L’Âme qui vibre/Le Crieur

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E. Sansot et Cie (p. 86).

LE CRIEUR

Il s’en moque après tout de crier que les rois
Sont guéris ou sont morts ! Et, pourtant, bouche ouverte
Par la place grouillante ou la place déserte,
Il vomit la nouvelle en des éclats de voix.

Cravate au vent, il court ; et réveille, parfois,
Par ses cris gutturaux, tout un quartier inerte.
Écho vivant, il sonne aussi bien une alerte,
Qu’il lance, très subtil, un calembour de choix.

Puis, autour de minuit, quand la cité tranquille
Repose lourdement, le crieur, par la ville,
Roulant entre ses doigts un reste de tabac,

Très machinalement, d’une voix éraillée,
Se prend, lorsqu’il s’en va regagner son grabat,
À répéter son cri de toute la veillée.