L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789/I/I

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LIVRE I

LES FRANÇAIS AUX ANTILLES. — LA TRAITE

« Traite et esclavage sont deux faits presque corrélatifs, presque solidaires. » (Schoelcher, L’esclavage pendant les deux dernières années. II, 347.)

CHAPITRE I

ÉTABLISSEMENT DES FRANÇAIS DANS LES ANTILLES


« Nulle nation au monde ne fournit des hommes plus intrépides que nos voyageurs et nos commerçants. » (P. Leroy-Beaulieu, op. cit., p. 140.)


I. — Persistance de l’esclavage dans la péninsule ibérique jusqu’aux temps modernes. — Extension nouvelle qu’il prend en Amérique par la traite des noirs au xvie siècle. — Las Casas. — Les Français n’ont fait que suivre l’exemple des Espagnols et des Portugais.
II. — Voyage de D’Esnambuc à Saint-Christophe (1625). — Premiers esclaves. — La Compagnie de Saint-Christophe (1626), appelée ensuite Compagnie des Îles de l’Amérique. — Les débuts de la traite française. — Occupation de la Guadeloupe, de la Martinique et dépendances. — Les flibustiers de Saint-Domingue.
III. — Peuplement rapide des Antilles. — Éléments divers de leur population : noblesse aventurière ; — fonctionnaires et officiers ; — ordres religieux ; — bourgeois ; — engagés, volontaires ou forcés. — Ainsi, avant que la traite se fût développée, constitution d’une société capable de vivre par elle-même. — Mais le courant d’émigration ne fut pas entretenu.
IV. — L’intérêt fait préférer les nègres esclaves. — Préjugé contre le travail libre. — Insuffisance de l’objection tirée du climat. — L’enquête de 1840 : les faits historiques ; — témoignages divers. — Conclusion : le travail libre des immigrants européens aurait pu suffire.
V. — Population indigène des Caraïbes. — Pourquoi on ne l’a pas réduite en servitude. — Des sauvages de la terre ferme. — Droits accordés aux indigènes des colonies françaises. — Rares essais tentés pour les civiliser. — Ils disparaissent peu à peu.
VI. — L’esclavage des noirs africains domine toute l’histoire des Antilles. — Indication des principales phases de cette histoire par rapport à notre sujet.


I

Les progrès de la civilisation, après avoir transformé peu à peu l’esclavage antique en servage pendant les premiers siècles de notre ère, avaient amené sa disparition à peu près complète dans l’Europe chrétienne vers la fin du Moyen Age[1] ; depuis le xe siècle, d’ailleurs, il n’avait plus subsisté réellement que dans des cas exceptionnels. Les Espagnols et les Portugais furent les derniers à le pratiquer dans l’ancien continent[2], comme les premiers à l’importer au Nouveau Monde. Ce fut, on le sait, la découverte de l’Amérique qui contribua surtout à développer la traite des nègres, commencée dès le milieu du xve siècle[3].

Les conquérants s’occupèrent d’abord d’exploiter les mines ; mais ils s’aperçurent bien vite que les indigènes, assujettis à un travail excessif, ne résistaient pas suffisamment. Alors ils eurent en même temps recours à des engagés. Ce système allait être imité par les Français aux Antilles, et nous verrons combien il est fâcheux qu’on n’y ait pas persévéré davantage. Mais ces travailleurs libres ne contractaient que des engagements temporaires ; de plus, comme ils étaient généralement misérables, il était assez difficile de les acclimater ; les profits étaient diminués par leur salaire : enfin, on trouva bientôt que leur nombre devenait insuffisant, dès qu’on se mit à cultiver la surface du sol, en vue d’en exporter les produits.

Comme on l’a dit pendant longtemps, comme on l’écrit même encore, ce serait Las Casas qui, désireux d’adoucir les misères des Indiens et préoccupé de convertir des idolâtres, aurait donné, le premier, l’idée d’employer des nègres d’Afrique. Cette question a prêté à de nombreuses et longues discussions, qu’il n’y a pas lieu de reprendre ici. Avec Llorente et De Humboldt[4] nous croyons que Las Casas a simplement contribué à étendre la traite ; car il est sûr qu’elle avait été déjà introduite au Nouveau Monde dès 1501. Or la proposition de l’évêque de Chiapa d’amener des nègres pour soulager le sort des naturels ne date que de 1517 ; il obtint alors qu’on envoyât 4.000 esclaves de Guinée à Saint-Domingue. C’est surtout à partir de ce moment que le commerce des nègres fut régulièrement organisé, pour se développer rapidement dans des proportions considérables.

Ainsi la traite était devenue une véritable institution, lorsque les Français vinrent à leur tour coloniser les Antilles, dans la première moitié du xviie siècle. Ils ne firent que suivre l’exemple qui leur était donné par les Espagnols et les Portugais, imités déjà par les Anglais[5]. Encore même ne paraissent-ils pas avoir songé tout d’abord à l’importation des noirs pour peupler les îles. Quelques indications sur les premiers établissements qu’ils y fondèrent vont nous montrer comment ils furent entraînés à recourir eux-mêmes à ce procédé inhumain. Puis, avant d’exposer comment ils pratiquèrent la traite, nous essaierons de prouver qu’ils auraient pu se passer d’esclaves, si la métropole avait su ou voulu encourager et organiser une émigration régulière de colons libres.


II

C’est à Saint-Christophe que les Français vinrent tout d’abord se fixer. En même temps s’y installaient les Anglais. Les Espagnols allaient essayer de disputer aux uns et aux autres leur possession[6]. Comme l’a remarqué justement un auteur, « dans le mouvement d’expansion qui, depuis le xvie siècle, porta les puissances maritimes de l’Europe occidentale vers le Nouveau Monde, chacune d’elles comprit que l’archipel des Antilles était l’avant-scène du continent Américain et voulut y prendre pied[7] ».

Le P. Du Tertre, qui fut un des premiers pionniers de la colonisation française aux îles d’Amérique et qui en a raconté les débuts dans un ouvrage des plus consciencieux et des plus intéressants, commence par l’histoire de Saint-Christophe, parce que, dit-il, « cette île a été comme la pépinière qui a fourni toutes les autres îles[8] ». Belain d’Esnambuc[9] y fit, en 1625, un premier voyage avec Urbain du Roissey et quelques Normands. En arrivant, ils trouvèrent plusieurs compatriotes, venus on ne sait quand, et dont le chef, le huguenot Levasseur[10], leur céda ses droits. Lorsqu’ils repartirent bientôt après, ils possédaient déjà deux forts « ezquels y a 80 hommes et des munitions pour leur conservation, et aussy des esclaves jusques au nombre de 40 ou environ[11] ». Ce sont les premiers esclaves qu’aient possédés les Français aux Antilles. Encore ne pouvons-nous savoir comment ils se les étaient procurés, car d’Esnambuc ne les avait sûrement pas amenés avec lui. Il est probable que c’était le résultat de quelque prise faite sur les Espagnols, à moins qu’ils ne leur aient été achetés régulièrement.

Quoi qu’il en soit, d’Esnambuc, « inspiré de Dieu, qui l’avait choisi, écrit Du Tertre[12], pour être le père et le fondateur des colonies françaises dans les îles Cannibales », revint en France pour chercher du renfort[13]. Il rapportait surtout du petun, c’est-à-dire du tabac. Il eut une entrevue avec Richelieu, auquel il fit un séduisant tableau des richesses de l’île, et presque immédiatement il obtint la création d’une Compagnie de Saint-Christophe et îles adjacentes. Les lettres patentes qui la fondèrent sont du 31 octobre 1626[14]. Il y est dit que d’Esnambuc et son compagnon ont découvert Saint-Christophe, la Barbade, « et autres îles voisines toutes situées à l’entrée du Pérou[15] ». La Compagnie est formée, tant afin de faire instruire les habitants des îles en la religion catholique, apostolique et romaine, que pour trafiquer et négocier des deniers et marchandises qui se pourront recueillir et tirer desdites îles et de celles des lieux circonvoisins[16]. Richelieu fournit un vaisseau estimé à 8.000 livres et 2.000 livres en argent sur un capital total de 45.000. Dans la suite, il fut stipulé, par l’article X de l’acte de renouvellement de cette Compagnie, passé entre le cardinal et Jacques Berruyer, un des associés, le 12 février 1635, qu’elle ne s’appellerait plus que Compagnie des îles de l’Amérique[17].

Partis le 24 février 1627[18], d’Esnambuc et du Roissey arrivent le 8 mai, après un voyage des plus pénibles. Un certain nombre d’Anglais, commandés par le capitaine Waërnard, s’étaient trouvés débarquer précisément le même jour. Les Français partagent alors avec eux le territoire de l’île. Ils rédigent une convention pour maintenir entre eux des relations de paix et d’amitié. C’est l’article IV qui doit nous intéresser spécialement. Il est ainsi conçu : « Lesdits sieurs gouverneurs ne pourront retirer aucuns hommes ou esclaves dans leurs habitations, qui ne leur appartiendra (sic), ains s’en tiendront saisis jusqu’à ce qu’ils se soient donné avis desdits hommes ou esclaves[19]. » (13 mai 1627.) Ce texte confirme donc très nettement l’existence d’esclaves à Saint-Christophe. Tout ce que nous pouvons dire à ce sujet, c’est qu’ils n’avaient pas été importés par la traite française.

En effet, ce commerce spécial n’avait pas encore été organisé par les Français. Tout au plus allait-il commencer, quoiqu’il ne soit pas permis de préciser la date avec une absolue certitude. Nous constatons seulement qu’en vertu de lettres patentes du 24 juin 1633 « le sieur Rosée, Robin et leurs associés, marchands de Rouen et de Dieppe, eurent permission pour dix ans de trafiquer seuls à Senega, Cap Vert et Gambie, y compris les deux rivières[20] ». M. Pigeonneau écrit, à ce propos, qu’ils furent investis du « privilège du commerce et de la traite des noirs[21] ». À vrai dire, le texte ne l’indique pas expressément. Toutefois, nous inclinons à penser comme lui que le trafic en question devait comprendre cet article, car il était dès lors d’exportation courante au Sénégal et en Guinée. « Le fort Saint-Louis s’éleva sous la protection d’une escadre commandée par Claude de Razilly et devint le principal siège des opérations de la Compagnie. De 1633 à 1635, deux autres sociétés, l’une malouine, l’autre parisienne, obtinrent également le monopole du trafic sur la côte d’Afrique, la première de Sierra-Leone au cap Lopez, la seconde du cap Blanc à Sierra-Leone, sauf sur les points réservés à la Compagnie normande du Sénégal[22]. » Mais il faut croire qu’aucune d’elles ne transporta tout de suite beaucoup de nègres aux Antilles, car Du Tertre, qui ne parle nullement de vente de nègres à cette époque, nous apprend seulement qu’en 1635 Saint-Christophe reçut inopinément un secours considérable, qui n’était autre qu’une cargaison d’esclaves. Un capitaine nommé Pitre, « ayant fait une riche prise de quantité de nègres sur les Espagnols[23] », les amena vendre à Saint-Christophe. C’est de ce moment que datent, en réalité, les commencements de la prospérité de cette île. On constata de mieux en mieux combien les nègres étaient plus résistants au travail, et chacun voulut désormais s’en procurer.

La même année, un conflit s’étant élevé entre les Français et les Anglais, nous voyons que les esclaves « étaient bien au nombre de 5 ou 600, conduits par des officiers français ». Armés de coutelas et de serpes, ils « parurent aussi effroyables que des démons ». Pour les déterminer à bien se battre, d’Esnambuc leur avait promis la liberté. Comme les Anglais ne voulaient pas souscrire aux exigences des Français, « ils furent forcés à cela par la terreur que les nègres jetèrent dans l’esprit du petit peuple et des femmes anglaises[24] ».

Ainsi les premiers esclaves contribuèrent pour une bonne part à sauver la colonie naissante de Saint-Christophe. Il est probable que, s’ils avaient eu conscience de leur force, ils auraient pu se rendre maîtres de l’île. Mais leur intelligence n’allait pas jusqu’à la conception d’un tel projet. Tranquilles du côté des Anglais, les Français continuèrent à organiser leur conquête. Il vint « des navires français et hollandais, qui amenaient quantité de nouveaux habitants et quelquefois des esclaves mores, qu’ils allaient acheter en Guinée ou qu’ils prenaient sur les Espagnols le long des côtes du Brésil ; et, comme ces nègres sont toute la force et la richesse des îles, la Compagnie en retirait déjà de grands revenus. Enfin, l’île se trouva si peuplée que l’on prit la résolution de faire de nouveaux établissements dans les îles voisines. M. de l’Olive, lieutenant de M. d’Enambuc, entreprit celui de la Guadeloupe[25]. »

Il s’associa pour cette entreprise avec Du Plessis, et tous les deux passèrent à ce sujet avec les seigneurs de la Compagnie un contrat en date du 14 février 1635[26]. Il y est bien question d’engagés, mais nous ne trouvons aucune disposition relative à l’importation d’esclaves. Le récit du voyage, fait par Du Tertre[27], nous indique, du reste, qu’il n’y en avait pas sur les deux navires de l’expédition qui, partis de Dieppe, emportant l’un 450 et l’autre 150 personnes, abordèrent à la Guadeloupe, le 28 juin 1635. Après diverses péripéties, qu’il est superflu de rapporter, de l’Olive fut confirmé par la Compagnie en qualité de gouverneur de la Guadeloupe, le 2 décembre 1637[28].

D’autre part, d’Esnambuc, ayant choisi 100 hommes parmi les « vieux habitants » de Saint-Christophe, prit possession de la Martinique en septembre 1635[29]. Il y installa comme gouverneur Jean Dupont ; mais celui-ci, ayant été pris par les Espagnols en revenant à Saint-Christophe, fut remplacé par le neveu de d’Esnambuc, Duparquet, qui reçut en même temps que de l’Olive sa commission de la Compagnie.

La Tortue fut prise vers 1640 sur les Anglais par Levasseur[30]. Duparquet fit passer en 1643 à Sainte-Alouzie ou Sainte-Lucie, abandonnée par les Anglais, Rousselan, qui sut se concilier l’affection des sauvages en épousant une femme de leur nation[31]. En même temps. De Brétigny s’installait à Cayenne[32]. En 1648, les Français s’établirent à Saint-Martin sous la conduite de De Latour, envoyé par De Longvilliers du Poincy, qui conclut un accord avec les Hollandais. Cette même année, ils prirent Saint-Barthélemy avec Jacques Gentes ; les Saintes avec De Mé, puis Hazier Dubuisson (1652) ; Marie-Galante avec Le Fort, puis Houël et De Blagny (1653). L’occupation de la Grenade fut faite par Duparquet (1650), celle de Sainte-Croix par de Vaugalan (1561). Celle de la Désirade ne saurait être précisée. Quant à la Dominique et à Saint-Vincent, elles furent laissées aux sauvages et déclarées neutres[33].

L’établissement des boucaniers, plus connus ensuite sous le nom de flibustiers[34], sur la côte septentrionale de Saint-Domingue, date des premières années du xviie siècle. Mais il ne commença à devenir régulier que lorsque ces aventuriers eurent été reconnus par la France, en 1664. La Compagnie des Indes occidentales choisit alors et fit agréer par le roi, comme gouverneur de la Tortue et de la côte française de Saint-Domingue, d’Ogeron de la Bouère[35], qui avait été déjà leur chef pendant plusieurs années.

Nous devons nous borner à rappeler ici le plus sommairement possible ces indications indispensables. Mais qu’il nous soit permis, en passant, de rendre hommage à la valeur héroïque des fondateurs de nos colonies des Antilles.


III

Dès le début, les îles se peuplèrent avec une rapidité étonnante. D’après son premier contrat, la Compagnie était tenue de transporter 4.000 colons. Or, l’édit de mars 1642[36], qui la confirme dans ses privilèges, constate qu’elle en a introduit 7.000. Dans ces conditions ne sommes-nous pas en droit de nous demander si la colonisation n’aurait pas pu aussi bien, et même mieux, être opérée uniquement par des travailleurs libres, sans recourir à la traite des nègres ?

Comment se composait, en effet, cette population ? Toutes les classes de la métropole lui fournissaient, plus ou moins, des représentants. Ainsi les chefs des premières expéditions appartiennent pour la plupart à la noblesse. Les uns sont poussés par l’amour des aventures, les autres par l’insuffisance de ressources. Peut-être ne faut-il pas scruter le passé de chacun ; le départ pour l’Amérique a pu aider certains à liquider une situation malaisée, ou bien à effacer quelque faute, à fuir la lettre de cachet qui les menaçait. Du moins, là-bas, ceux-là se sont rachetés en servant bien le roi, disons mieux, la nation, puisqu’alors c’est tout un. Après eux viennent les fonctionnaires, d’abord uniquement ceux des Compagnies, puis les officiers du roi.

« À cette classe de haute lignée, qui versait au fonds social de la colonie l’entrain et l’audace sans scrupule, venaient s’en joindre d’autres qui tempéraient par un heureux alliage l’esprit général de la société coloniale[37]. » Il faut citer des premiers les religieux des divers ordres, Jésuites, Dominicains, Carmes, Capucins, Jacobins, Frères de la Charité, sans parler des religieuses. Dans l’histoire de la colonisation française, il n’est que juste de le dire, les serviteurs de Dieu sont toujours et partout partis en avant pour porter au loin, avec les principes de la religion chrétienne, le renom et l’amour de la France. Ceux qui s’expatrient sont, en général, gens à l’esprit pratique et délié qui, tout en servant Dieu par leur propagande, croient aussi travailler à sa gloire en s’occupant des intérêts matériels de leur ordre. Ils se font au besoin médecins, architectes, ingénieurs, suivant les nécessités du moment ; en tout cas, ils s’entendent à merveille à faire fructifier leurs propriétés ; et, par surcroît, comme le P. du Tertre et le P. Labat, ils emploient leurs loisirs à nous retracer l’histoire des événements auxquels ils ont participé.

« Au-dessous de cette double aristocratie de naissance et de profession, ou plutôt à côté d’elle, car les distinctions de la métropole se perdaient aux Antilles dans la fusion de toutes les classes blanches[38], venait l’élément bourgeois avec sa consistance héréditaire, son esprit de prudence et de patience pratique, sa laborieuse persévérance et sa bienfaisante parcimonie[39]. » Sans doute, ces bourgeois, qui se décidaient à partir, n’étaient pas de ceux qui étaient déjà parvenus à une brillante situation. Plus d’un ne se lança hors de la mère-patrie qu’à la recherche de la fortune, introuvable pour lui jusque-là ; les privilèges entravaient celui-ci ; cet autre voyait peut-être la banqueroute imminente. Ici encore il est inutile de trop approfondir.

Enfin, en dernier lieu, viennent les engagés, qui se recrutaient un peu partout et n’importe comment. Ils étaient ou volontaires ou forcés. Les premiers comprenaient des gens sans ressources, domestiques sans place, compagnons sans travail ou dégoûtés de ne pouvoir devenir maîtres, paysans las de la corvée et aux yeux desquels on faisait luire le rêve d’une propriété qui leur appartiendrait[40]. Les seconds étaient des vagabonds, des fraudeurs[41], ou bien des fils de famille déshérités, « des jeunes gens qui sont tombés dans des égarements de jeunesse et s’amusent à fainéanter dans le royaume au lieu de travailler[42]. » Aussi le roi les fait-il embarquer d’office pour les colonies.

L’origine des engagés nous est nettement indiquée dans la Commission qui porte privilège exclusif du commerce aux îles pour la Compagnie de Saint-Christophe. Elle interdit en effet de recevoir pour ladite entreprise d’autres personnes que celles qui feraient leur soumission de demeurer trois ans avec les représentants de la Compagnie. Il est évident qu’il ne s’agit que des gens qui ne peuvent payer leurs frais de passage. La plupart redoutaient de s’engager pour trois ans, ainsi qu’il résulte d’un arrêt du Conseil d’État du 28 février 1670[43], qui réduit le terme de l’engagement à dix-huit mois. Un autre arrêt du même Conseil, du 22 janvier 1671[44], prescrit que tout vaisseau de 60 tonneaux destiné aux îles portera 2 vaches ou 2 cavales, « et ceux au dessous 2 engagés pour chacune vache ou cavale », parce qu’il n’est pas facile d’embarquer des bestiaux dans les petits navires. En vertu d’une ordonnance royale du 30 septembre 1686[45], le nombre des engagés devait être, à Saint-Domingue, égal à celui des nègres, sous peine de confiscation de l’excédent de ces derniers. Le préambule est tout en faveur du système des engagés[46]. Mais jamais cette ordonnance ne fut rigoureusement exécutée. À Saint-Domingue, comme dans les autres îles, la population des noirs s’accrut rapidement, de manière à être au moins dix fois plus considérable que celle des blancs. Une autre ordonnance, du 19 février 1698[47], décide que le nombre des engagés devra être de 3 pour un bâtiment de 60 tonneaux, de 4 pour un de 60 à 100 tonneaux, de 6 pour ceux d’un tonnage supérieur. Un engagé connaissant un métier utile était compté pour deux. L’intendant Robert ayant fait connaître que les capitaines amenaient des enfants de dix à douze ans, inutiles ou à charge aux colonies[48], le minimum d’âge fut fixé à dix-huit ans[49] ; en même temps, il fut enjoint aux habitants d’avoir un engagé pour 20 nègres, outre le commandeur[50], et la durée de l’engagement fut de nouveau portée à trois ans. Un Règlement du 16 novembre 1716[51], renouvelant la défense d’embarquer des enfants, ordonne, en outre, que les engagés ne soient pas pris au-dessus de quarante ans, qu’ils aient au moins 4 pieds de taille et soient en état de travailler.

Ceux qui les employaient étaient tenus de leur fournir à chacun, par semaine, quatre pots de farine de manioc ou de la cassave[52] en quantité équivalente, et 5 livres de bœuf salé, plus les bardes nécessaires. Il était défendu de les renvoyer sous prétexte de maladie ; faute de les soigner, il fallait payer une amende de 30 livres tournois, plus 15 sols par jour pour leur entretien à l’hôpital, et même davantage, en cas de récidive[53]. Enfin, il était interdit de recevoir des engagés fugitifs, à peine de 10 livres tournois d’amende pour chaque jour de rétention, au profit du maître[54].

Ces diverses prescriptions nous indiquent suffisamment quelle était la condition de ces malheureux. C’étaient de véritables forçats, non moins durement traités parfois que les esclaves. On les faisait travailler avec eux. Ainsi, le Règlement de M. de Tracy, lieutenant général de l’Amérique, du 19 juin 1664[55], porte, article 8 : « Défenses sont faites à tous commandeurs d’engagés et de nègres de débaucher les négresses. » Cependant l’article 14 nous montre qu’à la différence des nègres ils ne devaient pas être frappés : « Défenses sont faites aux maîtres de battre et excéder leur engagé ; et, en cas qu’il y ait preuve suffisante qu’il y soit par eux contrevenu, ledit engagé sera réputé libre et payé par le maître de ce qu’ils sont convenus jusqu’au jour qu’il sortira de son service. » Libre ! Il ne l’était donc pas ; et, en effet, non seulement il était vendu et par là esclave de fait pendant trois ans, mais encore il pouvait même être revendu à un autre maître dans cet intervalle[56]. Et en quelles mains pouvait-il tomber[57] ? Le système des engagés était devenu une véritable traite de blancs. Aussi les capitaines en étaient-ils réduits à les racoler par surprise ou par force ; et nous voyons, par une ordonnance du 14 janvier 1721[58], que ceux-ci cherchaient tous les moyens de s’échapper ; en conséquence une amende de 60 livres fut imposée aux capitaines pour chaque évadé. Aux îles, les engagés étaient aussi adonnés au marronage[59] que les nègres et tâchaient de gagner le territoire espagnol. On en vint donc à donner une prime de 4 écus aux « captureurs » pour la prise de chaque engagé, et celui-ci dut rembourser son maître de cette somme par une prolongation de six mois de service au-delà de son engagement[60]. En regard de ces mesures sévères, la protection qui leur est accordée semble assez faible. Par exemple, un économe ayant brûlé les pieds à un engagé n’est condamné qu’à 50 livres d’aumône et 50 livres d’indemnité au maître de cet engagé, qui est déclaré libre, sans qu’il soit d’ailleurs nullement question de dommages-intérêts à lui accorder[61]. Il est facile de comprendre que, dans ces conditions, ils ne fussent guère encouragés à s’expatrier.

En réalité, il n’y avait que la détresse absolue et l’espoir vague d’acquérir quelques ressources qui pussent les déterminer à passer aux îles. Aucun document officiel ne nous indique le salaire qu’ils touchaient. Au dire de Rochefort[62], l’ordinaire était de 300 livres de tabac pour trois ans, outre la nourriture, mais sans qu’on leur fournît de vêtements. Malgré tout, s’ils arrivaient sans trop de mal à remplir leur engagement, ils pouvaient devenir ouvriers libres, ou bien, ayant obtenu une concession, s’établir comme petits habitants ou petits blancs. On en, cite même qui devinrent de riches propriétaires[63] ; en 1780, un d’entre eux faisait partie du Conseil souverain de la Martinique[64]. Ils auraient donc pu fournir un fond solide de population blanche travailleuse et destinée à se développer régulièrement, si on les eût traités de manière différente et que la métropole eût entretenu un courant régulier et continu d’émigration[65].

Mais, dès 1706, par suite de la guerre qui rendait le recrutement plus difficile, le roi remplaça l’obligation de transporter des engagés par une taxe de 60 livres par tête[66]. L’ordonnance du 15 février 1724[67] les astreint à payer 120 livres par chaque « engagé de métier » qu’ils ne livreront pas aux îles. Suivant l’article XI d’un Règlement du roi, du 15 novembre 1728[68], « les particuliers embarqués par ordre du roi ou les soldats compteront sur le pied d’un engagé chacun ». Du reste, à partir de ce moment, les ordonnances tombent en désuétude ; il se produit les plus grands abus[69], et l’on peut dire que c’en est fait désormais du système des engagés, jusqu’à ce qu’ils soient entièrement supprimés par arrêté du 10 septembre 1774[70].

En somme, et malgré tous les inconvénients du système des engagés, si mal compris et si mal pratiqué, nous croyons pouvoir dire, avec M. P. Leroy-Beaulieu, que, dès le début de notre colonisation, « se constituait aux Antilles, avant que la traite des noirs eût fait irruption, une société solide, douée de tous les éléments de progrès et de consistance, animée dans toutes ses couches de l’esprit de vie et d’entreprise, capable de se suffire et de grandir par sa force intérieure d’impulsion, société sans rivale, qui pouvait hardiment défier toutes les colonies de plantations des autres peuples de l’Europe[71] ». Si elle eût suivi son développement normal, les éléments impurs qui entraient, c’est évident, pour une bonne part dans sa composition, se seraient progressivement purifiés, par la force des choses. Ce fait s’observe dans toutes les colonies. Chacun n’a-t-il pas présent à la mémoire l’exemple le plus fameux des descendants des convicts de Botany-Bay ?

Malheureusement, dès qu’on eut commencé à avoir des noirs, on ne se préoccupa plus d’augmenter la population européenne. Dès lors elle fut destinée à n’être qu’une infime minorité, incapable de constituer une souche assez féconde pour couvrir les îles de ses rejetons. Ce fut la faute à la fois de la métropole et des colons, exclusivement soucieux de leurs intérêts immédiats, et qui virent tout de suite une source de profits bien plus considérables dans le trafic et l’exploitation des esclaves, sans s’arrêter à en calculer toutes les conséquences.



IV

Ainsi s’accrédita de bonne heure le préjugé, soigneusement entretenu par les intéressés, que les blancs d’Europe n’avaient pas la force suffisante pour travailler la terre aux Antilles. Et cependant n’est-il pas certain que ce sont eux qui ont, les premiers, vaillamment mis la main à l’œuvre sans faiblir ? « Les boucaniers, ces fondateurs des premiers établissements de la France et de l’Angleterre dans l’archipel américain, n’ont-ils pas montré que, malgré une vie turbulente et licencieuse, les Européens peuvent s’y livrer aux plus rudes travaux et braver l’ardeur du climat, lors même qu’ils sont privés de tous les biens de la civilisation ? N’appartenaient-ils pas à la race blanche, et nombre d’entre eux n’y occupaient-ils pas un rang distingué, ces premiers colons de la Martinique et de la Guadeloupe qui défrichèrent de leurs propres mains le sol de ces belles îles et qui fondèrent leurs cités[72] ? » L’auteur, auquel nous empruntons cette citation, constate ensuite que, si les engagés « ne purent résister aux fatigues des travaux qu’on leur imposait, c’est qu’ils subissaient un véritable esclavage et qu’ils en éprouvaient l’effet fatal, comme les nègres l’éprouvent aujourd’hui, à une distance de deux cents ans. » Il cite encore ce qu’il a vu lui-même à Saint-Domingue, à la Guadeloupe, à la Martinique, et en particulier la force de résistance des troupes blanches.

Dans les divers documents que nous avons consultés, tous les esprits impartiaux s’accordent à reconnaître, soit d’après les faits historiques, soit d’après des observations faites sur place, que le climat n’est pas aux Antilles un obstacle invincible pour les Européens. Peut-être ne paraissent-ils pas capables de fournir la même somme d’efforts musculaires qu’une tyrannie incessante est arrivée à faire produire au nègre naturellement paresseux. Mais leur travail plus intelligent compense largement cette infériorité relative. En tout cas, il est sûr qu’ils peuvent s’adonner à la culture de la terre, s’acclimater et se développer.

Un administrateur de Cayenne, où le climat est de beaucoup plus mauvais, écrit, dans un Mémoire[73] daté de 1788, qu’une population de blancs y est parfaitement possible.

C’est la conclusion d’une étude approfondie faite sur ce sujet par R. Lepelletier de Saint-Rémy[74]. L’auteur est seulement d’avis qu’il faut avoir soin de combattre l’action débilitante du climat, d’un côté par une réglementation bien comprise des heures de travail, de l’autre par un régime alimentaire fortifiant. « Les fruits, les racines féculentes des tropiques conviennent à l’Africain, dont la fibre serrée ne laisse échapper aucune déperdition. Mais à l’Européen, qui ne fait aucun travail sans être mouillé de sueur, il faut de la viande, du pain et du vin. »

Cette question a fait l’objet d’une enquête aussi complète que possible lors de la suppression de l’esclavage, et les résultats en ont été tout à fait probants.

Voici un premier témoignage extrait des Procès-verbaux de la Commission de 1840[75]. Le président, M. le duc de Broglie, s’adresse à M. Le Chevalier, qui avait été chargé d’une mission spéciale pour étudier les principales difficultés à résoudre en vue d’en arriver à l’abolition de l’esclavage : « Ainsi vous croyez que la culture du sucre pourrait être faite par les blancs. » — R. : « C’est une opinion qui a en sa faveur l’autorité d’un grand savant. M. de Humboldt, qui a vu ces pays beaucoup mieux que je n’ai pu les voir, a pensé ce que je pense à cet égard… Selon moi, ces climats ne sont pas inaccessibles à la race blanche. D’ailleurs, on sait que c’est par les blancs que la culture y a été fondée. Combien de pays plus malsains encore ont été habités et cultivés par les blancs ! » À l’appui de cette assertion, M. de Sade cite « un rapport anglais où il est dit qu’à Cuba les blancs cultivent le sucre concurremment avec les noirs ».

M. Émile Thomas, dans un rapport au Ministre de la Marine sur l’organisation du travail libre aux Antilles, écrit que l’erreur de l’impossibilité du travail européen sous le ciel des tropiques « mérite à peine qu’on la réfute[76] ». La même idée se trouve dans une note sur la colonisation blanche à la Guyane, de M. Pariset, ancien gouverneur de la colonie[77]. Avec lui nous la voyons encore confirmée dans un Mémoire des habitants de la Martinique, qui s’appuie sur les faits[78] : « Même à l’origine de notre établissement aux Antilles, la population de Saint-Christophe s’était tellement accrue en peu d’années qu’elle conquit, contre des forces imposantes, la partie anglaise de cette île, qu’elle détruisit plusieurs escadres espagnoles, ravagea les riches établissements de la côte ferme, porta l’épouvante jusque dans la mer du Sud et fonda, malgré le désaveu de la France, la magnifique colonie de Saint-Domingue. Si, plus tard, la population blanche resta stationnaire, et même décrut, c’est que l’on négligea les sages règlements de Colbert et que toutes les primes, toutes les faveurs furent accordées aux importations d’Africains. » À ce propos, nous ferons simplement la remarque qu’en réalité c’est Colbert qui a donné la plus vive impulsion au développement de l’esclavage et par là commencé à faire diminuer l’émigration européenne. Du reste, en envoyant des engagés, le gouvernement ne semble pas avoir eu alors la pensée de créer aux Antilles le travail européen, mais bien plutôt d’y constituer la propriété européenne. C’est pour cela qu’à la fin de son engagement l’Européen recevait des terres et devenait habitant. Lorsque les terres vinrent à manquer, ce qui se produisit assez promptement, vu le système de la grande culture, les engagements prirent fin. Comme il est dit dans l’arrêté de 1774 : « L’accroissement de la population… et la multiplication des noirs qui y ont été importés ont fait cesser depuis longtemps les engagements qui avaient lieu autrefois. »

Nous relevons dans un article de la Revue Coloniale de mars 1847[79] de M. P. Maurel, un passage caractéristique qui résume très nettement cette phase du peuplement de nos colonies. L’auteur de cette remarquable étude dit, en effet, après avoir cité l’arrêt de 1774 : « Ainsi finit, par son succès même, cette vieille institution des engagés. Que ceux qui citent les engagés pour prouver que le travail des blancs est impossible aux colonies, renoncent donc à cet exemple. Ils ne l’ont pas compris. Les engagés ont fini non parce qu’ils ont échoué, mais parce qu’ils ont réussi. La victoire fait cesser les efforts tout aussi bien que la défaite. » Amener d’autres Européens, c’était risquer de susciter des concurrents pour les premiers propriétaires. Or chacun voulait agrandir son domaine. Pour le mettre en culture, il ne lui fallait que des bras. En pouvait-il être de meilleurs que ceux de l’esclave, à la fois instrument et capital vivant, que seule manie la volonté du maître, tout en ayant le droit de l’aliéner à son gré ?

Constatons, au surplus, pour mieux prouver que ce sont surtout les colons qui ont empêché le développement du travail libre, ce qui s’est passé dans certaines colonies étrangères. « Encore aujourd’hui il existe à Cuba, à côté des riches planteurs, une population de petits créoles, semblables à ceux de la Réunion et se livrant aux travaux de la terre », écrit un colon espagnol[80] ; et il ajoute : « Il y a un axiome d’arithmétique politique, sanctionné par l’expérience et par la nature des choses, à savoir que : « L’immigration des hommes blancs et libres dans les colonies européennes d’Amérique a été en raison inverse de l’accroissement de la population esclave. » Ce fait est si vrai qu’en 1774 le rapport des blancs aux noirs était dans la proportion de 6 à 4 ; la traite fit progressivement changer la balance jusqu’à ce qu’enfin, en 1841, les termes se trouvèrent complètement renversés, le rapport étant aujourd’hui de 4 à 6. »

À Porto-Rico, où les habitants ne pouvaient pas acheter autant d’esclaves, il y eut toujours beaucoup plus d’Européens obligés de cultiver eux-mêmes la terre. « Sur 357.000 âmes, on ne compte pas moins de 188.869 blancs, travaillant aux champs communément avec les nègres[81]. » En 1844, il y avait 1.277 petites plantations de cannes à sucre mises en valeur par la main-d’œuvre de leurs propriétaires[82]. L’auteur qui nous fournit ce renseignement remarque justement que « l’habitude du travail et surtout du travail de la terre donne… à l’Européen un avantage sur l’esclave noir, qui, la plupart du temps, a passé sa première jeunesse dans la fainéantise. » Il a constaté aussi que « les noirs sont beaucoup plus sensibles que les blancs à la transition de la chaleur au froid dans les Antilles. Accoutumés aux ardeurs du soleil brûlant de leur pays, on les voit, dans les Antilles, paralysés et grelottants, pour peu que le thermomètre baisse, se presser autour du feu aux heures qui ne sont pas consacrées au sommeil ou au travail. » Nous lui emprunterons, pour finir, cet extrait significatif : « Lorsque la France étendit sa domination sur les Antilles…, ce ne furent pas des Africains qu’elle employa pour fonder ses premiers établissements. Des colons par centaines émigrèrent de la Normandie pour se livrer à tous les travaux de la culture coloniale… Par la suite, la culture cessa d’être faite par les blancs ; mais, s’ils l’abandonnèrent, ce n’est pas qu’ils redoutassent le climat : cet abandon résulta des désordres de l’administration, de la cruauté avec laquelle on traitait les colons, et de l’exemple des autres colonies, dans lesquelles on se servait des nègres, dont le travail donnait de grands bénéfices aux propriétaires et aux traitants. Sans l’attrait de ces gains funestes, l’émigration européenne eût continué, car elle n’a pas cessé à raison du climat des Antilles, mais par suite de la traite des noirs[83]. »

Le sénateur espagnol Guell y Rente affirmait, à la séance du 19 juillet 1884, qu’en 1862, à Cuba, sur 850.127 habitants formant la population rurale, il n’y avait que 292.573 esclaves. « Cette statistique combat le préjugé, d’ailleurs absurde, que la race blanche, avec des précautions et le secours du temps, ne peut pas s’acclimater dans la zone chaude et y cultiver la terre[84]. »

Nous aurions pu étendre encore ces citations, mais nous avons fait un choix des plus caractéristiques. En somme, nous croyons que cette réunion de faits et de témoignages est suffisante pour démontrer combien le gouvernement et les colons eurent tort de ne pas favoriser davantage le système des engagés ; car, à la seule condition d’être mieux pratiqué, il eût permis d’organiser le travail libre, qui se serait combiné avec la petite propriété. Ce seul fait eût changé, à notre avis, tout le développement économique des Antilles. Il est à présumer que leur avenir et leur situation actuelle n’en eussent été que meilleurs.



V

Il paraît singulier aussi, au premier abord, qu’on ne se soit pas préoccupé davantage d’utiliser la population indigène des Caraïbes[85]. Peut-on croire que ce fût par un scrupule excessif de porter atteinte à leur liberté ? Déjà, au xvie siècle, cette question des indigènes avait été agitée à propos des colonies espagnoles. En 1525, une ordonnance de Ferdinand le Catholique avait déclaré esclaves tous les indigènes du Nouveau Monde[86]. Mais, en 1529, un Conseil ayant été tenu à Barcelone, le roi trouva bon d’approuver sa décision qui contenait, entre autres articles, la disposition suivante : « Il a paru à l’assemblée que le droit et la raison garantissent aux Indiens leur entière liberté[87]. » Une bulle du Pape Paul III, de 1531, reconnaît aussi que les Indiens sont libres et non esclaves[88]. Enfin, « le célèbre règlement de 1524, qui statua définitivement sur la franchise des Indiens, vint régulariser leur situation[89] ». Malgré tout, nous ne savons que trop comment furent mises en pratique ces déclarations de principes. À cet égard, on peut dire que les Français se montrèrent, au moins en apparence, plus conséquents avec eux-mêmes. Ainsi, en 1635, comme De l’Olive voulait faire la guerre aux sauvages pour les soumettre, son compagnon Du Plessis s’y opposa énergiquement. « Il lui représenta qu’il n’y avait rien de plus contraire aux ordres du roi et des seigneurs de la Compagnie qui, ayant pour but principal la conversion de ces infidèles, voulaient qu’on entretînt la paix avec eux pour faciliter ce dessein[90]. » Mais est-ce bien là réellement le vrai motif pour lequel on ne voulut pas les asservir ? Ici Du Tertre lui-même nous fournit des raisons d’un ordre moins élevé et plus pratique. Il nous apprend, en effet, que c’est par suite de leur résistance indomptable que les Français n’ont jamais pu réduire les Caraïbes en esclavage. Ils avaient sous les yeux l’exemple du gouverneur anglais de Montserrat, qui avait en vain recouru aux plus terribles moyens : en effet, non content de les enchaîner, il avait fait crever les yeux aux plus rebelles ; pourtant rien n’y fit, car les indigènes préféraient se laisser mourir de faim plutôt que de travailler. « Ce qui, ayant été reconnu par nos Français, ajoute Du Tertre, ils ont mieux aimé les tuer, après les avoir pris pour en faire des échanges avec ceux qu’ils nous avaient enlevés, que de tenter inutilement de les réduire à l’esclavage[91]. »

Le P. Labat parle également de cette indocilité des Caraïbes : « Ils ne font, dit-il, que ce qu’ils veulent, quand ils veulent et comme ils veulent[92]. » Il cite cependant des indigènes qui sont esclaves ; mais ils viennent de la terre ferme. » Il arrive quelquefois que nos barques, qui vont traiter à l’île de la Marguerite et aux bouches de la rivière d’Orénoque, prennent en troc de leurs marchandises des Indiens esclaves qu’ils nous apportent[93]. » À ce sujet, Du Tertre nous donne quelques détails sur deux catégories d’esclaves, qu’il met à part dans le VIIe Traité de son ouvrage, consacré spécialement à l’esclavage[94] : ce sont les Aroüagues, indigènes du continent capturés par les Caraïbes, et les Brasiliens, que les Hollandais, en guerre avec les Portugais, leur enlevaient.

Pas plus que les Caraïbes eux-mêmes, les Aroüagues ne se laissaient imposer de rudes travaux. On n’obtenait d’eux quelques services qu’en les traitant par la douceur. Ils étaient presque uniquement employés pour la chasse ou pour la pêche, exercices auxquels ils se montraient d’une habileté extraordinaire ; c’est ce que le P. Bouton exprime en disant qu’ils étaient « merveilleusement manigats », suivant un mot du pays ; « au reste, ajoute-t-il, fort libertins, stupides et gens à qui il ne faut rien dire et qu’il faut laisser faire tout à leur volonté[95] ». Ils étaient très recherchés, mais il n’y avait guère que les gouverneurs, les officiers et les principaux habitants qui pussent en avoir.

Les Brasiliens étaient dégrossis par leur contact avec les Portugais, « au point de n’avoir rien de sauvage que le nom et l’extérieur ». Avec eux aussi il fallait recourir aux bons traitements, moyennant quoi ils étaient « prêts à tout faire, excepté à travailler la terre ». Du Tertre cite les femmes brasiliennes comme des « trésors dans les familles », en tant que domestiques et nourrices, car elles étaient très laborieuses et très adroites. Il rapporte également un curieux proverbe qui marque bien la différence entre les sauvages et les nègres : « Regarder un sauvage de travers, c’est le battre ; le battre, c’est le tuer ; battre un nègre, c’est le nourrir. » Aroüagues et Brasiliens se faisaient une idée particulière de leur condition, car ils ne voulaient avoir aucun commerce avec les nègres, « s’imaginant qu’on les regarderait comme des esclaves, si on les voyait converser avec eux ».

Dans un Recensement, du 20 janvier 1716[96], concernant les quatre quartiers de la Martinique où sont établis des régiments, nous avons trouvé, sur un cadre imprimé, un en-tête de colonne comprenant les « mulâtres, nègres et sauvages-esclaves », et un autre où figurent également les sauvagesses-esdaves. Il faut croire que ces dénominations s’appliquaient exclusivement aux Indiens que nous venons de citer. Ils étaient assimilés légalement aux nègres d’Afrique[97].

Quant à ceux qui vivaient sur des territoires dépendant des colonies françaises et aux Caraïbes proprement dits, il est curieux de constater que, non seulement on finit par leur laisser leur entière liberté[98], mais, bien plus, qu’on n’hésita pas à assimiler aux colons français, au point de vue du droit, ceux qui devenaient catholiques. L’article XI du contrat de rétablissement de la Compagnie des îles d’Amérique, que nous avons cité plus haut, dit textuellement : « Les descendants des Français habitués esdites îles et les sauvages qui seront convertis à la foi et en feront profession seront censés et réputés naturels français, capables de toutes charges, honneurs, successions, donations, ainsi que les originaires et regnicoles, sans être tenus de prendre lettres de déclaration ou naturalité[99]. » C’était là, en vérité, une disposition d’une générosité destinée à rester bien platonique, car jamais il n’y eut de rapprochement entre les insulaires et les colons. S’ils ne furent pas réduits en servitude, les Caraïbes furent sans cesse refoulés par les nouveaux occupants, si bien qu’en l’espace d’un siècle ils avaient à peu près totalement disparu[100].

Et pourtant, si on avait su en quelque sorte les apprivoiser, n’y aurait-il pas eu moyen de tirer d’eux un parti utile ? En 1781, le P. Padilla était parvenu, à force de patience et d’habile douceur, à former aux environs de Cayenne une mission de plusieurs peuplades d’indiens. Ils étaient au nombre de 308 fixés au sol, et ils commençaient « à prendre du goût pour l’industrie et pour la culture des terres[101] ». À ce moment, on paraît s’être occupé de les utiliser, si nous en jugeons par un Mémoire des Administrateurs de la Guyane, du 15 janvier 1786[102], « Ils ne peuvent que louer, écrivent-ils, les mesures qui sont indiquées dans le Mémoire du Roi qui leur sert d’instruction sur le projet de tirer parti des Indiens, de les civiliser et d’exciter leur industrie. On espère, avec des soins assidus, parvenir à obtenir quelques heureux avantages, avec l’aide de quelques missionnaires. » Ils rappellent ensuite les notes qu’a fournies au Ministre un de leurs prédécesseurs, M. Lescallier : « On a parlé bien diversement des Indiens qui habitent l’intérieur de la Guyane. On a vu des Administrateurs, qui les ont considérés comme des automates, dont on ne pourrait tirer aucun parti. Cette opinion est plus que rigoureuse. On ne peut nier qu’ils n’aient sur nous des avantages bien précieux, l’agilité à la chasse et à la pêche, la connaissance de la navigation des rivières, des routes, de l’intérieur des forêts et de leurs productions ; jaloux de leur liberté, et cependant doux et traitables, ils fuient la gêne et les vexations. — Il est essentiel de recommander qu’ils soient ménagés et traités comme gens libres à l’égal des blancs, ainsi qu’il est établi par la loi. Je croirais utile de ménager quelques mariages de leurs filles avec des Européens reconnus sages et tranquilles, comme soldats congédiés et autres, qui s’établiraient aux sauts des rivières et commenceraient à former une liaison intime avec les peuples de l’intérieur et attirer une confiance d’autant plus intéressante que la haine de ces nations en général contre les nègres marrons nous fournirait un moyen contre leurs incursions, et qu’ils respectent et secondent naturellement les blancs, pour peu qu’ils soient bien traités. — On en retirerait aussi l’avantage d’augmenter la culture et la facilité d’extraire pour le commerce bien des productions des forêts et des montagnes. » Ensuite, les administrateurs exposent une politique de modération à l’égard des Indiens, par opposition aux vexations et corvées qu’on leur a trop souvent fait subir. Ils rappellent une lettre qu’ils ont adressée aux commandants des quartiers où il y a des Indiens, et qui contient en particulier ce passage : « Signifiez-leur en toutes les occasions qu’ils sont maîtres chez eux comme les meilleurs des blancs. » Enfin, eux aussi se montrent favorables aux mariages mixtes. Si on eût suivi, dès le début et avec persévérance, une telle manière de procéder, n’y a-t-il pas lieu de croire que quelques bons résultats eussent été atteints ? Songeons que l’œuvre serait devenue chaque jour plus facile avec les générations nouvelles. Mais il était plus simple de dire : « Ces gens-là ne sont bons à rien. » À force de le répéter, on finit par y croire, comme à un axiome ; et voilà comment on ne fit jamais aucune tentative sérieuse et continue pour plier leur nature sauvage à un commencement de civilisation. Dans l’article de Lepelletier de Saint-Remy, que nous avons déjà cité, il est constaté que, lors de la tentative de colonisation faite par les Belges à Saint-Thomas de Guatemala, ce furent des Caraïbes qui firent plus spécialement les travaux de défrichement ; ils fournirent 11.375 journées de travail et rendirent 11 hectares propres à la culture[103]. Il est resté quelques débris des indigènes insulaires à Porto-Rico ; ce sont les Ibaros, race un peu mêlée, à vrai dire, résultant d’unions entre les indigènes et les premiers colons ; paisibles, ils se sont montrés propres à tous les travaux de culture ou de défrichement et ont été une garantie de prospérité pour le pays où ils sont restés[104]. « Ils sont demeurés là pour servir à la condamnation de l’esclavage, en montrant qu’il n’était pas nécessaire à l’exploitation du sol, si l’avidité des premiers colons n’avait indignement abusé des forces des naturels[105]. »

En fait, et pour nous résumer, nous dirons que ces deux éléments de population, engagés et indigènes, n’ont eu en aucune façon l’importance qu’il eût été bon de leur attribuer, au lieu de ne viser qu’à les remplacer par les noirs d’Afrique.



VI

Assurément, nous ne saurions hasarder d’hypothèse pour essayer de deviner ce que fût devenue une société qui se serait constituée sur de telles bases. Mais, par contre, nous verrons combien a été profonde et néfaste l’influence de l’esclavage aux Antilles. Elle domine toute leur histoire. Rappelons-en brièvement les phases principales, en ne mentionnant que les traits qui se rapportent particulièrement à notre sujet[106].

En réalité, cette histoire se confond presque entièrement au début avec celle de la Compagnie de Saint-Christophe ou des Îles d’Amérique, qui jouit d’une autorité souveraine. Une première période va donc de 1626, date de sa création, à 1664, date de sa fin : c’est la période de fondation ou d’établissement, pendant laquelle les îles commencent à se peupler ; et c’est alors que domine encore la population blanche. Richelieu favorise ce mouvement d’expansion, sans pouvoir toutefois empêcher les Hollandais d’exporter une bonne partie des richesses que produisaient déjà les Antilles. — La seconde période, de 1664 à la mort de Colbert, ou plutôt à la promulgation du Code Noir (1685), préparé par lui, est marquée à la fois par le développement méthodique de l’esclavage et par les progrès de notre commerce avec les îles, dus à ceux de notre marine. — Une troisième période, jusqu’à la fin du règne de Louis XIV, atteste un véritable déclin : la marine n’est déjà plus ce que Colbert l’avait faite ; les mers ne sont plus aussi sûres pour nos navires ; nous nous laissons enlever Saint-Christophe, et la première brèche à notre puissance coloniale et maritime est faite par le traité d’Utrecht. À la mort du grand roi, nos colonies se trouvent « fatalement peuplées de 250.000 esclaves. L’esclavage sanctionné, consacré, imposé par le gouvernement, devient un principe… ; et cependant, jugé par l’opinion, l’esclavage doit s’effacer en présence des idées nouvelles[107]. »

Une quatrième période embrasse tout le cours du xviiie siècle, jusqu’à la Révolution. Il est à remarquer que c’est pendant ce siècle, qui allait donner naissance aux premières idées d’émancipation, que l’esclavage a pris la plus grande extension. Le système de Law produisit un revirement favorable aux colonies françaises. Profitant des mesures libérales dont il s’inspire, le commerce extérieur avec nos possessions lointaines prend un accroissement inconnu jusqu’alors. Aussi rien n’égale la prospérité matérielle des Antilles à partir de cette époque jusque vers la fin du siècle[108] ; et cela, malgré la politique continentale si étroite de vues et si funeste de Louis XV, malgré les attaques incessantes dont les Anglais nous harcèlent sur mer, malgré tous les désastres de la guerre de Sept Ans. Mais c’est une prospérité toute factice, précisément en ce sens qu’elle dépend du système anormal de l’esclavage et du développement outré des produits d’exportation. Par là elle est exposée aux plus redoutables crises. Nous ne parlons pas pour le moment des conséquences morales de l’esclavage. Il est indispensable de voir d’abord son fonctionnement. C’est au xviiie siècle que nous serons porté à l’étudier plus spécialement ; car on peut en noter alors tous les traits caractéristiques, le saisir en quelque sorte dans son plein épanouissement. C’est alors également qu’il est le plus facile de constater les effets qu’il a produits, avantageux évidemment par quelques côtés, mais détestables par tant d’autres, si bien que le mal l’a de beaucoup emporté, d’après nous, sur le bien, et que nous entendons prononcer, même au point de vue de l’utile, sa condamnation.


  1. Voir à ce sujet : Éd. Biot, L’abolition de l’esclavage ancien en Occident. — J. Yanoski, De l’abolition de l’esclavage ancien au Moyen Âge, etc.
  2. Biot, op. cit., p. 419 : « Au xive siècle, la traite des esclaves se continuait dans toute l’Espagne ; des maisons espagnoles faisaient métier d’enlever des chrétiens et de les vendre aux Maures. » — P. 420 : « Au xve siècle, les Espagnols faisaient la traite des Maures, des nègres, des habitants des Canaries et autres. » — P. 423 : « Les édits du xviie siècle nous montrent encore des esclaves chrétiens en Espagne. » — Sismondi, Histoire des républiques italiennes, édition de 1810, VI, 170, rapporte que, Sforza ayant pris Plaisance en 1447, les soldats eurent la permission « de réduire en esclavage 10.000 citoyens et de les vendre au plus offrant ». — En Roussillon, l’esclavage persista jusqu’au xviie siècle. Cf. Aug. Brutails, Étude sur l’esclavage en Roussillon. L’auteur prouve qu’il y avait des esclaves blancs et même des noirs, qui venaient d’un peu partout ; nombreux exemples cités en note, pp. 7 et 8. — Cf. aussi A. Tourmagne, Histoire de l’esclavage ancien et moderne, p. 288, 289, au sujet du commerce d’esclaves dans les villes italiennes. — Dans un article de la Revue Britannique de décembre 1835 (De l’esclavage chez les peuples anciens et modernes), il est dit, p. 217 : « Le commerce vénitien ramena en Europe l’habitude des esclaves noirs que les Asiatiques préfèrent à tous les autres et pour lesquels les Romains eux-mêmes avaient une grande prédilection. Chez les peuples les plus catholiques et les plus méridionaux de la chrétienté, l’opinion s’établit généralement que tout païen méritait d’être esclave. Les guerres des croisades ne firent qu’augmenter ce préjugé. » — Nous pourrions ajouter que les chrétiens n’ont fait qu’user de réciprocité à l’égard des musulmans, puisque Mahomet avait fait de l’esclavage une institution fondamentale de l’islamisme.
  3. Azurara, qui nous a laissé le plus ancien récit des expéditions dirigées sur les côtes occidentales d’Afrique, fixe à l’année 1444 les commencements de la traite africaine. Voir Chronica do descobrimento e conquista de Guiné, etc. ; — et Ferdinand Denis, Chroniques chevaleresques de l’Espagne et du Portugal. Paris. 1839, 2vol. in-8. II. 49 : Fragment de la chronique d’Azurara intitulé : « Le premier jour de la traite à Lagos [8 août 1444]. » — D’après De Humboldt, Examen critique de l’histoire de la géographie du Nouveau Continent, etc. vol. in-8. III, 305 : « Ortiz de Zuniga, Annales de Sevilla*, lib. XII, n° 10, a prouvé que des noirs avaient déjà été amenés à Séville sous le règne du roi Henri III de Castille. par conséquent avant 1406. » Mais ce ne serait là qu’un fait exceptionnel.

    * Le titre complet est:Annales eclesiaticos y seculares de la muy noble y muy leal ciudad de Sevilla. Madrid, 1677, in-4o. Cf. p. 365.

  4. Cf. J.-A. Llorente, Œuvres complètes de Las Casas, I, 268, et surtout l’Appendice placé à la fin du second volume. — De Humboldt, op. cit., III, 305, note où est discuté le problème avec textes à l’appui. — Voir aussi Grégoire, Apologie de Las Casas, dans Mémoires de l’Institut, Sciences morales et politiques, t. IV, 1re série. — Antonio de Herrera, Descripcion de las Indias Occidentales, déc. I, lib. IX, cap. v, p. 235, rapporte une ordonnance du gouvernement espagnol, de 1511, par laquelle la Cour ordonne que l’on cherche les moyens de transporter aux îles un grand nombre de nègres de Guinée, attendu qu’un nègre fait plus de travail que quatre Indiens, « porque era mas util el trabajo de un negro que de quatro Indios ».
  5. Premier voyage d’Hawkins pour la traite sur les côtes d’Afrique en 1563. Lecointe-Marsillac, Le More-Lack, etc., p. 148.
  6. Cf. P. Charlevoix, Histoire de l'Isle Espagnole ou de Saint-Domingue, III, 2, 3. — Dessalles (Adrien), Histoire générale des Antilles, I, 66.
  7. Duval (Jules), Les Colonies, etc., p. 125.
  8. Du Tertre, Histoire générale des Antilles habitées par les Français, I, 3.
  9. Cf. Margry, Origines transatlantiques. Comme l’auteur l’indique, p. 12, Belain signe d’Esnambuc et non d’Enambuc, nom sous lequel le désignent bien des historiens.
  10. Ibid., p. 68. C’est ce même Levasseur qui s’installa dans la suite à l’île de la Tortue.
  11. Ib., Appendix VI, p. 99. Contrat pour l’établissement des Français à l’île Saint-Christophe, 31 octobre 1626. Cette pièce est tirée des Archives du Ministère des Affaires Étrangères ; Amérique, Mém. et Doc, t. IV, pp. 69 à 72. C’est une collation faite, le 27 décembre 1719, par les Conseillers du roi, notaires au Châtelet, sur la minute originale demeurée en la possession de l’un d’eux.
  12. Op. cit., I, 4.
  13. Cf. Caillet, L’Administration en France sous le Ministère du Cardinal de Richelieu, II, p. 104 et suiv.
  14. Moreau de Saint-Méry, Loix et Constitutions, etc., I, 20.
  15. Le nom du Pérou ne désignait pas alors seulement une partie occidentale de l’Amérique du Sud. On appelait Péroutiers ceux qui fréquentaient les mers voisines du Mexique. Des cartes du xvie siècle désignent les Antilles sous le nom d’îles du Pérou. Margry, op. cit., pp. 22 et 25 (note).
  16. Voir Arch. du Min. des Aff. Étrangères, volume cité, pp. 65-67, l’Acte d’association des seigneurs de la Compagnie des îles de l’Amérique, 31 octobre 1626.
  17. Archives coloniales, F2, 19, fol. 6 : Texte original reproduit dans Moreau de Saint-Méry, I, 29.
  18. Margry, op. cit., p. 28, dit : fin janvier ; mais c’est une erreur manifeste ; il suffit, pour s’en convaincre, de lire le Contrat qu’il a reproduit lui-même en appendice. — Les dates que nous donnons sont, d’ailleurs, non seulement indiquées par Du Tertre, mais encore dans un article du Mercure français de janvier 1761, intitulé : Histoire de l’établissement des Français dans les Antilles, p. 32.
  19. Du Tertre, I, 19. Le texte de cette convention existe en double exemplaire aux Arch. col., dans le Carton F2, 15. La pièce qui le reproduit est intitulée : Traité par lequel les sieurs Waërnard., Lieutenant général pour le roi d’Angleterre à Saint-Christophe, et De la Grange, lieutenant général pour le roi de France, ont promis garder et observer les articles et accords convenus ci-devant avec ledit Sr Waërnard et les Srs" de Nambuc et du Rossey ; elle est du 12 août 1638. Il est curieux de constater qu’un des deux exemplaires porte le texte tel que nous l’avons cité d’après Du Tertre, puis une rature mettant le pluriel et complétant la négation : « qui ne leur appartiendront pas. »
  20. Bibliothèque Nationale, Mss. Fr. 4089, Discours de marine et de commerce, p. 29.
  21. Histoire du commerce de la France, II, 441.
  22. Ibid.
  23. Du Tertre, I, 59. À la page 130, il rapporte une autre prise de nègres qui furent distribués « à un chacun suivant la coutume ».
  24. Du Tertre, I, 61.
  25. Id., Ibid., 63-64.
  26. Arch. Col., F, 247, p. 3. Commission de gouverneurs de la Guadeloupe, Martinique et Dominique pour les sieurs Lolive et Duplessis. « … Par contrat qu’avez fait avec ladite Compagnie le 14 de ce mois, vous ayant été accordé que vous auriez le gouvernement et direction de tous ceux qui s’habitueront dans l’une des trois îles de la Guadeloupe, Martinique ou Dominique, en laquelle vous pourriez plus facilement vous établir, etc. » La pièce est du 27 février 1635.
  27. I, 65.
  28. Cf. Arch. Col., F, 52, pour sa Commission de gouverneur renouvelée.
  29. Du Tertre indique juillet ; c’est une erreur. Margry, op. cit., p. 54, cite une lettre de d’Esnambuc à Richelieu, parlant du 1er septembre ; cette lettre est aux Archives du Ministère des Affaires Étrangères ; il y a aussi un acte de prise de possession, du 15 septembre 1635. C’est la date que nous avons relevée sur une copie conservée aux Arch. Col., F, 247, p. 13 et 14, et ce doit être la vraie : « Nous, etc… Cejourd’huy, 15e de septembre 1635, je suis arrivé en l’île de la Martinique par la grâce de Dieu, accompagné d’honorable homme Jean Dupont, lieutenant de la Compagnie colonelle en ladite île Saint-Christophe, etc. »
  30. Arch. Col., Carton F2, 15. Mémoire envoyé aux seigneurs de la Compagnie des Îles de l’Amérique, daté de Saint-Christophe le 15 novembre 1640, non signé : « J’eus l’invention de lui faire acheter une barque et s’en aller avec le vent ; il s’établit en une petite île et proche Sainto Dominigo nommé le Port Margot et pour nous le refuge. De là il a si bien fait qu’il s’est rendu maître de la Tortue. » — Cf. Charlevoix, III, 7 et suiv., qui rappelle une première prise de cette île par les flibustiers dès 1637.
  31. Cf. A. Dessalles, op. cit., III, 80.
  32. Cayenne fut toujours considérée comme faisant partie des Antilles. « Sous le nom des Îles françaises du Vent sont comprises la Martinique… et Cayenne, d’où dépend la Guyane de la terre ferme. » Arch. Col., F, 70. Instructions du ministre à l’Intendant Hurson, 30 avril 1750. — Cayenne et les côtes voisines avaient été reconnues dès 1604 par La Ravardière, et pendant quarante ans des Normands y avaient conduit un grand nombre d’expéditions restées sans résultat.
  33. D’Esnambuc en avait cependant pris possession le 17 novembre 1635. Cf. Margry, op. cit., p. 56. — Pour les détails sur tous ces faits, consulter A. Dessalles, t. I, ch. x, xi et xvi et t. III, passim.
  34. Voir Œxmelin, Histoire des aventuriers flibustiers, etc. ; — d’Archenholtz, Histoire des flibustiers, traduite par Bourgoing ; — James Burney, History of the Buccaneers of America. London, 1816, in-4o. — : H. Lorin, De prœdonibus insulam Sancti Dominici celebrantibus sœculo septimo decimo. Parisiis. 1895, in-8o.
  35. Sur ce personnage si curieux, cf. Charlevoix, III, 7 à 48, et 73 et suiv.
  36. Moreau de Saint-Méry, op. cit., I, 51.
  37. P. Leroy-Beaulieu, op. cit., 159. Voir aussi J. Duval, op. cit., 142.
  38. C’est ce que dit Du Tertre, II, 471 : Pas de différence entre noble et roturier ; les officiers seuls tiennent rang ; autrement, les richesses créent la seule distinction. — Un arrêté du Conseil supérieur du Cap, du 21 février 1754, ordonne l’enregistrement des titres de noblesse de la famille Mol de Kjean, après la lettre d’attache du Ministre. Ce sont les premiers titres de noblesse qui aient été enregistrés. Moreau de Saint-Méry, IV, 139.
  39. P. Leroy-Beaulieu, loc. cit.
  40. Mais la constitution de la propriété resta toute féodale aux Antilles.
  41. Cf. Ordonnance du roi, du 14 janvier 1721. Moreau de Saint-Méry, II, 711. Ceux-là étaient engagés pour cinq ans, au lieu de trois.
  42. Instructions du roi à l’intendant Blondel de Jouvancourt, 4 janvier 1723. Arch. Col., F, 69. — Mêmes expressions dans un Mémoire du roi du 19 octobre 1721. Arch. Col., B, 44, p. 470.
  43. Moreau de Saint-Méry, I, 190. Cet arrêt contient d’intéressants détails sur la question ; mais il est trop long pour pouvoir être reproduit ici.
  44. Id., ibid., 207.
  45. Id., ibid., 434.
  46. « Sa Majesté étant informée que ce qui a le plus contribué à l’augmentation de la Colonie de la côte de Saint-Domingue est le grand nombre d’engagés qui y ont passé, dont plusieurs se sont rendus habitants dans la suite des temps et y ont même fait des habitations considérables, etc. »
  47. Moreau de Saint-Méry, I, 581. — Cf. Arch. Col., B, 21, p. 51, Lettre ministérielle du 12 mars 1698 à M. Robert, pour lui envoyer ladite ordonnance.
  48. Arch. Col, C8, 10. Mém. sur les engagés, 11 juillet 1698.
  49. Ord. du 8 avril 1699. Moreau de Saint-Méry, I, 628.
  50. Le commandeur était le gardien et le surveillant des nègres ; c’était généralement un noir.
  51. Moreau de Saint-Méry, II, 531.
  52. La cassave est le pain fait avec de la farine de manioc ; c’était alors la base de la nourriture aux Antilles.
  53. Moreau de Saint-Méry, I, 638. Ordonnance de l’intendant Robert, du 27 janvier 1700. — Un mémoire de Mesnier, commissaire de la Marine à la Martinique, du 5 novembre 1716, nous apprend que, malgré ces mesures, les maîtres profitent de la première maladie pour congédier un engagé, qui devient alors voleur ou mendiant. Arch. Col., C8, 21.
  54. D’après un arrêt du Conseil d’État, du 4 septembre 1684, probablement tombé déjà en désuétude, la peine était de 200 livres de sucre par jour, plus une amende de 4.000 livres de sucre pour le maître, et de 2.000 pour le commandeur, avec menace de punition corporelle pour la seconde fois. Arch Col., A, 24, p. 507.
  55. Moreau de Saint-Méry, I, 17.
  56. Boyer-Peyreleau, Les Antilles françaises, etc., I, 112.
  57. Cf. Du Tertre, II, 477. Il rapporte qu’il a connu un maître qui a enterré plus de 50 engagés « qu’il avait fait mourir à force de les faire travailler ». Œxmelin, op. cit., p. 105, 107, 108, 111, raconte les mauvais traitements qu’il a subis lui-même, ayant été vendu pendant un certain temps.
  58. Moreau de Saint-Méry, II, 711.
  59. Cf. liv. II, ch. v, au sujet des nègres marrons.
  60. Ordonnance de M. de Galliffet, commandant en chef par intérim, du 15 septembre 1700. Moreau de Saint-Méry, I, 649.
  61. Arrêt du Conseil du Cap, du 3 mai 1706. Moreau de Saint-Méry, II, 69.
  62. Histoire naturelle et morale des îles Antilles et de l’Amérique, p. 340.
  63. Charlevoix, III, 74.
  64. Duval, op. cit., p. 45.
  65. D’après un mémoire de M. de Pouancey, en 1682, il y avait à Saint-Domingue 7.848 habitants, dont plus de 4.000 Français capables de porter les armes. « Le soin que les habitants ont pris de faire passer à la côte grand nombre d’engagés est ce qui a le plus contribué à les peupler de Français. Si on y avait porté quantité de nègres, les habitants s’en seraient fournis et auraient négligé de faire venir de France des engagés qui leur coûtent beaucoup plus cher que les nègres. Ainsi la colonie serait demeurée faible et exposée aux insultes des Espagnols. » Il demande ensuite qu’il ne soit pas permis d’avoir plus de nègres que d’engagés. Arch. Col., F, 142. — Sur un état des vaisseaux arrivés à la Martinique pendant les six derniers mois de 1717, Arch. Col., C8, 25, il est mentionné, rien que pour cette période, 203 engagés. À 4 ou 500 par an, on aurait eu rapidement un nombre important de travailleurs. — Dans une table des ordres de passage, expédiés pour les colonies à la place d’engagés, en 1763, nous voyons qu’il y avait 1.284 places d’engagés ; mais ils ne sont remplacés que par 500 passagers. Arch. Col., B, 117.
  66. Moreau de Saint-Méry, II, 711. Ordonnance royale du 17 novembre 1706. — Arch. Col., B, 31, p. 66. Lettre ministérielle, du 16 mai 1708, aux juges consuls de Nantes.
  67. Moreau de Saint-Méry, III, 85.
  68. Id., ibid., 264.
  69. Id., ibid., 378. Lettres de M. le général au gouverneur du Cap, 20 et 28 octobre 1733.
  70. Moreau de Saint-Méry, V, 116.
  71. P. Leroy-Beaulieu. op. cit., p. 161.
  72. Moreau de Jonnès, Recherches statistiques sur l’esclavage colonial, etc., p. 236, 237.
  73. Arch. col., F, 21. Précis des observations sur la Guyane.
  74. De quelques essais de colonisation européenne sous les tropiques : Le Kourou ; la Mana ; le Guazacoalco ; Santo-Tomas de Guatemala (Revue Coloniale : janvier-août 1849, pp. 268-317).
  75. Ministère de la Marine et des Colonies. Commission instituée par décision royale du 26 mai 1840, etc. T. I, pp. 51 et 52.
  76. Commission coloniale, 1849-1851, p. 31 du Rapport.
  77. Ib., p. 6 et 7 de la note. Il dit, précisément à propos des anciens colons des Antilles : « Il n’y a aucun doute que cette population se fût développée sur ce sol, comme les Portugais à Madère et les Espagnols aux Canaries, et qu’elle eût colonisé les autres îles, la Martinique et la Guadeloupe, que nous commencions à occuper, si on n’avait imaginé d’aller chercher les nègres de l’Afrique. »
  78. Ib., p. 10.
  79. T. XI, 227. Histoire du travail libre aux colonies (Extrait de l’Avenir de la Pointe-à-Pitre).
  80. Mémoire présenté à la reine d’Espagne par D. Domingo de Goicouria à l’effet d’augmenter la population blanche et la production du sucre dans l’île de Cuba. Septembre 1846. Revue Coloniale de janvier et février 1849, C. 2e série, t. II, p. 45.
  81. Colonial Gazette du 10 novembre 1841 : Rapport fait à la Société d’Émancipation et d’Agriculture de la paroisse Saint-Georges de la Jamaïque.
  82. José Saco, De la suppression de la traite des esclaves africains dans l’île de Cuba (Revue Coloniale de mars 1845, t. V, p. 257).
  83. José Saco, op. cit., p. 258.
  84. P. Leroy-Beaulieu, op. cit., p. 264. Cf. aussi, p. 252 et 269. — Les témoignages recueillis par la Chambre des lords dans l’enquête de 1840 viennent également à l’appui de notre thèse. Voir Précis de l’abolition de l’esclavage dans les colonies anglaises, III, pp. 400, sqq, — Nous renvoyons encore à l’opinion de médecins, rapportée par Schœlcher, Colonies françaises, Abolition immédiate de l’esclavage, Introduction, pp. 31, 34, 35, 39, 45.
  85. Sur les Caraïbes, Cf. A. Dessalles, op. cit., I, p. 194, sqq.
  86. Gomara, Hist. générale des Indes occidentales, trad. fr., liv. V, p. 251, verso. Cf. Moreau de Jonnès, op. cit., p. 3. L’ordonnance ajoute : « Sinon que de leur bon gré, quittant leurs erreurs grossières et superstitions damnables, ils voulussent devenir chrétiens. »
  87. Llorente, op. cit., I, 245.
  88. Benzoni, Historia del mondo nuovo, liv. I, ch. xviii, p. 185-187 ; — ch. xvii, p. 176, de la trad. française, au sujet de la réduction des sauvages en esclavage.
  89. P. Leroy-Beaulieu, op. cit., 13.
  90. Du Tertre, I, 83.
  91. Id., II, 485
  92. Nouveau voyage aux isles de l’Amérique, II, 138.
  93. Id., ib., 139.
  94. Du Tertre, II, 483, sqq.
  95. Relation de l’établissement des Français depuis l’an 1635 en l’Isle de la Martinique, p. 52.
  96. Arch. Col., C8, 21.
  97. Cf. Arch. Col., B, 129, Guyane, p. 50. Lettre ministérielle du 24 août 1768 à MM. de Fiedmont et Maillard. Il s’agit de la réclamation par la dame Segrestan d’un Indien Portugais, son esclave, nommé Pachicour, affranchi en vertu des instructions du chevalier de Turgot, art. 41. Cet article « ne peut s’entendre des Indiens qui, étant nés esclaves dans un pays étranger, ont été amenés et vendus par leurs maîtres à Cayenne, les Indiens de cette espèce ne pouvant avoir plus de privilèges que les nègres amenés d’Afrique. En conséquence, Pachicour sera rendu à la dame Segrestan. Cependant, dans une autre lettre du 26 juillet 1769, B, 132, p. 32, le Ministre demande des renseignements, afin de pouvoir procurer la liberté à Pachicour, et il prescrit de le laisser libre provisoirement (c’est l’analyse, donnée à la table des matières, de la lettre qui est indiquée au folio 32 ; mais il manque dans le volume les pages 31 à 34).
  98. Cf. Arch. Col., B, 26, p. 21. Lettre du Ministre à M. le marquis de Ferolles, 24 juin 1705 : Au sujet d’Indiens des environs de Cayenne vendus comme esclaves, il ordonne de les renvoyer libres chez eux. — Arrêt du Conseil souverain de la Martinique, du 10 mars 1712, en faveur d’un Indien vendu comme esclave. Arch. Col., F, 251, p. 29. — Une ordonnance royale du 2 mars 1739 interdit la traite des Caraïbes et Indiens de nations contre lesquelles les Français ne sont point en guerre. Arch. Col., B, 68, Îles-du-Vent, p. 15.
  99. Cette disposition fut renouvelée par l’article XIII de l’édit de mars 1642. Cf. Moreau de Saint-Méry, I, 54. Voir encore article 35 de l’édit des 28 mai, 11 et 31 juillet 1664, relatif à l’établissement de la Compagnie des Indes Occidentales, et qui porte même « défense expresse de vendre aucuns habitants originaires du pays comme esclaves, ni même d’en faire trafic, sous peine de la vie ». Moreau de Saint-Méry, I, 100.
  100. Thibaut de Chanvalon, Voyage à la Martinique, p. 38. — Voir sur cette extermination générale des indigènes par les Européens une page saisissante de J. Duval, op. cit., préface, xvii.
  101. Arch. Col., F, 21. Mémoire du 31 mai 1787, p. 3.
  102. Id., ib.
  103. Rev. Col., janvier-août 1849, p. 310.
  104. Granier de Cassagnac, Voyage aux Antilles, II, 100-101 et 190.
  105. Wallon, Histoire de l’esclavage dans l’antiquité, introd., p. lxv.
  106. Pour l’ensemble de l’histoire des Antilles, voir surtout l’ouvrage de Dessalles.
  107. Dessalles, II, 412.
  108. Cf. P. Leroy-Beaulieu, op. cit., p. 167.