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L’Émigré/Lettre 150

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P. F. Fauche et compagnie (Tome IVp. 163-165).


LETTRE CL.

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La Cesse de Loewenstein
à
Melle Émilie de Wergentheim.


Je n’ai pas dormi de la nuit, ma chère amie, en songeant au groupe heureux dont votre lettre m’a donné l’idée. Quoi ! vous et le Baron, le Marquis et moi heureux le même jour, et vos parens et les miens ne formant qu’une seule famille, et s’applaudissant du bonheur de leurs enfans ! quoi, vous et moi pénétrées d’une mutuelle affection et goûtant les mêmes plaisirs ! Je vois le Baron et le Marquis unis d’une tendre amitié se communiquer mutuellement leur bonheur, s’entretenir des craintes et des espérances qui l’ont précédé ; et vous et moi, ma chère Émilie, que n’aurons-nous pas à nous dire ! Nous avons assisté quelquefois ensemble à une pièce nouvelle, et chacune se plaisait à dire à l’autre ce qu’elle éprouvait ; il semblait que nous participions aux mêmes émotions ; notre plaisir croissait lorsqu’il était également senti par nous deux : tout cela était passager et finissait avec la pièce ; mais lorsque nos cœurs seront livrés à des sentimens semblables, vifs et durables, quelle sera notre félicité ! Mon imagination ne connaît pas de bornes, quand il s’agit de l’union de nos cœurs, vous dirai-je à quel point elle s’égare ? Je songe quelquefois à nos enfans, je songe à nous reproduire pour nous confondre. Adieu, ma tendre amie.

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