II
NUIT DE VICTOIRE
du vieux peintre avec son modèle
« L’aurore s’étonnait que ruisselle un crin fauve
« Près de mon poil chenu sur le même oreiller
« Or, Vénus qui me tint cette nuit éveillé,
« En mon douzième lustre a fleuri mon front chauve.
« Ma vigueur a goûté, des défaillances sauve,
« Âprement cet amour, peut-être le dernier !
« J’ai bu le sang des dieux sur un corps printanier,
« Qui sent la rose et fait un verger de l’alcôve.
« Penché sur l’or moussu qui voile un antre frais,
« J’ai respiré l’automne et les rouges forêts,
« Où de l’aubier vivant s’étire la faunesse…
« Ce n’est pas l’heure encor qu’à mes tempes de dieu
« Le déclin, menaçant ma trop longue jeunesse,
« Effeuille l’œillet pâle et cette rose feu. »
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