L’École de la paix sociale/08

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§ 8

Comment l’étude des races pastorales explique la diversité des fonctions sociales qu’elles ont remplies dans le passé.


Les steppes qu’habitent les pasteurs asiatiques sont plus ou moins enchevêtrées, grâce aux variations brusques de climat offertes par le relief du sol, avec les territoires de la région tempérée. Bien que la neige joue un rôle prépondérant dans la formation de ces territoires, les pasteurs de l’Asie ont pu participer, en certaines localités, à la prospérité. Selon la nature des lieux et les traditions qu’établit, à la longue, la pratique du bien et du mal, ils ont présenté dans l’histoire et offrent encore de nos jours trois régimes principaux.

Les uns, par l’ensemble de leurs habitudes, se rapprochent des chasseurs qui habitent les forêts contiguës aux frontières septentrionales des steppes, et ils tirent même de la chasse une partie notable de leur subsistance. Ils conservent la soumission au Décalogue, la propriété communale et la division en petits groupes qu’exige naturellement l’attribution de la souveraineté à un conseil d’anciens où siègent tous les vieillards chefs de famille.

D’autres races de pasteurs adoptent la propriété familiale ; et elles sont souvent conduites à instituer tôt ou tard la propriété patronale en faveur des familles qui montrent dans leur gouvernement domestique du discernement et de la sagesse. Sous ce régime se forment des familles prospères qui ont tout au moins la richesse et la force, et qui, en abusant de ces avantages, peuvent provoquer la discorde. Ce cas s’est parfois présenté dans le passé : les forts ont opprimé puis soumis les faibles ; peu à peu, de grands empires se sont constitués ; ils ont défriché les steppes, bâti des villes et acquis assez de puissance pour ravager le Continent. Alors, la corruption et la décadence sont survenues, puis l’herbe a envahi de nouveau les espaces occupés par les populations agricoles et urbaines.

De nos jours le développement inouï des deux grands empires de l’ancien continent, la Russie et la Chine, ne laisse plus aux pasteurs contemporains qu’un rôle subordonné. Toutefois, par compensation, les pasteurs qui conservent les régimes de la propriété patronale et familiale retrouvent, à défaut de la prospérité, le bonheur fondé sur la paix. À cet effet ils se placent, au prix d’un tribut annuel, sous la protection du souverain le plus proche.