L’Inviolabilité du littoral allemand

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L’Inviolabilité du littoral allemand
Revue des Deux Mondes, 6e périodetome 42 (p. 668-691).
« L’INVIOLABILITÉ »
DU LITTORAL ALLEMAND

Quand on soutient une thèse qui choque certaines idées reçues, il faut s’attendre à être vivement combattu. Du moins a-t-on, en général, l’avantage de savoir exactement sur quels points portent les objections des adversaires.

Cette fortune m’avait manqué jusqu’ici. Lorsque j’affirmais que le littoral allemand, — même celui de la Mer du Nord, plus difficile que celui de la Baltique, — était accessible et, en maints endroits, parfaitement attaquable, on se contentait de protester « qu’il y aurait folie à compromettre les grandes unités dans des entreprises hasardeuses, en présence des mines, des sous-marins et des batteries de côte… » Argumentation commode dans sa généralité, d’autant plus commode qu’on m’y attribuait des desseins que je n’ai jamais conçus, ayant toujours pensé que dans les opérations côtières, il y a lieu de distinguer soigneusement entre la flotte de siège proprement dite, et la flotte de couverture, composée, celle-ci, des précieux dreadnoughts.

Le vrai, c’est qu’il fallait constituer fortement cette flotte de siège ; qu’il fallait lui donner, et en abondance, les engins nécessaires, déjà connus mais systématiquement négligés ; qu’il fallait surtout en faire une force aéro-navale où les appareils de reconnaissance, de chasse et de bombardement seraient appelés à jouer un rôle aussi important que les navires de surface, que les dragueurs de mines, les monitors ou batteries flottantes, les radeaux armés[1], les destroyers, toujours si utiles partout, enfin les sous-marins d’un type approprié à ces opérations spéciales.

On n’a rien fait de tout cela et, qui pis est, on n’a rien voulu faire parce qu’on s’est attaché avec entêtement à une fausse conception de la guerre, à des procédés d’usure économique de l’ennemi dont le moins qui se puisse dire est qu’on en attend encore le succès et, donc, que du fait de leur exclusive mise en œuvre, la durée du conflit a été fort augmentée. Mais n’insistons pas, et revenons à l’objet de cette étude.

Je puis donc aujourd’hui, à la suite de certaines publications qui se sont produites récemment, défendre mes propositions sur les points précis où on les attaque. Je puis, non pas tout dire, — moins heureux que ceux à qui de simples négations suffisent, je n’aurais pas licence de verser au débat toutes mes preuves, — mais enfin dire l’essentiel sur ces questions de fait où il importe tant qu’une opinion avertie connaisse la vérité.

Or la vérité, c’est que la côte allemande, parfaitement unie, et d’abord facile dans la Baltique, — personne ne le conteste plus — est fort accessible dans quelques-unes de ses parties les plus intéressantes, du côté de la Mer du Nord. Je dis fort accessible, et ici il faut s’entendre sur les termes, de même qu’il faut distinguer en ce qui touche les points que pourrait viser une offensive maritime. Il est clair qu’une côte basse est moins « accessible » à d’énormes unités calant entre 8 et 9 mètres qu’aux bâtimens spécialisés de la flotte de siège dont le tirant d’eau varie entre 2 et 5 mètres.

Mais il est, encore une fois, bien entendu que les dreadnoughts ne seraient pas à leur place dans les opérations d’attaque rapprochée de ce littoral. Du moins ces grands cuirassés ne devraient-ils entrer en jeu qu’après avoir, comme armée de couverture de l’armée assiégeante, définitivement battu et mis hors de cause l’armée de secours, autrement dit la « Hoch see flotte, » qui serait allée les chercher au large, à 80 ou 100 milles, par exemple.

Et, d’autre part, il n’est pas moins évident qu’il faut distinguer et exercer un choix judicieux sur les points où l’on verrait avantage à faire agir la force navale. Il semble que certains cerveaux s’hypnotisent sur les difficultés que présente l’estuaire de la Jade, qui se confond avec celui de la Weser. Pourquoi ne considèrent-ils pas de préférence l’estuaire de l’Ems et, mieux encore, celui de l’Elbe ? Là, rien de semblable au coude délicat qu’il faudrait faire dans un chenal resserré pour doubler l’ile de Wangeroog, qui doit être actuellement garnie de canons puissans. Encore observerais-je qu’il ne faut pas s’en laisser imposer par les chiffres de sondes que fournit la carte officielle allemande pour cette passe. Ces chiffres sont faux. « Nous ne nous considérons pas comme obligés de donner des sondes exactes, m’avouait, en 189…, un important personnage. Il suffit que nos altérations systématiques ne puissent nuire, en temps de paix, à la navigation commerciale. » En effet, en inscrivant 7 mètres au lieu de 10, par exemple, on ne fait qu’inciter le capitaine de « cargo » à plus de prudence ; mais on prétend faire croire — et on y réussit ! — aux marines étrangères qu’il est impossible de faire passer un cuirassé sur le point considéré.

Mais, je le répète, laissons la Jade et la Weser. L’importance que l’on attribue au premier de ces estuaires n’est qu’un souvenir de la guerre de 1870. A cette époque, « on bloquait la Jade, » et l’on eût bien voulu pouvoir y pénétrer. Or, justement, on n’avait pas l’outillage nécessaire pour entreprendre cette opération et pour attaquer Wilhelm’shaven. Je laisse, par parenthèse, au lecteur le soin de méditer sur la valeur des enseignemens que nous avons su tirer de l’histoire maritime.

Et pourquoi bloquait-on la Jade et pas l’Elbe ? Parce que c’était dans la Jade que se tenait la force navale de la Confédération du Nord et que, dans ce temps, le canal maritime n’existait pas, qui a si profondément modifié les valeurs stratégiques, dans la Mer du Nord et dans la Baltique.

Cessons donc, ou bien de généraliser à outrance en disant : » les passes des estuaires allemands sont très difficiles, » ou bien de particulariser sans discernement en attribuant à la navigation dans les estuaires[2]de l’Elbe et de l’Ems des difficultés qui n’existent que dans celui de la Jade-Weser.

J’entends bien que l’on contestera que l’Elbe et l’Ems soient si faciles ; et, évidemment, il faut s’entendre encore sur la portée de ces mots, faciles, difficiles… Disons donc que l’on peut considérer comme facile à suivre, en s’entourant de toutes les précautions que suggère l’expérience et de toutes les garanties que donne un judicieux emploi des bâtimens légers doublés des appareils aériens, une passe dont la largeur atteint environ 180 mètres, qui, sans être rectiligne, cas très rare, naturellement, ne présente pas de coudes brusques, et où l’on peut, sinon se tenir sur un alignement d’amers artificiels, du moins se guider au moyen de relèvemens de points à terre suffisamment visibles, et que l’ennemi n’aura pu détruire ou déplacer.

Or, ces conditions sont remplies dans les deux cas qui nous occupent, et il est facile de s’en assurer en consultant une carte hydrographique. Quant aux détails que je pourrais donner, il vaut mieux les faire pour ne pas attirer l’attention de l’ennemi sur les points qui accentuent la vulnérabilité de son littoral.

Pour en finir avec les « difficultés » que de grandes unités peuvent éprouver sur cette côte basse, j’observerai que la pente générale de la cuvette de la deutsche bucht est assez régulière pour que la navigation à la sonde soit praticable jusqu’à la limite des fonds de 6 mètres, à peu près. En tout cas, les échouages seraient peu dangereux sur ces sables vasards, étant admis que l’on ne marcherait pas à une allure très vive, dans les opérations côtières. On n’en saurait dire autant des parages où la flotte allemande vient d’opérer dans la mer Baltique. Autant la côte allemande est saine, dans cette mer, autant le littoral russe, du détroit d’Irben au Nord de la Finlande, présente de périls, avec la multitude de ses îlots et de ses rochers détachés que prolongent sous l’eau de vraies « chaussées » d’écueils.

Ces difficultés fort réelles, cette fois, n’ont pas arrêté les cuirassés de l’amiral Schmidt. On peut être convaincu que si les positions respectives des belligérans étaient changées, si les Allemands étaient maîtres de la mer du Nord, ils ne se laisseraient pas intimider par les bancs de la côte anglaise, qui cependant sont peu commodes, des Dunes à l’Humber, en passant par la Tamise, Lowestoft et le Wash. Il y aurait beau temps que l’Angleterre serait envahie…

Mais il convient de dire un mot des petites îles qui, en chapelet régulier sur la côte de la Frise orientale (Hanovre), en groupe plus capricieux sur celles de la Frise septentrionale (Slesvig), donnent un caractère particulier au littoral allemand de la mer du Nord. On a dit que ces îles n’étaient pas abordables et, donc, qu’elles couvraient la côte d’une barrière infranchissable. Il est difficile d’accumuler plus d’erreurs. Toutes les îles de la Frise orientale, sans exception, sont parfaitement abordables sur leur revers Nord. J’en parle savamment. Quand la mer bat en côte, on a la ressource, en dehors de quelques heures de marée basse, de pénétrer dans les chenaux ou « baljen » qui les séparent les unes des autres et dont certains vont jusqu’à la terre ferme. Il est aisé de comprendre le parti que l’on peut tirer de ces chenaux de pénétration pour isoler une des îles et s’en emparer. Il est bien entendu que l’adversaire en supprimera le balisage et qu’il les minera, — du moins qu’il entreprendra de le faire quand l’assaillant prononcera son attaque, car, jusque-là, on ne voudra pas priver de ces passes indispensables les pêcheurs qui contribuent d’une manière sensible, en ce moment, à l’alimentation de l’Allemagne. Mais une « flotte de siège » sait draguer toutes les mines et retrouver à la sonde tous les chenaux, grâce à ses navires spéciaux et à ses bâtimens légers, aidés par les appareils aériens. N’appuyons pas davantage sur ces considérations qui ne rentrent pas dans le cadre de notre étude.

Les iles de la Frise septentrionale ne sont peut-être pas aussi directement abordables du côté de la haute mer, sauf, précisément, la plus intéressante au point de vue stratégique, — l’île de Sylt, — mais, en revanche les chenaux qui les séparent et qui, là, portent le nom de « tiefen, » sont beaucoup plus larges, plus profonds et fournissent, quand on en a franchi le seuil[3], d’excellens mouillages. Celui du Listertief, derrière l’île de Sylt, est remarquable par l’étendue de son plan d’eau.

En tout cas, si, géographiquement, les îles en question couvrent la côte, elles ne la protègent pas, bien au contraire. Ces « nids à bombes, » comme les appelle Napoléon en parlant d’une manière générale des îles littorales, doivent fatalement tomber entre les mains d’un ennemi résolu, maître de la mer, et pourvu des moyens d’action nécessaires. Les Russes viennent d’en faire l’expérience. Dès lors, elles favorisent les entreprises de l’assaillant en lui servant, soit de places d’armes pour préparer un débarquement, si elles sont assez grandes et quelque peu éloignées de la terre ferme, soit d’admirables emplacemens de batteries et de parcs d’aviation si leur superficie est médiocre et que leur distance à la côte n’excède pas une quinzaine ou une vingtaine de kilomètres.

Dans l’espèce, le chapelet des îles de la Frise orientale n’est, en moyenne, qu’à 8 kilomètres de l’ourlet de digues de la côte. Pour celles de la Frise septentrionale, cette distance varie de 5 kilomètres à 12, environ.

Toutes les îles sont-elles armées ? C’est douteux ; en tout cas, celles qui offrent de particuliers avantages au défenseur ou qui, inversement, en présenteraient de très marqués à l’assaillant, si celui-ci s’en emparait. À cet égard, on peut citer l’île de Wangeroog, que borde le principal chenal de la Jade extérieure. Il est clair que si l’on capturait cette île, on se hâterait d’y prendre les dispositions nécessaires pour embouteiller toute force navale existant dans la Jade intérieure. Dans les îles défendues il faut faire rentrer encore les deux îles terminales du front maritime, Borkum, à l’embouchure de l’Ems, et Sylt, du Slesvig, dont je viens de parler ; et aussi, et surtout Helgoland.

Arrêtons-nous un moment sur ce point fort intéressant de Helgoland. Un point, à la lettre, un faible îlot de 1 800 mètres de long sur 900 de large dans sa maîtresse partie, mais un îlot dont les Allemands ont fait une forteresse.

Cette forteresse a singulièrement exercé les imaginations dans ces derniers temps. Des écrivains maritimes ont donné d’Helgoland et de ses défenses des descriptions qui touchent au merveilleux, au merveilleux dans le colossal, comme on le goûte en Allemagne* N’avons-nous pas lu, par exemple, que l’ilot était ceinturé d’une cuirasse métallique, étrange corselet qu’il ne serait assurément pas facile de fixer sur les falaises en argile rouge, friable, dont la mer ronge constamment la base[4]. Je laisse à penser ce qu’il adviendrait de cette ceinture, — à supposer qu’on ait pu, effectivement, la mettre en place — si elle recevait les coups directs des projectiles des canons de 343, 356 et 381 millimètres, dont les poids s’étagent de 550 à 900 kilos.

Mais ce n’est pas tout : ce bloc d’argile est profondément fissuré dans le sens vertical et ce sont les fissures qui en favorisent la désagrégation, sous le choc des lames. Que les ingénieurs allemands aient cherché le moyen de supprimer ces failles dont on pouvait justement craindre qu’elles ne s’élargissent sous les réactions brutales du tir des grosses pièces de l’îlot même, c’est fort probable. Qu’ils y aient réussi, c’est plus que douteux. Le moyen dont on nous parle aurait été de couler dans lesdites fissures un béton de ciment ferrugineux. Malheureusement, il n’est pas possible d’obtenir une adhérence durable entre l’argile et le béton. Peut-être a-t-on pu masquer le mal jusqu’au moment où les intempéries d’une part, les secousses des tirs, de l’autre, enfin, en cas d’attaque, les chocs des projectiles ennemis le fassent réapparaître, mais on ne saurait le guérir et rien ne prévaudra contre les forces, patientes, mais irrésistibles, que la nature met là en jeu.

La simple vérité est que l’on a dû employer beaucoup de béton pour l’installation des plates-formes des bouches à feu de calibre élevé qui ont remplacé les quatre canons de 240 du premier armement. C’est ce qui a donné naissance à la légende de la coulée du béton dans les fissures, légende que les autorités allemandes se sont bien gardées de détruire, la jugeant avec raison utile à leurs intérêts.

De même est-il possible que des observatoires cuirassés, ou peut-être des sabords, aient été pratiqués dans les parois les plus solides de la falaise de l’Ouest. Ces sabords seraient, en fait, des ouvertures de caponnières dont les pièces courtes battraient le pied de cet escarpement à pic ; précaution d’autant plus judicieuse qu’il y a là une sorte de cuvette assez profonde.

Passons là-dessus, et bornons-nous pour l’instant à combattre deux allégations dont les éditeurs responsables sont, pour la première, les Allemands eux-mêmes, pour la seconde, les marins des puissances alliées qui se laissent hypnotiser complètement par la crainte des mines sous-marines.

Helgoland, disent nos adversaires, n’est pas seulement un admirable poste d’observation avancé, une station de torpilleurs, de sous-marins, d’appareils aériens, c’est la couverture de Cuxhaven et des batteries qui interdisent l’accès de l’Elbe. On ne saurait attaquer cette dernière place sans avoir réduit l’îlot, parce que les feux des canons de cet îlot et ceux des canons de Cüxhaven se croisent, et qu’ils écraseraient les navires assez imprudens pour venir se placer dans l’intervalle.

Il y a exactement 59 kilomètres entre les deux points considérés. Admettons que les bouches à feu qui y sont en batterie soient du calibre le plus élevé et que la portée théorique de ces bouches à feu[5]atteigne, dépasse même 30 kilomètres, on voit que la zone battue à la fois par les deux artilleries est assez faible, déjà. Mais, dans la pratique, dans la réalité des choses, il n’y aurait pas effectivement de danger pour les bâtimens de recevoir, des deux côtés, des coups efficaces. On ne peut tirer sur un but aussi mobile qu’un bâtiment que quand on le voit ; c’est un tir au vol et qui n’a rien de commun avec celui que l’on peut exécuter, à terre, sur un point fixe, à terre aussi. Or, de bonne foi, pense-t-on que les canonniers d’Helgoland, — les mieux placés, étant à l’altitude de 50 à 60 mètres en moyenne, tandis que ceux de Cüxhaven sont quasi au ras de l’eau, — apercevront souvent les navires, à 30 kilomètres de distance, dans une atmosphère le plus souvent chargée de nuages, en tout cas, toujours humide ? On n’est point là dans la Méditerranée…

Mais il y a mieux ; il y a une circonstance à laquelle n’ont point songé les gens qui accueillent tout ce qu’il plaît à nos rusés ennemis de leur faire croire.

L’ilot d’Helgoland, beaucoup plus long que large, est orienté à peu près Nord-Ouest-Sud-Est. Or, cette orientation est précisément celle de la, route qui conduit de l’ilot à Cüxhaven. Il en résulte que, des quatre tourelles barbettes échelonnées nécessairement dans la même direction sur l’étroit plateau d’Helgoland, une seule pourrait donner des feux sur la zone dont je parlais tout à l’heure. Cela changerait singulièrement déjà la face des affaires, mais il suffit d’observer, pour conclure, qu’aux distances énormes de 30 000 mètres, il n’y a plus aucune précision à espérer du tir d’une bouche à feu. Encore une fois, on peut, dans de telles conditions, bombarder une ville comme Dunkerque ou Nancy, mais il n’est pas permis de tirer sur un bâtiment.

Il ressort de tout ceci qu’on peut parfaitement attaquer l’embouchure de l’Elbe sans avoir réduit Helgoland. Il serait d’ailleurs aisé de montrer, par l’étude des forces dont disposent les Alliés, que les deux opérations peuvent être conduites simultanément. En tout cas, si l’attaque de Cüxhaven passe la première, une force aéro-navale spéciale « masquera » l’îlot et interceptera les navires légers, aussi bien que les sous-marins qui prétendraient sortir de cette base pour se jeter sur les derrières de la flotte de siège. Je ne m’attarde pas à dire quelle devrait être la composition de cette double flottille et de quels engins particuliers elle devrait faire usage[6].

Parlons maintenant des craintes que causent à certains marins les « champs de mines » qui, d’après eux, s’étendent d’Helgoland à la côte cimbrique, d’un côté, à la côte hanovrienne, de l’autre, interdisant ainsi l’accès du fond de l’entonnoir de la Deutsche bucht, l’embouchure de l’Elbe.

Je ne sais rien de plus maladroit, d’une manière générale, que les appréhensions excessives que laisse voir certaine École, dès qu’il est question d’amener une force, navale quelconque dans des parages où il pourrait exister des lignes de mines. Ces appréhensions, proches parentes de celles que causent les sous-marins, mais moins justifiées, ne font que confirmer le public dans l’idée bien établie déjà de l’inutilité pratique des coûteux mastodontes ; et il est aisé de prévoir les conséquences que tireront, dans l’après-guerre, de ces fâcheuses constatations, les hommes, les partis, pour dire plus exactement, qui déjà, avant ce conflit, contestaient la valeur des très grandes unités en même temps qu’ils en faisaient ressortir le prix de revient exagéré.

Il est vrai qu’à ce moment-là l’École en question ne manquera pas de rappeler que les dreadnoughts allemands se sont joués, — non sans y mettre, d’ailleurs, le temps et la méthode, comme il convient, — des mines du détroit d’Irben, cependant fort bien disposées, nombreuses, et bien défendues, ainsi que de celles des « sunds » de l’archipel livonien.

Pour l’instant, ce n’est pas ce point de vue qui prévaut et comme il s’agit d’excuser les grands cuirassés des Alliés d’une inertie que d’aucuns leur reprochent, des deux côtés de la Manche, on allègue victorieusement que ce n’est qu’à l’affaiblissement des organes de toute espèce de la marine russe que les Allemands doivent leurs succès, — opinion que ne justifie pas, sur ce point particulier, l’étude impartiale des opérations d’octobre dernier, où la division navale du golfe de Riga s’est fort bien conduite.

Mais revenons aux mines qui flanqueraient, à l’Est et au Sud, la position d’Helgoland. Il faut compter en moyenne de 20 à 25 milles marins entre l’îlot et les fonds de 8 mètres des deux littoraux. Cela fait 40 000 mètres environ, soit, à raison d’une mine par 30 mètres, 1 333 de ces engins, pour une seule ligne, et 2 666 pour les deux lignes en quinconces que l’on considère comme indispensables pour barrer un passage. En tout, donc, 5 332 mines pour le seul objet qui nous occupe. C’est beaucoup.

Mais nos adversaires ne se sont pas crus obligés, que dis-je ? ils ont bien dû se donner de garde d’établir de tels chapelets pour barrer les deux bras de mer et s’enfermer ainsi eux-mêmes dans l’entonnoir dont je parlais tout à l’heure ; car les mines ne distinguent pas l’ami de l’ennemi et explosent indifféremment sous toute carène qui les heurte ou glisse sur elles.

On objectera évidemment que les Allemands ont ménagé dans ces lignes des portières, des passages libres, dont l’exact gisement est connu d’eux seuls. Sans doute, mais de deux choses l’une : ou bien ces portières sont indiquées extérieurement à la surface de la mer, par des bouées très visibles, peut-être des bateaux du genre des bateaux-feux, fixes et aisément reconnaissables de loin ; ou bien on a compté, pour la détermination des ouvertures en question, sur des points à terre. Or, ces points de reconnaissance, fournissant des alignemens de direction pour pénétrer dans le fond de la Deutsche bucht, ne sauraient être empruntés à l’îlot même d’Helgoland. Il les faut aller prendre sur la terre ferme, à quelque vingt milles (37 kilomètres) au moins de distance. Voilà qui est bien peu pratique, assurément, et même absurde, pour parler net. Restent les bouées ou bateaux mouillés des deux côtés de la portière, ce qui est simple et commode. Seulement, dans ce cas, l’assaillant peut bénéficier de l’indication fournie par ces corps flottans.

D’une manière générale, d’ailleurs, on peut affirmer qu’il n’est pas possible de garder pendant trois ans, — on oublie toujours que la guerre date du 2 août 19141 — le secret du gisement de lignes de mines extérieures, à l’égard d’un adversaire actif, entreprenant, habile, qui dispose de quantité de petits bâtimens rapides et d’un bon nombre de sous-marins, sans parler des appareils aériens. Et comme nous savons fort bien que les marins alliés sont actifs, entreprenans et habiles, autant que courageux et dévoués corps et âme à leur tâche, nous devons conclure que l’on est parfaitement renseigné, là où il faut qu’on le soit, sur les grands « champs de mines » d’Helgoland et sur leurs portières ; à moins que ces « champs de mines » soient du domaine de la légende, réserve faite, bien entendu, des engins de la défense spéciale de l’îlot et de celle du mouillage des vaisseaux qui s’étend à l’Est du Sand insel[7].


Arrivons aux points essentiels du camp retranché maritime de la Mer du Nord : Borkum et Sylt, à l’aile gauche et à l’aile droite, Cüxhaven en arrière du centre du front de bandière.

Si la défense d’une île de faible étendue est toujours précaire, c’est d’abord qu’il est aisé de la couvrir de feux convergens, et ceci justifie le terme de « nid à bombes » employé par Napoléon, comme je l’ai déjà rappelé, pour caractériser à la fois le point faible de cette défense et la meilleure méthode d’attaque à employer. Encore le grand homme de guerre ne connaissait-il pas les appareils aériens, qui donneront aux bombardemens maritimes une puissance, une justesse incomparables.

Il est évident, d’autre part, que les feux des engins flottans sur le but en question seront d’autant plus efficaces que ce but présentera moins d’altitude, moins d’accidens de terrain, moins de « couverts. » A ces divers titres, on peut affirmer que l’attaque de Borkum aurait, pour qui la conduirait avec méthode, les plus grandes chances de succès.

L’île n’a, en effet, que 9 kilomètres de long sur 5 kilomètres de large. Le centre en reste à 11 kilomètres seulement de la ligne des fonds de 10 mètres la plus éloignée, celle qui court le long du littoral de la Frise orientale. Enfin, une circonstance précieuse favorise la convergence des feux : c’est que les bâtimens qui seraient chargés de l’attaque d’artillerie parle sud-ouest, dans l’Ems occidental, n’auraient à répondre qu’aux coups venant de Borkum même, puisque, comme on le sait, la rive gauche du fleuve est hollandaise, ainsi que l’Ile de Rottum, celle qui succède à Borkum dans la chaîne des îles frisonnes.

Ne tirer que d’un seul bord et sur un seul groupe d’ouvrages ! Avantage considérable, qu’on apprécie particulièrement quand on lit, dans le livre de Testis[8], le dramatique récit de l’attaque des Dardanelles, le 18 mars 1915.

Je pourrais citer une autre circonstance précieuse, cette fois de l’ordre hydrographique et non plus de l’ordre politique. Mais il convient de réserver celle-ci. Notons, pour finir, qu’il restera, sur Borkum même, des amers permanens qui favoriseront la navigation aux abords de l’île, navigation toujours prudente, entourée, je l’ai déjà dit, de toutes les précautions que suggère l’expérience de cette guerre et, d’ailleurs, l’expérience de tous les temps[9].

Si, toutefois, ces amers permanens venaient à manquer contre toute probabilité, on disposerait de ceux de la côte hollandaise et des balises de Rottum, sans parler des bouées de la rive gauche de l’estuaire, que les Allemands n’auraient pu enlever sans porter atteinte aux droits souverains de la Néerlande. Quant aux balises de la rive allemande, il est possible qu’elles n’aient point disparu. Dans ce cas, elles auront été certainement déplacées, aussi bien que les bouées appartenant à cette rive. C’est une ruse connue, dont on ne sera pas dupe.

Les ouvrages de Borkum sont relativement nouveaux. L’état-major allemand a hésité longtemps à les entreprendre, des raisons d’économie venant appuyer l’effet de principes généraux sur la prééminence de la défense mobile par rapport à la défense fixe, car jamais côte ne fut si pauvrement armée que la côte allemande jusqu’à ces tout derniers temps. Il serait oiseux de rechercher quel peut être le calibre des canons qui sont, là, mis en batterie. Supposons-les du calibre le plus élevé actuellement en service sur les côtes. Ce calibre ne dépasse pas celui des grosses pièces des vaisseaux, et celles-ci gardent le bénéfice du nombre[10].

Un dernier point : la côte ferme d’Allemagne, — saillans de Greetsiel et de Nordern[11]— est à plus de 25 kilomètres des passes extérieures et de la ligne Borkum-Rottum. L’assaillant n’aura donc pas à craindre l’intervention de bouches à feu placées sur cette côte, pas plus, du reste, que sur l’île de Juist. Cette remarque a son intérêt, non pas seulement pour la conduite de l’opération, mais aussi pour l’utilisation de l’île, quand elle sera tombée aux mains de l’assaillant.

Quelle utilisation ? — Ici il convient encore de garder le silence. Que l’on soit assuré seulement de la haute valeur de l’île de Borkum, à des points de vue militaires très variés.


Franchissons d’un bond les 100 milles marins qui séparent Borkum de Sylt et étudions un moment cette grande île singulièrement découpée, qui semble avoir été disposée exprès par la nature pour défendre la côte ouest du Slesvig des colères violentes de la mer du Nord.

Du nord au sud, en effet, Sylt oppose un long[12]et solide bourrelet de dunes aux entreprises des vagues rageuses qui accourent de la côte d’Angleterre, poussées par le vent d’Ouest. Les volutes de la houle, brisée sur la pente assez roide de cette frange littorale, déferlent alors avec une violence qui interdirait tout accostage. Mais le tableau change quand souffle le vent d’Est et que quelques jours de beau temps ont aplani la houle. Un débarquement en pleine côte pourrait alors être tenté, que favoriserait justement la grande étendue de la plage abordable, où de fausses attaques, des diversions tactiques seraient nettement indiquées. Mais les défenseurs auraient presque partout l’avantage du « couvert » fourni par la dune de bordure. Les feux des vaisseaux bouleverseraient sans doute ce rempart naturel, mais ne le détruiraient pas. Quoi qu’il en soit de ces chances diverses, — il y en a de très bonnes que je passe sous silence, — de l’attaque purement frontale, il faudrait compter surtout, je crois, sur les attaques de flanc et de revers conduites par les bâtimens de flottille et les navires spéciaux de la guerre de côtes, au moyen des chenaux qui, au Nord, au Sud, à l’Est, bordent les capricieuses découpures de l’île. Le principal de ces chenaux, je l’ai dit déjà, est le Listertief, dont le seuil laissera passer, à marée moyenne, des bâtimens de 5 mètres de tirant d’eau, c’est-à-dire tout l’outillage flottant des opérations côtières.

Que ce passage soit aujourd’hui défendu, alors’ qu’il y a quelques années à peine, il n’y avait là aucune batterie et qu’on n’y prévoyait la pose d’aucune ligne de mines, c’est ce dont je ne doute pas. Je ne doute pas davantage que les moyens de l’attaque, plus puissans encore que ceux de la défense et concentrant leurs feux sur un petit nombre d’ouvrages qui ne jouiront pas du bénéfice du commandement sur la mer, ne viennent à bout de tous les obstacles. Il ne faut pas se lasser de répéter qu’il n’y a là aucun rapprochement à faire avec la situation où se trouvaient les Alliés aux Dardanelles, étroitement serrés entre les longues branches d’une tenaille formidable et obligés de répondre au hasard à des batteries invisibles, jetant leurs projectiles de plates-formes élevées de 150, 200, 300 mètres quelquefois. Je rappelle aussi qu’il ne pourrait être question de l’intervention des mines dérivantes pendant la lutte d’artillerie. Ces engins bénéficiaient, aux Dardanelles, d’un courant permanent et rapide, qui les poussait sans relâche sur les navires assaillans.

Je puis dire un mot de la valeur signalée de l’île de Sylt, au point de vue des opérations qui suivraient sa prise de possession, puisque, déjà, en 1915, un exposé de ce genre m’a été permis. D’ailleurs, j’ai à peine besoin d’ajouter que nous n’apprenons rien aux Allemands sur les propriétés stratégiques de tous les points intéressans de leur littoral.

Outre que, par son étendue, Sylt pourrait parfaitement servir de place d’armes en vue d’une descente, — au moins à titre de diversion, — sur la côte du Slesvig, qui n’en est distante que de 10 à 15 kilomètres ; outre qu’en s’en emparant, on enlèverait aux flottilles allemandes qui opèrent au Nord du camp retranché maritime, le long de la côte du Jutland, un point d’appui, une base de ravitaillement, un abri également précieux et que ces avantages seraient, du coup, transférés aux flottilles alliées contre ce même camp retranché, il faut signaler comme un point des plus intéressans la faculté de créer dans l’ile une grande station aéronautique. Cette station ne tarderait pas à maîtriser celle de Tondern, où se trouvent, on le sait, de grands hangars de dirigeables[13]. On y aurait une base excellente pour organiser des « raids » de bombardement et de destruction visant le canal de Kiel, ses ouvrages d’art, ponts métalliques très élevés, écluses, bassins, ponts tournans, passages souterrains ou tunnels destinés au rapide transport des troupes d’une rive à l’autre ; ses berges qui, sur nombre de points, sont fort peu solides, étant faites de matériaux rapportés, dont les remblais s’élèvent sur des fonds de vases et de sables peu consistans ; les établissemens de Brunsbüttel, de Rendsburg, de Holtenau ; enfin les navires qui s’engageraient dans cette voie navigable, dans un sens ou dans l’autre. De Sylt à Rendsburg, qui est à peu près au milieu du canal, il n’y a que 105 kilomètres, — une heure à peine de trajet pour un bon aéroplane. Quant à Kiel même et à son arsenal d’Ellerbeck, la distance qui les sépare de Sylt n’excède pas 130 kilomètres. Hambourg reste à 180 kilomètres de l’île qui nous occupe, et Lübeck à 175 kilomètres. Le nœud de voies ferrées si important de Neumünster n’en est qu’à 140. Je n’ai pas besoin d’insister sur l’importance de ces constatations, en cas d’opérations combinées sur l’un ou sur l’autre revers de la péninsule cimbrique. Le canal de Kiel avec tout ce qui y touche, de près ou de loin, est l’organe essentiel de la défense des côtes allemandes.

Voilà pour les deux ailes du front maritime de la Deutsche bucht. Voyons-en maintenant le centre, le « fort, » le museau de la bête, dont l’estuaire de l’Elbe est bien la gueule puissante. Et ce fort, c’est Cüxhaven.

Une chose qui frappe tout d’abord l’œil le moins attentif, quand on regarde une carte de cette région, c’est que Cüxhaven est un saillant, circonstance toujours défavorable à la défense. Cette place est en effet à la pointe de la presqu’île formée par les deux embouchures, très voisines en somme, de la Weser et de l’Elbe. L’idée vient donc tout de suite que Cüxhaven peut, presque aussi bien que le serait une lie, être battu de feux convergeas. Il en est ainsi, en effet, mais pour Le faire comprendre au lecteur, il convient d’entrer dans quelques détails.

Plaçons-nous dans l’estuaire extérieur de l’Elbe, à quelques milles marins au Sud du 54e parallèle. Nous avons tout près de nous, à l’Ouest, le banc de sable de Scharhorn, qui émerge continuellement, — point un danger, par conséquent, — et qui sera dans quelques années an Ilot habité ; au Sud on autre flot, très bas, mais bien défini, celui-là, et défendu contre la mer ? Neuwerk, qui porte depuis des siècles une énorme tour carrée, le phare, le point de reconnaissance essentiel de l’entrée de l’Elbe ; plus loin, au Sud-Est, le saillant même de Cuxhaven, avec ses ouvrages, — Kügelbaake, Döse, etc., — trop bas, pour qu’on les distingue, mais dont le gisement est exactement donné par l’agglomération urbaine qui s’étend derrière eux, avec certains « accidens » très visibles.

Scharborn, Neuwerk, Cüxhaven (ou, si l’on veut, la pointe du saillant, qui est au fort même de Kügelbaake) sont en ligne droite et longés par le chenal principal, disons plutôt le chenal officiel du fleuve.

Ces trois points nous apparaissent, sur les cartes géographiques qui se piquent de donner quelques détails d’hydrographie, comme enveloppés par le même immense banc de sable vasard, couvert à mer haute, découvert à mer basse, qui semble s’étendre sans solution de continuité jusqu’à l’estuaire de la Weser. Ce n’est là qu’une apparence. Ces « watten, » d’ailleurs assez fermes pour qu’on puisse aller à pied ou en voiture légère de Cuxhaven à Neuwerk[14], — ce qui détruit une des allégations favorites de mes adversaires — sont en réalité sillonnés de chenaux assez profonds, les « baljen » dont j’ai déjà parlé plus haut et qui sont fort bien tracés à l’Ouest et au Sud-Ouest de Neuwerk. Que l’on se serve de ces chenaux, — après les avoir balisés à nouveau et dragués, — pour prendre à revers les défenses de l’îlot, s’il en existe[15], en tout cas pour battre d’écharpe les ouvrages de Döse, ou bien que l’on se tienne à la limite des Watten, on restera toujours en dedans de la portée maxima des bouches à feu des bâtimens, par conséquent on exécutera des tirs efficaces sur le saillant de Cüxhaven. Mais les bâtimens dont il est question ici ne peuvent être que des navires spécialisés pour la guerre de côtes, monitors à fond plat, batteries flottantes, canonnières cuirassées, chalands armés, etc. Les bâtimens de haut bord se réserveront le grand chenal de l’Elbe et le vaste espace de mer libre qui s’étend au Nord-Ouest du Medem Sand.

Les feux des deux groupes d’unités désignées pour l’attaque se croiseront ainsi sur les buts à battre, à angle droit, à peu près. Serait-il possible de faire mieux et de prendre à revers les ouvrages de Cüxhaven avec des bâtimens de tirant d’eau moyen, pénétrant dans l’Elbe jusqu’en amont de la ville ? Peut-être. Mais c’est encore ici un point réservé. Quoi qu’il en soit, observons que, ni les navires spéciaux opérant dans la région des Watten, ni les grandes unités opérant dans le chenal de l’Elbe ne sauraient être pris entre deux feux. Les premiers ont derrière eux la mer[16] ; les seconds présentent, d’une manière générale, le flanc de bâbord aux terres des Dittmarschen qui forment la rive Est du vaste estuaire extérieur ; mais les points les plus rapprochés du grand chenal, dans ces Dittmarschen, en restent encore à 25 kilomètres. On se trouve donc là, pour des motifs différens, dans des conditions aussi avantageuses que pour l’attaque de Borkum par l’Ems occidental.

Je n’ai pas besoin de dire que les observations qui précèdent n’épuisent aucunement la question de l’attaque de Cüxhaven. Il ne s’agit pas ici de plans d’opérations. Je ne prétends qu’à montrer quelles peuvent être les conditions résultant, pour cette attaque, des véritables caractères géographiques et hydrographiques des points considérés.

Ne nous attardons pas davantage à discuter l’intérêt stratégique de cette position. En fait, il y en a peu de plus importantes sur toute la côte allemande. Et ce n’est pas seulement à cause de la valeur de l’Elbe, du fleuve de Hambourg, de l’artère essentielle du vaste corps de l’Allemagne du Nord, ni, non plus, parce que la belle rade formée, un peu en amont du port, par l’estuaire du fleuve, à l’abri relatif du Medemsand, sert de mouillage d’attente à la « Hoch see flotte ; » c’est, avant tout, parce que dans cette rade même débouche le canal maritime allemand dont je parlais tout à l’heure à propos de Sylt, de sorte que, pour entrer dans ce canal, par les écluses de Brunsbüttel, ou pour déboucher dans la mer du Nord après en être sorti, il faut passer sous le canon de Cüxhaven. S’emparer de Cüxhaven, c’est donc paralyser complètement les mouvemens stratégiques de la flotte allemande en lui interdisant les « jeux de navette » entre mer du Nord et Baltique en vue desquels, expressément, cette belle voie de communications intérieure a été créée.

Aussi n’est-ce pas sans une vive surprise que j’ai lu, il y a quelques mois, sous la plume d’un officier général de l’armée mieux inspiré d’ordinaire, cette singulière question : « A quoi servirait de descendre à Cüxhaven ? » Et l’auteur, ne voyant dans la prise de possession de ce point capital que l’intérêt — fort médiocre, à son avis[17], — d’un débarquement ayant pour objectif une opération dans l’intérieur du pays, ajoutait : « Dût-on réussir dans la descente même, que l’on n’en serait pas plus avancé, au fond. On ne pourrait pas déboucher… »

Ce n’est point, encore une fois, le moment de discuter ces questions, que j’ai d’ailleurs effleurées dans mon étude du 15 octobre 1916 ; je me borne à observer que la région de Cüxhaven se prêterait bien aux opérations actives qui doivent suivre une descente exécutée avec de grands moyens. Ce saillant, en effet, s’évase rapidement dans le sens de la marche en avant de l’armée débarquée, ce qui facilite le déploiement de celle-ci ; et, d’autre part, la disposition des lieux est telle, au double point de vue géographique et hydrographique, que, pendant les deux premières marches, les plus délicates pour l’assaillant, la force navale serait en mesure de flanquer les deux ailes de l’armée en avançant dans les deux estuaires de l’Elbe et de la Weser.

Mais, à n’envisager que les résultats politiques et militaires d’une offensive sur le sol même de l’Allemagne, ce n’est pas sans doute par Cüxhaven et le « Land Hadeln » qu’il conviendrait le mieux de débuter. D’autres points de descente et d’autres théâtres d’opérations présenteraient des avantages d’une plus grande portée. Et ceci nous conduit tout droit à la Baltique.


Mais avant d’aborder les détroits qui donnent accès dans cette mer fermée, ne convient-il pas de jeter un coup d’œil sur la presqu’île du Jutland, contrée neutre, c’est entendu, mais qui ne le restera peut-être pas toujours.

Or le trait intéressant du « Danemark de terre ferme, » au point de vue qui nous occupe, est précisément que le côté Cattégat de cette presqu’île offre le même caractère de parfaite facilité d’accès que le littoral allemand qui le prolonge au Sud, puis à l’Est, tandis que le côté mer du Nord présenterait au contraire de sérieuses difficultés.

Il semble, en effet, que depuis le cap Skagen jusqu’au Petit Belt, la géographie ait voulu se rendre complice du général qui chercherait à faire du Jutland une base d’opérations contre l’Allemagne. Rien n’y manque : îies littorales à distance convenable, saillans et petites presqu’îles tracés à souhait pour les descentes, golfes, baies, mouillages faciles autant que sûrs, côtes saines, marées peu sensibles, villes importantes en bordure de la côte et qui sont des ports bien outillés. Il y a même, tout au Nord, un refuge à peu près inviolable en cas d’échec, la région du « Vend Syssel, » séparée du reste du Jutland par le bras de mer capricieux du Lymfjord. La seule objection que l’on puisse faire à l’utilisation militaire de la presqu’île, c’est qu’elle se resserre au Sud et que le Slesvig n’a plus que 50 kilomètres de large, au lieu de 120 ou 130. Ce n’est pas là un inconvénient rédhibitoire.

Quoi qu’il en soit, et pour revenir à la Baltique même, répétons, sans nous lasser, qu’aucun littoral, sans exception, n’est aussi favorable aux opérations combinées que celui qui s’étend du débouché du Petit Belt aux bouches de l’Oder, c’est-à-dire la bordure maritime de la région la plus importante, à tous égards, de l’Allemagne. On commence à le comprendre d’ailleurs, et les adversaires immédiats des initiatives que je préconise se sont contentés, dans ces derniers temps, de dire : « Oui, mais nous n’en sommes pas plus avancés : le Danemark est neutre et le Grand Belt est miné. Il est donc impossible d’entrer dans la Baltique. » Les objections se sont même, tout récemment, réduites à un seul terme, — qui a paru suffisamment décisif, — et on a entendu aux Communes de l’Angleterre, le premier lord de l’Amirauté, sir Eric Geddes, déclarer que si la flotte anglaise n’avait pas pénétré dans la Baltique, pour soutenir la Russie dans ses tragiques épreuves, c’était parce qu’elle « aurait dû franchir d’immenses champs de mines. » Il n’était plus question de la neutralité danoise,

Le fait que l’on ne conteste plus la facilité d’abord de la côte allemande, dans la Baltique, simplifie et abrège ma tâche. Je n’ai plus qu’à montrer la vanité, en ce qu’elles ont d’excessif, des craintes que l’on exprime au sujet du passage des détroits par une grande armée navale.


Puis-je faire observer d’abord, qu’il est singulièrement malavisé de proclamer que la côte allemande est inabordable, que l’on se gardera d’y risquer une seule unité de combat ; que d’ailleurs les débarquemens sont de pauvres opérations destinées fatalement à de retentissans échecs ; qu’on n’attaquera jamais tel point parce qu’il y a de gros canons et qu’on ne passera jamais tel détroit parce qu’il y a des mines ?

A supposer que tout cela fût justifié, il faudrait éviter de le dire et, tout au contraire, insinuer qu’on a les intentions les plus hostiles à l’égard du littoral de l’ennemi. Quelque créance que ce dernier donnât réellement aux bruits que l’on ferait courir à ce sujet, il ne pourrait s’empêcher de prendre certaines précautions et d’entretenir sur ses cotes des effectifs relativement sérieux[18]. Il serait, du reste, bien facile de le tenir en haleine par des démonstrations et des feintes. Ce sont là des moyens qui, pour avoir été employés de tout temps, — et très fréquemment par la Grande-Bretagne pendant nos grandes guerres de 1193 à 1815, — n’en conservent pas moins leur efficacité. Car enfin, on ne sait jamais… Le belligérant le mieux renseigné hésite en pareil cas, à passer outre à la menace.

En tout cas, on conviendra qu’il serait sage de ne pas avertir l’ennemi qu’il peut être bien tranquille de tel ou tel côté. Il est surprenant qu’il faille donner cet avertissement.

Ceci dit, remarquons encore que lorsque, pour justifier une inertie systématique, on affecte de s’indigner à l’idée qu’un « théoricien » puisse proposer de risquer des dreadnoughts sur des champs de mines, on use de moyens de discussion qui sont peut-être habiles, mais d’une habileté de mauvais aloi. En fait, je le dis encore, il n’a jamais été question de cela. Personne, que je sache ; n’a proposé une telle absurdité. Tout le monde sait, en revanche, qu’il y a de nombreux et efficaces moyens, soit de draguer, soit de faire exploser prématurément les mines, soit de les couler. C’est affaire de patience, de méthode, d’engins appropriés, et je ne reviendrai pas aujourd’hui sur le détail de ce que j’ai écrit si souvent à ce sujet. Rappelons toutefois qu’à ces procédés préventifs il ne sera jamais inutile de joindre des procédés de protection immédiate des coques plongées des grands bâtimens, quand ces unités lourdes passeront sur les emplacemens déblayés. Deux précautions valent mieux qu’une. Et puis, vraiment, a-t-on la prétention de faire la guerre sans jamais courir aucun risque, sans accepter d’avance aucune perte ?

En ce qui touche enfin, d’une manière particulière, les opérations ayant pour but de faire entrer une force navale très importante dans la Baltique, j’observe, pour conclure, qu’en raison de la très grande supériorité dénombre des flottes alliées, les résultats poursuivis seraient obtenus sans qu’il fût nécessaire d’y employer les « superdreadnoughts. » Ceux-ci, assez nombreux et assez puissans, à eux seuls, pour contenir la Hochsee flotte, si cette dernière essayait de prendre à des l’armée engagée dans les détroits, seraient parfaitement à leur place en un point d’où ils pourraient se porter en peu d’heures soit au-devant de la flotte ennemie sortie du camp retranché maritime de Cüxhaven, soit au secours de la flotte opérant dans les Belts, en cas de besoin urgent.

Mais quels sont les détroits dont il s’agit et où peut-on craindre de rencontrer les « immenses » champs de mines dont on nous a parlé ? C’est ce qu’il me reste à examiner.

Les détroits danois sont au nombre de trois : le Sund, entre la Suède et l’île de Seeland, — c’est le détroit que commande Copenhague ; — le Grand Be ! t, entre Seeland et Fionie ; le Petit Belt, entre Fionie et le Jutland-Slesvig. Mettons hors de cause ce dernier, bras de mer très étroit et dominé de près par des rives qui doivent être armées depuis le commencement de la guerre, du côté allemand, à partir de l’îlot de Brandsö.

Le Sund n’admet que des bâtimens de moins de 7 mètres de tirant d’eau. On dit volontiers, en présence d’une si faible profondeur, que ce détroit est inutilisable pour une armée qui veut entrer dans la Baltique. Il s’en faut que ce soit exact. Cette armée ne se composerait pas seulement d’unités calant 8 mètres. Tous les bâtimens de tonnage moyen, les innombrables unités légères, les bâtimens auxiliaires, enfin les transports de troupes et de matériel, que l’on aurait eu soin de choisir parmi les « cargo-boats » calant, au plus 6m, 50, pourraient parfaitement emprunter le Sund, même sans attendre certaines circonstances de vent et de mer où le niveau des eaux s’élève.

On objectera à ceci qu’il y aurait inconvénient à ce que le gros de l’armée fût séparé, au moins, de ses bâtimens légers. C’est entendu. Il y a là une question de mesure. Il est absolument indispensable, évidemment, que le dragage des mines par les navires spéciaux soit protégé par un grand nombre de petits croiseurs et de « destroyers. » Il faut aussi que la « Kielerbucht, » le bassin qui s’étend entre l’archipel danois et la côte du Holstein, soit rigoureusement surveillée, ainsi que le fjord même de Kiel, d’où peut déboucher la force navale allemande, si l’on n’a pas réussi à oblitérer le canal maritime[19].

Quoi qu’il en soit, arrivons-en au Grand Belt et notons tout de suite que ce détroit et son prolongement au Sud, le « Lange-land Belt, » sont exclusivement danois. Cette remarque n’est pas inutile si l’on veut bien se rappeler que ce n’est qu’à son corps défendant que le petit royaume a miné la voie d’accès principale à la Baltique, celle des cuirassés. La navigation du Grand Belt ne présente quelque difficulté aux très grandes unités de combat qu’au coude voisin des îlots d’Agersö et d’Omö. Tous les pêcheurs et pilotes du pays, les norvégiens et les suédois, — sans parler de ceux qui ont été formés ailleurs et des officiers des paquebots qui fréquentent la Baltique, — peuvent donner sur ce passage les indications les plus précises. D’ailleurs rien de plus aisé aux bâtimens légers qui précèdent les unités longues et lourdes, que de baliser à nouveau les points délicats.

Les mines danoises draguées, sans qu’assurément il y ait à craindre d’opposition, il est fort possible que l’on ait à compter avec des mines allemandes dans le « Langeland Belt. » On affirme en effet que nos adversaires ont pris, pour plus de sûreté, le soin de miner eux-mêmes ce débouché du Grand Belt dans la « Kielerbucht. » Mais, là encore, les deux rives étant danoises, l’opération du dragage ne saurait présenter de difficultés bien sérieuses, — étant entendu que le fjord de Kiel sera « masqué » par les navires légers et qu’ainsi les dragueurs seront protégés contre les entreprises de l’ennemi.

Nous arrivons maintenant au vaste plan d’eau, — 60 kilomètres environ, de l’Est à l’Ouest, sur 50 du Nord au Sud, — que les Allemands désignent sous le nom de « Kielerbucht, » baie de Kiel. Ce ne peut être que là, dans des eaux à peu près exclusivement sous le contrôle de la marine allemande, que se doivent situer les « immenses champs de mines. »

Que la plus élémentaire prudence prescrive de draguer la route que suivra l’armée navale pour entrer, par le Fehmarn Belt, dans la Baltique libre, c’est ce que personne ne contestera. Mais qu’il soit nécessaire de draguer tout le plan d’eau de la « Kielerbucht, » évidemment non. D’ailleurs, le bon sens indique qu’il n’est pas possible que cette petite mer intérieure soit minée partout. Il faut bien que le défenseur puisse l’utiliser pour repousser l’adversaire en combattant. Qu’on ne m’objecte pas, là encore, que ce défenseur s’est ménagé des chenaux libres dans ce dédale d’aveugles engins de destruction. Au voisinage immédiat des côtes, par exemple aux débouchés du Grand et du Petit Belt, peut-être. Au débouché du fjord de Kiel, certainement. Mais en pleine mer, à 10, 15, 20 milles de toute terre, comment retrouver les amers indispensables, si le temps n’est pas absolument clair, si, comme je le disais tout à l’heure, on n’a pas un ciel de Méditerranée ?

Défions-nous donc de ces jeux d’imagination. Prenons garde surtout que c’est le premier intéressé, l’ennemi lui-même, qui nous suggestionne, aujourd’hui comme il le faisait déjà, il y a vingt-cinq ans, alors qu’en présence des rapports fantastiques qu’il nous faisait parvenir sur l’état de ses défenses côtières, on sentait impérieusement, dans certains organismes maritimes, le besoin de savoir la vérité, — et, donc, d’aller voir.

Que dirai-je, pour finir, du dernier détroit, le Fehmarn Belt, que l’on doit supposer miné ? Ici, la rive Sud est allemande et les lignes de mines sont certainement défendues par l’artillerie de côte, en position vers Marienleucht de Fehmarn. Heureusement deux circonstances favorisent l’assaillant, D’abord, le détroit a 18 kilomètres de large et la rive Nord, celle de l’île danoise de Lolland, est assez saine pour qu’on la puisse longer de près. A supposer que les bouches à feu de la défense puissent porter à 18 000 mètres, encore faut-il que l’atmosphère soit assez claire pour que les pointeurs puissent discerner ces petits traits noirs glissant sur l’horizon et qui, difficulté nouvelle, se confondront, là, avec la terre danoise. Ensuite, s’il faut absolument engager la lutte contre les batteries de Fehmarn, j’observe qu’on le fera dans les meilleures conditions — convergence des feux des vaisseaux sur des ouvrages bas, — si, justement, on a fait passer par le Sund, entre autres élémens de l’armée, les monitors, batteries flottantes, etc., dont le tirant d’eau est certainement inférieur à 6 mètres et qui sont munis de l’artillerie nécessaire à l’attaque des ouvrages à terre.

Toutefois, — prévoyons une ultime objection, — pour atteindre Fehmarn, ces bâtimens auront dû franchir une sorte de défilé formé d’un côté par la côte de la petite presqu’île allemande de Darss, de l’autre, par une ligne d’écueils qui prolonge la pointe de Gjedser, extrémité méridionale de l’Ile danoise de Falster. Ce passage, miné et défendu peut-être du côté allemand, a quelque vingt kilomètres de large. Mais, de plus, — et il convient de n’en pas dire davantage, — ce défilé peut être tourné, tout comme celui des Thermopyles. Qu’on soit donc assuré que ce dernier obstacle n’arrêtera pas l’armée navale, plus que celui du Fehmarn Belt.

Telles sont les explications que je puis donner sur cette grave question de la soi-disant invulnérabilité des côtes allemandes, sans dépasser la limite de ce qu’il est permis de dire, sans dépasser non plus celle qui s’impose à un article de Revue. Mes lecteurs me feront certainement crédit du reste, qui pourrait aller aisément jusqu’au volume. Il suffit que je leur aie montré sur quelles erreurs, sur quelles équivoques au moins, repose la doctrine de l’abstention systématique de toute opération offensive sur le littoral allemand.


Contre-amiral DEGOUY.

  1. Je rappelle que les Italiens, qui se montrent particulièrement « ingénieux » dans cette guerre navale, ont mis en jeu, dans les lagunes de l’embouchure de l’Isonzo, des chalands ou radeaux armés qui ont joué un rôle intéressant dans le bombardement des ouvrages du Carso méridional et qui défendent aujourd’hui les lagunes de l’embouchure de la Piave.
  2. Nous ne considérerons ici que la partie extérieure de ces estuaires, celle par exemple, où commence l’emprise des ouvrages de côte sur le plan d’eau.
  3. Ces seuils sont franchissables par les navires spéciaux de la guerre de côtes : leur profondeur varie de 4 mètres à 4 mètres à mer basse. La hauteur de la marée sur tout ce littoral va de 3 mètres à 3 m. 50 environ.
  4. Helgoland était, au moyen âge, beaucoup plus étendu qu’aujourd’hui. Certains documens qui en fournissent la carte, affirment que l’Ile était le siège d’un évêché. Elle avait donc plusieurs paroisses, au lieu de l’unique bourgade de pêcheurs qui borde le pied de la falaise du Sud-Est, sur un terre-plein en pente qui n’est qu’un ancien éboulis. C’est d’ailleurs de l’autre côté, à l’Ouest et au Nord-Ouest, — côté du large et des vents régnans — que l’île s’est le plus « usée. »
  5. Il ne faut pas perdre de vue que, dans les dispositifs réguliers de mise en action des pièces de côte, on perd toujours nécessairement une partie de l’angle de projection qui correspond à la portée maxima.
  6. Voyez, pour ces questions, mon étude sur « L’attaque des côtes » (15 septembre 1917).
  7. C’est à ce mouillage, dont les limites ne sont d’ailleurs pas définies exactement, que se tenait le plus souvent notre escadre de frégates cuirassées, dans l’hiver de 1870-71 Mais Helgoland appartenait alors à l’Angleterre !…
  8. L’Expédition des Dardanelles, 1 vol., chez Payot, éditeur.
  9. Ai-je besoin d’ajouter que l’on aurait encore, dans le cas qui nous occupe, la facilité de se procurer des pilotes hollandais, — en y mettant le prix ? On se procurera d’ailleurs dans tous les ports du Nord des pilotes de l’Ems, et surtout de l’Elbe. Il est surprenant que les tenans de l’abstention systématique ne s’avisent jamais de cela.
  10. Je rappelle que je ne discute pas ici les questions relatives à la lutte entre navires et batteries. Voir l’étude sur « L’attaque des côtes, » déjà citée.
  11. C’est de là que partent les câbles transatlantiques allemands, avec « escale » sur Borkum même.
  12. 35 kilomètres. La largeur maxima de l’île est de 13 kilomètres, mais elle est très découpée, et sa superficie n’excède pas 95 kmq, ce qui, d’ailleurs, lui donne déjà de l’intérêt comme place d’armes.
  13. C’est de là que partent souvent les zeppelins qui opèrent sur l’Angleterre. Des hydravions anglais ont survolé Sylt et sont allés jeter des bombes sur Tondern dans l’hiver de 1915-1916.
  14. Fait constaté, du reste, dans les « portulans * et instructions nautiques et dont j’ai, de visu, constaté l’exactitude.
  15. Un doute peut subsister, si l’on remarque que Neuwerk est, en plein, dans les champs de tir des ouvrages du saillant de Cüxhnaven.
  16. Tout au plus ces bâtimens devraient-ils compter avec les feux qui pourraient leur être adressés de la digue littorale qui s’étend au Sud de Cüxhaven ; mais il ne s’agirait là que de batteries de circonstance, de pièces de campagne qui tireraient difficilement à 10 000 et 12 000 mètres.
  17. J’ai déjà noté, dans l’article du 15 octobre 1916, sur les « Opérations du débarquement, » les répugnances traditionnelles des officiers de l’armée contre les opérations combinées.
  18. Observons que l’intérêt d’obtenir ce résultat grandit en ce moment où l’Allemagne, déjà relativement épuisée, fournit un effort encore considérable et où il lui serait fort difficile de créer de nouvelles armées. Je rappelle à ce propos qu’en 1870, la Prusse entretint une armée dite de la défense des côtes jusqu’au moment où elle acquit la certitude que nous avions renoncé à toute descente.
  19. Je rappelle encore qu’il ne s’agit pas ici d’un plan d’opérations, qui comporterait naturellement l’occlusion du vestibule du fjord de Kiel par des mines de blocus. Je ne donne que les indications les plus nécessaires, — et très succinctement.