riche, nous répondit-elle, mais dont vous ne saurez pas le nom ; vous ne voudriez pas que je dise les vôtres. — Et ses mains quelquefois se souillent-elles de meurtres ? — Très-souvent il opère lui-même ; il n’était pas en train aujourd’hui, et voilà d’où vient qu’il vous a chargées de l’opération ; il est timide… dévot même… il va prier Dieu quand il a fait des horreurs. — L’imbécille, que je le plains ! Quand on fait tant que de se jeter dans la carrière où nous sommes, il faut avoir franchi tous les préjugés ; il faut y marcher d’un pas ferme, ou l’on se prépare bien des maux ; et nous rajustant, nous fîmes un paquet de tous les poisons que nous avions achetés, payâmes largement une aussi bonne connaissance, et regagnâmes notre voiture, en nous promettant bien l’une et l’autre de cultiver cette femme utile, et de faire de nos emplettes chez elle, l’usage le plus multiplié. J’en donnerai, me dit Clairwil, à toutes les créatures que je rencontrerai, dans la seule vue de commettre une action… qui, je sens devient la plus chatouilleuse pour mes sens, et la plus chérie de mon cœur.

Je brûlais de faire connaître la Durand à Belmor ; je les trouvais tous deux si dignes l’un de l’autre, je me branlais depuis long-tems sur l’idée de voir mon amant dans les bras de cette mégère. Je lui en parlai, il ne la connaissait pas ; nous y fumes : je n’avais pas eu le tems d’y retourner depuis la fameuse visite que nous lui avions faite avec Clairwil : après quelques reproches de l’avoir négligé si long-tems, elle reçut le comte à merveille ; enchanté de tout ce qu’il vit là, après un grand nombre d’emplettes, il ne put tenir aux titillations voluptueuses que lui inspirait cette belle femme. Là scène, ainsi que je la voulais, se passa sous mes yeux ; après avoir sodomisé la coquine, Belmor la pria de satisfaire à sa passion, de choix. Je fus chargé de l’expliquer ; les victimes paraissent à l’instant, et Belmor, aidé par moi, se satisfait délicieusement.

Cette passion est charmante, nous dit la Durand ; si vous voulez venir après demain chez moi, je vous en ferai voir une à peu près dans le même genre, quoique mille fois plus extraordinaire : nous n’y manquâmes pas ; mais la Durand était disparue ; la maison bien fermée, ne s’ouvrit point, et quelques perquisitions que je pusse faire, il me fut impossible de savoir ce qu’était devenue cette femme.

Deux ans se passèrent ainsi, sans qu’il m’arriva rien de bien singulier ; mon luxe, mes débauches se multipliaient à tel point, que je ne goûtais plus les plaisirs simples de la nature ; et que s’il n’y avait pas quelque chose d’extraordinaire ou de criminel dans les fantaisies qui m’étaient proposées, j’y devenais absolument insensible. Il est vraisemblable que c’est dans cet état d’anéantissement que la vertu fait un dernier effort en nous, soit que notre épuisement nous mette dans cette situation de faiblesse où sa voix reprend son empire, soit que par une inconstance naturelle, nous voulions, ennuyés de crimes, essayer un peu du contraire ; toujours est-il qu’il est un moment où les préjugés reparaissent, et s’ils triomphent lorsqu’on a pris la route du vice, assurément ils nous rendent bien malheureux ; il n’est rien de pis que les retours. Les événemens que je vais raconter vous convaincront de cette assertion.

Je venais d’atteindre ma vingt-deuxième année, lorsque Saint-Fond me fit part d’un projet exécrable. Toujours entiché de ses vues de dépopulation, il s’agissait de faire mourir de faim les deux tiers de la France, par d’affreux accaparemens. Je devais avoir la plus grande part à l’exécution de ce dessein. Je l’avoue, toute corrompue que j’étais, l’idée me fit frémir ; funeste mouvement que vous me coûtâtes cher, pourquoi ne pus-je vous vaincre ! Saint-Fond qui le surprit, se retira sans dire un mot ; et comme il était tard, je me couchai ; je fus long-tems avant que de m’endormir ; un rêve affreux vint troubler mes sens ; je crus voir une figure épouvantable, embrâsant d’un flambeau mes meubles et ma maison : au milieu de cet incendie, une jeune créature me tendait les bras… cherchait à me sauver, et périssait elle-même dans les flammes. Je m’éveille en songe, la prédiction de la sorcière se présente aussitôt à mon esprit : où le vice cessera, m’a-t-elle dit, le malheur arrivera. Oh ciel ! je suis perdue, j’ai cessé un instant d’être vicieuse ; j’ai frémi d’une horreur proposée ; le malheur va m’engloutir, cela est sûr… Cette femme que j’ai vu dans mon songe, c’est ma sœur, c’est la triste Justine avec laquelle je me suis brouillée, parce qu’elle a voulu suivre la carrière de la vertu ; elle s’offre à moi, et le vice s’affaiblit dans mon cœur… Fatale prédiction… et toi qui pourrais me l’expliquer, tu disparais au moment où j’ai besoin de tes conseils. J’étais encore dans mon lit, affaissée de ces terribles réflexions, lorsqu’un inconnu entre sans être annoncé, me remet un billet et se sauve. Je reconnais l’écriture de Noirceuil… « Vous êtes perdue, me mande-t-il, je n’aurais jamais soupçonné de faiblesse celle que j’avais formée… celle qui s’était toujours aussi bien conduite : en vain chercheriez-vous à réparer votre tiédeur ; le ministre ne serait plus votre dupe, votre premier mouvement vous a trahi. Quittez Paris, dans le jour même ; emportez avec vous l’argent que vous pourrez avoir ; mais ne comptez plus sur autre chose. Tous les biens que vous vous êtes acquis par les largesses de Saint-Fond sont perdus pour vous ; vous connaissez d’ailleurs son crédit, sa colère quand on lui manque : partez donc vite, et silence sur-tout ; il y va de vos jours. Je vous laisse les dix mille livres de rente que je vous fais, ils seront payés par-tout sur vos quittances : fuyez, et que vos amis ignorent tout. »

Un coup de foudre m’eût frappé moins cruellement ; mais je redoutais trop Saint-Fond pour-ne pas prendre aussitôt mon parti. Je me lève à la hâte ; ayant déposé toutes mes richesses et toutes mes économies chez le notaire de Saint-Fond, je n’ose les aller dégager. Cinq cent louis… voilà tout ce qui me reste : j’en fais aussitôt des rouleaux que je cache avec soin sur moi, et je sors seule… à pied, de cette maison, où tant de faste m’environnait la veille… de cette maison sur laquelle je jette en pleurant les yeux pour la dernière fois. Je brûle de voir Clairwil, je ne l’ose, on me l’a sévèrement défendu ; n’est-ce point elle d’ailleurs qui m’a trahie… n’est-ce point elle qui veut usurper ma place. Ah ! comme le malheur rend injuste, et que de tort j’avais, vous le verrez bientôt, en soupçonnant ainsi ma meilleure amie. Allons, me dis-je, du courage, n’attendons plus de secours que de nous-mêmes… Je suis jeune encore…… c’est une carrière à recommencer ; les fautes de ma jeunesse m’ont instruite… O funeste vertu !… j’ai pu me trouver ta dupe une fois. Ah ! ne crains pas qu’on me revoye encore aux pieds de tes exécrables autels ; je n’ai fait qu’une seule faute, et ce sont de malheureux mouvemens de probité, qui me l’ont fait commettre. Absorbons-la pour jamais dans nous, elle n’est faite que pour perdre l’homme, et le plus grand malheur qui puisse arriver dans un monde tout-à-fait corrompu, est de vouloir se garantir seule de la contagion générale. Que de fois je l’avais pensé, grand Dieu ?

Sans projets, et sans autre dessein que celui de me soustraire promptement à la vengeance de Saint-Fond, je me jetai machinalement dans la première voiture publique ; c’était celle d’Angers ; j’y arrivai bientôt. Étrangère dans cette ville, et n’y connaissant absolument personne, je résolus d’y prendre une maison, et d’y donner à jouer : j’eus bientôt chez moi toute la noblesse du pays… Une infinité d’amans se déclarèrent ; mais l’air de pudeur et de retenue que j’affectai persuada bientôt à mes soupirans que je ne me rendrais qu’à celui qui ferait ma fortune. Un certain comte de Lorsange, le même dont je porte encore aujourd’hui le nom, me parut plus assidu et beaucoup plus riche que les autres : il était âgé de quarante ans…… d’une fort belle figure ; et la manière dont il s’exprimait me convainquit qu’il avait des vues plus relevées et plus légitimes que ses concurrens : je l’écoutai. Le comte ne fut pas long-tems à me déclarer ses desseins : célibataire, jouissant de cinquante mille livres de rentes, n’ayant point de parens, si je me rendais digne de sa main, il aimait mieux, en m’épousant, me laisser sa fortune que de la faire passer à des collatéraux inconnus ; et si je voulais être franche avec lui, ne lui cacher aucune circonstance de ma vie, dès le lendemain je devenais sa femme, et il me reconnaissait vingt mille livres de rente. De telles propositions étaient trop belles pour que je ne me rendisse pas aussitôt : il fallait au comte une confession générale : j’osai tout dire.

Écoutez-moi, Juliette, reprit M. de Lorsange après m’avoir entendue ; les aveux que vous venez de me faire prouvent une franchise que j’aime ; celle qui avoue ses fautes avec une telle candeur, est bien plus près de n’en jamais commettre, que celle qui n’a jamais connu que la vertu : la première sait à quoi s’en tenir… la seconde voudra peut-être essayer ce qu’elle ne connaît pas. J’exige de vous, madame, de vouloir bien m’écouter quelques instans, votre conversion m’est précieuse, et je veux vous faire revenir de vos erreurs : ce n’est point un sermon que je prétends vous faire, ce sont des vérités que je veux vous dire, des vérités que vous déguisa long-tems le bandeau des passions, et que vous trouverez toujours dans votre cœur quand vous voudrez l’écouter seul.

« Oh ! Juliette, celui qui put vous dire que les bonnes mœurs étaient inutiles dans le monde, vous a tendu le piège le plus cruel dans lequel il fût possible de vous prendre, et celui qui put ajouter à cela que la vertu était inutile, et la religion une fable, eût peut-être mieux fait de vous assassiner tout d’un coup. Dans ce dernier cas, il ne vous faisait éprouver qu’un instant de douleur ; dans l’autre, il sème la carrière de vos jours de ronces et d’infortunes : l’abus des mots a pu vous entrainer à toutes ces erreurs, sachez donc analyser, avec justesse, cette vertu qu’on voulut vous faire mépriser. Ce qu’on appelle ainsi, Juliette, est la fidélité constante à remplir nos obligations envers nos semblables ; or, je vous demande quel est l’être assez insensé pour oser placer le bonheur à ce qui brise tous les liens en nous enchaînant à la société ? croira-t-il cet être là… osera-t-il se flatter d’être le seul heureux quand il plongera tout le monde dans l’infortune ? sera-t-il assez fort, assez puissant, assez audacieux, pour résister seul à la volonté de tous, et pour que la somme des volontés générales puisse céder aux irrégularités de la sienne ? se flatte-t-il d’avoir seul des passions ? et si tous les autres en ont comme lui, comment espère-t-il assouplir aux siennes celles de tous les autres ? vous m’avouerez, Juliette, qu’il n’y a qu’un fou qui puisse penser de cette manière ; à supposer que l’on lui cédât, est-il à l’abri des loix ? croit-il que leur glaive ne l’atteindra pas comme les autres ? Voulez-vous encore le mettre au-dessus de tout cela ? eh bien, sa conscience… Ah ! croyez, Juliette, qu’on n’échappe jamais à cette voix terrible : vous l’avez vu, vous l’avez éprouvé, vous vous flattiez d’avoir étouffé cet organe à force de lui imposer silence ; mais plus impérieux que vos passions, il les a fait taire en les poursuivant ».

« En donnant à l’homme le goût de la société, il était nécessaire que l’être quelconque qui le lui inspirait, lui donna en même-tems le goût des devoirs qui pouvaient l’y maintenir avec agrément ; or, dans l’accomplissement seul de ces devoirs se trouve la vertu ; la vertu est donc un des premiers besoins de l’homme… elle est le seul moyen de sa félicité sur la terre. Oh ! combien maintenant les vérités religieuses s’écoulent facilement de ces premières vérités morales, et combien l’existence d’un être suprême est facile à démontrer au cœur de l’homme vertueux, les sublimités de la nature, Juliette, voilà les vertus de l’être créateur, comme la bienfaisance et l’humanité sont celles de l’être créé, et de l’enchaînement des unes aux autres naît la concorde de l’univers. Dieu est le foyer de la sagesse suprême dont l’ame de l’homme est un rayon ; dès que vous fermez votre ame à ce feu divin, il n’y aura plus qu’erreur et qu’infortune pour vous sur la terre ; jetez les yeux sur ceux qui ont voulu vous donner des principes différens ; analysez de sang froid leurs motifs ; en avaient-ils d’autres que ceux de vous séduire et d’abuser de votre bonne foi ; en nourrissaient-ils d’autres que ceux de flatter leurs méprisables et dangereuses passions ? et ils se trompaient encore ; voilà ce qu’il y a de pis, voilà ce que le malhonnête homme ne calcule jamais ; pour assurer une de ses jouissances il en perd mille, et pour passer un jour heureux il s’en prépare un million d’horribles ; la contagion du vice est telle, que celui qui en est atteint veut empoisonner tout ce qui l’entoure ; la vertu blesse ses regards, il voudrait la cacher aux autres, et le malheureux ne sent pas que tous les efforts qu’il fait pour l’anéantir deviennent des triomphes pour elle ; la jouissance de celui qui fait le mal est de l’aggraver tous les jours ; mais l’instant où il faut qu’il s’arrête ne lui prouve-t-il pas sa faiblesse ? en est-il de même de la vertu ? plus il en améliore les jouissances, plus elles deviennent délicates, et s’il veut atteindre les bornes, il ne les trouve que dans le sein d’un Dieu où son existence se réunit pour revivre éternellement. Oh ! Juliette, que la vertu et la religion ont de douceurs ! j’ai vécu comme les autres hommes, vous le voyez, puisque c’est dans une maison de plaisir où j’ai l’avantage de vous connaître ; mais au milieu de toutes mes passions, au plus grand feu des travers de ma jeunesse, la vertu m’a toujours paru belle, et ce fut toujours dans les devoirs qu’elle m’imposa, que je trouvai mes plus douces jouissances. Soyez de bonne foi, Juliette, comment pouvez-vous supposer qu’il puisse y avoir plus de charmes à faire couler les pleurs de l’infortune qu’à soulager les maux du misérable. Je veux bien vous accorder un moment qu’il puisse exister dès ames assez dépravées pour admettre une jouissance dans le premier cas ; croyez-vous qu’elle vaille celle du second ? Ce qui est excessif, et ce qui n’affecte qu’un instant, peut-il se comparer à une jouissance pure, douce et prolongée ? La haine et les malédictions de nos semblables, en un mot, peuvent-elles valoir leur amour et leur bienveillance ? Êtes-vous immortel, êtes-vous impassible, homme immoral et dépravé ? ne flottez-vous pas comme nous sur cet océan dangereux de la vie ; et comme nous, n’avez-vous donc pas besoin de secours si vous venez à faire naufrage ? croyez-vous retrouver les hommes quand vous les aurez insultés ? et vous croyez-vous donc un Dieu, pour pouvoir vous passer des hommes ? Si vous m’accordez ces premiers principes, avec quelle facilité je vais vous conduire en aimant les vertus, à l’adoption de l’être qui les réunit toutes… Oh ! Juliette, quel est-il donc le funeste aveuglement de l’athée ? Ah ! je ne vous demande que l’examen des beautés de l’univers, pour vous convaincre la nécessité de l’existence de son divin auteur ; c’est le prestige des passions qui empêche l’homme de reconnaître son Dieu. Celui qui s’est rendu coupable aime à douter de l’existence de son juge ; il trouve plus court de le nier que de le craindre, et il devient moins pénible pour lui de dire : Il n’y a point de Dieu, que d’être obligé de redouter celui qu’il outragea ; mais éloignant de lui ces préjugés qui l’ont trompé, qu’il jette un coup-d’œil impartial sur la nature, il y reconnaîtra dans tout l’art infini de son auteur, Ah ! Juliette, la théologie n’est une science que pour le vicieux ; elle est la voix de la nature pour celui qu’anime la vertu ; image du Dieu qu’il adore et qu’il sert, il serait bien fâché celui-là, si sa consolation n’était qu’une fable ; oui, l’univers porte le caractère d’une cause infiniment puissante et industrieuse ; et le hasard, triste et faible ressource des malhonnêtes gens, c’est-à-dire le concours fortuit de causes nécessaires et privées de raisons ne saurait avoir rien formé ; l’être suprême admis, comment se refuser au culte qui lui est dû ? Ce qu’il y a de plus sublime au monde ne mérite-t-il pas nos hommages ? celui de qui nous tenons toutes nos jouissances, n’a-t-il donc pas des droits à nos remerciemens ? Une fois là, combien il me deviendra facile de vous prouver que, de tous les cultes de la terre, le plus raisonnable de tous, est celui dans lequel vous êtes née… Ah ! Juliette, si vous aimez la vertu, vous aimerez bientôt la sagesse du divin auteur de votre religion ; jetez les yeux sur la sublime morale qui la caractérise, et voyez s’il fût un seul philosophe de l’antiquité qui en prêchât une plus pure et plus belle : l’intérêt, l’ambition, l’égoïsme s’annoncent dans la morale de tous les autres, celle de Christ seul n’a d’autre vue que l’amour des hommes : Platon, Socrate, Confucius, Mahomet, attendent une réputation et des sectateurs ; l’humble Jésus ne voit que la mort, et sa mort même est un exemple.

J’écoutais cet homme sensé… Juste ciel ! me disais-je en moi-même ; voilà, sans doute, l’ange dont la Durand m’a parlé ; voilà celui qui doit m’annoncer des vertus incompréhensibles… et je serrai machinalement la main de ce nouvel ami : des larmes coulaient de ses yeux ; il me pressait dans ses bras : non, monsieur, lui dis-je, je ne me sens pas digne du bonheur que vous m’offrez… j’en ai trop fait, le retour serait impossible : ah ! me répondait-il, que vous connaissez mal et la vertu et le Dieu puissant dont elle émane ! jamais le sein de ce Dieu juste, ne fut fermé au repentir ; implorez-le, Juliette, implorez-le avec ardeur, et sa grâce est à vous. Ce ne sont point de vaines formules, ni des pratiques superstitieuses que j’exige de vous ; c’est de la foi, c’est de la vertu, c’est l’assemblage de toutes les façons de vous conduire, qui peuvent assurer sur la terre les longues années que vous avez à y vivre, et c’est pour votre bonheur que je vous les desire. Ceux qui n’ont aimé de vous que vos vices, parce que les leurs y trouvaient un attrait de plus, étaient loin de vous parler ce langage ; il n’appartenait qu’à l’ami de votre ame d’oser vous le tenir, et vous le pardonnerez, mademoiselle, au desir ardent que j’ai de vous voir heureuse.

S’il faut vous l’avouer, mes amis, le joli petit sermon de monsieur de Lorsange ne m’avait nullement persuadée ; la raison avait fait sur moi des progrès trop grands, pour qu’il me fût possible d’entendre encore la voix du préjugé et celle de la superstition. Quels moyens employait d’ailleurs le pauvre Lorsange ? il n’y avait rien de si ridicule, que d’établir (et sur-tout à mes yeux) le bonheur de l’homme, sur la nécessité de la vertu ! D’où venaient donc tous mes malheurs, si ce n’était de ma faiblesse à l’avoir un instant écoutée ; je vous demande ensuite, si l’induction captieuse que Lorsange tirait de son systême, pouvait éblouir même un instant que qu’un d’aussi ferme que moi. Si la vertu devenait nécessaire, disait-il, la religion l’était également ; d’où il résultait, qu’entassant des mensonges sur des préjugés, toutes les maximes de mon instituteur s’écroulaient, aussitôt qu’on fouillait les bases. Eh ! non, non, me dis-je, la vertu n’est point nécessaire, elle n’est que nuisible et dangereuse : n’en ai-je pas fait la fatale expérience ? et toutes les fables religieuses qu’on veut étayer sur elles, ne peuvent avoir, comme elle, que l’absurdité pour principes ; l’égoïsme est la seule loi de la nature ; or, la vertu contrarie l’égoïsme, puisqu’elle consiste en un sacrifice perpétuel de ses penchans, au bonheur des autres : si la vertu prouve Dieu, comme l’établit Lorsange, qu’est-ce donc que le Dieu qu’on échafaude sur la plus grande ennemie de la nature ? Oh ! Lorsange, tout votre édifice s’écroule de lui-même, et vous n’avez bâti que sur le sable. La vertu n’est point utile à l’homme ; et le Dieu que vous établissez sur elle, est la plus absurde de toutes les chimères ; l’homme, créé par la nature, ne doit écouter que les impressions qu’il en reçoit ; et quand il dépouillera cet organe de tous les préjugés de son existence, il n’y trouvera jamais, ni la nécessité d’un Dieu, ni celle de la vertu. Mais il faut feindre, je le dois au malheureux état où le sort me réduit ; la main de Lorsange m’est indispensable pour rentrer dans la carrière de la fortune ; emparons-nous en, à quelque prix que ce puisse être… que la feinte et la fausseté soient toujours mes premières armes ; la faiblesse de mon sexe les lui rend urgentes, et mes principes particuliers doivent en faire la base de mon caractère.

Je m’étais fait, depuis long-tems une assez grande habitude du mensonge, pour pouvoir en imposer avec facilité dans telles circonstances que ce put être, j’eus l’air de me rendre aux conseils de Lorsange ; je cessai de recevoir du monde chez moi ; chaque fois qu’il y venait, il me trouvait toujours seule, et ses prétendus progrès sur mon ame furent tels, qu’on me vit bientôt à la messe ; Lorsange donna dans le piège ; vingt mille livres de rente me furent reconnues, et je l’épousai six mois après mon arrivée dans la ville d’Angers. Comme j’avais assez bien pris dans ce pays, et que mes anciennes erreurs n’y étaient sues de personne, le choix de monsieur de Lorsange fut généralement applaudi, et je me vis bientôt à la tête de la meilleure maison de la ville. Mon hypocrisie me redonnait une aisance, que m’avait enlevée la crainte du crime,… et voilà donc encore une fois le vice au pinacle. Oh ! mes amis, l’on a beau dire, il y sera toujours, tant qu’il y aura des hommes.

Je ne vous parlerai point de mes plaisirs conjugaux avec monsieur de Lorsange ; le cher homme n’en connaissait que de simples comme son esprit : ignorant en lubricité comme en philosophie, pendant les deux années que j’eus le malheur d’être sa femme, le pauvre diable n’imagina seulement pas une recherche : excedée de cette monotonie, je desirai bientôt quelques distractions dans cette ville, le sexe m’était assez égal, et pourvu que je trouvasse de l’imagination, l’objet m’était indifférent. Mes recherches furent longues ; l’éducation sévère des provinces, la rigidité des mœurs, la médiocrité de la population, celle des fortunes, tout entravait mes démarches, tout mettait des obstacles à mes plaisirs. Une jeune personne de seize ans, fort jolie, fille d’une vieille amie de mon époux, fut la première que j’attaquai. Caroline, séduite par l’immoralité de mes systêmes, céda bientôt à mes desirs… Un jour que nous fûmes nous baigner ensemble, je la fis décharger dans mes bras… Mais Caroline, qui n’était que belle, pouvait-elle fixer quelqu’un qui, comme moi, ne bandait que d’imagination ; la pauvre enfant n’en avait pas du tout : je la laissai bientôt là pour une autre, et celle-ci pour une troisième. Je trouvais d’assez jolies personnes, mais des têtes d’un froid… pas le plus léger écart, O Clairwil, que je te regrettais ! combien tu manquais à mon bonheur ! On a beau dire, celui qui aime le vice… qui le chérit depuis son enfance ou par goût ou par habitude, celui-là, dis-je, trouvera toujours bien plus sûrement sa félicité dans la continuelle pratique de ses habitudes dépravées, que n’en pourra rencontrer celui qui n’a jamais frayée que l’ennuyeuse route de la vertu : j’essayai des hommes ; je ne fus guère plus heureuse : j’en étais au dixième, lorsqu’un jour, me trouvant à la messe, à côté de mon vertueux époux, je crus reconnaître, dans le célébrant, ce certain abbé Chabert, avec lequel, j’avais eu quelques liaisons dans la société des Amis du Crime… garçon charmant, que vous voyez encore aujourd’hui chez moi : jamais la messe ne m’avait paru si longue ; elle finit enfin. Monsieur de Lorsange se retire ; j’affecte de rester pour quelques prières. Je fais demander le prêtre qui vient d’officier… il vient… c’était Chabert. Nous passâmes promptement dans une chapelle isolée ; et là, l’aimable abbé, après s’être mille fois félicité du bonheur qu’il avait de me revoir, me dit que de gros bénéfices qu’il possédait dans ce diocèse, l’obligeaient à dissimuler, mais que je ne devais pas être la dupe des singeries où sa politique le contraignait ; que sa façon de penser…… ses habitudes étaient toujours les mêmes, et qu’il m’en donnerait des preuves quand je voudrais. De mon côté, je lui racontai mon histoire ; n’étant, lui, que depuis huit jours dans cette ville, il ignorait que j’y fusse, et il me pressait vivement de renouveler amplement notre connaissance. Abbé, lui dis-je, n’allons pas plus loin pour cela, fouts-moi dans ce lieu même ; cette église est fermée, cet autel nous servira de lit ; hâte-toi de me raccommoder avec des plaisirs dont je pleure tous les jours la perte : croirais-tu que, depuis que je suis dans cette maudite ville, pas un des êtres auxquels je me suis livrée, ne s’est avisé de regarder mon cul, moi qui ne chéris que ces attaques, et qui ne vois tous les autres plaisirs que comme les accessoires ou les épisodes de celui-là. Eh bien ! livrons-nous y, dit Chabert, en appuyant mon ventre sur l’autel, et retroussant mes jupes par derrière… puis admirant mes fesses : Ah, Juliette ! s’écria-t-il ton cul est toujours le même… c’est toujours celui de Vénus. L’abbé s’incline, il le baise, j’aime à sentir, dans mon derrière, cette langue où vient de reposer un Dieu…… son vit la remplace bientôt… et me voilà sodomisée jusqu’aux couilles… Oh, mes amis ! comme les rechutes sont délicieuses ! je ne puis vous peindre le plaisir que j’eus ; il est aussi cruel d’interrompre les habitudes du mal, qu’il est délicieux de les reprendre. Depuis l’abstinence forcée de ce genre de plaisir, j’en avais éprouvé les plus violens besoins ; il se manifestaient par des picottemens dans cette partie, assez violens pour me contraindre à les appaiser par des godmichés, et Chabert me rendit la vie ; s’appercevant de l’extrême plaisir qu’il me faisait, il prolongea sa jouissance, et le fripon, jeune et vigoureux encore, me déchargea trois fois de suite dans le cul. Conviens qu’il n’y a que cela de bon, Juliette, me dit-il en se retirant ? Oh, l’abbé ! à qui le dis-tu ? quelle plus fidelle zélatrice de la sodomie pouras-tu rencontrer de tes jours ! Il faut nous voir, mon cher, il le faut absolument. — Oui, Juliette, il le faut ; et je veux que vous ayez doublement à vous louer de ma rencontre. Comment cela ? — J’ai des amis. — Et vous me destinez à être leur putain ? — Ce parti convient mieux à un physique comme le vôtre, que celui que vous avez pris. — Oh ! combien m’est précieuse la justice que tu me rends. Quel triste rôle à jouer dans le monde, que celui d’une honnête femme ; ce titre seul suppose la bêtise. Toute femme pudique est une imbécille qui, manquant de force pour secouer ses préjugés, y reste ensevelie par stupidité ou par défaut de tempérament, et n’est dès-lors qu’un être manqué par la nature, ou qu’une erreur de ses caprices. Les femmes, machines de l’impudicité, sont nées pour l’impudicité, et celles qui s’y refusent, ne sont faites que pour languir dans le mépris.

Chabert connaissait mon mari ; il me le peignit comme un bigot, et m’engagea vivement à semer quelques roses sur les épines de l’hymen ; il savait que M. de Lorsange devait aller le lendemain dans une de ses terres, il me conseilla de profiter de ce moment pour venir voir, dans une campagne où il me mènerait, un échantillon de nos débauches parisiennes. Ce que vous faites ici est affreux, dis-je, en persifflant, vous dérangez tous mes projets de vertu ; devez-vous flatter mes passions ; devez-vous m’applanir la route du crime ; devez-vous enlever une femme à son mari ?… Vous en répondrez sur votre conscience ; cessez vos entreprises, il en est tems ; ce ne sont que des projets : je n’ai qu’à consulter un directeur moins perverti que vous, il m’apprendra à résister à des desirs aussi criminels ; il me prouvera qu’ils ne sont les fruits que d’une ame corrompue ; qu’on se prépare, en s’y livrant, des remords éternels, et des remords d’autant plus affreux, qu’il est des sortes de maux qu’on ne peut jamais réparer… Il ne me dira pas comme vous, que je peux tout faire… que je n’ai rien à craindre ; il n’encouragera pas mes égaremens, par l’espoir de l’impunité ; il ne m’applanira pas la route de l’adultère et de la sodomie ; il ne m’encouragera pas à tromper mon époux… un époux sage… vertueux, qui se sacrifie pour sa femme… Oh ! non, non, il n’effrayera, au contraire, par les grandes terreurs de la religion ; il me rappellera, comme le vertueux Lorsange, un Dieu, mort pour me préparer la grâce éternelle[16] ; il me fera sentir combien je suis coupable en négligeant de semblables faveurs… Mais, je l’avoue, mon cher abbé, celle qui est aussi libertine… aussi scélérate que tu me connus autrefois, enverrait au diable celui qui lui parlerait ainsi ; elle lui dirait… Mon ami, j’abhorre la religion ; je baffoue ton Dieu et me moque de tes conseils ; mal-adroit enfroqué, la vertu me déplaît, le vice m’amuse ; et c’est pour me délecter que la nature m’a placée dans le monde. Mauvaise tête, me dit Chabert, en nous séparant, tu es toujours la même… toujours aussi aimable ; et dans la solitude où nous vivons ici, je me félicite bien de t’avoir rencontrée.

Je fus exacte au rendez-vous ; il y avait quatre hommes et quatre femmes, sans compter Chabert et moi. Trois des femmes se trouvaient du nombre de celles avec qui je m’étais branlée ; les quatre hommes m’étaient charnellement inconnus. L’abbé nous fit la plus grande chère, et nous nous gorgeâmes de libertinage. Les femmes étaient jolies, les hommes vigoureux : mon cul fut foutu par tous les hommes, mon con branlé… suçé par toutes les femmes. Je déchargeai prodigieusement. Je ne vous décrirai point cette partie, ni les huit ou dix qui la suivirent pendant mon séjour à Angers. Vous êtes las de descriptions lubriques, et je ne vous détaillerai plus que celles que je croirai dignes de l’être, par le caractère de crimes ou de singularités qu’elles porteront.

Revenons maintenant sur quelques détails essentiels. Onze mois après mon mariage avec monsieur de Lorsange, je lui lançai, pour fruit de son premier hymen, une petite fille charmante, à laquelle, par politique, je m’efforçai de donner le jour. Ce procédé était essentiel ; il fallait fixer sur ma tête la fortune de celui qui m’avait donné son nom. Je ne le pouvais sans un enfant… mais était-il bien de mon vertueux époux… voilà ce que vous voulez savoir, n’est-ce pas, curieux importun ?… Eh bien ! trouvez bon que je vous fasse ici la réponse de la Polignac à son mari, sur une question aussi indiscrette… Oh ! monsieur, quand on se frotte sur un fagot de roses, comment savoir qu’elle est celle qui nous a piqué ? Mais que tout cela faisait-il ? Lorsange prit tout et ne refusa rien ; l’honneur et les charges de la paternité lui restèrent, en fallait-il d’avantage pour mon avarice ? Cette petite fille, que mon époux nomma Marianne, finissait sa première année, et sa mère sa vingt-quatrième, lorsque les plus solides réflexions m’engagèrent à quitter la France. J’avais reçu quelques lettres anonymes, qui m’avertissaient que Saint-Fond, toujours dans le plus grand crédit, et redoutant mes indiscrétions, se repentait de ne m’avoir pas fait enfermer, et qu’il s’informait de moi, de toutes parts. Craignant que mon changement de nom et de fortune ne me mit pas encore assez à couvert, je résolus de placer les Alpes entre sa haine et moi : mais il fallait briser mes liens ; pourais-je exécuter ce projet, tant que je serais sous la puissance d’un époux ? Peu génée par ce frein, je ne m’occupai plus que des moyens de l’anéantir, avec autant de mystère que de sûreté. Tout ce que j’avais fait en ce genre applanissait à mes regards un crime d’aussi peu d’importance ; je me branlai en le combinant, et l’extrême volupté dont ce complot me fit jouir, me détermina bientôt à l’exécution. Il me restait six prises de chacun des poisons achetés chez la Durand ; j’administrai à mon cher époux le royal, et par respect pour sa personne, et parce que le tems qui devait s’écouler depuis la prise de ce poison, jusqu’à la mort de ce tendre époux, me mettait absolument à l’abri.

Rien de sublime comme la mort de monsieur de Lorsange ; il fit et dit les plus belles choses du monde ; sa chambre devint une chapelle où tous les sacremens se célébrèrent. Il m’exhorta, me sermona, m’ennuya ; me recommanda sa prétendue petite fille, et rendit l’ame entre les bras de trois ou quatre confesseurs. En vérité, si cela avait duré seulement deux jours de plus, je crois que je l’aurais laissé mourir tout seul. Les soins dûs à ce qu’on assure aux moribonds, sont encore une de ces obligations sociales que je n’entends pas. Il faut tirer tout le parti possible d’une créature vivante ; mais dès que la nature, en l’affligeant par des maladies, nous avertit qu’elle travaille à réunir cette créature à elle, dans la crainte de contrarier ses loix, nous ne devons plus nous en mêler ; il faut la laisser aller, aider même à ses intentions. Les malades, en un mot, doivent être abandonnés ; il faut placer près d’eux quelques objets de soulagement… se retirer ensuite. Il est contre la nature que des gens sains, aillent, par un procédé qui contrarie les loix de cette même nature, respirer par anticipation l’air infecté de la chambre du malade, et s’exposer à le devenir eux-mêmes, pour faire quelque chose de criminel ; rien ne l’étant selon moi d’avantage que de vouloir contraindre la nature à rétrograder : et mettant toujours mes principes en actions, je proteste bien qu’on ne me verra jamais donner nuls soins à des malades, ni les soulager en quoi que ce puisse être. Qu’on ne me dise point que c’est la dureté de mon caractère qui me force à penser ainsi ; cette opinion ne vient que de mon esprit, et il me trompe rarement en systêmes.

Mon très-chaste époux dans la terre, je pris son deuil avec grand plaisir ; jamais veuve ne fût, dit-on, plus charmante dans ce costume, sous lequel je me fis foutre dès le jour même, dans la société de Chabert ; mais ce que je trouvais de plus délicieux encore que ces atours lugubres, ce furent les quatre belles terres évaluées à cinquante mille livres de rentes, dont je devins maîtresse, ainsi que les cent mille francs d’argent comptant que je trouvai dans les coffres de mon mari. Voici bien amplement de quoi faire mon voyage d’Italie, dis-je, en faisant passer ces rouleaux de la cassette du défunt dans la mienne… et voilà donc la main du sort… toujours ami du crime, et le couronnant encore une fois dans l’une de ses plus fidelles sectatrices.

Par un hasard très-heureux pour moi, l’abbé Chabert, long-tems en Italie, put garnir mon porte-feuille des meilleures lettres de recommandation. Je lui laissai ma fille, dont il me promit d’avoir tous les soins possibles… soins, nécessités bien plus par mon intérêt que par une tendresse filiale, trop éloignée de mes systêmes, pour jamais être éprouvée de mon cœur. Je ne pris avec moi, pour objets de luxure, qu’un grand laquais de figure charmante, nommé Zéphir, et dont j’étais bien souvent la Flore et qu’une femme-de-chambre, nommée Augustine, âgée de dix-huit ans, et belle comme le jour. Accompagnée de ces deux honnêtes sujets, d’une autre femme sans conséquence, et le coffre-fort bien garni, je pris la poste sans m’arrêter jusqu’à Turin, et je ne fis que là mon premier séjour.

Oh dieu ! me dis-je, en respirant un air et plus pur et plus libre, me voilà donc dans cette partie de l’Europe si intéressante et si recherchée par les curieux ; me voilà dans la patrie des Nérons et des Messalines ; je pourrai peut-être en foulant le même sol, que ces modèles de crimes et de débauches, imiter à-la-fois les forfaits du fils incestueux d’Agrippine, et les lubricités de la femme adultère de Claude. Cette idée ne me laissa pas dormir de la nuit, et je la passai dans les bras d’une jeune et jolie fille de l’hôtel d’Angleterre, où j’étais descendue… délicieuse créature, que j’avais trouvé le moyen de séduire dès en arrivant, et dans le sein de laquelle je goûtai des plaisirs divins.

Il n’y a point dans toute l’Italie de ville plus régulière et plus ennuyeuse que Turin ; le courtisan y est fastidieux, le citadin fort triste, le peuple dévot et superstitieux. Très-peu de ressources d’ailleurs pour les plaisirs ; j’avais, en partant, formé le projet d’une véritable libertine, et c’est à Turin que j’en commençai l’exécution. Mon dessein était de voyager en courtisanne célèbre, de m’afficher partout, de joindre à ma fortune le tribut retiré de mes charmes, et de profiter, pour le compte de mon libertinage, de tout ce qui ne me serait présenté que par les mains de la jeunesse et de la vigueur. Dès le lendemain de mon arrivée, je fis dire en conséquence à la signora Diana, la plus célèbre appareilleuse de Turin, qu’une jeune et jolie française était à louer, et que je l’engageais à me venir voir, pour prendre mes arrangements ; la maquerelle ne manqua point ; je lui fit part de mes projets, et lui déclarai que de quinze à vingt-cinq, je me donnais pour rien, quand on me garantissait la santé ; que je prenais cinquante louis de vingt-cinq à trente-cinq ; cent de trente-cinq à soixante ; et deux cents de soixante au dernier âge de l’homme ; qu’à l’égard des fantaisies je les satisfaisais toutes, que je me prêtais même aux fustigations… Et le cul, ma belle reine, me dit la signora Diana, et le cul ? c’est qu’il est bien recherché en Italie ; vous gagnerez plus d’argent avec votre cul, en un mois, si vous le prêtez, qu’en quatre ans, si vous ne présentez que le con. J’assurai Diana, que parfaitement complaisante sur cet objet, au moyen du double, je serais parfaitement aux ordres de mes sectateurs. Je ne fus pas longtems sans être produite, Diana me fit dire, dès le lendemain, de me trouver chez le duc de Chablais, qui m’attendait à souper.

Après une de ces toilettes voluptueuses où je savais si bien embellir la nature par la main savante de l’art, j’arrivai chez Chablais, pour lors âgé de quarante ans, et connu dans toute l’Italie par des recherches libidineuses dans les plaisirs de Vénus. Le maître du logis était avec un de ses courtisans, et tous deux me prévinrent que je devais m’attendre à leur faire la chouette. Dépouillez-vous de ces parures, me dit le duc, en me conduisant dans un très-élégant cabinet ; l’art cache si souvent des défauts que désormais avec les femmes nous sommes déterminés mon ami et moi, à ne vouloir que des nudités ; j’obéis : on ne devrait jamais être vêtue quand on possède un aussi beau corps, me dirent mes assaillans, c’est l’histoire de toutes les françaises, dit le duc, leur taille et leur peau sont délicieuses, nous n’avons rien de semblable ici, et les libertins m’examinaient, me tournaient et me retournaient, en se fixant néanmoins de manière à me laisser bientôt soupçonner que ce n’était pas sans raison qu’on accusait les Italiens de prédilection pour les charmes méconnus de M. de Lorsange.

Juliette, me dit le duc, il est bon de vous prévenir qu’avant d’avoir affaire à nous, vous allez nous montrer vos talens sur quelques jeunes garçons, que nous allons faire passer tour-à-tour dans ce cabinet. Mettez-vous sur ce canapé ; les hommes que je vous destine vont défiler ici l’un après l’autre, ils entreront par cette porte, et sortiront par celle qui est opposée, à mesure qu’ils arriveront, vous les branlerez avec tout l’art que vous devez avoir apporté de France, car il n’est point de pays au monde où l’on sache mieux branler des vits ; au moment où ils seront prêts de décharger, vous les approcherez tour-à-tour de la bouche de mon ami ou de la mienne, ils y perdront leur foutre ; ensuite, et également tour-à-tour, mon ami et moi les enculerons ; vous ne nous servirez vous, individuellement, que quand nous serons las de ces premières voluptés, et vous saurez seulement alors les derniers devoirs qui vous resteront à remplir pour terminer cette scène de luxure.

À peine instruite, que la procession commença : tous les jeunes gens, que j’avais à branler étaient de l’âge de quatorze à quinze ans ; des trente que j’expédiai de cette

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manière, pas un seul ne passait cet âge, et ils étaient de la plus délicieuse figure. Tous déchargèrent, et quelques-uns pour la première fois de leur vie ; les deux amis avalèrent le foutre de tous, en se branlant eux-mêmes et les enculèrent tous trente : ils se tenaient mutuellement le patient, plottaient cinq ou six minutes dans leurs culs, et ne déchargeaient point. En sortant de cette expédition, la luxure les avait tellement enflammés l’un et l’autre, qu’ils écumaient de rage ; à votre tour, s’écrie le duc, c’est vous, belle française, qui allez recevoir l’encens allumé par tant de jolis garçons ; votre cul, sans doute, ne sera pas si étroit que le leur, mais nous y supplérons, et ils humectèrent le trou de mon cul d’une essence dont l’effet fut tel, qu’ils me déchirèrent et me mirent en sang, quand il fut question de m’enculer ; tous deux y passèrent l’un après l’autre, et tous deux déchargèrent avec d’incroyables marques de plaisir, six petits garçons les entouraient en cet instant ; deux faisaient baiser leurs derrières, ils en branlaient un de chaque main, et deux se relayaient pour leur gamahucher le cul, en leur chatouillant les couilles en dessous. Ils disparurent ; je restai seule dans le cabinet. Une vieille femme vint m’y reprendre, et me ramena dans mon hôtel, après m’avoir compté mille sequins. Courage, me dis-je, mes promenades en Italie ne me coûteront pas cher, et j’économiserai le bien de mademoiselle de Lorsange, si je trouve une pareille aubaine dans toutes les villes où je passerai. Ah ! les fleurs ne naissent pas toujours sous les pas des courtisanes publiques ; et dès que de plein gré j’en reprenais le titre, il était juste qu’avec les bénéfices j’acceptasse également les charges. Mais nous n’en sommes point encore aux dangers.

Tout dévot qu’est le roi de Sardaigne, il aime le libertinage ; Chablais lui avait raconté notre entrevue : il voulut de moi ; Diana me prévint qu’il ne s’agissait que de recevoir de cette main royale quelques clistères qu’il devait s’amuser à me voir rendre pendant que je lui branlerais le vit, et que j’aurais deux mille sequins pour cette opération. Curieuse de voir si les souverains déchargeaient comme les autres hommes, je ne balançai point, le roi des ramoneurs s’abaissa au rôle humiliant d’être mon apothicaire ; je lui rendis six lavemens dans la bouche ; et comme je le branlais fort bien, il déchargea très-voluptueusement : il m’offrit la moitié de son chocolat, j’acceptai ; nous politiquâmes ; les droits que ma nation et mon sexe me donnaient, ceux que je venais d’acquérir, ma franchise naturelle, tout me mit à mon aise, et voici à-peu-près ce que j’osai dire à ce petit despote.

Respectable portier de l’Italie, toi qui descends d’une maison dont l’agrandissement est un vrai miracle de politique, toi dont les ancêtres, n’aguères simples particuliers, ne se sont rendus puissans qu’en permettant aux princes extra-montains de traverser tes états, pour aller s’aggrandir en Italie… permission que tes habiles ancêtres ne leur donnaient qu’aux conditions de partager. Roitelet de l’Europe, en un mot, daignes m’écouter un moment.

Placé au-delà de tes montagnes, comme l’oiseau de proie qui attend la colombe pour la dévorer, tu commences à comprendre que dans l’état où tu te trouves, tu n’as, pour t’aggrandir, que la sottise des cours, ou leurs fausses démarches : voilà, je le sais, ce qu’on te disait il y a trente ans ; mais combien le systême a changé depuis lors ; la sottise des cours est maintenant autant à ton désavantage qu’au leur, et nulle de leurs fausses démarches ne peut t’apporter du profit ; laisse donc là ton sceptre, mon ami, abandonne la Savoie à la France, et restreins-toi dans les limites naturelles que t’a prescrites la nature ; vois ces montagnes superbes qui te dominent du côté de ma patrie ; la main qui les éleva ne te prouve-t-elle pas, en les amoncelant ainsi, que tes droits ne peuvent dépasser ces monts : qu’as-tu besoin de règner en France, toi qui ne sais pas même règner en Italie ? eh, mon ami ! ne propage point la race des rois ; nous n’avons déjà, sur la terre, que trop de ces individus inutiles, qui s’engraissant de la substance des peuples, les vexent et les tyrannisent sous le prétexte de les gouverner. Il n’y a rien de plus inutile dans le monde qu’un roi ; renonce à ce vain titre, avant que la mode n’en passe, et qu’on ne te contraigne peut-être à descendre d’un trône dont l’élévation commence à fatiguer les yeux du peuple. Des hommes philosophes et libres voyent avec peine au-dessus d’eux, un homme qui, bien analysé, n’a ni besoins, ni force, ni mérite de plus ; l’oint du Seigneur n’est plus pour nous un personnage sacré, et la sagesse rit aujourd’hui d’un petit individu comme toi, qui, parce qu’il a gardé dans ses archives quelques parchemins de ses pères, s’imagine être en droit de gouverner les hommes ; ton autorité, mon ami, ne consiste plus que dans l’opinion ; qu’elle change… elle en est bien près, et te voilà dans la classe des porte-faix de ton empire. Ne t’imagine pas qu’il faille grand’chose pour la faire varier ; à mesure que les hommes s’éclairent, ils apprécient ce qui les éblouissait autrefois : or, tes pareils et toi ne gagnent pas à l’opération. On commence à sentir qu’un roi n’est qu’un homme comme un autre (ce ne devrait être, tout au plus, que par sa prudence qu’il pourrait gouverner les autres) et qu’amolli par le luxe et le despotisme, il n’existe pas un seul souverain au monde qui ait les qualités nécessaires à un tel grade. La première vertu de celui qui veut commander aux hommes est de les connaître ; et comment les démêlera celui qui, perpétuellement aveuglé par leurs flatteries… et toujours trop éloigné d’eux, n’a jamais pu les apprécier ni les juger ? Ce n’est pas au sein du bonheur qu’on apprend à mener ses semblables. Celui qui, n’ayant jamais été qu’heureux, ignore ce qui convient à l’infortune, pourra-t-il commander à des êtres toujours grevés par le malheur ; sire, redeviens cultivateur, je te le conseille, c’est-là le seul parti qu’il te reste à prendre.

L’empereur des marmotes, un peu surpris de ma franchise, ne me répondit que par des cajoleries aussi fausses que doit l’être tout ce qui émane d’un Italien ; et nous nous séparâmes.

On me mena, le soir, dans un cercle assez brillant, où je vis, autour d’un tapis vert, la société réunie en deux classes ; celle des fripons d’un côté, celle des dupes de l’autre : j’appris là que l’usage, à Turin, était de voler au jeu, et qu’un homme ne pouvait pas faire sa cour à une femme sans se laisser escroquer par elle. Voilà une assez plaisante coutume dis-je à une des joueuses qui me mettait au fait. Elle est toute simple, me répondit mon institutrice ; le jeu est un commerce, donc toutes les ruses y doivent être permises ; cherche-t-on chicane à un négociant, parce qu’il met à sa fenêtre des planches qui vous induisent en erreur en déguisant le jour ? Tous les moyens de s’enrichir sont prouvés bons, madame ; autant celui-là qu’un autre.

Ici, je me rappelai les maximes de Dorval, sur le vol, et je conçus qu’elles n’avaient rien qui ne pût s’appliquer à ce genre. Je demandai à la femme qui m’instruisait, comment l’on pouvait se perfectionner dans cette manière de dérober le bien d’autrui, en l’assurant que je connaissais parfaitement les autres. Il y a des maîtres, me répondit-elle, et si vous voulez, dès demain, je vous en enverrai un. J’acceptai : l’instituteur parut, et en huit jours, il me forma si bien, dans l’art d’être maîtresse des cartes, que je ramassai deux mille louis, pendant les trois mois que je fus à Turin. Lorsqu’il fallut payer mon maître, il n’exigea que mes faveurs ; et comme c’était à l’italienne qu’il les exigeait, et que cela me convenait infiniment, après m’être bien assurée de sa santé, précaution indispensable dans ce pays-là, je le laissai jouir d’une manière convenable à un homme dont la trahison était le métier.

Sbrigani, c’était le nom de ce maître, joignait à une figure séduisante, à un très-beau vit, l’âge de la force et de la santé ; trente ans au plus, beaucoup de libertinage dans l’esprit… de la philosophie, et le plus grand art de s’approprier le bien des autres, de quelque manière que cela pût être. Je crus qu’un tel homme pourrait m’être utile dans mes voyages ; je le lui proposai ; il accepta.

Sous quelques titres qu’un homme accompagne une courtisane en Italie, il n’y a jamais rien là de repoussant pour ceux qui la recherchent : il est d’usage que le frère, le mari, le père, se retirent, quand paraît le chaland ; les feux de celui-ci sont-ils amortis, le parent se remontre, se met en cercle avec vous, et repasse dans la garde-robe, s’il prend au monsieur quelques nouvelles tentations ; on sait qu’il soutient le ménage, dont à son tour il est soutenu ; et le complaisant Italien se prête au mieux à ces arrangemens. Comme je savais assez le langage de ce beau pays pour m’en faire supposer originaire, j’assignai sur-le-champ à Sbrigani le rôle de mon époux, et nous partîmes pour Florence…

Nous marchions à petites journées ; rien ne nous pressait, et j’étais bien-aise de contempler à l’aise, un pays qui donnerait l’idée du ciel, si l’on pouvait le traverser sans voir les hommes. Le premier jour nous fûmes coucher à Asti. Cette ville, prodigieusement déchue de son ancienne grandeur, n’est presque plus rien aujourd’hui ; le lendemain, nous ne dépassâmes point Alexandrie ; Sbrigani m’ayant assuré qu’il y avait beaucoup de noblesse dans cette ville, nous prîmes le parti d’y passer quelques jours, afin d’y trouver des dupes.

Aussitôt que nous arrivions quelque part, mon soigneux époux faisait faire une sorte de proclamation secrette, mais suffisante néanmoins, d’après les soins qu’il prenait, pour que tous ceux qui se trouvaient en état de payer mes charmes, pussent en savoir à-peu-près le détail et le prix.

Le premier qui se présenta, fut un vieux, prince piémontais, retiré de la cour depuis dix ans ; il ne voulait, disait-il, que voir mon derrière. Sbrigani lui fit d’abord payer cinquante sequins le premier plaisir ; mais le duc, échauffé de la perspective, exigea bientôt davantage. Toujours soumise à mon mari, j’annonce que je ne puis rien faire sans sa participation ; le duc, hors d’état d’entreprendre une attaque sérieuse témoigne l’envie de fouetter. Cette manie console les amans du cul ; on aime à outrager le Dieu dont on ne peut entr’ouvrir le temple ; au prix d’un sequin par coup, Sbrigani l’assure qu’il peut essayer ; et au bout d’un quart-d’heure, j’ai trois cents sequins dans ma bourse. Mon époux voyant, à la manière coulante dont agit le grand seigneur, qu’il deviendra possible de l’attirer dans quelques piéges, s’instruit de tout ce qui peut le concerner, et le prie de faire à sa femme l’honneur de souper chez elle. Tout bouffi de cette faveur, le vieux courtisan accepte.

Respectable favori du plus grand prince d’Italie, dit mon époux, en lui présentant Augustine, à qui nous avions donné le mot, il est tems que le sang parle, il est tems que la nature agisse dans votre ame ; rappelez-vous l’intrigue que vous eûtes autrefois dans Venise, avec la signora Delphina, épouse d’un noble de la seconde classe. Eh bien ? Excellence, voilà le fruit de cette intrigue. Augoustina est votre fille ; embrassez-la, seigneur, elle est digne de vous. C’est moi qui formai son enfance, et vous voyez si j’ai réussi ; j’ose me flatter d’en avoir fait une des plus belles et des plus savantes créatures qu’il y ait en Europe. Je vous desirais, Excellence, je vous cherchais depuis long-tems : ayant entendu dire que vous habitiez Alexandrie, j’ai voulu me convaincre par mes yeux, je vois que je ne me trompe pas, Monseigneur, j’espère que vous récompenserez mes soins, et que vous aurez quelques bontés pour un pauvre Italien, qui n’a d’autres richesses, que la beauté de sa femme.

La taille leste et fringuante d’Augustine, qui parlait aussi bien italien que moi ; ses jolis yeux noirs et l’extrême blancheur de sa peau, ne tardèrent pas à enflâmer le duc Piémontais ; et les attraits de l’inceste, augmentant de beaucoup à ses yeux la dose de luxure qu’il attendait de cette jolie fille, après quelques explications, quelques éclaircissemens parfaitement donnés par Sbrigani, le pauvre duc assura que le sang s’exprimait en lui, qu’il reconnaissait Augustine, et qu’il allait l’emmener sur l’heure pour lui assigner le rang qu’elle devait tenir dans sa famille… Doucement, Monseigneur, dit mon illustre époux, votre Excellence va vîte en besogne : cette fille est à moi, tant que vous ne me remettrez pas les frais immenses qu’elle me coûte ; dix mille sequins les payeront à peine : cependant l’honneur singulier que vous avez bien voulu faire à ma femme, est cause que je me contenterai de cette légère somme ; si vous voulez qu’Augoustina vous suive, ayez la complaisance de la compter, Monseigneur, autrement je ne saurais la laisser aller.

Le Duc, aussi riche que paillard, crut ne pouvoir trop payer un aussi joli morceau ; dès le même soir l’argent est donné, et ma femme-de-chambre suit son prétendu père. Parfaitement instruite par nous, la chère fille, pour le moins aussi adroite que moi dès qu’il s’agissait d’écorner la propriété d’autrui, ne tarda pas à faire un excellent coup. Nous étions allés l’attendre à Parme ; quinze jours après elle revint, et nous raconta que le Duc, éperduement amoureux d’elle, avait exigé ses couches dès le même soir. Plus elle lui avait représenté les liens qui s’opposaient à une telle intrigue, plus le paillard s’était échauffé, plus il avait desiré la jouissance, en assurant qu’on n’y regardait pas de si près en Italie. Mieux à son aise dans sa maison, plus à même d’employer des tiers ou des restaurans, dont il n’avait apparemment osé faire usage chez moi, le libertin en était venu à son honneur ; et le charmant cul d’Augustine, après avoir été vigoureusement fouetté, avait fini par être foutu. L’extrême complaisance de ce bel enfant, avait tellement enflâmé le pauvre Duc, qu’il l’avait comblée de présens, et qu’il lui avait absolument donnée toute sa confiance. Maîtresse de toutes les clefs, la coquine avait décampé avec la cassette, dans laquelle nous trouvâmes plus de cinq cents mille francs. Après une telle capture, vous comprenez facilement, mes amis, que nous ne restâmes pas long-tems dans le voisinage, quoique le danger fût bien médiocre. Il ne s’agit, en Italie que de changer de province pour être à l’abri de la justice : celle d’un état ne peut plus vous poursuivre dans l’autre ; et comme l’on change d’administration tous les jours, et souvent deux fois par jour, le crime commis à la dinée, ne peut être poursuivi le soir. Rien n’était aussi commode pour des voyageurs comme nous, qui, avions envie d’en commettre beaucoup en chemin.

Cependant nous quittâmes les états de Parme, et ne séjournâmes qu’à Boulogne. La beauté des femmes de cette ville ne me permit pas de passer outre, sans m’en être rassasiée ; Sbrigani, qui me servait à merveille, et que je couvrais d’or, me procura les moyens de satisfaire ma lubricité, chez une veuve de ses amies, passionnée comme moi pour son sexe. Cette charmante créature, âgée de trente-six ans, et belle comme Vénus, connaissait toutes les tribades de Boulogne ; en huit jours, je me branlai, avec plus de cent cinquante femmes, toutes plus jolies les unes que les autres ; nous finîmes par aller passer une semaine entière dans une célèbre abbaye, près de la ville où mon introductrice allait de tems en tems faire des incursions. Oh ! mes amis, le pinceau de l’Aretin ne peindrait qu’imparfaitement les inconcevables luxures où nous nous livrâmes dans cet asile sacré ; toutes les novices, plusieurs religieuses, cinquante pensionnaires, cent vingt femmes en tout, nous passèrent par les mains ; et je puis dire que de ma vie je n’avais été branlée comme je la fus là. Les religieuses Boulonnaises possèdent, plus qu’aucune autre femme de l’Europe, l’art de gamahucher des cons ; elles font passer leurs langues avec une telle rapidité, du clitoris au con, et du con au cul, que, quoiqu’elles quittent un moment l’un pour aller à l’autre, il ne semble pas qu’elles varient ; leurs doigts sont d’une flexibilité, d’une agilité surprenante, et elles ne les laissent pas oisifs avec leurs saphos… Délicieuses créatures ! je n’oublierai jamais vos charmes, ni l’inconcevable adresse avec laquelle vous savez éveiller et soutenir les titillations voluptueuses ; jamais vos savantes recherches ne sortiront de ma mémoire ; et les instans les plus lubriques pour moi, seront ceux où je me rappelerai ces plaisirs. Toutes étaient si jolies, si fraîches, qu’il me fut impossible de faire un choix ; si quelquefois je voulais me fixer, la multitude des beautés qui venaient troubler mon attention, ne me laissait plus offrir mon hommage qu’à l’ensemble : ce fut là, mes amis, où j’exécutai ce que les Italiennes appellent le chapelet ; toutes munies de godmichés, et placées dans une salle immense, nous nous enfilâmes, au nombre de cent ; les grandes en con, les petites en cul, pour ménager les pucelages ; une des plus âgées se mettait à chaque neuvaine ; on l’appelait le pater ; celles-là seules avaient le droit de parler ; elles commandaient les décharges, elles prescrivaient les déplacemens, et présidaient généralement à tout l’ordre de ces singulières orgies.

Elles inventèrent bientôt une autre façon de me donner du plaisir : ici, l’on ne s’occupait que de moi seule ; étendue sur un grouppe de six, qui m’élevaient et me rabaissaient par leurs mouvemens voluptueux, toutes les autres venaient par demi-douzaine consulter mes sensations, et les assouvir de lubricité ; une me faisait sucer son con, j’en chatouillais une de chaque main ; une autre à cheval sur ma poitrine, se servait du bout de mes tetons pour se branler ; celle-ci se frottait sur mon clitoris, et la sixième se polluait sur mes yeux ; toutes déchargeaient, toutes m’inondaient de sperme, et jugez si le mien s’y refusait.

Enfin, je les priai de m’enculer ; on plaçait un con sous ma bouche, dont j’avalais le foutre ; ce con se relayait à chaque fois qu’un nouveau godmiché m’entrait dans le cul ; mon amie s’en fit faire autant dans le con, et c’était un cul qu’elle baisait.

Sbrigani, pendant ce tems-là, raccommodait par sa profonde adresse, les folles dépenses que je faisais, et par le moyen de cinq ou six étrangers qu’il dévalisa, mes dilapidations furent réparées. Heureux talent, que celui qui apprend à n’asseoir jamais ses dépenses que sur la fortune d’autrui, et qui rajuste toutes les brèches de la sienne, au moyen de celle des autres !

Nous quittâmes Boulogne à-peu-près aussi riches que nous l’étions en arrivant, quoique j’y eusse dépensé deux ou trois mille sequins en extravagances.

J’étais anéantie ; mais comme les excès du libertinage, en fatiguant le corps, n’allument que davantage l’imagination, je projetais mille nouvelles débauches ; je me repentais de n’en avoir pas fait assez, je m’en prenais à la stérilité de ma tête, et ce fut alors que j’éprouvai bien que le remords qu’on a de n’avoir pas tout fait dans le crime, est supérieur à celui qu’éprouvent les âmes faibles pour s’être écarté de la vertu.

Tel était l’état de mon physique et de mon moral, lorsque nous traversâmes l’Appennin ; cette chaîne immense de montagnes qui partage l’Italie, est du plus grand intérêt pour le voyageur curieux ; il est impossible de se représenter le pittoresque des sites qui s’offrent à tout instant dans de certains endroits ; on découvre en entier, d’un côté, la vaste plaine de Lombardie ; de l’autre la mer Adriatique ; munis d’un télescope, notre vue se porta à plus de cinquante lieues.

Nous dînâmes à Piétra-Mala, avec l’intention d’aller observer le volcan. Zélée sectatrice de toutes les irrégularités de la nature, adorant tout ce qui caractérise ses désordres… ses caprices, et les affreux forfaits dont sa main chaque jour nous donne l’exemple, après un assez mauvais repas, malgré les précautions que nous prenions d’avoir toujours un cuisinier en avant, nous nous avançâmes à pied dans la petite plaine sèche et brûlée où s’apperçoit ce phénomène. Le terrein qui l’environne est sabloneux, inculte et rempli de pierres ; à mesure que l’on avance, on éprouve une chaleur excessive, et l’on respire l’odeur de cuivre et de charbon de terre, que le volcan exhale ; nous apperçûmes enfin la flamme, qu’une légère pluie, fortuitement survenue, rendit plus ardente : ce foyer peut avoir trente ou quarante pieds de tour : si l’on creuse la terre dans les environs, le feu s’allume aussi-tôt, sous l’instrument qui la déchire… C’est, dis-je, à Sbrigani observant avec moi cette merveille, c’est mon imagination s’allumant sous les coups de verges que mon cul reçoit.

La terre prise dans le milieu du foyer est cuite… consumée et noire ; celle du voisinage est comme de la glaise, et de la même odeur que le volcan : la flamme qui sort du foyer est extrêmement ardente ; elle brûle et consume à l’instant toutes les matières qu’on y jette ; sa couleur est violette, comme celle qui s’exhale de l’esprit-de-vin : sur la droite de Piétra-Mala, se voit un autre volcan, qui ne s’enflamme que quand on y met le feu ; rien ne me parut plaisant comme l’expérience que nous en fîmes ; au moyen d’une bougie, nous allumâmes toute la plaine. Avec une tête comme celle dont j’étais douée, on ne devrait jamais voir de telles choses, car il faut que j’en convienne avec vous, mes amis, mais la bougie que je présentais au sol, l’allumait moins vîte que la flamme évaporée de ce terrein n’embrâsait mon esprit. Oh ! mon cher, dis-je à Sbrigani, comme je forme ici le vœu de Néron ; ne t’ai-je pas dit qu’en respirant l’air natal de ce monstre, j’adopterais bientôt ses penchans ?

Lorsqu’il a plu, et que le foyer de ce second volcan est rempli d’eau, cet élément s’élève en bouillonnant, et sans rien perdre de sa fraîcheur : ô nature ! que tu es capricieuse, et tu ne voudrais pas que les hommes t’imitassent.

Il est à craindre que tous les volcans dont Florence est environnée, ne lui causent quelque dommage un jour ; le bouleversement que l’on apperçoit dans toute cette partie, légitime amplement ces craintes : ici quelques idées comparatives se présentèrent à mon esprit ; n’est-il pas très-probable, me dis-je, que l’embrasement des villes de Sodome, Gomorrhe, etc. dont on nous compose un miracle afin de nous effrayer sur le vice national des habitans de ces villes ; n’est-il pas, dis-je, très-possible que cet embrâsement n’ait été produit que parce que ces cités se trouvaient assises sur un sol semblable à celui-ci ; les environs du lac Asphalite, où elles étaient situées, n’étaient que des volcans mal éteints ; c’était un sol égal à celui-ci : pourquoi donc s’obstiner à voir du surnaturel, quand ce qui nous entoure peut être produit par des moyens si simples ? D’autres idées, nées de l’influence du climat, se présentèrent de même à moi ; et quand je vis qu’à Sodome comme à Florence, qu’à Gomorrhe comme à Naples, et qu’aux environs de l’Etna comme à ceux du Vésuve, les peuples ne chérissent et n’adorent que la bougrerie, je me persuadai facilement que l’irrégularité des caprices de l’homme ressemble à ceux de la nature, et que, par-tout où elle se déprave, elle corrompt aussi ses enfans[17] : alors je me crus transportée dans ces heureuses villes de l’Arabie ; c’est ici où était Sodome, me disais-je, rendons hommage aux mœurs de ses habitans ; et m’inclinant sur le bord du foyer, je présentai les fesses à Sbrigani, pendant que, sous mes yeux, Augustine nous imitait avec Zéphire : nous changeâmes ; Sbrigani s’enfonça dans le beau cul de ma soubrette, et je devins la proie de mon valet : Augustine et moi, en face l’une de l’autre, nous nous chatouillons pendant ce tems-là. Voilà, certes, une charmante

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occupation, nous crie tout-à-coup une voix terrible, qui nous parut sortir de derrière un buisson… ne vous dérangez pas, je veux plutôt partager vos plaisirs que les troubler, poursuivit cette espèce de centaure, en s’approchant de nous, et nous faisant voir une figure gigantesque, et telle que, de nos jours, nous n’en avions encore vue. Le personnage qui nous parlait, haut de sept pieds trois pouces, ayant des moustaches énormes retroussées sur un visage aussi brun qu’effrayant, nous fit croire un moment que nous parlions au prince des ténèbres… Surpris de la manière dont nous le considérions ; comment, s’écrie-t-il, ne connaissez-vous donc pas l’hermite de l’Appenin ?… Assurément, non, dit Sbrigani, nous n’avons jamais entendu parler d’un animal aussi effrayant que toi ! Eh bien ! nous dit l’hermite, suivez-moi tous les quatre, ; je vous montrerai des choses plus étonnantes encore ; les occupations dans lesquelles je vous surprends me convainquent que vous êtes dignes d’observer ce que j’ai à vous faire voir, et de tout partager avec moi. Géant, dit Sbrigani, nous aimons les choses extraordinaires, et pour les observer, il n’est rien que nous ne fassions, sans doute ; mais la suprême force dont il me paraît que tu jouis, ne nuira-t-elle pas à notre liberté ? Non, parce que je vous crois digne de ma société, dit ce singulier personnage ; sans cela, elle y nuirait très-certainement ; tranquillisez-vous donc et suivez-moi.

Déterminés à tout, pour connaître les suites de cette aventure, nous fîmes prévenir nos gens de retourner nous attendre à l’auberge jusqu’à ce que nous vinssions les reprendre ; cette précaution prise, nous nous mîmes en marche sous la direction de notre géant.

Ne vous impatientez ni ne vous fatiguez, nous dit notre guide ; nous avons du chemin à faire, mais il y a encore sept heures de jour et nous arriverons avant que les voiles de la nuit se soient étendus sur l’univers ; on fit ensuite le plus grand silence, et j’eus le tems d’observer la route et les abords de l’habitation où elle nous conduisait.

En quittant la plaine volcanique de Piétra-Mala, nous remontâmes, pendant une heure, une haute montagne située sur la droite : du Sommet de cette montagne, nous apperçûmes des abîmes de plus de deux mille toises de profondeur, où nous dirigeait notre marche. Toute cette partie était enveloppée de bois si touffus, si prodigieusement épais, qu’à peine y voyait-on pour se conduire : après avoir descendu à pic, pendant près de trois heures, nous arrivâmes au bord d’un vaste étang ; sur une île située au milieu de cette eau, se voyait le donjon du palais qui servait de retraite à notre guide ; la hauteur des murailles, qui l’entouraient était cause qu’on n’en pouvait distinguer que le toit : il y avait six heures que nous marchions sans avoir rencontré la moindre maison…… pas un individu ne s’était offert à nos regards : une barque noire comme les gondoles de Venise nous attendait au bord de l’étang ; ce fut de-là où nous pûmes considérer l’affreux bassin dans lequel nous étions : il était environné, de toutes parts, de montagnes à perte de vue, dont les sommets et les flancs arides étaient couverts de pins, de melezes et de chênes verds : il était impossible de rien voir de plus agreste et de plus sombre ; on se croyait au bout de l’univers : nous montâmes dans la barque ; le géant la conduisit seul. Du port au château, il y avait encore trois cents toises : nous arrivâmes au pied d’une porte de fer, pratiquée dans le mur épais qui environne le château ; là, des fossés de dix pieds de large se présentèrent à nous ; nous les traversâmes sur un pont qui s’enleva dès que nous l’eûmes passé ; un second mur s’offrit ; nous passâmes encore une porte de fer, et nous nous trouvâmes dans un massif de bois si serré que nous crûmes impossible d’aller plus loin ; nous ne le pouvions effectivement plus, ce massif, formé d’une haie vive, ne présentant que des pointes et n’offrant aucun passage : dans son sein était la dernière enceinte du château ; elle avait dix pieds d’épaisseur ; le géant lève une pierre de taille énorme, et que lui seul pouvait manier ; un escalier tortueux se présente ; la pierre se referme ; et c’est par les entrailles de la terre, que nous arrivons (toujours dans les ténèbres) au centre des caves de cette maison, desquelles nous remontons au moyen d’une ouverture défendue par une pierre semblable à celle dont nous venons de parler. Nous voilà enfin dans une salle basse toute tapissée de squelettes ; les sièges de ce local n’étaient formés que d’os de morts, et c’était sur des crânes que l’on s’asseyait malgré soi ; des cris affreux nous parurent sortir de dessous terre ; et nous apprîmes bientôt que c’était dans les voûtes de cette salle qu’étaient situés les cachots où gémissaient les victimes de ce monstre. Je vous tiens, nous dit-il, dès que nous fûmes assis, vous êtes en ma puissance ; je peux faire de vous ce qu’il me plaira : ne vous effrayez pourtant point ; les actions que je vous ai vu commettre sont trop analogues à ma façon de penser pour que je ne vous croye pas dignes de connaître et de partager les plaisirs de ma retraite. Écoutez-moi, j’ai le tems de vous instruire avant le souper ; on le prépare pendant que je vais vous parler.

Je suis Moscovite, né dans une petite ville qui se trouve sur les bords du Volga. On m’appelle Minski : mon père en mourant me laissa des richesses immenses, et la nature proportionna mes facultés physiques et mes goûts, aux faveurs dont me gratifiait la fortune. Ne me sentant point fait pour végéter dans le fond d’une province obscure, comme celle où j’avais reçu le jour, je voyageais ; l’univers entier ne me paraissait pas encore assez vaste pour l’étendue de mes desirs ; il me présentait des bornes, je n’en voulais pas. Né libertin, impie, débauché, sanguinaire et féroce, je ne parcourus le monde que pour en connaître les vices, et ne les pris que pour les rafiner. Je commençai par la Chine, le Mogol et la Tartarie ; je visitai toute l’Asie : remontant vers le Kamchatka, j’entrai en Amérique par le fameux canal de Bering. Je parcourus cette vaste partie du monde, tour à tour chez les peuples policés et chez les sauvages, ne copiant jamais que les crimes des uns, les vices et les atrocités des autres. Je rapportai dans votre Europe des penchans si dangereux, que je fus condamné à être brûlé en Espagne, rompu en France, pendu en Angleterre, et massolé en Italie, mes richesses me garantirent de tout. Je passai en Afrique ; ce fut-là où je reconnus bien que ce que vous avez la folie de nommer dépravation n’est jamais que l’état naturel de l’homme, et plus souvent encore le résultat du sol où la nature l’a jeté. Ces braves enfans du soleil se moquèrent de moi, quand je voulus leur reprocher la barbarie dont ils usaient avec leurs femmes : et qu’est-ce donc qu’une femme, me répondaient-ils, sinon l’animal domestique que la nature nous donne pour satisfaire à-la-fois, et nos besoins et nos plaisirs. Quels sont ses droits pour mériter de nous, plus que le bétail de nos basses-cours. La seule différence que nous y voyons, me disaient ces peuples sensés, c’est que nos animaux de ménage peuvent mériter quelqu’indulgence par leur douceur et leur soumission, au lieu que les femmes ne méritent que de la rigueur et de la barbarie, vu leur état perpétuel de fraude, de méchanceté, de trahison et de perfidie. Nous les foutons d’ailleurs, et que peut-on faire de mieux d’une femme qu’on a foutue, sinon de s’en servir comme d’un bœuf… d’un âne, ou de la tuer pour s’en nourrir ? En un mot, ce fut-là où j’observai l’homme vicieux par tempéramment, cruel par instinct, féroce par rafinement ; ce caractère me plut, je le trouvai plus rapproché de la nature, et je le préférai à la simple grossièreté de l’Américain… à la fourberie Européenne, et à la cinique mollesse de l’Asiatique. Ayant tué des hommes à la chasse avec les premiers, ayant bu et menti avec les seconds, ayant beaucoup foutu avec les troisièmes, je mangeai des hommes avec ceux-ci : j’ai conservé ce goût ; tous les débris de cadavres que vous voyez ici, ne sont que le reste des créatures que je dévore ; je ne me nourris que de chair humaine ; j’espère que vous serez contens du régal que je compte vous en faire, et l’on a tué pour notre souper un jeune garçon de quinze ans, que je foutis hier, et qui doit être délicieux. Après dix ans de voyage, je revins faire un tour dans ma patrie ; ma mère et ma sœur vivaient ; j’étais héritier naturel de tous deux : ne voulant plus remettre les pieds en Moscovie, je crus essentiel à mes intérêts de réunir ces deux, successions. Je les violai et les massacrai dans le même jour ; ma mère était encore fort belle, aussi grande que moi ; et quoique ma sœur n’eut que six pieds, c’était bien la plus superbe créature qu’il fût possible de voir dans les deux Russies. Je recueillis ce qui pouvait me revenir de ces héritages, et me trouvant près de deux millions à manger tous les ans, je repassai en Italie avec le dessein de m’y fixer ; mais je voulais une position singulière, agreste, mystérieuse, et dans laquelle je pus me livrer à tous les perfides égaremens de mon imagination ; et ces égaremens ne sont pas légers, mes amis, pour peu que nous passions quelques jours ensemble, vous vous en appercevrez, je l’espère ; il n’est pas une seule passion libertine qui ne soit chérie de mon cœur, pas un forfait qui ne m’ait amusé. Si je n’ai pas commis plus de crimes, c’est faute d’occasions ; je n’ai pas à me reprocher d’en avoir négligé une seule, et j’ai fait naître toutes celles qui ne se décidaient pas avec assez d’énergie. Si j’eusse été assez heureux pour doubler la somme de mes forfaits, il me resterait de plus agréables souvenirs ; car ceux du crime sont des jouissances que l’on ne saurait trop multiplier. Ce début va me faire passer à vos yeux pour un scélérat ; ce que vous allez voir dans cette maison, me confirmera, je l’espère, cette réputation. Vous ne vous doutez pas de l’étendue de ce logis, il est immense, et renferme deux cents petits garçons, dans l’âge de cinq à seize ans, qui passent communément de mon lit dans ma boucherie, et à peu près le même nombre de jeunes gens destinés à me foutre. J’aime infiniment cette sensation ; il n’en est pas de plus douce au monde, que celle d’avoir le cul vigoureusement limé, pendant qu’on s’amuse soi-même de telle manière que ce puisse être. Les plaisirs que je vous ai vus goûter tantôt sur le bord du volcan, me prouvent que vous partagez cette façon de perdre du foutre, et voilà pourquoi je vous parle avec autant de franchise ; Je ferais sans cela, tout simplement de vous des victimes.

J’ai deux harems : le premier contient deux cents petites filles, de cinq à vingt ans ; je les mange, quand à force de luxure elles se trouvent suffisament mortifiées ; deux cents femmes, de vingt à trente, sont dans le second ; vous verrez comme je les traite.

Cinquante valets des deux sexes sont employés au service de ce nombre considérable d’objets de lubricité ; et j’ai, pour le recrutement, cent agentes dispersées dans toutes les grandes villes du monde. Croiriez-vous qu’avec le mouvement prodigieux qu’exige tout ceci, il n’y ait cependant pour entrer dans mon île, que la seule route que vous venez de faire. On ne se douterait assurément pas de la quantité de créatures qui passent par ce mystérieux sentier ; et jamais les voiles que j’étends sur tout ceci, ne seront déchirés, Ce n’est pas que j’aie la moindre chose à craindre ; ceci tient aux états du grand duc de Toscane ; on y connaît toute l’irrégularité de ma conduite ; et l’argent que j’y sème, me met à l’abri de tout. Il vous faut maintenant, pour achever de me faire connaître à vous, un petit développement sur mon personnel ; j’ai quarante-cinq ans, mes facultés lubriques sont telles, que je ne me couche jamais, sans avoir déchargé dix fois. Il est vrai que l’extrême quantité de chair humaine dont je me nourris, contribue beaucoup à l’augmentation et à l’épaisseur de la matière séminale ; quiconque essayera de ce régime, triplera bien sûrement ses facultés libidineuses, indépendamment de la force, de la santé, de la fraîcheur, qu’entretiendra cette nourriture dans lui ; je ne vous parle pas de son agrément, qu’il vous suffise de savoir qu’une fois qu’on en a goûté, il n’est plus possible de manger autre chose ; et qu’il n’est pas une seule chair, d’animaux ou de poissons, qui puisse se comparer à celle-là. Il ne s’agit que de vaincre les premières répugnances ; et les digues franchies, on ne peut plus s’en rassasier : comme j’espère que nous déchargerons ensemble, il est essentiel que je vous prévienne des effrayans symptômes de cette crise en moi ; d’épouvantables hurlemens la précèdent, l’accompagnent, et les jets du sperme élancés pour lors, s’élèvent au plancher, souvent dans le nombre de quinze ou vingt : jamais la multiplicité des plaisirs ne m’épuise ; mes éjaculations sont aussi tumultueuses, aussi abondantes à la dixième fois qu’à la première, et je ne me suis jamais senti le lendemain des fatigues de la veille ; à l’égard du membre dont tout cela part, le voici, dit Minski, en mettant au jour un anchois de dix-huit pouces de long, sur seize de circonférence, surmonté d’un champignon vermeil et large comme le cul d’un chapeau… Oui, le voici : il est toujours dans l’état où vous le voyez, même en dormant, même en marchant… Oh ! juste ciel, m’écriai-je, en voyant cet outil !… Mais, mon cher hôte, vous tuez donc autant de femmes et de garçons que vous en voyez… À-peu-près, me répondit le Moscovite, et comme je mange ce que je fouts, cela m’évite la peine d’avoir un boucher. Il faut beaucoup de philosophie pour me comprendre… je le sais : je suis un monstre, vomi par la nature, pour coopérer avec elle aux destructions qu’elle exige… je suis un être unique dans mon espèce… un… Oh ! oui, je connais toutes les invectives dont on me gratifie ; mais assez puissant pour n’avoir besoin de personne,… assez sage pour me plaire dans ma solitude, pour détester tous les hommes, pour braver leur censure, et me moquer de leurs sentimens pour moi, assez instruit pour pulvériser tous les cultes, pour bafouer toutes les religions, et me foutre de tous les Dieux, assez fier pour abhorrer tous les gouvernemens, pour me mettre au-dessus de tous les liens, de tous les freins, de tous les principes moraux, je suis heureux dans mon petit domaine ; j’y exerce tous les droits de souverains, j’y goûte tous les plaisirs du despotisme, je ne crains aucun homme, et je vis content ; j’ai peu de visites, point même, à moins que dans mes promenades je ne rencontre des êtres qui, comme vous, me paraissent assez philosophes pour venir s’amuser quelque tems chez moi ; voilà les seuls que j’invite, et j’en rencontre peu ; les forces dont m’a gratifié la nature, me font étendre très-loin ces promenades : il n’y a pas de jours où je ne fasse douze ou quinze lieues… Et par conséquent quelques captures, interrompis-je. — Des captures, des vols, des incendies, des meurtres, tout ce qui se présente de criminel à moi, je l’exécute, parce que la nature m’a donné le goût et la faculté de tous les crimes, et qu’il n’en est aucun que je ne chérisse, et dont je ne fasse mes plus doux plaisirs. — Et la justice ? — Est nulle dans ce pays-ci ; voilà pourquoi je m’y suis placé : avec l’argent on fait tout ce qu’on veut… et j’en répands beaucoup[18].

Deux esclaves masculins de Minski, basanés et de figures hideuses, vinrent avertir que le souper était servi ; ils se mirent à genoux devant leur maître, lui baisèrent respectueusement les couilles et le trou du cul, et nous passâmes dans une autre salle. Il n’y a point de préparatifs pour vous, dit le géant ; tous les rois de la terre viendraient me voir, que je ne m’écarterais pas de mes coutumes ; mais le local et les accessoires de la pièce où nous entrâmes, méritent quelques descriptions.

Les meubles que vous voyez ici, nous dit notre hôte, sont vivans ; tous vont marcher au moindre signe ; Minski fait ce signe, et la table s’avance ; elle était dans un coin de la salle, elle vient se placer au milieu ; cinq fauteuils se rangent également autour ; deux lustres descendent du plafond, et planent au milieu de la table . Cette mécanique est simple, dit le géant, en nous faisant observer de près, la composition de ces meubles. Vous voyez que cette table, ces lustres, ces fauteuils, ne sont composés que de grouppes de filles, artistement arrangés ; mes plats vont se placer tous chauds sur les reins de ces créatures ; mes bougies sont enfoncées dans leurs cons ; et mon derrière, ainsi que les vôtres, en se nichant dans ces fauteuils, vont être appuyés sur les doux visages ou les blancs tetons de ces demoiselles ; c’est pour cela que je vous prie de vous trousser, mesdames, et vous, messieurs, de vous déculotter, afin que d’après les paroles de l’écriture, la chair puisse se reposer sur la chair.

Minski, observai-je à notre Moscovite, le rôle de ces filles est fatiguant, sur-tout si vous êtes long-tems à table. Le pis-aller, dit Minski, est, qu’il en crêve quelques-unes, et ces pertes sont trop faciles à réparer, pour que je puisse m’en occuper un instant. Au moment où nous nous troussions, et où les hommes se déculottaient, Minski exigea que nos fesses lui fussent présentées ; il les mania, il les mordit, et nous remarquâmes que de nos quatre culs, celui de Sbrigani, par un rafinement de caprices, facile à supposer dans un tel homme, fut celui qu’il fêta le plus ; il le gamahucha pendant près d’un quart-d’heure ; cette cérémonie faite, nous nous assîmes à crud sur les tetons et les visages des sultanes, ou plutôt des esclaves de Minski.

Douze filles nues, de vingt à vingt-cinq ans, servirent les plats sur les tables vivantes ; et comme ils étaient d’argent et fort chauds, en brûlant les fesses ou les tetons des créatures qui formaient ces tables, il en résulta un mouvement convulsif très-plaisant, et qui ressemblait aux agitations des flots de la mer ; plus de vingt entrées ou plats de rôti garnissaient la table ; et sur des servantes, composées de quatre filles grouppées, et qui s’approchèrent de même au plus léger signal, furent placés des vins de toute espèce.

Mes amis, nous dit notre hôte, je vous ai prévenu qu’on ne se nourrissait ici que de chair humaine ; il n’est aucun des plats que vous voyez, qui n’en soit : nous en tâterons, dit Sbrigani ; les répugnances sont des absurdités ; elles ne naissent que du défaut d’habitude ; toutes les viandes sont faites pour substanter l’homme ; toutes nous sont offertes, à cet effet, par la nature, et il n’est pas plus extraordinaire de manger un homme qu’un poulet ; en disant cela, mon époux enfonça une fourchette dans un quartier de garçon, qui lui parut fort bien apprêté, et en ayant mis au moins deux livres sur son assiette, il les dévorai je l’imitai ; Minski nous encourageait ; et comme son appétit égalait toutes ses passions ; il eut bientôt vuidé une douzaine de plats.

Minski buvait comme il mangeait ; il était déjà à sa trentième bouteille de Bourgogne, quand on servit l’entremets ; il fut arrosé de Champagne ; et l’Aleatico, le Falerne, et autres vins précieux d’Italie, furent avalés au dessert.

Plus de trente nouvelles bouteilles de vin étaient encore entrées dans les entrailles de notre anthropophage, lorsque ses sens, suffisamment ennivrés de toutes ces débauches physiques et morales, le vilain nous déclara qu’il avait envie de décharger. Je ne veux foutre aucun de vous quatre, nous dit-il, parce que je vous tuerais ; mais au moins vous servirez mes plaisirs… vous les examinerez ; je vous crois digne d’en être échauffés… Allons, qui voulez-vous que je foute ? Je veux, dis-je à Minski, qui se penchait lubriquement sur mon sein, et qui paraissait avoir fort envie de moi ; je veux que tu enconnes et que tu encules à mes yeux une petite fille de sept ans. Minski fait un signe, et l’enfant paraît.

Une machine fort ingénieuse servait aux viols de ce libertin ; c’était une espèce d’escabeau de fer sur lequel la victime n’appuyait que les reins ou le ventre, en raison de la partie qui devait être offerte ; sur quatre branches qui retombaient en croix, à terre, se liaient les membres de cette victime… qui, par sa position, offrait au sacrificateur, dans le plus grand écart possible, ou le con, si on la liait sur les reins, ou le cul, si elle était attachée sur le ventre. Rien n’était joli comme la petite créature qu’allait immoler ce barbare, et rien ne m’amusait autant comme l’incroyable disproportion qui se trouvait entre l’assaillant et la victime. Minski sort de table comme un furieux : mettez-vous nuds, nous dit-il à tous quatre ; vous, poursuit-il, en désignant Zephire et Sbrigani, vous m’enculerez pendant que j’agirai ; et vous, ajoute-t-il en touchant Augustine et moi ; vous me ferez baiser vos culs réunis. Tout se dispose ; on attache, la petite fille d’abord sur le dos ; je n’exagère pas en assurant que le membre dont elle allait être perforée, était plus gros que sa taille. Minski jure, il hennit ainsi que les animaux, il flaire l’orifice qu’il va perforer ; je me plaisais à diriger ce membre, nul art n’était employé, il fallait que la nature seule fit ici les frais de l’entreprise ; la putain nous servit comme elle le fait toutes les fois qu’il s’agit d’un forfait qui l’amuse, la sert ou la délecte. En trois tours de reins, l’outil est dedans, les chairs se fendent, le sang coule, et la pucelle perd connaissance. Ah ? bon, bon, dit Minski qui commençait à rugir comme un lion ; bon, c’est ce que je voulais… Oh ! mes amis, le crime s’achève, on enculait Minski, il baisait, il mordait, il gamahuchait alternativement les fesses d’Augustine et les miennes ; un cri terrible annonce son extase, il profère d’affreux blasphêmes… Le scélérat ! en déchargeant, il avait étranglé sa victime, la malheureuse ne respirait plus. C’est égal, nous dit-il, elle ne se défendra plus maintenant, on n’aura plus besoin de l’attacher ; et la retournant toute morte qu’elle est, le libertin la sodomise en étranglant de même une des filles qui venaient de servir au souper, et qu’il avait fait à dessein approcher de lui… Eh quoi ! dis-je aussitôt qu’il eut déchargé une seconde fois, vous ne goûtez donc jamais ce plaisir qu’il n’en coûte la vie à un individu ?… Au moins, me répond l’ogre, il faut qu’une créature humaine meure pendant que je fous ; je ne déchargerais pas sans l’alliance des soupirs de la mort à ceux de ma lubricité, et je ne dois jamais l’éjaculation de mon foutre qu’à l’idée de cette mort que j’occasionne.

Passons dans une autre pièce, continue cet anthropophage, les glaces, le café et les liqueurs nous y attendent ; et puis se tournant vers mes deux hommes : amis, leur dit-il, vous m’avez parfaitement foutu ; vous avez trouvé mon cul large, n’est-ce pas ? n’importe, je suis persuadé qu’il vous a donné du plaisir ; le foutre que vous y avez répandu l’un et l’autre m’en répond. Quant à vous, charmantes femmes, vos fesses m’ont puissamment délecté, et pour vous en témoigner ma reconnaissance, je vous abandonnerai, pendant deux jours, toutes les beautés de mon sérail, afin que vous puissiez vous gorger de voluptés tout à l’aise. Aimable homme, dis-je au géant, c’est tout ce que nous demandons ; la volupté doit couronner la luxure, et les récompenses du libertinage doivent être offertes par les mains seules de la lubricité. Nous entrâmes, à l’odeur qui régnait en ce lieu, nous devinâmes bientôt qu’elle était l’espèce de glaces qui nous étaient offertes ; dans cinq jattes de porcelaine blanche, étaient disposés douze ou quinze étrons de la plus belle forme et de la plus grande fraîcheur : voilà, nous dit l’ogre, les glaces dont j’use après dîner, rien ne facilite autant la digestion, et rien en même tems ne me fait autant de plaisir. Ces étrons viennent des plus beaux culs de mon sérail, et vous pouvez les manger en sûreté. Minski, répondis-je, il faut beaucoup d’habitude pour ce mets là ; peut-être pourrions-nous l’adopter dans un moment d’égarement ; mais de sang-froid, c’est impossible. À la bonne heure, dit l’ogre en s’emparant d’une jatte, et en en dévorant le contenu, faites comme vous voudrez, je ne vous contrains point. Tenez, voilà des liqueurs : pour moi, je n’en prendrai qu’après. Rien d’aussi lugubre que l’illumination de cette salle ; elle était bien digne du reste. Vingt-quatre têtes de morts renfermaient entr’elles une lampe dont les rayons sortaient par les yeux et par les mâchoires ; je n’ai jamais rien vu d’effrayant à ce point ; ici, l’ogre en bandant voulut s’approcher de moi ; je mis tant d’art à l’éviter que je détournai ses desirs. De jeunes garçons servaient dans cette pièce, je lui en fit enculer un de douze ans, qui tomba mort au sortir de ses bras.

Minski s’apperçut enfin qu’épuisés par la fatigue, nous n’étions plus en état de lui tenir tête ; il nous fit conduire par ses esclaves dans une galerie superbe, où quatre niches de glaces, en face les unes des autres, contenaient les lits nécessaires à nous reposer. Un même nombre de filles avaient ordre de veiller autour de nous pour éloigner les insectes et brûler des parfums pendant notre sommeil,

Il était tard quand nous nous réveillâmes ; nos gardiennes nous firent voir des salles de bains, où, servis par elles, nous fûmes merveilleusement rafraîchis ; et nous introduisant déjà dans les cabinets d’aisance, elles nous firent chier d’une manière aussi commode que voluptueuse, et que nous ne connaissions pas encore : elles trempaient leurs doigts dans l’essence de rose, puis les introduisaient dans l’anus ; elles détachaient doucement et moëlleusement toutes les matières qui s’y rencontraient… mais avec un tel art et une si prodigieuse adresse, qu’on avait tout le plaisir de l’opération, sans aucune de ses douleurs : dès que cela était fait, elles nettoyaient toutes les parties avec leurs langues, et cela, avec une légèreté, une dextérité sans égale.

Sur les onze heures, Minski nous fit dire que nous serions admis à l’honneur de le venir visiter au lit. Nous entrâmes : sa chambre à coucher était fort grande, on y voyait de superbes fresques représentant dix grouppes de libertinage, dont la composition peut bien passer pour le nec plus ultra de la luxure.

Au fond de cette pièce était une vaste alcôve entourée de glaces et ornée de seize colonnes de marbre noir, à chacune desquelles était liée une jeune fille vue par derrière. Au moyen de deux cordons, placés comme des cordons de sonnette, au chevet du lit de notre héros, il pouvait faire arriver, sur chacun des culs qui lui étaient présentés, un supplice toujours différent, lequel durait tout le tems qu’il ne retirait pas le cordon. Indépendamment de ces seize filles, il y en avait six autres et douze jeunes garçons, tant agens que patiens, qui se tenaient dans deux cabinets voisins, pour le service libertin de leur maître, pendant la nuit. Deux duègnes veillaient sur tout cela, pendant son sommeil. La première chose qu’il fit quand nous l’approchâmes, fut de nous faire voir qu’il bandait ; il ricanna d’une manière horrible, en nous montrant son engin monstrueux ; il nous demanda le cul, nous obéîmes ; en palpant celui d’Augustine, il assura qu’il l’enculerait avant la fin du jour ; la malheureuse frémit ; il branla beaucoup Sbrigani, et parut s’amuser de ses fesses ; ils se gamahuchèrent l’anus, et y prirent le plus grand plaisir ; il nous demanda si nous voulions voir la manière dont il pourait blesser à-la-fois les seize filles liées aux colonnes ; je le pressai de nous faire voir cette singulière machine ; il tire ses funestes cordons, et les seize malheureuses criant toutes à-la-fois, reçoivent toutes individuellement une blessure différente ; les unes se trouvaient piquées, brûlées, flagellées ; les autres tenaillées, coupées, pincées, égratignées, et tout cela d’une telle force, que le sang coula de toutes parts. Si je redoublais, nous dit Minski, et cela m’arrive quelquefois, c’est selon l’état de mes couilles, mais enfin si je redoublais, du même coup ces seize putains périraient sous mes yeux ; j’aime à m’endormir dans l’idée de pouvoir commettre seize meurtres à-la-fois, au plus léger de mes desirs.

Minski, dis-je à notre hôte, vous possédez assez de femmes pour faire ce petit sacrifice : mes amis et moi nous vous conjurons de nous rendre témoins de cette charmante scène : j’y consens, dit Minski, mais je veux décharger en opérant ; faites-moi sodomiser votre fille de compagnie, son cul me plaît, et en lui lançant mon foutre dans l’anus, vous verrez périr mes seize femmes. Cela en fera bien dix-sept, s’écria Augustine en nous suppliant de ne la point livrer à ce monstre ; comment voulez-vous que je soutienne une pareille opération. Le mieux du monde, dit Minski ; et la faisant déshabiller par ses femmes, il la plaça aussitôt dans l’attitude propice à ses desirs ; n’ayez pas peur, continua-t-il, jamais une femme ne m’a résisté, et j’en fouts tous les jours de plus jeunes que vous. Devinant dans les yeux du Moscovite que les refus ne serviraient qu’à l’irriter, nous n’osâmes seulement pas lui témoigner la peine que nous faisait un tel desir. Laissez-moi faire, me dit Minski tout bas, je vous l’ai dit cette fille m’irrite, elle a un cul qui me met en colère ; si je la tue, ou si je l’estropie, je vous la remplacerai par deux autres infiniment plus belles ; et en disant cela, deux des six jeunes filles qui étaient de service dans la chambre, préparent les voies, humectent l’instrument et le présentent au trou ; Minski avait une telle habitude de toutes ces horreurs, que ce fut pour lui l’affaire d’un instant ; deux tours de reins enfoncent le poignard au fond du cul de la victime, avec une telle vîtesse qu’à peine nos yeux le virent-ils disparaître ; le vilain riait pendant ce tems-là : Augustine s’évanouit, et ses cuisses s’inondèrent de sang ; Minski, aux nues, ne s’en embrâse que davantage ; quatre filles et autant de garçons l’entourent ; ils sont tous si bien accoutumés aux soins qu’il faut lui rendre en ce moment, qu’en une seconde tout est à sa place ; Augustine est couverte, nous ne la voyons plus ; l’ogre blasphême, il est près d’atteindre le but, il décharge, les cordons partent, seize différentes façons de trancher la vie dérobent le jour aux seize créatures attachées, elles ne font qu’un cri, et toutes expirent au même instant, l’une poignardée, l’autre étouffée, celle-ci tuée d’une balle ; en un mot, pas une n’était frappée de la même manière, et toutes étaient expirées à-la-fois.

Votre Augustine avait, je crois, raison, nous dit froidement Minski, en déculant ; oui, certes, elle avait grandement raison, quand elle disait qu’elle ferait la dix-septième ; et nous apperçûmes aussitôt la malheureuse à-la-fois étranglée et percée de dix coups de poignard ; le scélérat avait opéré je ne sais comment ; nous ne nous en étions pas doutés : il n’y a rien que j’aime comme de les étrangler pendant que je les fouts, dit flegmatiquement ce terrible libertin…… Point de regrets, je vous ai promis de vous en donner deux plus belles, je vous tiendrai parole… Mais il fallait qu’elle y passât, son foutu cul me tournait la tête, et mes desirs, avec les objets de mes débauches, sont toujours des arrêts de morts. Les duègnes jettèrent le cadavre de ma malheureuse amie au milieu de la chambre ; on y joignit ceux des seize filles liées aux colonnes ; et Minski, après avoir un instant examiné ce monceau, après les avoir toutes maniées les unes après les autres, avoir mordu quelques fesses et quelques tetons, en désigna trois pour sa cuisine, parmi lesquelles se trouvait la malheureuse que nous venions de perdre : qu’on les prépare pour notre dîner, dit-il, pendant que je vais passer dans une de mes salles tête-à-tête avec Juliette.

Ici, Sbrigani me dit à l’oreille, qu’il croyait prudent de nous méfier d’un tel monstre, et que nous ferions bien de demander à sortir de ses états le plutôt possible : comme je trouvais autant de danger à rester qu’à demander notre sortie, en entrant avec Minski dans la salle où il nous menait, je me contentai de lui prouver, par mon air froid, combien l’indignité de son procédé me donnait de soupçons sur ce qu’il se permettrait peut-être bientôt de faire sur ma personne. Écoutez, me dit l’ogre, en m’attirant sur une chaise auprès de lui, je vous croyais assez philosophe pour ne pas regretter autant cette fille, et pour être persuadée que les droits de l’hospitalité ne pouvaient pas avoir d’accès sur une ame comme la mienne. — Vous ne réparerez jamais cette perte. — Pourquoi donc ? — Je l’aimais. — Ah ! si vous êtes encore assez niaise en lubricité, pour aimer l’objet qui vous sert, il est certain que je n’ai plus rien à dire ; je chercherais en vain des raisonnemens pour vous convaincre, il n’en est point contre la stupidité. — Eh bien ! c’est pour moi-même ; j’ai peur, puisque vous ne respectez rien. Qui me garantit du traitement pie vous venez de faire éprouver à mon amie ?… Rien, rien absolument, dit Minski, et si je bandais pour vous assassiner, vous n’existeriez pas un quart-d’heure ; mais je vous ai crue aussi scélérate que moi ; et puisque vous me ressemblez, de ce moment, j’aime mieux vous prendre pour ma complice que pour ma victime : les deux hommes qui vous accompagnent me paraissent de même ; je les crois comme vous, moins propres à servir mes luxures qu’à les partager : votre sûreté se trouve dans cette hypothèse. Il s’en fallait bien qu’Augustine en fût là ; je suis bon physionomiste ; plus complaisante que criminelle, elle se prêtait à ce que vous desiriez, mais il s’en fallait bien qu’elle fit ce qu’elle voulait. Oh, Juliette ! rien n’est sacré pour moi : vous épargner tous quatre eût été croire aux droits de l’hospitalité… L’apparence… la seule idée d’une vertu me fait horreur ; il fallait que je violasse ces droits… au moins en quelque chose : me voilà satisfait maintenant, soyez tranquille. — Minski, vous me parlez avec une franchise qui doit vous mériter la mienne, il y a dans tout ceci plus de craintes pour moi, que de regrets pour Augustine. Connaissez assez mon cœur pour le croire incapable de pleurer un sujet de libertinage ; j’en ai sacrifié beaucoup dans ma vie, et je vous jure que je n’en ai jamais regretté aucun ; et comme il allait se lever : non, lui dis-je, en le priant de se rasseoir, vous venez de faire le procès à la vertu de l’hospitalité, Minski, j’aime les principes ; suggérez-moi les vôtres sur cet objet ; quoiqu’aucune vertu ne fût respectable pour moi, je ne m’étais pas défait de mes maximes sur l’hospitalité, peut-être même encore osai-je les croire inviolables, détruisez, combattez, déracinez, Minski, je vous écoute.

La plus grande de toutes les extravagances, sans doute, dit le géant, en ayant l’air de me savoir gré des moyens que je lui donnais de développer son esprit, est celle qui nous fait regarder comme sacré, l’individu que sa curiosité, ses besoins ou le hasard amènent dans nos foyers ; il n’y eut jamais qu’un motif personnel qui pût nous jeter dans cette erreur ; plus un peuple est rapproché de la nature, moins il connaît les droits de l’hospitalité ; une infinité de sauvages tendent au contraire des embûches aux voyageurs pour les attirer chez eux, et ils les immolent dès qu’ils les tiennent. Quelques nations faibles et grossières, agissant différemment, s’empressent au contraire de fêter ceux qui les visitent ; et elles portent, sur ce point, l’honnêteté jusqu’à leur présenter leurs femmes et leurs enfans de l’un et de l’autre sexes ; ne soyons pas la dupe de ce procédé, il est encore le fruit de l’égoïsme. Les peuples qui se conduisent ainsi cherchent des appuis, des protections parmi les étrangers qui les visitent ; les trouvant plus forts, plus beaux qu’eux, ils desireraient que ces étrangers se fixassent dans leurs pays, ou pour les défendre, ou pour leur former, en voyant leurs femmes, des enfans qui régénérassent leur nation : voilà le but de cette hospitalité qui séduit et que les sots s’avisent de louer. Soyez bien persuadée qu’aucun autre sentiment ne la fait naître. D’autres peuples attendent des jouissances des hôtes qu’ils reçoivent, et les caressent pour s’en servir ; ils les foutent. Mais aucune nation, soyez en bien certaine, n’exerça gratuitement l’hospitalité : lisez l’histoire de toutes, et vous découvrirez dans toutes, les motifs qui les portèrent à recevoir généreusement des hôtes ; et qu’y aurait-il en effet de plus ridicule que d’accueillir dans sa maison un individu dont on n’attendrait rien ? en vertu de quoi un homme est-il engagé à faire du bien à un autre homme ? La ressemblance morale ou matérielle d’un corps à un autre entraine-t-elle, pour un de ces corps, la nécessité de faire du bien à l’autre ? J’estime les hommes autant qu’ils me servent ; je les méprise et les déteste même, dès qu’ils ne peuvent m’être bons ; car n’ayant plus alors que des vices à m’opposer et n’étant plus que redoutables à mes regards, je dois les fuir comme des bêtes féroces, qui dès ce moment ne peuvent plus que me nuire ; l’hospitalité fut la vertu prêchée par le faible : sans asile, sans énergie, n’attendant son bien-être que des autres, il dut assurément préconiser une vertu qui lui préparait des abris. Mais quel besoin le fort a-t-il ce cette action ?… Toujours mise en usage par lui, sans jamais en tirer rien, ne serait-ce pas une dupe de s’y soumettre ? or, je vous demande si une action quelconque peut réellement être réputée pour vertu, quand elle ne sert qu’une des classes de la société ? Dans quels dangers ceux qui l’exercent ne précipitent-ils pas les infortunés qu’ils hébergent ? en les accoutumant à la fainéantise, ils pervertissent les qualités morales de ces hôtes paresseux qui finiront bientôt par aller loger de force dans vos maisons, quand votre générosité ne leur en ouvrira plus les portes, comme les mendians finissent par vous voler, quand vous leur refusez l’aumône : or, en analysant une action quelconque, que devient-elle, je vous prie, quand d’un côté vous l’observez comme inutile, et de l’autre, comme dangereuse ? Répondez avec franchise, Juliette ; sera-ce d’une telle action que vous oserez faire une vertu ? et si vous voulez être juste, ne reléguerez-vous pas bien plutôt cette action dans le rang des vices. N’en doutons point ; l’hospitalité est aussi dangereuse que l’aumône ; tous les procédés qui émanent de la bienfaisance, sentiment né de la faiblesse et de l’orgueil, tous généralement sont pernicieux sous une infinité de rapports ; et l’homme sage cuirassant son cœur à tous ces mouvemens pusillanimes doit se garantir, avec le plus grand soin, des funestes suites où ils nous entraînent.

Les habitans d’une des îles Ciclades sont si ennemis de l’hospitalité, qu’ils se rendent absolument inaccessibles aux étrangers ; ils les redoutent et les détestent, au point qu’ils ne prennent jamais avec leurs mains ce que ceux-ci leur offrent ; ils le reçoivent entre deux feuilles vertes, et l’attachent ensuite au bout d’un bâton. Si par hasard un étranger touche leur peau, ils se la purifient sur-le-champ, en frottant la place avec des herbes.

On ne traite avec une certaine tribu des Brésiliens, que dans l’éloignement de cent pas, et toujours les armes à la main[19].

Les Africains du Zanguébar sont si ennemis de l’hospitalité, qu’ils massacrent impitoyablement tous ceux qui s’avancent dans leur pays[20].

Les Thraces et les habitans de la Tauride, pillèrent et tuèrent pendant des siècles, tous ceux qui venaient les visiter[21].

Les Arabes dépouillent encore aujourd’hui et réduisent à l’esclavage tous les êtres que les vents jetent sur leurs côtes.

L’Égypte fut long-tems inaccessible aux étrangers ; le gouvernement ordonna de réduire en servitude, ou de tuer, ceux qu’on surprenait le long de la côte.

À Athènes, à Sparte, l’hospitalité était défendue ; on punissait de mort ceux qui l’imploraient[22].

Plusieurs gouvernemens s’arrogèrent des droits sur les étrangers ; ils les punissaient de mort, et confisquaient leurs biens.

Le roi d’Achem s’empare de tous les navires qui font naufrage sur ses côtes.

L’insociabilité endurcit le cœur de l’homme, et le rend par ce moyen, bien plus propre aux grandes actions : de ce moment, le vol et le meurtre s’érigent en vertu ; et chez les seules nations où cela arriva, l’on vit de grands traits, et de grands hommes.

Au Kamtchatka, le meurtre des étrangers est une bonne action.

Les nègres de Louango portent plus loin l’horreur qu’ils ont pour les vertus hospitalières ; ils ne souffrent même pas qu’on enterre un étranger dans leur pays.

L’univers entier, en un mot, nous offre des exemples de là haine des peuples qui l’habitent, pour les vertus hospitalières ; et nous devons conclure de ces exemples et de nos réflexions, qu’il n’est rien, sans doute, de plus pernicieux… de plus contraire à sa propre énergie et à celle des autres, qu’une vertu dont l’objet est d’engager le riche à accorder au pauvre un asile, dont celui-ci ne profitera jamais qu’à son détriment et à celui de l’individu qui le lui offre. Deux seuls motifs attirent les étrangers dans un pays, la curiosité ou le desir de faire des dupes ; dans le premier cas, il faut qu’ils payent ; dans le second, il faut qu’ils soient punis.

O Minski, répondis-je ! vous me persuadez : depuis long-tems j’embrassais sur la charité, sur la bienfaisance des maximes, trop ressemblantes à celles que vous avez sur l’hospitalité, pour ne pas me trouver du même avis que vous dans ce cas-ci ; mais il est encore une chose sur laquelle je vous prie de m’éclairer : Augustine, qui m’était attachée depuis quelque tems, a des parens dans l’infortune, qu’elle me recommandât lorsque nous partîmes, en me priant d’en avoir soin, dans le cas où elle viendrait à leur manquer pendant le voyage ; dois-je leur faire tenir quelque récompense ?… Assurément non, me répondit Minski ; et de quel droit devriez-vous donc quelque chose aux parens de votre amie ? quelle prétention peuvent-ils avoir à vos bienfaits ? vous avez payé, entretenu cette fille, tant qu’elle vous a servie ; il n’y a aucun rapport entre ses parens et elle ; vous ne devez absolument rien à ses parens : si vos idées sont bien éclaircies sur le néant du lien fraternel entre les hommes, comme votre philosophie me l’annonce ; si votre tête a bien mûrie ces idées, vous devez comprendre d’abord, qu’entre Augustine et les services qu’elle vous a rendus, il n’existe aucune espèce de lien : car les services n’ont plus qu’une action passée, et celle qui les a rendus n’a plus aucune sorte d’action. Il n’y a donc qu’illusion, que chimère, entre l’une et l’autre de ces choses ; le seul sentiment qui pourrait nous rester, serait celui de la reconnaissance ; et vous savez que la reconnaissance ne saurait exister dans une ame fière : celui qui refuse un service d’un autre, ou qui l’ayant reçu s’imagine ne rien devoir, parce que l’action n’a servi qu’à l’orgueil du bienfaiteur ; celui-là, dis-je, est bien plus grand que celui qui, s’enchaînant à ce bienfaiteur, lui prépare le plaisir de le traîner à son char comme une victime triomphale ; je vais plus loin, et peut-être vous l’a-t-on déjà dit ; mais on doit desirer la mort du bienfaiteur avec lequel on ne s’est pas acquitté ; fut-on même jusqu’à la lui donner, je ne m’en étonnerais pas. Oh ! Juliette, comme l’étude et la réflexion servent à connaître le cœur de l’homme ; et comme on desire braver ses principes dès que l’on connaît bien celui qui les créât, car tout est à l’homme, tout vient de l’homme, et de quel droit voulez-vous me faire respecter, ce qui n’est l’ouvrage que de mon semblable. Oui, je le répète ; cette étude bien approfondie, tout plein de crimes qui paraîtraient atroces aux sots, ne nous semblent plus que tout simples : qu’on aille dire aux ames vulgaires que Pierre ayant reçu cent louis de Paul dans un besoin urgent, lui a plongé un poignard dans le sein pour toute reconnaissance, les imbécilles se déchaîneront, on criera à l’atrocité, et l’ame de ce meurtrier sera pourtant bien plus grande que celle de son adversaire, puisque l’un en obligeant n’a sacrifié qu’à son orgueil, et que l’autre n’a pu tenir à voir le sien humilié ; et voilà donc l’ingratitude une belle action. Faibles mortels ! comme vous vous composez aveuglément des vices et des vertus ; et comme le plus léger examen met à l’instant les uns à la place des autres ; tu n’imagines pas, Juliette, l’invincible penchant que j’éprouvai toujours pour l’ingratitude ; elle est la vertu de mon cœur, et je me suis senti révolté, toutes les fois qu’on a voulu m’obliger ; je disais un jour à quelqu’un qui m’offrait ses services… Ah ! prenez garde que je ne vous prenne au mot, si vous ne voulez pas que je vous déteste. Cette espèce de charité, d’ailleurs, que vous voulez faire aux parens infortunés d’Augustine, ne retomberait-elle pas dans tous les inconvéniens de l’aumône et de la pitié dont vous m’avez paru si persuadée ? Juliette, la charité ne fait que des dupes, la bienfaisance, que des ingrats ; soyez persuadée de ces systêmes, et consolez-vous, puisque je ne vous en rendrai pas la victime.

Ces principes font également ma félicité, dis-je au géant ; toujours la vertu me fit horreur, jamais aucun plaisir ne naquit dans son sein ; et pour en convaincre ce moscovite, je lui racontai par quelle terrible catastrophe toute ma fortune avait été bouleversée pour avoir été vertueuse un jour. Je n’ai point de semblables reproches à me faire, dit Minski, et depuis ma plus tendre enfance, pas un instant mon cœur ne fût combattu par ces sentimens pusillanimes dont les effets sont si dangereux ; je haïs la vertu comme la religion, je les crois toutes deux aussi funestes l’une que l’autre, et jamais l’on ne me verra plier sous leur joug ; je ne connais d’autres remords que celui de n’avoir pas fait assez de crimes ; le crime, en un mot, est mon élément, lui seul me fait vivre et m’inspire, je ne vis que pour lui, et je ne pourrais plus que végéter sur la terre, si je cessais d’en commettre au moins-un par heure… Avec cette façon de penser, répondis-je au géant, vous devez avoir été le bourreau de votre famille. — Hélas ! j’ai manqué mon père, c’est ce qui me désole ; j’étais trop jeune quand il mourut, mais tout le reste a passé par mes mains ; je vous ai déjà dit la mort de ma mère et de ma sœur, j’aurais voulu les voir renaître pour avoir le plaisir de les massacrer encore ; je suis assez malheureux maintenant pour ne pouvoir plus sacrifier que des victimes ordinaires, mon cœur se blâse, je ne jouis plus… O Minski ! que vous êtes heureux, m’écriai-je ! j’ai, comme vous, tâté de ces plaisirs, mais non pas avec tant d’étendue… Mon ami, vous échauffez ma tête à un point prodigieux ; j’ai une grace à vous demander, c’est de me laisser moissonner à l’aise dans vos innombrables possessions ; ouvrez-moi ce vaste champ de crime et de lubricité, que je le fertilise par du foutre et par des cadavres. Je le veux, dit Minski, mais j’y mets une condition… je ne vous propose pas de vous sodomiser, je vous crèverais ; mais j’exige de vous l’abandon total de ce jeune homme, dit-il, en parlant de Zéphire. Je balance ; un poignard à l’instant s’élève sur mon sein ; choisissez, dit cet homme féroce, entre la mort ou les plaisirs que peut vous donner ma maison : hélas ! malgré mon attachement pour Zéphire, je cédai… que pouvais-je faire autre chose ?


Fin du septième Volume.

reverée: révérée conistes: connistes gondon: condom irrétrouvables: irretrouvables gens-eng: ginseng langottait: langotait gommorhise: gomorhise

  1. Il n’y aura jamais que le faible qui prêchera ce système absurde de l’égalité ; il ne peut convenir qu’à celui qui ne pouvant s’élever à la classe du fort, est, au moins, dédommagé en rabaissant à lui cette classe ; mais il n’est pas de systême plus absurde, plus contre la nature que celui-là ; et l’on ne le verra jamais s’ériger que chez la canaille, qui elle même renoncera, si-tôt qu’elle aura eu le tems de dorer ses haillons.
  2. Femmes voluptueuses et philosophes qui daignez nous lire, c’est encore à vous que ceci s’adresse ; profitez-en, et ne rendez pas inutiles les soins que nous prenons pour vous éclairer. Jamais vous ne connaîtrez de vrais plaisirs, sans la plus aveugle soumission à ces excellens conseils ; croyez que nous n’avons en vous les donnant, que votre seul bonheur en vue.
  3. Presque toutes les femmes chastes, meurent jeunes, ou deviennent folles, estropiées, malingres à l’époque de leur perte. Elles ont toutes, d’ailleurs, un caractère âcre, impérieux, qui les rend insoutenables en société.
  4. On fait toujours bien ce qu’on aime ; et le lecteur ne doit pas oublier que Juliette nous a dit, que sa plus grande passion consistait à branler des vits. En est-il au monde une plus voluptueuse ! Quels délices n’éprouve-t-on pas en effet, à voir un beau membre se dresser sous les lubriques agitations qu’on lui imprime ! Qu’il est flatteur, et pour l’amour-propre et pour la luxure, de sentir avancer ainsi son ouvrage ! Dans quel état ne doit-on pas se trouver, sur-tout à l’époque du complément de sa besogne ; et comment ne pas décharger soi-même, en voyant s’élancer au loin, ces flots divins de la semence ! Ah ! faut-il être femme, pour goûter ce plaisir ! Quel homme un peu voluptueux ne le comprend pas ; et quel est celui qui, du moins une fois dans sa vie, n’a pas branlé d’autres vite que le sien ?
  5. Ce fut le célèbre Caylus qui gravât les estampes.
  6. Pas même législateur assurément ; une des meilleures preuves du délire et de la déraison qui caractérisèrent, en France, l’année 1789 est l’enthousiasme ridicule qu’inspira ce vil espion de la monarchie. Quelle idée reste-t-il aujourd’hui de cet homme immoral et de fort peu d’esprit ? celle d’un fourbe, d’un traître et d’un ignorant.
  7. Voyez le physique de ces effets, expliqué plus haut.
  8. De manière que ces deux honnêtes créatures, sans compter la bouche, qui ne produit pas une sensation assez marquée pour être comptée, avaient été foutues jusques-là, Clairwil cent quatre-vingt-cinq coups, et Juliette cent quatre-vingt-douze ; cela tant en con qu’en cul. Nous avons cru devoir établir cette addition, pour en éviter la peine aux femmes, qui sans cela, n’auraient pas manqué de s’interrompre ici pour la faire. Remerciez-nous donc, mesdames, et imitez nos héroïnes, c’est tout ce que nous vous demandons ; car votre instruction, vos sensations et votre bonheur, sont en vérité le seul but de nos fatiguans travaux ; et si vous nous avez maudit dans Justine, nous espérons que vous nous bénirez dans Juliette.
  9. Nous garantissons, par expérience, aux femmes assez bien constituées pour essayer cette manière, que cette volupté est si chatouilleuse, si remplie de sel, qu’il est très-difficile de la supporter sans perdre connaissance : si elles peuvent obtenir suffisamment d’adresse d’un troisième homme pour être enculées pendant ce tems-là, elles seront sûres alors d’avoir goûté le plus violent plaisir que puisse se procureur notre sexe.
    (Note communiquée par une femme de trente ans, qui l’a essayé plus de cent fois dans sa vie.)
  10. Que l’on compare les flots de sang qu’ont fait couler ces scélérats, depuis dix-huit siècles, avec ceux que ferait verser le moyen qu’indique Belmor, et l’on verra qu’il s’en faut bien que le moyen qu’il donne, soit violent comme il le dit : il n’est que juste, et ce ne sera jamais qu’après son exécution, que la paix régnera chez les hommes.
  11. Comme il serait aisé de prouver que la révolution actuelle n’est l’ouvrage que des jésuites, et que les orléanais-jacobins qui la fomentèrent, n’étaient et ne sont encore que des descendans de Loyola. Note ajoutée.
  12. C’est ce peuple qui servait autrefois la maison d’Autriche, sous le nom de Pandours. Il habite la partie méridionale de la Croatie autrichienne. Pandour veut dire voleur de grand chemin.
  13. Sauf votre respect.
  14. Ne doutons pas qu’il n’y ait une différence aussi certaine, aussi importante, entre un homme et une femme, qu’entre l’homme et le singe des bois ; nous serions aussi fondés à refuser aux femmes de faire partie de notre espèce, que nous le sommes de refuser à cette espèce de singe d’être notre frère ; qu’on examine attentivement une femme nue à côté d’un homme de son âge et nud comme elle, on se convaincra facilement de la différence sensible qui existe (sexe à part) dans la composition de ces deux êtres, on verra bien clairement que la femme n’est qu’une dégradation de l’homme ; les différences existent également dans, l’intérieur, et l’anatomie de l’une et de l’autre espèces, faite en même tems et avec la plus scrupuleuse attention, découvre ces vérités.
  15. Voyez ce qu’en dit la célèbre Ninon de l’Enclos, quoique zélatrice et femme.
  16. Un Dieu mort. Rien n’est plaisant comme cette incohérence de mots du dictionnaire des catholiques : Dieu, veut dire éternel ; mort, veut dire non éternel. Imbécilles chrétiens, que voulez-vous donc faire avec votre Dieu mort ?
  17. Une question importante s’offre ici ; sa décision ne serait pas, ce me semble, au-dessous de l’attention des gens de lettres, et nous la leur proposons avec l’envie de la voir résolue par eux. La corruption des mœurs vient-elle, chez un peuple, de la mollesse de son gouvernement, de son assiète ou de son excessive population dans les grandes villes ? Malgré ce qu’établit ici Juliette, ce n’est pas de l’assiète d’où la corruption morale dépend, puisqu’il y a autant de désordres moraux dans les villes septentrionales de Londres et de Paris, que dans les villes méridionales de Messine et de Naples ; ce n’est pas de la faiblesse du gouvernement, puisqu’il est, sur ces objets, beaucoup plus sévère au Nord qu’au Midi, et que le désordre est pourtant le même : la corruption des mœurs, quel que soit le sol ou le gouvernement, ne vient donc que du trop grand entassement des individus dans un même lieu, tout ce qui fait masse se corrompt ; et tout gouvernement qui ne voudra pas de corruption dans son sein, devra s’opposer à la trop grande population, et diviser, sur-tout, les associations pour en maintenir la pureté.
  18. Il y aurait le plus petit inconvénient dans un état à permettre aux gens riches de faire tout ce qu’ils voudraient pour de l’argent, et d’obtenir, par leurs trésors, l’absolution de tous les crimes. Cela vaudrait assurément bien mieux, que de les faire périr sur un échafaud. Ce dernier moyen ne rapporte rien au gouvernement ; l’autre pourrait devenir une branche très-considérable de richesses avec lesquelles on ferait face à une infinité de frais inattendus, que l’on ne couvre, qu’en multipliant des impôts onéreux, pesant également sur le coupable et sur l’innocent, tandis que ce que je propose ne gênerait que le coupable.
  19. Voy. le 2e, voyage de Cook.
  20. Voy. Ramusio Dapper.
  21. Voy. l’histoire des peuples de l’Europe, tom. III.
  22. Voy. Hérodote.