L’Angelus des sentes (recueil)/Paroles du matin

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L’Angelus des SentesBibliothèque de l’Association (p. 115-122).


Paroles du matin

À Maurice Le Blond


V

Vous la voyez souriante, heureuse et pleine de lumières…
Et chaque goutte de votre sang chante un hymne.
Eugène Montfort


Vierge ! à l’heure gaie
Où le dieu des haies
Ordonne à ses fleurs
De s’entr’ouvrir toutes
Pour calmer les doutes
Et sécher les pleurs,

Tes bras de prière
Laissent aux clairières
Leur fumant burnous,
Et dans la ramure
Des airelles mûres,
Tu brilles pour nous !

Nos lèvres murmurent
Des cadences pures
Lorsque nous voyons
Ta robe sacrée
Que l’aube a parée
D’éclatants rayons.
Tu gardes l’amphore
D’où jaillit l’aurore
Des joies qui seront,
Tu tends les couronnes
Que Phébus te donne
Pour sacrer nos fronts.

 

Sur la terre aride
Ta venue candide
Sema des voix d’or
Dont la belle flamme
Est faite de l’âme
De tous les dieux morts.
Tu construis nos voies
Du ciel qui flamboie
Dans tes yeux d’azur,
Et tes bleues colombes
Posent sur les tombes
Des sourires sûrs.

Tu chantes la vie
Déesse assouvie
De divins desseins !
Aux statues de Grèce
Tu pris l’allégresse
Qui luit sur tes seins.

Les hommes qu’enlace
La misère lasse,
Ne sont plus rivaux,
Car la terre entière
A bu la lumière
De ton cœur nouveau !

La terre est rosée
Comme une épousée.
Tu mis, quand tu vins,
Des mannes de rêve
Sur toutes les grèves
Et tous les ravins.
Quand tu nous convies
Aux joûtes ravies
Des rythmes précis,
Nous voyons renaître,
Sous l’azur des hêtres,
Les soirs d’Éleusis.


Partout où tu passes
Tu répands la grâce
De tes belles mains,
Et ta bouche enfante
L’aube triomphante
Des heureux demains.
Tu nous as dit : « Faites
Que toutes vos fêtes
Soient pour les lépreux !
Chantez, puisqu’ils souffrent
Sur le bord du gouffre,
Des hymnes pour eux !

Devant les cieux vides
Que vos voix splendides
Rendent l’homme doux.
Dans vos divins codes
Inscrivez des odes
Qu’on lise à genoux.

Et faites l’offrande
De vos âmes grandes,
Car vous seuls avez
La brûlante force
Qui fondra l’écorce
Des humains névés. »

Et depuis, nos Lyres
Ont les grands sourires
De beaux lys vermeils.
Par les routes sombres
Nous clamons dans l’ombre
Des cris de soleil,
Pour qu’aux ondes neuves
Le monde s’abreuve,
Et qu’à tes clartés
Toute joie fleurisse,
— Pure Créatrice
De toute beauté !