L’Amitié (Nemo)/VI

La bibliothèque libre.
Nemo
Petrot-Garnier (p. 16-17).


CHAPITRE VI

L’Amitié complément de tout.


À tous les temps, sous toutes les latitudes, en toutes les phases de la vie, l’amitié donne du prix à tout.

Dans la prospérité, quelle jouissance, si un être cher n’y prend part ?

Que sont au conquérant ses conquêtes, ses victoires, si un peuple aimant ne salue son triomphant retour et ne lui tend les bras ;

Au voyageur, ses longues pérégrinations ;

Au savant, ses laborieuses investigations et ses découvertes ;

À l’artiste, ses brillants succès, s’ils ne font en un coin du globe, si humble et si obscur qu’il soit, fût-ce sous un toit de chaume, battre de joie un cœur qui ait une entente avec le sien ?

Non, sans l’amitié, point de jouissance complète, point de complète satisfaction, rien du contentement plein, vrai, rien.

Avec elle, le double de tout.

Fêtes bruyantes, somptueux palais, festins splendides, étincelants salons, belles symphonies, pompeux triomphes, seuls, vous êtes impuissants à faire un beau jour.

Cent fois, on l’a dit : toutes les choses si fort prisées n’ont qu’un fruit : la fortune, les jouissances ; le crédit, les assiduités ; les honneurs, la gloire ; la santé, l’exemption de la douleur et la liberté des facultés physiques.

L’amitié est plus riche, a plus de splendeur, est reine, nulle part exclue, nulle part étrangère, jamais hors de saison.

Pour goûter les joies innocentes de la vie, le feu et l’eau ne sont d’usage ni plus grand, ni plus nécessaire.

Sans ses charmes, le trône lui-même, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qu’une couronne ?

Un cercle de fer, des planches recouvertes de velours.

Que, par ton absence, encore plus je le ressens, ô mon digne ami !

Qu’un jour passé avec toi m’est plus cher que mille avec des indifférents !

Des herbes, des herbes avec affection et une chaumière, plutôt que le veau gras et un palais sans l’amitié.