L’Écho des feuilletons - 1844/Le Prince Formose/Un pacte

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Le Prince Formose (L’Artiste, 1839)
L’écho des feuilletonsBoulanger et Legrand4 (p. 186-190).

UN PACTE.

Formose comprit immédiatement, à l’aspect plus avide qu’étonné des physionomies, qu’il venait d’être question de lui ; il passa bravement sous la terrible artillerie des regards, vint présenter ses hommages à la marquise, fit un salut général, et, donnant la main à M. de Pommereux, il s’entretint un instant avec lui, en se plaçant en face de Mlle d’Orion qui causait à voix basse avec Mme de Veyle.

— Comment le trouves-tu ? demandait Mlle d’Orion à la marquise.

— Très-bien ; j’adore les figures pâles.

— Pour ma part, il me produit l’effet de Bertram au cinquième acte de Robert ; il me semble que le plancher va s’ouvrir, et qu’il va disparaître.

— Folle, est-ce qu’il te fait peur ?… Alors prends garde.

— Pourquoi ?

— Ma chère enfant, nous autres femmes, rien ne nous séduit comme la crainte qu’on nous inspire.

— Vois donc comme l’expression de ses yeux est étrange.

— Il y a dans son regard de la douceur et de la tristesse.

— L’une de nous deux paraît l’occuper beaucoup.

— Mais c’est toi qu’il regarde ainsi, dit la marquise avec un sourire malin.

— Moi ! répondit Mlle d’Orion, quelle plaisanterie ! Et elle baissa la tête en rougissant.

Depuis l’entrée de Formose dans le salon, on ne causait plus que par groupes et en manière d’aparté. Il y avait de la gêne. La marquise, pour rompre la glace, se mit au piano et joua un morceau avec tant de grâce et un désir si apparent de ranimer la gaîté de ses invités, qu’en moins de cinq minutes la physionomie de l’assemblée se transforma tout-à-fait.

— À votre tour, cher diplomate, dit la marquise en s’adressant au jeune de Larcy.

— Moi, fit le vicomte, je ne chante plus.

— Ah ! c’est vrai, répliqua Mme de Veyle en souriant ; vous êtes trop grave maintenant. L’homme d’État a tué le ténor. Alors, ajouta-t-elle, à M. de Pommereux.

— Je suis enroué comme un choriste des Italiens, répondit celui-ci ; mais le prince, qui n’a pas d’aussi bonnes raisons à donner, paiera sa bienvenue, si vous l’en priez.

— Allons, prince, dit la marquise en montrant le piano.

Et comme Formose alléguait un prétexte :

— Dites-nous, reprit M. de Pommereux, cette sicilienne que vous m’avez chantée l’autre soir.

Formose fit encore quelques difficultés ; mais, vaincu par les, sollicitations générales, il s’exécuta de bonne grâce.

Il se mit au piano comme un simple mortel, et chanta un morceau bouffe emprunté à un opéra italien. Le timbre pur et vibrant de sa voix aurait fait envie à plus d’un chanteur en renom : les notes hautes surtout avaient un charme inexprimable. Le silence religieux de l’assemblée prouvait assez l’étonnement et le plaisir que causait la révélation de ce grand talent inconnu. Le rhythme simple et harmonieux se perdait dans des fioritures sans fin, qu’il exécutait avec une intention évidemment satirique, à l’adresse des roucouleurs de théâtre. Vers la fin du morceau l’air prenait des proportions si étrangement bouffonnes, et était chanté avec tant d’esprit, d’entrain et de verve, que les dernières notes, interrompues par les applaudissements, se perdirent dans un éclat de rire universel.

— Ma chère amie, dit tout bas la marquise à Mlle d’Orion, voilà un jettatore qui ne fera pas fortune parmi nous. Les gens qui entretiennent des intelligences avec le diable ne sont pas aussi gais que cela.

— Je trouve, répondit celle-ci, qu’il y a encore de la tristesse dans sa gaîté ; il conserve, même dans sa joie, son masque pâle et impassible.

Cependant le but de Mme de Veyle n’était pas atteint. Personne ne se souciait plus de se faire entendre après le terrible rival qui venait de soulever tant de joyeuses émotions. La marquise se vit donc dans la nécessité de faire encore une fois appel à la bonne volonté de Formose.

— Prince, lui dit-elle, vous devez savoir quelques-unes des ballades de votre pays ?

— Elles vous effraieraient peut-être, répondit Formose.

— Tant mieux, reprit en riant la marquise ; nous vous supplions de nous en chanter une.

— Vous le voulez absolument ? demanda Formose.

— Oh ! oui, laissa échapper Mlle d’Orion.

— Alors je me rends, dit le prince en s’inclinant du côté de la jeune fille.

— C’est cela, s’écria la marquise, faites-nous peur ; nous voulons être effrayées. Et elle fit mettre des abat-jours sur les bougies, de façon à n’être éclairé que par une lueur incertaine et crépusculaire.

— La ballade que je vais raconter, dit Formose, ne se chante pas sur les paroles italiennes. Les hommes du peuple la disent le soir au coin du feu ; cependant je peux accompagner mon récit, ce sera une espèce de mélopée.

Il se remit au piano, et préluda par une sorte d’introduction d’un style sombre et triste. C’était d’abord une mélodie plaintive qui allait se perdre dans un déluge de notes aiguës, et, redescendant tout-à-coup, semblait s’éteindre comme un murmure vague et confus ; c’était, comme l’a dit un vrai poète[1] :

Un air maladivement tendre,
À la fois charmant et fatal,
Qui vous fait mal,
Et qu’on voudrait toujours entendre.

Puis peu à peu le rhythme, s’élargissant, prenait une allure infernale et terrible qui semblait rendre, par l’entre-choquement de sons étranges et fantastiques, les cris des damnés et les souffrances des maudits. Formose était superbe se débattant sur les touches d’ivoire, avec une fureur nerveuse, les traits altérés et les yeux animés d’une excitation sauvage. À la dernière note qui éclata comme un coup de tonnerre, il commença en continuant à promener ses doigts sur le clavier :

« Il y avait à Gisone un homme du nom de Foscolo Foscoli, qui ne croyait ni à Dieu ni au diable.

« Or, Foscolo avait épousé Beneditta, la plus belle fille de la Calabre, et l’avait, disait-on, étranglée le soir même de ses noces.

« — Je te parie, dit un jour Géronimo à Foscolo, que tu n’iras pas tout seul au monastère de Santa-Marina ?

« — J’irai, dit Foscolo.

« Et il partit.

« Il était tard lorsqu’il arriva sous les voûtes sombres du monastère abandonné. Il vit treize statues blanches qui le saluèrent à son entrée. Parmi les treize statues, une avait au doigt un anneau d’or ; Foscolo alla droit à elle, et voulut s’emparer de l’anneau, mais le doigt de pierre se referma.

« — Par les cornes du diable ! dit Foscolo, cette statue ressemble à Beneditta.

« Et pénétrant dans la salle, il vit un lit et résolut de se coucher.

« Il posa son poignard et son pistolet chargé à ses côtés, et s’endormit.

« Au bout d’une heure de sommeil, il fut réveillé par un bruit étrange ; les treize statues avaient quitté les niches de la galerie, et elles s’avançaient lentement vers le lit de Foscolo en portant un cercueil. Beneditta était en tête.

« Foscolo se leva, et allant à Beneditta, il lui donna un coup de poignard ; mais la lame se brisa sans effleurer la pierre.

« Il déchargea son pistolet sur la statue ; mais la statue lui rendit la balle.

« Alors Foscolo, pâle, égaré, voulut fuir ; mais la statue le prit dans ses bras, et, l’entraînant vers le lit : — Tu me dois ma nuit de noces ! et elle l’étouffa dans ses embrassements. »

Cette complainte avait été récitée avec toute l’habileté d’un improvisateur ; l’accompagnement sombre et sinistre qui dominait les paroles et résonnait douloureusement, au milieu de ce salon à peine éclairé, le prestige diabolique qui entourait Formose, tout cela avait violemment agi sur les nerfs des spectateurs, et surtout sur l’esprit des femmes, plus faciles à émouvoir et toujours disposées aux impressions merveilleuses.

La marquise se hâta de faire enlever les abat-jours.

Formose se leva, passa son mouchoir sur son visage et reparut calme et impassible. Mlle d’Orion, sur laquelle la musique exerçait une action nerveuse, était en proie à une violente agitation. La tapisserie qu’elle tenait à la main était tombée sur le tapis ; Formose la ramassa et la lui rendit ; mais soit effet du hasard, soit préméditation, le prince effleura de sa main la main de la jeune fille qui ne put retenir, à ce contact, une sorte de commotion magnétique ; leurs yeux se rencontrèrent dans un regard rapide comme l’éclair, et comme l’éclair brillant et mystérieux.

Formose s’entretint encore un instant avec M. de Pommereux, et se retira.

— Je ne connais, dit le vicomte de Larcy, lorsque Formose fut parti, que deux mots pour dépeindre cet homme, ce sont les paroles de Pie VII à Napoléon : comediante, tragediante.

Formose revint à pied à son hôtel ; la nuit était superbe, il avait renvoyé ses gens et sa voiture, il sentait le besoin de respirer à l’aise en marchant ; il récapitulait les scènes de cette soirée si vite écoulée, et où il avait vu face à face, pour la première fois, cette noble et belle héritière à la main de laquelle il aspirait, lui, étranger, qui devait passer aux yeux du monde pour un être au moins énigmatique ; il l’avait vue, il avait essayé sur elle l’effet de ce regard dominateur qui faisait toute sa force et toute sa puissance, mais ce n’était pas assez. D’ailleurs, la saison allait finir, le printemps déjà commencé, allait disperser dans les champs la société parisienne et fermer la porte des salons ; il fallait arriver de plain-pied jusque chez M. de Larcy et chez la mère de Mlle d’Orion ; il fallait surmonter les obstacles, niveler les montagnes et aplanir les vallées ; toutes les conceptions de ce génie fertile, qui avait conçu de si vastes desseins, se brisaient contre les difficultés élémentaires (les plus insurmontables, il est vrai) ; il ne demandait que l’occasion, mais l’occasion est sœur de la fortune, c’est-à-dire inconstante et fugitive.

Quand il arriva à son hôtel, l’un des plus élégants du faubourg Saint-Honoré, Formose trouva deux lettres qu’il lut sur-le-champ.

La première contenait ce qui suit :

« Cher prince,

« Si vous avez oublié vos amis d’un autre temps, ne vous étonnez pas cependant qu’une femme que vous avez aimée, et qui vous aime toujours, se rappelle à votre souvenir. Je ne suis à Paris que depuis quelques jours, aurai-je l’honneur de vous voir ?

« Signé Zanetta Coradini,

« Hôtel des Princes. »

Quelle est cette femme ? se demanda Formose en cherchant dans ses souvenirs ; où l’ai-je connue ? Ah ! j’y suis, dit-il, c’est à Naples ; c’était, si je m’en souviens bien, l’une des plus belles créatures que j’aie jamais vues.

Et laissant tomber la lettre sur la table, il décacheta le second billet.

Ce billet ne contenait pas une ligne d’écriture. C’était à la première vue, une simpie feuille de papier blanc. Formose l’approcha de la bougie, et l’écriture sympathique se manifestant tout-à-coup, il lut cette phrase laconique :

« Prince,

« Il y a un grand coup à faire, un coup à peu près sûr ; seulement il faudrait peut-être en venir aux dernières extrémités. Faut-il agir ?

« Signé l’un des sept. »

Formose prit aussitôt une plume et écrivit en marge de cette lettre en forme dé mémorandum.

Ne rien faire, absolument rien.

Puis il jeta les papiers sur une table de travail, et marcha à grands pas.

Après quelques instants de réflexion, il sonna son valet de chambre.

— Angelo, dit le prince, tu partiras demain pour la Normandie.

— Oui, Monseigneur, répondit le domestique.

— À quelques lieues au delà de Caen, il y a un château qu’on appelle Blenneville ; tu t’informeras, tu demanderas…

— Oui, Monseigneur.

— Écoute ceci. Tu verras si tout auprès de ce château il n’existe pas de propriété à vendre ; s’il y en a une, tu l’achèteras.

— Oui, Monseigneur.

— Il faut partir le plus tôt possible.

— À six heures du matin, je serai sur la route de Caen ; demain soir, je serai arrivé ; après-demain, la commission de Monseigneur sera remplie.

— Très bien, dit le prince ; et il passa dans sa chambre à coucher.

Le lendemain, pendant qu’Angelo galopait vers la Normandie, voici ce qui se passait à l’hôtel Formose.

Le prince était dans son cabinet de travail, sorte de laboratoire secret, où nul étranger ne pénétrait, et dont il avait toujours soin de garder la clé sur lui ; il réfléchissait à son plan de conduite, et sondait toutes les difficultés de son entreprise. Une chose l’inquiétait surtout, il aurait voulu connaître les sentiments de Mlle d’Orion pour son cousin, M. Eugène de Larcy, dont la lutte, dans cette grande affaire, pouvait être un rude obstacle aux projets du prince. M. de Larcy, en sa qualité de parent de la jeune personne, avait toutes les chances en sa faveur, il était bien placé dans le monde, il voyait s’ouvrir devant lui une carrière brillante ; il n’était pas mal, au contraire, et ses assiduités auprès de sa cousine le désignaient depuis longtemps comme le futur époux de Mlle d’Orion : heureusement qu’il n’avait que vingt-deux ans, c’est dire qu’il manquait de cette expérience, et disons le mot, de cette rouerie que Formose possédait à un si haut degré, mais il lui restait tant d’autres avantages. Il fallait donc que Formose, d’une façon ou d’une autre, se rendît maître indirectement de la conduite de ce jeune homme pour dominer plus facilement le cœur de Mlle d’Orion. Il cherchait un moyen ; là était la difficulté, lorsque tout-à-coup il se frappa le front et en fit jaillir une étincelle satanique.

Il se mit à songer à cette femme qui lui avait écrit la veille au soir : il se rappela sa beauté, son adresse, et toutes les qualités précieuses de cette sirène italienne. Dirigée par lui, elle pouvait devenir un instrument terrible ; il ne s’agissait que de s’emparer d’elle avant qu’elle fût connue à Paris. A Naples, la Zanetta avait fait fureur ; elle devait être belle encore, et l’éclat de sa beauté ne pouvait manquer de soulever autant d’enivrement à Paris qu’en Italie. Cette femme l’avait aimé éperdûment, et l’aimait peut-être encore assez pour obéir servilement à ses ordres. D’ailleurs, personne mieux que Formose ne savait exercer une domination calme et soutenue sur cette classe de femmes faciles, toujours prêtes à recevoir un maître.

— Tentons l’aventure, se dit-il.

Il sortit à pied de son hôtel, et, se jetant dans une voiture de place, il se fit conduire à l’adresse de la Zanetta Coradini. Arrivé à l’hôtel des Princes, il fut introduit dans un salon, où il resta seul pendant quelques minutes.

— Si elle allait être laide maintenant ! pensait-il ; elle est peut-être vieillie ! bah ! elle avait dix-sept ans quand je l’ai connue, et il y a quatre ans tout au plus. Il en était là de ses réflexions, lorsque la porte du salon s’ouvrit, et livra passage à une jeune femme de la plus éclatante beauté ; la splendeur de la jeunesse et la grâce brillaient sur son visage pur et régulier comme un camée antique. A l’aspect de cette ravissante créature, le prince ne put retenir un sentiment de joie qui se refléta sur ses traits.

— Cher prince, lui dit la Zanetta, en le faisant asseoir auprès d’elle sur une causeuse, vous ne m’avez donc pas oubliée ?

— Vous oublier ! moi ! dit Formose d’un air dégagé, allons donc, ma chère, vous ne le pensez pas. Et pourquoi avons-nous quitté Naples, s’il vous plaît ? Est-ce qu’il n’y a plus de fils de famille à dévorer dans ce fortuné pays ? La curée est-elle finie au-delà des Alpes ?

—Ah, bah ! répondit l’Italienne, c’est toute une histoire. Après votre départ de Naples, affreux ingrat ! j’étais inconsolable ; si j’avais su où vous trouver, je crois que je me serais mise à votre poursuite, eussiez-vous été au bout du monde.

— Ma foi, tu as bien fait de venir, car tu peux me rendre un grand service.

— Parle, dit l’Italienne, je suis à toi corps et âme.

Formose reprit :

— C’est une haute mission politique que j’ai à le confier ; il faut que tu sois une grande dame, une très-grande dame ; tu auras équipage, domestiques, maison montée, et c’est moi qui serai ton caissier.

— Je ne comprends pas du tout, dit la Coradini, en allumant elle-même une cigarette.

— Tu me comprendras tout à l’heure. Te voilà donc une grande dame tout nouvellement débarquée à Paris ; tu vas aux spectacles, aux promenades, aux concerts ; tu te montres partout ; en quinze jours, tu deviens la lionne la plus renommée ; quarante jeunes gens sont à ta poursuite ; tu reçois trente déclarations par jour ; en un mot, tu fais un ravage effrayant.

— C’est ravissant ! s’écria la Zanetta transportée.

— Oui, mais voici le revers de la médaille : tu n’écoutes aucun propos galant, du moins ouvertement ; tu vis en Lucrèce, toujours en apparence ; tu passes presque pour une vertu inexpugnable. Cependant, parmi tous ces jeunes gens attachés à tes pas, il y en a un que tu remarques plus particulièrement ; tu lui envoies tes œillades les plus assassines ; tu joues de la prunelle comme tu sais si bien le faire ; tu l’attires à toi peu à peu, et tu fais tant et si bien, qu’il finit par t’aimer comme on t’aime quand tu le veux absolument.

— Quel singulier rôle vous voulez me faire jouer, mon prince !

— Tu as des scrupules, interrompit Formose, toi qui as laissé tant de morts sur le champ de bataille de ton cœur.

— Et quel est cet homme ? demanda l’Italienne.

— Il est jeune, il est bien, il est noble et il a vingt-deux ans ; on le nomme M. de Larcy, c’est un vrai cadeau que je te fais.

— Sainte Vierge ! s’écria la Coradini ; pardonnez-moi, voilà un malheureux qui sera fou de moi avant dix jours, et qui sera ruiné dans six mois.

— Je te l’abandonne corps et biens. Ainsi, c’est entendu ; tu l’attires à toi, tu le subjugues, tu le fascines par le feu de ces regards qui ont déjà fait tant de victimes. Mais pas de précipitation ! De la coquetterie, des promesses d’abord, et puis des espérances jusqu’à ce qu’il n’y ait plus moyen de reculer. Enfin sois même cruelle, si c’est possible.

— Insolent ! fit la Zanetta en embrassant Formose.

— Il faut conduire cette affaire comme une passion de cœur. N’oublie pas de te faire écrire des lettres.

— Comme ce sera ennuyeux !

— Tu ne seras pas forcée de les lire ; tu me les remettras, voilà tout ; et si tu mènes les choses convenablement, demande-moi tout ce que tu voudras, je te le donnerai.

— Prends garde, beau prince, dit la Coradini en se penchant vers Formose, si j’allais te demander ton amour ?

— Ma foi ! si tu me regardes ainsi pendant deux minutes, je ne réponds plus de rien.

Le soir même de ce jour, la Coradini était installée dans un superbe appartement de la rue du Helder.

  1. Théophile Gautier