L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789/I/III

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CHAPITRE III

LE PAYS DE LA TRAITE


« Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre. » (Montesquieu, Esprit des lois, XV, v.)


I. — Principaux comptoirs de traite sur les côtes occidentales d’Afrique, d’après un Mémoire du roi de 1785 : Sénégal, côte de Sierra-Leone, côte d’Or, royaume de Juda, côte d’Angola. — Le pays des noirs. — Liste des rois nègres avec lesquels se faisait la traite.
II. — Le type nègre. — Principales variétés exportées aux Antilles et traits qui les caractérisent : Sénégalais, Ouolofs ; — Foules, Mandingues ; — Bambaras, Quiambas ; — nègres de la côte d’Or : Ibos et Mocos ; — Congos ; — nègres d’Angola : Mondongues, Foin ; — Mozambiques.
III. — L’esclavage en Afrique. — Prisonniers de guerre ; condamnés pour meurtre, vol, sorcellerie, adultère, liberté perdue au jeu. — Esclaves domestiques. — L’arbitraire des roitelets noirs. — Comment l’esclavage a été développé par les Européens.
IV. — Manière dont se faisait la traite. — Les courtiers. — Caravanes d’esclaves. — Les coutumes. — Divers intermédiaires. — Le troc. — Comptes de traite. — Objets d’échange. — Prix approximatifs des nègres. — Les nègres pièces d’Inde. — Opinions optimistes de négriers.


I

Après avoir exposé la suite d’efforts persévérants faits par le gouvernement royal afin de pourvoir les Antilles de nègres esclaves, il importe d’indiquer les lieux où les négriers se procuraient leur marchandise et de montrer comment s’opérait ce commerce.

Nous ne saurions faire ici l’historique des relations des Français avec les côtes occidentales d’Afrique ; nous tâcherons simplement de préciser les principaux points où se pratiqua la traite. Dans un volume manuscrit de la Collection Moreau de Saint-Méry[1], nous avons trouvé une pièce intitulée : Traite des noirs de 1365 à 1763. On y lit cette assertion étrange : « En 1365, des négociants de Rouen et de Dieppe imaginèrent de transporter des nègres de la côte d’Afrique à l’Amérique, et les deux villes de Rouen et de Dieppe firent ce commerce en société jusqu’en 1592. » Il va sans dire que nous nous garderons d’emprunter nos renseignements à l’auteur anonyme de cette relation fantastique. Il faut retenir seulement que ce sont bien les Dieppois et les Rouennais qui s’adonnèrent les premiers au commerce des noirs. Un mémoire daté de 1695[2] rapporte que des marchands de Dieppe n’avaient, aux environs de 1630, « qu’un fort dans une petite île qu’ils appelèrent l’île de Saint-Louis située à l’embouchure du Niger, nommée en cet endroit la rivière du Sénégal. Quelques marchands de Rouen acquirent d’eux cette habitation et ses dépendances et y continuèrent le commerce jusqu’en 1664. Au mois de mai 1664, la Compagnie des Indes-Occidentales ayant été établie, elle jugea à propos d’acquérir de ces marchands de Rouen le commerce d’Afrique, parce que les nègres lui étaient nécessaires pour faire valoir le domaine des îles. » Ce passage confirme ce que nous avons avancé au sujet de la traite française (p. 8). C’est au Sénégal qu’elle débuta ; puis, elle s’étendit successivement jusqu’au cap de Bonne-Espérance.

En même temps que les Français, s’étaient établis sur ces côtes les Anglais, les Portugais, les Hollandais et les Danois, dont les premiers surtout ne cessèrent de nous faire la plus redoutable concurrence. Presque constamment, durant la seconde moitié du xviie siècle et tout le xviiie, nous eûmes des différends avec eux à propos de délimitations de territoires mal déterminées.

Afin de pouvoir présenter une sorte de tableau d’ensemble de nos possessions et de nos opérations en Afrique, nous nous reporterons à une pièce officielle, qui contient un résumé assez net de la situation vers la fin de l’ancien régime ; il s’agit des instructions données par le roi à la date du 18 novembre 1785 au chevalier de Boufflers, qui venait d’être nommé gouverneur du Sénégal[3]. Mais il ne faut pas oublier qu’à ce moment la traite française est en pleine décadence. Aussi compléterons-nous les indications de ce document, en ayant soin d’ajouter les comptoirs que nous avions dû alors délaisser. Le Sénégal, y est-il dit, est « en quelque sorte le chef-lieu de tous les établissements français sur la côte d’Afrique, depuis la Méditerranée jusqu’au cap de Bonne-Espérance ». Cette côte se divise en trois parties :

I. — La première va du cap Blanc au cap Tagrin et comprend :

1° Le Sénégal ;

2° L’île de Gorée[4], avec les comptoirs de Rufisque, Portudal, Joal, Salum et d’Albréda à l’embouchure de la Gambie ;

3° La rivière de Casamance, les îles Bissagots[5], les îles des Idoles, ainsi que le continent situé vis-à-vis de la rivière de Sierra-Leone, avec le comptoir de l’île Gambie.

II. — La deuxième partie, entre le cap Tagrin et le cap Lopès-Consalvès, se subdivise ainsi :

1° Les côtes, depuis le cap Tagrin jusqu’à celui des Trois-Pointes ;

2° La côte d’Or, depuis le cap des Trois-Pointes jusqu’au cap Formose, où est situé le comptoir de Juda, au fond du golfe de Bénin ;

3° Les côtes depuis le cap Formose jusqu’au cap de Lopès-Gonsalvès.

III. — La troisième subdivision, depuis le cap de Lopès-Gonsalvès jusqu’au cap de Bonne-Espérance, embrasse :

1° La côte d’Engole, jusqu’à Mossula, au nord de Saint-Paul de Loanda ;

2° Les établissements portugais de Saint-Paul de Loanda et de Saint-Philipe de Benguela, jusqu’au cap Nègre ;

3° La côte depuis le cap Nègre jusqu’aux terres hollandaises du cap de Bonne-Espérance.

Telles étaient les divisions adoptées[6]. Après cet exposé sommaire, l’auteur du Mémoire entre dans plus de détails en reprenant chacune des trois parties.

I. — Il omet de mentionner Arguin et Portendic, ce qui s’explique par le fait que ces comptoirs, après avoir été assez importants pour la traite, étaient alors abandonnés. Le Sénégal, ainsi que l’île et le fort de Saint-Louis, Gorée et ses dépendances, venaient d’être rendus à la France par l’article 9 du traité du 3 septembre 1783, qui rétablissait ainsi nos anciens droits sur cette région. Il suffit de rappeler le nom d’André Brue[7], qui, à la fin du xviie siècle, y avait fait prédominer notre influence. Au siècle dernier, un administrateur général des possessions françaises à la côte occidentale d’Afrique[8] écrivait : « Le défaut d’archives à Corée nous met dans l’impossibilité de remonter jusqu’à l’origine de l’établissement des Français dans la rivière de Gambie… Mais, d’après la tradition orale, on y a connaissance d’un arrêt du Conseil d’État de 1686, qui déclare de bonne prise une caravelle portugaise saisie par un vaisseau de la Compagnie des Indes, à la sortie de la rivière de Gambie. » Ces prises furent même assez fréquentes vers cette époque[9], Dans un Mémoire destiné à servir d’Instructions au sieur Repentigny, gouverneur du Sénégal[10], il est dit « que l’île de Gorée n’a d’autre destination que de protéger la traite des noirs ». Le comptoir principal pour ce trafic était Albréda.

Les côtes, depuis le cap Sainte-Marie, qui forme la pointe de la rive gauche de la rivière de Gambie, ajoute la relation ministérielle, n’appartiennent exclusivement à aucune nation. Cependant les Français ont seuls le droit d’y faire le commerce et la traite, à l’exception des endroits dans lesquels les Portugais ont formé des établissements. En novembre 1784, le marquis de la Jaille a établi un fort dans l’île de Gambia, en vertu d’un traité qu’il conclut, le 14 janvier 1785, avec le roi Panaboué. Ce fort est destiné à recevoir les bâtiments français qui viennent faire la traite soit dans la rivière de Sierra-Leone, où les Anglais ont, de leur côté, le fort de Bense, soit aux îles des Idoles, où se trouve le roi de Coiposte, qui paraît attaché à la nation française.

IL — Les côtes, depuis le cap Tagrin jusqu’au cap des Trois-Pointes, sont ouvertes à la traite de toutes les nations. On y trouve le Grand-Paris et le Petit-Paris, le Grand-Dieppe et le Petit-Dieppe, « noms qui indiquent évidemment d’anciens établissements français abandonnés ». Les capitaines ne s’y arrêtent guère que pour essayer de commencer la traite en se rendant à la côte d’Or.

La côte d’Or est surtout occupée par des forts ou comptoirs anglais, hollandais et danois, jusqu’à la rivière de Volta[11]. Il avait été question d’établir un fort à Anamabou[12], mais les Français se sont laissé devancer par les Anglais. Ils conservent cependant leurs droits, et l’intention de Sa Majesté est de faire aussi des établissements pour favoriser la traite. Nous constatons, d’après un Relevé des chiffres de la traite française[13], fait en 1782, que les Français avaient une loge au Petit-Popo et un fort au Grand-Popo.

Le royaume de Juda est entre les rivières de Volta et de Formose. Les Français y ont leur comptoir, comme les Anglais et les Portugais. C’est un des points les plus importants pour la traite qui s’étend dans tous les lieux circonvoisins. À chaque instant, en effet, il est question de Juda dans la correspondance d’Afrique, et le Ministre écrit fréquemment à l’agent qui dirigeait le comptoir. Mais il aurait fallu, à ce moment, un autre poste à Portenove.

La rivière de Formose, lisons-nous encore dans le Mémoire de 1785, est peu connue jusqu’à présent ; la barre qui est à son embouchure oblige parfois les navires à attendre trois à quatre mois le moment favorable pour la franchir ; « alors l’insalubrité de l’air emporte souvent plus de la moitié des équipages et des cargaisons de noirs ». Le capitaine Landolphe, se trouvant dans cette position, fut secouru à la fin de 1783 par le roi d’Eher. Ayant lié amitié avec lui, celui-ci lui promit toutes facilités pour la traite et envoya même son fils en France, où Sa Majesté pourvut L sa dépense. À la suite de ces faits, le roi accorda au sieur Brillantois Marion, de Saint-Malo, le privilège exclusif de la traite de la rivière de Formose pour trois ans. Il devait établir, en dehors de la barre, un comptoir où mouilleraient les navires pour attendre les noirs, qui seraient transportés par des bâtiments légers, puis déposés dans les captiveries du comptoir.

« Après le cap Formose, on trouve le Vieux et le Nouveau-Malbao, où il se fait une traite abondante par les Français et les Anglais, sans aucun établissement. Il en est de même du reste des côtes et de la rivière de Gambia jusqu’au cap de Lopès-Gonsalvès, mais un goût particulier porte vers cette partie un nombre considérable de traiteurs anglais. »

III. — Au sud du cap Lopès sont les îles Loango, Congo, Langole, où les Français, les Anglais et les Hollandais ont le droit de faire la traite concurremment avec les Portugais. Les bâtiments s’établissent spécialement à Cabinde, à Malimbe et à Loango, au nord du Zaïre, et ils envoient de légères corvettes dans la rivière d’Ambris et à Mossula, au sud du Zaïre, pour y traiter. Ce sont les Français qui se portent en plus grand nombre dans ces parages.

Après Mossula, jusqu’au cap Nègre, on ne trouve que des établissements portugais, où les Français ne peuvent aborder. Au cap Nègre, les côtes deviennent de nouveau communes aux diverses nations jusqu’au cap de Bonne-Espérance.

Ainsi, on le voit, il y avait grande émulation entre les diverses nations occidentales de l’Europe pour venir chercher des noirs sur les côtes d’Afrique. Mais la traite française se faisait surtout au Sénégal, à Sierra-Leone, à la côte d’Or, dans le royaume de Juda, qui n’est autre que la région désignée sous le nom de côte des Esclaves dans la Guinée septentrionale, et, enfin, sur la côte d’Angola dans la Guinée méridionale.

Le tableau suivant, que nous avons trouvé aussi dans un volume des Archives coloniales[14], sous le titre de Division générale de l’Afrique, nous donne les différents noms des pays connus vers la fin du xviiie siècle comme habités par les noirs.

Pays des Noirs.
Nigritie
Gualala.
Au nord du Niger, de l’ouest à l’est.
Guenchoa.
Tombut.
Agades.
Cano.
Caffena.
Guangara.
Sur le bord méridional du Niger,
de l’ouest à l’est.
Melli.
Mandingua.
Gago.
Guber, Zegzeg.
Zanfara.
Pays
des
Jalofes, Cafangas.
Bijagos, Biafares.
À l’embouchure du Niger.
Guinée.
Côte de Malaguette.
Guinée
proprement
dite
Côte d’Ivoire.
Côte de Quaqua.
Côte d’Or.
De l’ouest à l’est.
Royaume de Benin.
Nubie.
Septentrionale.
Méridionale.


L’énumération est, on le voit, fort incomplète. Il est pourtant singulier de n’y voir figurer ni la côte d’Angola, très fréquentée alors par les Français eux-mêmes, ni celle de Mozambique. Plusieurs des noms indiqués désignent des tribus de l’intérieur, qui ne furent mises à contribution pour le recrutement de la traite qu’au fur et à mesure que la côte elle-même ne fournissait plus un nombre suffisant de sujets. Les dénominations variaient à l’infini, comme il est encore facile de s’en rendre compte par la liste suivante des différentes peuplades et rois nègres avec lesquels nous traitions seulement sur les côtes occidentales d’Afrique. Nous l’avons, tirée du même manuscrit des Archives coloniales[15].

Le roi d’Hamel.
    ―    de Wal.
Roi des Yolofs.
Rivière du Sénégal.
Almamy 
Roi des Poules.
Le roi de Bambouc.
    ―    de Saracolès.
Le roi de Joal et Portudal.
Barbesin, roi de Sin ou Bursin.
Sanéné, roi de Salum
Le roi de Barre.
    ―     de Badidou,
    ―     des Pheloupes.
Côte de Mandingo
à rivière de
Gambie.
Le roi de Banan.
    ―     de Chebra.
    ―     de Milomba.
    ―     de Seherbro.
Côte
de Sierra-Leone.
Le roi de Popo.
    ―     des Dahomet.
    ―     des Mahy.
    ―     des Foyda.
    ―     des Fous.
    ―     des Haoussas.
    ―     d’Épée.
    ―     Déhardra(sic)
    ―     des Nagos.
    ―     de Badagry.
    ―     d’Aunis.
    ―     de Guibo.
Côte d’Or
et
royaume d’Arada.
Le roi d’Ouair, au Bénin.
Bas
de la côte d’Or.
Le roi de Bandi, au Kalabar.
Le roi de Mayombe.
    ―     de Louango.
    ―     de Malimbe.
    ―     de Cabinde.
    ―     d’Ambris.
Côte d’Engolle
ou royaume de
Congo
et de Cacongo



II

Les noms de tous ces roitelets nous indiquent combien étaient nombreuses les tribus des noirs. Sans vouloir entrer dans des détails ethnographiques qui dépasseraient les limites de notre sujet, il ne nous paraît cependant pas inutile de distinguer les principales variétés qui furent exportées aux Antilles, car elles différaient non seulement par l’aspect physique, mais, ce qui est plus important à savoir pour notre étude, par les traits du caractère.

« Le type nègre par excellence est sans contredit le type guinéen[16]. » Il est, comme on le sait, représenté par un prognathisme accentué, les yeux à fleur de tête, le nez écrasé, les lèvres épaisses, les dents très blanches, les cheveux courts, laineux et crépus, un système pileux d’ailleurs peu développé, une taille presque toujours au-dessus de la moyenne, la peau huileuse et sentant fort. La force musculaire du nègre et sa résistance à la fatigue sont des plus grandes.

Moralement, c’est « un grand enfant, tout à l’impression du moment et absolument esclave de ses passions. Aussi les contradictions les plus surprenantes se manifestent dans sa conduite. Il est léger, inconsistant, gai, rieur, amoureux du plaisir avec emportement, fou de danse, de tapage, de parure bizarre et éclatante[17]. » Une indolence naturelle sans égale, dont la force et la cruauté ont seules triomphé pour lui faire produire un labeur prodigieux, une sensualité débordante, une tendance invincible au larcin, un manque absolu de prévoyance, une superstition sans bornes, favorisée par une intelligence médiocre, incapable de s’élever à la moindre conception abstraite, une timidité d’esprit facilement en proie à des terreurs imaginaires, malgré le courage incroyable dont ils font preuve en face du danger réel, telles paraissent être les causes du peu de progrès que les nègres ont jamais accomplis et la raison pour laquelle ils se sont si aisément laissé réduire en esclavage. Ils sont très attachés à la terre natale et professent pour l’inconnu la crainte généralement commune aux ignorants ; c’est ce qui explique, sans parler de la brutalité dont ils furent victimes, le désespoir de la plupart d’entre eux, dès qu’ils étaient transportés au loin.

Ces traits généraux, nous les retrouverons plus ou moins persistants, plus ou moins modifiés par l’habitude et une certaine éducation chez les esclaves des Antilles. Ils serviront à nous faire comprendre, sans l’excuser, hâtons-nous de le dire, le régime auquel ils furent soumis.

On peut relever chez eux un certain nombre de traits particuliers, suivant l’origine de chacun. Ils ont été décrits principalement par un observateur qui les a étudiés aux colonies pendant longtemps, Moreau de Saint-Méry. Pour sa description de la partie française de l’île de Saint-Domingue[18], il avait recueilli plusieurs volumes de notes manuscrites conservées encore aux Archives coloniales ; elles attestent qu’indépendamment de ses remarques personnelles il a mis à profit les renseignements épars dans les divers voyageurs et auteurs qui l’ont précédé. Il est facile notamment de se rendre compte qu’il s’est beaucoup servi de la relation, d’ailleurs très exacte, de l’abbé Demanet, aumônier à Gorée, intitulée : Nouvelle histoire de l’Afrique française. À notre tour, nous lui ferons plus d’un emprunt, tout en ayant soin de contrôler ses affirmations par d’autres témoignages.

Les Sénégalais et leurs voisins, les Yoloffes, ou plutôt les Ouolofs[19], assez semblables entre eux, sont « grands et bien faits, élancés, d’un noir d’ébène[20] » ; mais ils ont le nez moins épaté et les cheveux moins crépus que la plupart des autres nègres[21]. Ils sont « plus aguerris, plus belliqueux et beaucoup plus difficiles à contenir que tous les autres[22] », excellents, du reste, pour le travail quand on parvient à les discipliner. On sait qu’aujourd’hui encore ils sont renommés pour le courage dont ils font preuve au Sénégal sous la conduite de nos officiers. Aux Antilles, on appelait Calvaires les nègres du cap Vert, dont le pays touchait à celui des Yoloffes.

Les Foules[23], que Muugo Park appelle Foulahs, et qui ne sont autres que les Peuls, étaient vulgairement désignés sous le nom de Poules ou Poulards ; ils confinaient aux Sénégalais depuis la rivière du Sénégal jusqu’aux montagnes du Mandharah. Ils étaient de couleur rougeâtre, ce qui leur a valu de la part des voyageurs la dénomination de Peuls rouges. Un administrateur qui les avait vus de près[24] rapporte qu’ils ont les cheveux lisses et les traits européens, et que leurs femmes « sont d’une beauté qu’on ne retrouve nulle part. Les formes et les tailles des plus belles statues grecques sont communes, on pourrait dire générales, chez les femmes Foules[25]. » Il ajoute qu’elles sont « coquettes et galantes », les hommes « guerriers, industrieux, spirituels et fins », et que ni les uns ni les autres « ne se façonnent jamais à l’esclavage comme les autres nègres », auxquels ils sont très supérieurs.

Au sud des Ouolofs étaient les Mandingues, de haute taille, d’un noir brun bien différent du noir d’ébène du Ouolof et du noir bronzé du Toucouleur. Suivant Golberry[26], ils sont « instruits (?), souples et fins, et négociants aussi habiles qu’infatigables. Leur couleur est d’un noir mêlé de jaune ; leurs traits sont réguliers, leur caractère est généreux et franc ; ils sont hospitaliers ; leurs femmes sont jolies et aimables. Ils professent avec zèle la religion de Mahomet, et cependant ils ont conservé beaucoup de pratiques du fétichisme et beaucoup d’usages superstitieux. Les traits des Foulahs et des Mandingues paraissent avoir plus de rapport avec ceux des noirs de l’Inde qu’avec ceux des nègres de l’Afrique. » Les Mandingues auraient été, d’après Bruce[27], « les meilleurs nègres d’Afrique pour le travail ; robustes, dociles, fidèles, ils ne sont pas sujets, comme la plupart des nègres de Guinée, à se désespérer de leur condition jusqu’à vouloir s’en débarrasser par la mort ou par la fuite ». Mais ils étaient renommés pour leur penchant au vol[28].

Les Bambaras, à l’est des Foules, dépassaient encore tous les autres par leur taille élevée ; ils n’étaient pas d’un beau noir. Golberry les trouve « stupides, superstitieux, robustes, fatalistes au delà de toute idée, paresseux, mais gais et d’un caractère très doux ; leur langage est rude et sauvage[29]. » Ils portaient aux îles le sobriquet de « voleurs de dindes et voleurs de moutons », dont ils étaient très friands[30].

À côté d’eux étaient les Quiambas, non moins grands, mais moins gauches ; ils se marquaient de trois longues raies de chaque côté du visage.

Les nègres de la côte d’Or étaient les plus aptes à la culture ; mais leur caractère altier et vindicatif les rendait difficiles à manier. Citons, parmi eux, les Ibos[31] ; « le chagrin ou le mécontentement le plus léger les porte au suicide[32] ». C’était évidemment une des considérations dont les acheteurs devaient tenir compte, quand ils en avaient fait l’expérience.

À l’intérieur de la côte étaient les Mocos, pauvre espèce, aux yeux bilieux, à la peau devenue jaunâtre, très peu recherchés.

Les Congos ou Francs-Congos, du cap Lopez au cap Nègre, « doux et peu intelligents[33] », étaient les plus communs et les plus estimés à Saint-Domingue. Les traits caractéristiques de la race noire n’étaient pas très marqués chez eux ; ils étaient plutôt de visage agréable et de caractère essentiellement gai. On trouvait en eux de bons domestiques, d’habiles ouvriers et des pêcheurs particulièrement adroits.

À Saint-Christophe, à la Martinique et à la Guadeloupe, on prisait surtout les noirs d’Angola, robustes et adroits ; mais, nous dit Du Tertre, « ils sentent si fort le bouquin que l’air des lieux où ils ont marché en est infecté plus d’un quart d’heure après[34] ».

Les plus mauvais étaient les Mondongues, qui avaient des habitudes de cannibalisme et sciaient leurs dents incisives en canines aiguës.

Il y avait aussi les Foin. D’après ce que rapporte un voyageur[35], ils « sont sujets à s’étouffer, à manger de la terre pour se faire mourir. Ils se chagrinent aisément, ce que les Levantains appellent « prendre fantaisie ». Dès que le chagrin s’empare de l’esprit des nègres, ils s’asseoient par terre, les coudes sur les genoux et la tête entre leurs mains, et en trois ou quatre jours ils meurent, supposé même qu’ils ne prennent pas le parti de se renverser l’extrémité de la langue dans la trachée-artère et de s’étouffer. »

Nous pourrions citer encore les Mayombés, les Mombequi, les Quioanqué[36], etc., ou bien les Quiloi, les Quiriam, les Montfiat, originaires de la côte de Mozambique. Ces derniers n’étaient pas très noirs ; assez grands, ils se montraient moins résistants que ceux de la côte occidentale, et ils étaient sujets aux affections de poitrine ; on appréciait, d’ailleurs, leur douceur et leur intelligence. Mais on ne commença à en importer quelques-uns à Saint-Domingue que vers 1780. Ils ne compteront donc que peu parmi ceux dont nous aurons à nous occuper. Nous croyons en somme avoir relevé toutes les variétés qui présentent des caractères réellement distinctifs.


III

Tels sont donc ces malheureux que la cupidité des Européens va exploiter comme des bêtes de somme. Un des arguments que l’on a fait valoir souvent pour excuser la traite, c’est que les noirs qu’on exportait d’Afrique avaient déjà été réduits en esclavage dans leur pays et que, dans nos colonies, leur sort était certainement devenu moins misérable qu’il n’aurait continué de l’être chez eux. D’abord cette affirmation resterait à démontrer ; et, en la tenant pour vraie, quel singulier motif à invoquer par des civilisés pour légitimer leur crime de lèse-humanité ! Il y a longtemps, du reste, que personne ne discute plus la question de principe. Sans doute, l’esclavage existait en Afrique, et il existe encore. Mais qui ne sait combien les Européens ont contribué à le développer ? Et, s’ils ont aujourd’hui réussi à l’extirper de ces côtes occidentales, où ils lui avaient donné une telle extension, leurs efforts restent bien impuissants dans le centre et dans l’est du continent noir.

L’origine de l’esclavage en Afrique paraît être fort ancienne[37]. Il se recrutait comme partout, au début, par des prisonniers de guerre ou des condamnés. L’ennemi qu’on ne tuait pas était gardé comme captif et servait d’ailleurs, à l’occasion, de victime dans les sacrifices, ou même, chez certaines tribus, dans des repas humains. Ceux qui étaient condamnés à l’esclavage pouvaient l’être soit pour meurtre, soit pour vol, soit pour sorcellerie, soit pour adultère, soit pour dettes[38]. La plupart du temps, il n’y avait qu’un semblant de légalité. Ainsi nous lisons cette déclaration dans l’interrogatoire de l’écuyer Jean Fontaine, appelé à déposer devant la Chambre des Communes en Angleterre : « Je sais qu’on a vendu des hommes comme esclaves pour avoir volé un épi de blé[39] ». L’administrateur Le Brasseur écrit[40] : « Un nègre simplement accusé d’être sorcier est sur-le-champ vendu aux Européens, et il n’est pas d’exemple qu’en ce pays, où la polygamie est en usage, l’adultère ait jamais été pardonné. » Ce témoignage est confirmé par Isert[41]. Les nègres condamnés solennellement comme coupables du crime de sorcellerie sont « ordinairement étranglés et ensuite brûlés[42] ». Ce sont leurs complices que l’on vend et souvent aussi leur famille. « J’ai acheté une fois, dépose l’écuyer Bernard Weuves, une famille entière composée de 9 personnes. Un membre de la famille avait été accusé de sorcellerie, et tout le reste me fut vendu[43]. » Les noirs avaient, en effet, une telle frayeur des sorciers qu’il leur fallait absolument s’en débarrasser ; nous constaterons quel rôle jouaient les maléfices parmi les esclaves aux Antilles. Pour cette imputation de sorcellerie, il se pratiquait aussi une sorte d’épreuve ou d’ordalie, depuis la rivière de Sierra-Leone jusqu’aux extrémités les plus reculées de la côte d’Or. L’accusé était d’abord astreint à un jeûne de vingt-quatre heures ; puis, on lui faisait avaler l’eau rouge. « C’est un breuvage fait avec l’écorce de l’arbre appelé Adoom, infusée dans de l’eau et qui forme une espèce de poison[44]. » S’il se manifestait quelques symptômes d’empoisonnement, il était déclaré coupable et vendu, après qu’on lui avait administré de l’huile de palme comme contre-poison. Notons que cette huile prise avant empêchait les effets de l’eau rouge.

Weuves témoigne que les nègres perdent souvent leur liberté en la jouant entre eux, comme faisaient les Germains[45]. Ils jouent ordinairement aux cauris. Un des deux jette en l’air trois de ces coquillages et, s’ils retombent de manière à présenter tous les trois le côté ouvert, celui qui les a lancés a gagné. « Ils ont une telle fureur pour ce jeu qu’il y a des exemples qu’un nègre, après avoir perdu tout ce qu’il possède, a mis en jeu sa propre personne et que le gagnant a vendu incontinent son camarade au marchand d’esclaves[46]. » Mais, dans ce cas, s’il se présente des amis qui avancent le prix de ceux qui ont perdu leur liberté, ils ont généralement la faculté de se racheter. Ceux-là, d’ailleurs, ne sont pas exportés. Il en était de même en principe des domestiques esclaves. Jamais leurs maîtres ne devaient les vendre. « Un esclave étant possédé par droit héréditaire ne peut pas être vendu par son maître sans un jugement formel pour quelque crime[47]. » Les juges qui condamnent à l’esclavage sont les grands du pays, les Pynimes : le jugement a lieu dans une maison palaver (palabre) ou cour ouverte de justice, ou bien, à défaut, sous un arbre. Mais il n’était pas rare que la nécessité ou l’arbitraire des rois, fissent outrepasser ces prétendues lois. Par exemple, on vit la famine réduire des peuplades à vendre leurs esclaves ordinaires et même une partie de leurs membres[48]. Des Marchais[49] rapporte que le roi de Juda vend ses femmes aux Européens sans autre règle que son caprice. Ainsi, en 1693, il en vendit 3 ou 400. Moreau de Saint-Méry cite un cas original pour lequel on vend les femmes comme esclaves au Dahomey : si une femme, se rendant à l’endroit où l’on détient les captifs, chez Dada, roi des Dahomets, est surprise dans le trajet, soit à l’aller, soit au retour, par l’écoulement menstruel, elle doit le déclarer au roi, et alors elle a la tête tranchée, ou bien elle est vendue comme esclave[50].

Clarkson[51] nous montre, d’après des témoignages authentiques, que le roi de Dahomey vend, quand il lui plaît, les habitants d’un de ses villages. Après avoir indiqué les cas ordinaires pour lesquels les nègres peuvent être vendus comme esclaves, il ajoute que, depuis la traite, on a inventé de nouveaux délits. C’est ainsi que certains rois entretiennent un grand nombre de concubines, les contraignent « de sortir et de chercher à séduire les jeunes gens qui, quand ils cèdent, sont dénoncés par la femme elle-même et deviennent alors esclaves du prince qui en fait sa propriété[52] ». Au rapport d’un négrier, qui fit le commerce d’esclaves pendant dix-huit ans[53], « les princes-nés exercent sur tout homme qui n’est pas leur égal le droit arbitraire de se saisir de sa personne et de le conduire en captivité. Ce droit, s’appelle en français de traite, poigner, et l’on nomme poignage l’action de saisir le nègre que l’on vend. » Barbot raconte[54] que, « sous le plus léger prétexte, sans égard pour le rang ni pour la profession, un roi fait vendre à son gré ses sujets ». Et il cite l’exemple d’un marabout vendu par l’alcade de Rufisque, sur ordre du damel, aux Français de Gorée. Les chances de la guerre firent également qu’il y eut aux Antilles des esclaves « qui étaient de grande qualité dans leur pays ». Du Tertre nous parle en effet[55] de la première négresse que les Dominicains achetèrent à la Guadeloupe et « qui avait un port de reine ; tous ses compagnons d’esclavage lui rendaient hommage ».

Ces chances de la guerre et les caprices des princes étaient, malgré tout, des cas exceptionnels. Pour l’ordinaire, les maîtres n’avaient qu’un moyen légal de disposer d’un homme né dans l’état de servitude : c’était de le donner en paiement d’une amende. C’est pourquoi, dès lors que les Européens furent venus en Afrique pour y acheter des esclaves, il arriva que les propriétaires cherchèrent à éluder la loi ou plutôt la coutume en se faisant des querelles concertées d’avance « pour être condamnés tour à tour l’un envers l’autre à des amendes[56] », ce qui leur donnait la libre disposition de leurs esclaves-nés. De plus, les roitelets noirs multiplièrent les occasions de guerre pour se procurer de ce vivant butin d’exportation. C’est aussi grâce aux Européens que furent organisées ces razzias faites par les chefs sur leur propre territoire. « On jette les enfants dans des sacs ; on met un bâillon aux hommes et aux femmes pour étouffer leurs cris. Si les ravisseurs sont arrêtés par une force supérieure, ils sont conduits au souverain qui désavoue toujours la commission qu’il a donnée et qui, sous prétexte de rendre la justice, vend sur-le-champ ses agents aux vaisseaux avec lesquels il a traité[57]. »



IV

Voici comment s’opérait le négoce :

Dans certains cas, « la traite se fait sans descendre à terre, sur les navires, dans les rivières nombreuses qui se jettent dans la mer[58] », en parliculier au Sénégal. C’est plus sûr, en cas de contestation avec les vendeurs. Mais, la plupart du temps, force est de séjourner à la côte pour attendre les arrivées d’esclaves qui, de courtier en courtier, sont parfois amenés des contrées les plus éloignées de l’intérieur. Ces courtiers étaient, en général, des naturels du pays ; il y en avait qui élevaient des esclaves et en tenaient magasin pour les vendre ensuite plus cher ou être toujours approvisionnés[59]. Qui ne voit par l’imagination ces caravanes de noirs si souvent décrites ? Hommes ou femmes, chacun porte sa fourche de bois rivée autour du cou ; le manche est attaché sur l’épaule de celui qui précède ; le conducteur tient l’extrémité de la fourche du premier. Le fouet ou le bâton stimule de temps en temps les paresseux. Pour la nuit, on attache simplement les bras de chaque esclave sur le manche de la fourche[60]. Les moyens de s’assurer d’eux sont d’ailleurs variés. Par exemple, un employé de la Compagnie des Indes[61] parle d’une caravane de 2 à 300 captifs qui avaient trente jours de marche à faire ; on les avait enchaînés par bandes de 4 à 12, et on les contraignait à porter une pierre de 40 à 50 livres pour que la fatigue les empêchât de s’enfuir. Si on amène les esclaves en troupeau, on leur engage ordinairement « un poignet dans une pièce de bois, qu’ils sont obligés de porter ou sur leur tête ou de la manière qui leur est le plus commode[62] ».

Les naturels, lorsqu’ils ont des esclaves à vendre, le signifient en général par des feux. Alors les navires envoient des bateaux sur les points de la côte où ils aperçoivent de la fumée. Le capitaine, étant descendu à terre, annonce son intention de faire la traite au son d’une espèce de tambour appelé gongon[63]. Mais il ne peut pas commencer avant de payer « les droits du roi[64] ». Ces droits sont les coutumes[65], qui parfois sont assez élevées. Ainsi, « à Juda, il faut payer au roi des Dahomets la valeur de 19 captifs pour un navire à trois mâts et de 14 pour ceux à deux mâts ». C’est de 4 à 5 %. En retour, le roi offre 3 petites négrittes pour un navire à trois mâts et 2 pour un navire à deux mâts, ce qui est une médiocre compensation. Dans les instructions ministérielles, il est fréquemment question de ces coutumes, et il est recommandé surtout de ne pas céder aux exigences des rois nègres qui tendent sans cesse à les faire augmenter. De plus, on spécifie qu’il faut éviter de laisser s’établir une confusion dans leur esprit entre les présents que leur envoie Sa Majesté à titre gracieux et les coutumes qui sont considérées comme un droit. Le roi de France se réserve de n’accorder de faveurs qu’à ceux qui traitent bien les Français[66].

On est bien obligé de compter aussi avec les intermédiaires. À Juda, c’est le yavogand. L’usage est de lui donner une pièce de soierie, un chapeau brodé d’or fin et à plumet, un quart de bœuf salé et un quart de farine. De plus, on lui paye une ancre (ou 20 pintes) d’eau-de-vie et une once de bouges ou cauris[67], équivalant à 16 écus, pour la location d’une baraque au bord de la mer. Naturellement, on ne peut manquer de faire quelques présents au résident ou gouverneur, et même on lui rembourse « les frais de réception ». Enfin, nous avons compté qu’il n’y a pas moins de 17 gens de service auxquels on est forcé de recourir et qui doivent être plus ou moins rémunérés, et cela durant trois semaines environ que dure d’habitude le séjour à la côte. Les usages sont partout à peu près identiques. Sur un autre point de la côte d’Or, on traite avec le mafouque pour les coutumes, et il est nécessaire de payer la bienvenue au manbouque, au manibelle et au magnimbe[68]. Mais l’auteur de la relation d’où nous tirons ces détails a soin d’indiquer à ceux qui ont dessein de faire la traite une manière, peu scrupuleuse peut-être, mais habile, de se tirer d’affaire, tout en ayant l’air de faire les générosités indispensables. Le passage est assez piquant : « Vos livres de traite sont, comme d’usage. Journal et Grand Livre, où tous les courtiers ont leur compte ouvert, ainsi que compte de frais de coutumes, bienvenue et dépenses réelles ; mais les présents que vous donnez dans le cours de la traite et que vous voulez passer en courtage, vous en tenez un petit livre particulier, et vous ne le portez à leur compte au Grand Livre que pour régler avec eux, ayant attention de ne pas lire les articles qui leur ont été donnés pour présent, car ils font souvent lire leur compte ; mais, comme ils ne savent pas parfaitement compter, on les embrouille à l’addition sur le nombre de pièces, et il faut toujours se réserver de quoi leur faire un présent après qu’ils sont satisfaits de leur payement, et ça au préalable des captifs qu’ils ont fait faire, ce qui est le vrai présent, moyennant quoi leur compte sur le Grand Livre ne sera débité que des premières avances, et ce que vous aurez donné en courtage dans le cours de la traite, tous les présents qu’ils exigeront seront portés sur un livre particulier ; par le moyen d’un tableau de récapitulation, vous pouvez tous les jours savoir votre position, ce qui est bien essentiel pour se tenir bien assorti et se défaire des marchandises les moins courantes et engager les courtiers à les faire passer en traite ; vous les menacez de les garder pour payer leur courtage, cela les engage à leur donner cours. »

Celui qui donne ces conseils essentiellement pratiques se plaint de la rapacité des courtiers. C’est, dit-il, une « troupe de mendiants, et vous en avez plus de cent pour faire votre traite ». On donne 5 à 6 pièces à ceux qui ne font faire qu’au-dessous de 10 captifs et 8 à 10 à ceux qui en font faire plus.

Quand on lit un compte de traite, il est très difficile, au premier abord, d’apprécier le prix que sont payés les captifs. Il ne s’agit, en effet, que d’un commerce de troc, comme d’ailleurs aux Antilles pour la revente des nègres. Aussi, croyons-nous intéressant de faire connaître les principaux termes qui étaient les plus usités et les objets d’échange les plus ordinaires[69].

La pièce, ou cabèche, ou barre[70], vaut 20 bouges ou cauris, ou encore 4 écus[71] ;

La tocque vaut 40 bouges ;

L’once, 4 pièces ;

La galinne, 200 bouges ;

On se servait de bouges plus spécialement au nord de la ligne ; au sud, on employait aussi de petites pièces d’étoffe de paille de 18 pouces de long sur 12 de large et représentant 5 sols français.

Puis, venaient les marchandises en nature, telles que : eau-de-vie, tabac, poudre, fusils, sabres, pipes, quincaillerie, verroterie, émaux, étoffes de laine, de soie, mouchoirs de Cholet, toiles, coutils, indiennes, etc. Naturellement, ce n’étaient pas toujours des articles de première qualité. Par exemple, « on baptise plus ou moins l’eau-de-vie, nous apprend un capitaine, selon les lieux et la facilité de duper des gens toujours défiants sur cet article ; mais surtout prenez garde qu’aucun nègre ne s’en aperçoive ni même le soupçonne. Cette opération se fait ordinairement abord avec de bonne eau claire de France[72]. » Dans le journal d’un capitaine, daté du 22 janvier 1789[73], il est rapporté qu’un roi se plaint de mauvaises marchandises reçues par lui en paiement : il fait apporter pour preuve une pièce d’indienne toute déchirée ; il ajoute que les pièces de soie sont trop petites, et il trouve que c’est une supercherie que d’y mettre du bois et du papier pour qu’elles paraissent plus grosses ; il fait allusion à la planchette sur laquelle on les enroule et au papier dans lequel on les enveloppe pour ne pas risquer de les détériorer. Voici un autre passage qui confirme ces témoignages sur la nature soupçonneuse des nègres ; c’est à propos de Barbesin, qui amène des captifs au comptoir de Joal : « Barbesin, toujours parfaitement au courant sur le prix des marchandises d’Europe et sur le prix des esclaves dans les colonies, ne considère jamais un capitaine négrier que comme un homme qui veut le tromper, et, sur le simple soupçon qu’il a de l’avoir été, prend d’autorité les marchandises qu’on refuse de lui donner et en fixe lui-même le prix ; et le capitaine, pour éviter de plus grandes pertes par un séjour inutile, est forcé de mettre à la voile et de venir se plaindre au gouverneur de Gorée, qui lui fait rendre justice quand les circonstances le permettent[74]. »

Il y avait des tarifs établis, mais il arrivait assez souvent que les vendeurs ne voulussent pas les accepter. Delà, parfois, de grandes variations dans le nombre et la valeur des objets nécessaires pour acheter un nègre[75]. Citons d’abord par exemple le tarif adopté avec le roi Damel ; pour un esclave, il fallait donner :

Un grand macaton[76] avec chaîne.
Ambre jaune 
3 livres
Dalles de mousquet 
100
Corail rouge 
9 onces
Couteaux de Hollande 
240
Tambours 
2
Écharpes de taffetas à franges 
4
Drap écarlate 
4 aunes
Eau-de-vie 
100 pintes
Barres de fer 
30
Fusils communs 
2
Fusil garni de cuivre jaune 
1
Épices 
4 livres
Iris de Florence 
4     ―
{{table|titre=Laine écarlate 30     ―
Pistolets 
3 paires
Papier[77] 
12 rames
Étoffes rouges et jaunes 
30 aunes
Petits bassins de cuivre 
30
Quintin (toile très fine) 
6 pièces
Calicot de 5 aunes et demie 
5     ―
Grains de verre, petits et gros, de 1.000 au rang 
5 rangs[78]


Voici, d’après Des Marchais[79] le tableau de la cargaison d’un navire devant acheter 500 esclaves en Guinée :

Cauris ou bouges 
20.000 livres
Platilles (sorte de toile) de Hambourg 
1.500 pièces
Guinées blanches de 30 aunes 
100    ―
Taffetas bleus 
50 pièces
Salamporis blancs de 14 ou 15 aunes 
250     —
Calicots à grandes fleurs 
150     —
Douettes 
50     —
Garas 
40     —
Tapsas 
40     —
Poudre à tirer 
2.000 livres
Chaudrons de cuivre 
600
Fer en barre 
1.000 barres
Corail 
50 livres
Caisses de pipes de Hollande 
50
Assortiment de colliers et de bijoux de verre de différentes couleurs.


Nous emprunterons encore au Mémoire de Le Brasseur la note suivante acquittée par un capitaine, en 1783, pour 18 captifs :

2 fusils 
Pour 1 captif
10 boîtes de poudre de 30 livres (pour 400) 
    — 2     —
20 onces de cauris 
    — 4     —
5 onces de Siamoises communes et gros rouge 
    — 1     —
5 pièces de toile à robes 
Ensemble
10 onces
5        guinée bleu 
3        méganepaux (sorte d’étoffe) 
Pour 2 captifs
3        platilles (ou 10 onces) 
Pour 2 captifs
30 ancres d’eau-de-vie pleines 
    — 5     —


Des différents documents que nous avons consultés et des calculs que nous avons faits il résulterait que le prix des nègres achetés à la côte a pu varier, suivant les lieux et les époques, et la différence souvent considérable d’individu à individu, entre 30 livres et 4 à 500. Un mémoire du sieur de la Courbe[80] sur le commerce de Guinée, du 26 mars 1693, parle de 800 captifs qui coûteront 29.200 livrée (soit 36 livres et demie chacun) et seront revendus aux îles 240.000 (près de 10 fois plus). Il ajoute, en effet, qu’ « au Sénégal on traite communément 200 captifs qui ne coûtent pas plus de 30 livres la pièce et sont vendus aux îles 300 livres au moins ». À Gorée, on peut traiter aussi par an 200 captifs revenant à 36 livres en moyenne. Il estime qu’il y a au minimum 200.000 livres de bénéfice annuel pour la Compagnie. D’autre part, en 1784, le prix d’un nègre fut porté jusqu’à 130 barres[81]. L’auteur qui nous fournit ces renseignements évalue alors la barre à 5 livres. Mais un autre[82] ne lui donne comme valeur que 3 livres argent de France. En prenant la moyenne, on arrive au prix de 520 livres[83].

Généralement on faisait des lots d’hommes, de femmes, d’enfants, de jeunes et de vieux, de robustes et de malingres, pour faire passer les médiocres ou les mauvais, et c’est ainsi qu’on établissait une sorte de prix moyen.

Les meilleurs nègres sont qualifiés de pièces d’Inde. Cette expression, que l’on retrouve fréquemment, désigne à l’origine des nègres tels que les Portugais avaient l’habitude d’en acheter pour leurs colonies des Indes. Ainsi, dans un traité passé entre les Compagnies du Sénégal et de Guinée et les habitants de Saint-Domingue, le 21 janvier 1698, il est question de la fourniture de 1.000 nègres, dont « deux tiers de mâles et un tiers de femelles, réduits en pièces d’Inde, suivant l’usage des îles d’Amérique[84] ». Voici la définition que donne à ce sujet l’Encyclopédie méthodique[85] : « On appelle … nègre pièce d’Inde un homme ou une femme depuis quinze ans jusqu’à vingt-cinq ou trente ans au plus, qui est sain, bien fait, point boiteux et avec toutes ses dents. — Il faut trois enfants au-dessus de dix ans jusqu’à quinze pour faire deux pièces et deux au-dessus de cinq ans jusqu’à dix pour faire une pièce. Les vieillards et les malades se réduisent aux trois quarts. » On appelait négrillonet négrillonne ou négritte, les petits nègres de l’un ou l’autre sexe n’ayant pas encore dix ans. Dans les actes diplomatiques, on emploie souvent l’expression une « tonne de nègres[86] », ce qui représente trois nègres[87].

Le manque d’une seule dent rend un esclave défectueux comme esclave de première qualité ; de même une simple tache dans l’œil, ou la perte d’un doigt[88]. De là nécessité d’un examen des plus minutieux. « On les fait courir, sauter, parler ; on leur fait mouvoir toutes les articulations ; rien n’échappe à la vigilance du marchand ; quoique la pudeur ne soit pas d’un grand mérite auprès des femmes de ce pays, elles sont étonnées, honteuses même des perquisitions et des regards indiscrets du chirurgien visiteur[89]. » Malgré tout, on est encore plus d’une fois trompé ; car les nègres sont assez souvent atteints de hernies, ou sont sujets à des attaques d’épilepsie et de folie ; et nous verrons que c’est une perte nette pour le négrier (Cf. liv. I, ch. iv). Épuisés souvent par la marche, ils arrivent en piteux état à la côte, et il faut les remettre en état avant de les vendre. Un courtier anglais déclare ceci : « Ils sont, en général, très chétifs, avec de grandes éruptions sur toute la peau, très scrofuleux, et ils ont souvent, lorsqu’on les vend, des ulcères très malins. Nous les achetons en cet état. Lorsque nous les revendons aux capitaines, ils ont souvent de la fraîcheur et de l’embonpoint. » Il dit encore : « Je suis certain, autant d’après mes propres observations que par leur extérieur en général, qu’ils sont contents et ne se lamentent point du changement de maîtres. » Il est vrai que ces malheureux étaient absolument à la discrétion de leurs maîtres d’Afrique et que souvent ils évitaient ainsi, en étant vendus à des Européens, de servir de victimes humaines pour les sacrifices qui, à cette époque, étaient pratiqués à peu près couramment sur tous les points de la côte. « L’état d’esclave en Afrique, lisons-nous dans un autre document[90] est beaucoup plus cruel que chez nous, à ce que nous disent les captifs eux-mêmes. D’ailleurs, il suffit de dire que, par toute l’Afrique, les maîtres ont droit de vie et de mort sur leurs captifs ; et souvent, s’il ne se trouvait pas des navires en traite sur la côte, la majeure partie de ces malheureux seraient sacrifiés par leurs maîtres, soit à leur culte ou à des fêtes qu’ils célèbrent dans différents temps de l’année en mémoire de leurs ancêtres ; d’après les rapports des nègres, ces usages ont existé dans tous les temps parmi eux. » En somme, n’oublions pas que ce sont là des vues optimistes de négrier. Et, à constater d’ailleurs, par les récits de témoins oculaires[91], la résignation insouciante avec laquelle ils se laissent immoler, on est en droit de croire qu’ils auraient encore mieux aimé subir ce sort que d’être condamnés à un travail forcé. Si ceux qui ont fait le trafic des nègres avaient eu des intentions si philanthropiques, ils auraient dû s’attacher à ne faire d’eux que des serviteurs libres et à les améliorer par l’éducation. Mais cette conception ne leur eût assurément paru digne que de rêveurs naïfs. Peu leur importe, d’ailleurs, ce que peuvent ressentir ces androïdes. Qu’ils vivent, c’est assez, pour qu’on puisse tirer d’eux bon parti et beaux bénéfices. Le traitant n’a pas d’autre idée. Nous allons bien le voir encore par la manière dont il installe à bord ses colis humains.


  1. Arch. Col., F, 60.
  2. Arch. Col., C6, vol. I.
  3. Arch. Col., F, 72.
  4. « Elle est nommée Gorée à cause de sa rade, qui est la plus grande et la meilleure de l’Océan, parce que ce mot signifie bonne rade ; elle peut même contenir plus de 500 vaisseaux (?). » Arch. Col., C6, vol. III, Mémoire concernant l’île et fort de Gorée, 1701.
  5. « Ces îles, au nombre de 30, fort petites, sont très près les unes des autres ; la plus grande n’a pas 9 lieues de tour. Chacune a son roi. Elles sont très fertiles et situées à 80 lieues au sud du Cap Vert. » Arch. Col., F, 134, p. 248.
  6. Elles sont reproduites dans les Harmonies maritimes et coloniales, etc., de P. Labarthe. L’auteur était sous-chef de bureau au ministère de la Marine et des Colonies et attaché au Dépôt des Archives à Versailles, vers 1780. Il rappelle qu’il y était à l’époque où Moreau de Saint-Méry compulsait les documents pour son grand ouvrage Loix et constitutions, etc. Il s’est servi lui-même d’un certain nombre de pièces manuscrites. Voir, du même auteur. Voyage à la côte de Guinée. Il a utilisé les Mémoires de plusieurs officiers de marine qui, de 1784 à 1790, furent chargés par le gouvernement de parcourir les côtes occidentales d’Afrique ; il les a même accompagnés dans leurs expéditions.
  7. Cf. Berlioux, André Brue, ou l’origine de la colonie française du Sénégal. — P. Labat, Nouvelle relation de l’Afrique occidentale, composée d’après les Mémoires de Brue.
  8. Arch. Col., F, 61, Détails historiques et politiques sur la politique, sur la religion, les mœurs et le commerce des peuples qui habitent la côte occidentale d’Afrique, par M. Le Brasseur, 1779.
  9. Arch. Col., F, 134, p. 248, et C6, carton 1.
  10. Arch. Col., F, 72.
  11. « La rivière Volta a reçu ce nom des Portugais à cause de son entrée dans la mer qui a l’air d’un saut. » Isert, Voyage en Guinée, etc., trad. fr., p. 201. — Cf., pour cette partie des côtes, Walckenaër, Hist. gén. des voyages, t. X, liv. XI, intitulé : Résumé des premiers voyages aux côtes de Guinée entre Rio Volta et le cap Lopez Gonsalvo.
  12. « En 1749, les Français voulurent s’approprier Anamabou ; ils en furent chassés par les Anglais. » Arch, Col., F6, carton B : Police des nègres (Afrique).
  13. Arch. Col., même carton.
  14. F, 61.
  15. F, 61.
  16. Girard de Rialle, Les Peuples de l’Afrique et de l’Amérique, p. 58.
  17. Id., ib., p. 59.
  18. Cf. t. I, p. 27 et sqq.
  19. Moreau de Saint-Méry, Description de Saint-Domingue. I. 31.
  20. Walckenaër, VI, 87. Voyages de Geoffroy de Villeneuve dans la Sénégambie en 1785, 1786, 1787, 1788.
  21. Cf. Voyage de Golberry, dans Walckenaër. op. cit., V, 424.
  22. Arch. Col., F, 61, De l’ordre et des usages qui règnent généralement à bord des navires négriers.
  23. Cf. D’Avezac, Esquisse générale de l’Afrique ; — et Tardieu, La Sénégambie, dans Univ. pittoresque, Afrique, t. III, p. 3.
  24. Cf. Mémoire sur la colonie française du Sénégal, etc, par le citoyen Pelletan, ancien administrateur et directeur général de la colonie du Sénégal, pp. 66-76.
  25. Golberry, loc. cit., p. 417, dit qu’elles sont « spirituelles et belles ».
  26. Op. cit., Walckenaër, V, 415.
  27. Relation de son sixième voyage, 1718. Cf. Walckenaër, III, 271.
  28. Arch. Col., F, 138, p. 397.
  29. Cf. Walckenaër, loc. cit.
  30. Moreau de Saint-Méry, Description de Saint-Domingue, I, 32.
  31. « À l’ouest de la rivière Lagos commence le royaume de Bénin, formant un golfe qui finit au cap Lopez et où sont Bénin, Bony le Vieux et le Nouveau Callabar, Cameron et Gabon. On appelle les nègres de ce golfe Ibos. » Arch. Col., F, 138, p. 382.
  32. Moreau de Saint-Méry, op. cit., I, 36.
  33. Arch. Col., F, 61. Mémoire de 1790.
  34. II, 495.
  35. Extrait du Voyage du Chevalier Des Marchais en Guinée, t. II, cité par Tardieu, Univ. pitt., Afrique, Guinée, III, 270.
  36. Arch. Col., F, 138, 16.
  37. Cf. Encyclopédie méthodique. Économie politique. Diplomatie, 1786, Article Guinée. T. LX, p. 626 et sqq. Voir Arch. Col., F, 128, Enquête faite par le Comité de la Chambre des Communes en 1789, et aussi F 61, passim.
  38. Cf. Walckenaër, VIII, 457 : Nouvelle relation de quelques parties de la Guinée par le capitaine William Snelgrave. Londres, 1734, trad. fr. par Coulonger en 1733, in-12. L’auteur énumère ces différentes causes d’esclavage.
  39. Arch. Col., F, 128.
  40. Mémoire de 1779. Arch. Col., F, 61.
  41. Op. cit., p. 199. « Lorsqu’un nègre ordinaire est attrapé auprès de la femme d’un autre, ce dernier a le droit de le vendre, ou bien il doit se racheter de la valeur de sa personne. Si l’adultère est commis avec la femme d’un grand, il doit payer la valeur de trois esclaves ; et, si c’est une des femmes du roi, on fait mourir le séducteur, et sa famille est vendue. »
  42. Arch. Col., F, 128. Interrogatoire du capitaine John Knox.
  43. Id., ib.
  44. Clarkson, Essai sur les désavantages politiques de la traite des nègres, etc., p. 45.
  45. Tacite, Germ., 24.
  46. Isert, op. cit., p. 204, 205. — Cf. aussi Clarkson, op. cit., p. 32. — Labat, Nouveau voyage aux îles…, IV, 462.
  47. Arch. Col., F, 128, Déposition de Weuves, — et F. 134, p. 231. — Cf. aussi Pelletan, op. cit., 98, 99.
  48. Arch. Col., F, 128. Interrogatoire du capitaine William Littleton.
  49. Voyage en Guinée, II, 101.
  50. Arch., Col., F, 134, p. 362.
  51. Op. cit., 28.
  52. Op. cit., p. 30.
  53. Degrandpré, Voyage à la côte occidentale d’Afrique fait pendant les années 1786 et 1787, 2 in-8o, Paris, 1801, I, 409. — Cf. Walckenaër, XIV, 432.
  54. Cf. Walckenaër, IV, 121.
  55. II, 495.
  56. Encycl. méthod. Art. cité.
  57. Ib.
  58. Arch. Col., F, 72. Instructions à Repentigny, gouverneur du Sénégal, 18 novembre 1783.
  59. Clarkson, op. cit., p. 31. Cf. p. 13 : il parle d’esclaves venant de 300 et même de 1.200 milles. — Cf. Arch. Col., F, 128. Interrogatoires de Weuves et de Knox.
  60. Cf. Encycl. méthod., loc. cit.
  61. Walckenaër, V, 28, 29. Voyage de Pruneau de Pommegorge en Nigritie, de 1743 à 1765. L’auteur publia son ouvrage en 1789 : Description de la Nigritie, in-8o. C’est un recueil de fragments sans ordre.
  62. Clarkson, op. cit., p. 17.
  63. Arch. Col., F. 61. De l’ordre et des usages, etc.
  64. Ib., F, 128. Weuves.
  65. Ib., F. 61. Instructions pour le commerce de la côte d’Or d’après un voyage fait en 1783.
  66. Cf. Arch. Col., B38, p. 57. Lettre de M. de Lusançay. accompagnant un présent pour le roi de Juda, 7 novembre 1716. — Ib., 549. Instructions du Conseil de Marine au sieur Bouchel, directeur du fort et comptoir de Juda. 10 octobre l716. — B, 198, Juda. p. 3. Lettre à M. Gourg. 14 février 1788. — Ib., 27. Lettre au même.
  67. Ce sont de petites coquilles venant des Maldives ; c’est le cyprea moneta des naturalistes. On enfilait ces coquillages par tocques. Voir p. 99.
  68. Arch. Col., F, 61. Voyage de 1784.
  69. Cf. Arch. Col., F, 61. Voyage de 1783.
  70. La barre de fer pèse de 40 à 50 livres. Elle a 13 pieds de long sur 2 pouces et demi de large et 4 à 5 lignes d’épaisseur. Elle se divise sur 12 longueurs appelés pates, et les pates en 3 dialots ; un dialot suffit pour faire l’épée, le poignard ou la bêche d’un nègre (Cf. Walckenaër, III, 162 : Quatrième voyage de Bruce, 1714). — Le nom de barre a servi aussi à désigner simplement une certaine quantité d’autres marchandises représentant une valeur équivalente.
  71. L’écu est représenté par le signe W.
  72. Arch. Col., F, 61.
  73. Ib., Ib.
  74. Arch. Col., Mémoire de Le Brasseur, déjà cité.
  75. Cf. Labat, Nouvelle relation de l'Afrique occidentale. II, 334 et sqq., IV, 233 et sqq. — Walckenaër, III, 162 et sqq. Quatrième voyage de Bruce, 1714.
  76. Petite boîte d’argent carrée, pour parfums.
  77. Le papier servait surtout pour y tracer des prières et passages de l’Alcoran ; on en faisait ainsi des gris-gris ou amulettes. Cf. Walckenaër, V, 180 et suiv. Voyage de l’abbé Demanet, 1767.
  78. Comparez Walckenaër, loc. cit., p. 171 : Tarif des échanges pour les cuirs et les esclaves, à Rufisque, Portudale et Joale, avec le Damel, le bourasin et leurs sujets.
  79. Cf. Walckenaër, VIII, 296 : Voyage du chevalier Des Marchais en Guinée.
  80. Commandant Directeur et Inspecteur général de ladite côte d’Afrique. Arch. Col., C6, carton 2.
  81. Labarthe, Voyage au Sénégal, p. 48.
  82. Lamiral, L’Affrique et le peuple Affriquain, etc., p. 365.
  83. Cf. Arch. Col., F, 61. En 1789, le capitaine Macintosh déclare qu’il a payé 16 ou 18 livres sterling les hommes d’élite, et 12 les femmes ; ce sont, dit-il, des prix extraordinairement bas. Il les revendait de 28 à 40 livres sterling.
  84. Moreau de Saint-Méry, Loix et constitutions, etc, I, 577.
  85. Commerce, III, 1783. Art. Nègres, p. 321 et sqq.
  86. Block, Dictionnaire politique, p. 882.
  87. Tourmagne, Histoire de l’esclavage, p. 322.
  88. Arch. Col., F, 61, Déposition de Jean Fontaine.
  89. Walckenaër, V, 216 : Voyage de Lamiral, etc.
  90. Arch. Col., F, 61. Copie du Journal tenu par M. Gourg, directeur, pendant son voyage aux Coutumes chez le roi Dahomet. Daté de Beaumé, 26 février 1788.
  91. Ib., ib., — et Réponse à Messieurs les philanthropes anglais.