Ne nous frappons pas/L’Angleterre n’en mène pas large

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L’ANGLETERRE N’EN MÈNE PAS LARGE
(C’EST LE CAS DE LE DIRE)

Je reçois un numéro du Kent Messenger dont l’extrait suivant va combler de joie les nombreux anglophobes qui font partie de ma brillante et généreuse clientèle :

« La dernière église de Dunwich vient de s’écrouler dans la mer.

» Dunwich fut autrefois une cité florissante qui compta vingt mille habitants. On y remarquait plusieurs monuments remarquables dont six églises.

» Le flot vient d’avoir raison du dernier édifice qui rappelait un heureux passé.

» Dunwich ne sera bientôt plus qu’un souvenir englouti dans la mer. »

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Dunwich ! Poor Dunwich !

Poursuivons la lecture de cet intéressant Kent Messenger.

« Un humoriste français, M. Alphonse A…, a conté naguère que l’Angleterre délestée de sa houille, flottait comme une bouée et ne devait sa stabilité relative, qu’aux câbles télégraphiques dont elle avait eu la prudence de se relier à divers continents.

» Excellente blague !

» Hélas, la vérité est plus triste et le temps n’est pas loin où nous pourrons dire en gémissant : Finis Britanniæ !

» Il se produit, en effet, sur nos côtes, un phénomène des plus graves et des plus inquiétants.

» Nous voulons parler de la rapide érosion du littoral par l’action de la mer.

» Les empiètements de la mer se font particulièrement sentir dans les comtés de Norfolk, de Suffolk, de Kent, et tout le long de la côte du Yorkshire, soit sur une étendue de plusieurs centaines de milles.

» Le banc de Goodwin, qui faisait jadis partie du territoire britannique, se trouve aujourd’hui à plus de six milles en mer.

» Sur certains points du Norfolk, c’est un sauve-qui-peut général.

» Plusieurs villages, Shipden, Eccles, Wimpwell, etc., ont complètement disparu depuis quelques années.

» La ville de Cromer a dû reporter son activité à dix kilomètres à l’intérieur des terres.

» Winchelsea, Bye, Sandwich, Southport, Overstrand, Sheringham, Sidestrand, Southwold, Auburn, Halburn sont la proie imminente de l’engloutissement.

» Sans être aussi terrifiants, les mêmes phénomènes sur la côte anglaise opposée (Ouest) ne sont pas non plus très rassurants, car l’érosion du littoral dépasse, sur certains points, une moyenne de cinq pieds par an. »

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Et le Kent Messenger termine par cette réflexion philosophique :

« Il serait véritablement navrant que la mer, défense naturelle de l’Angleterre, arrivât à devenir son mortel ennemi et son tombeau, peut-être. »

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Comme nous ne verrons pas, vraisemblablement, cette heure bénie, chantons avec le poète :


On n’en finira donc jamais
Avec ces n… de D… d’Angliches
Faudrait qu’on les extermin’rait
Et qu’on les réduise en Sandwiches !
etc., etc., etc.