L’Autre (Sand)

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L’Autre
Comédie en quatre actes
Michel Lévy frères.


L’AUTRE




Quelques personnes ont cru voir ici une thèse. Le mot est trop ambitieux pour moi, j’accepte celui de proposition. Or, je propose d’absoudre le mal qu’on n’a pas voulu empêcher. Absoudre n’est peut-être pas le mot non plus : il faut dire pardonner, comme dans la pièce.


Si l’on s’obstinait à y voir un plaidoyer en faveur de l’adultère, je protesterais contre l’intention cachée qui ne peut être imputée à mon caractère, lequel manque absolument de finesse et d’habileté, et j’en appellerais au calme de la lecture. La thèse contraire, si thèse il y a, est plaidée durant toute la pièce par tous les personnages : — par la femme coupable qui meurt de chagrin, par la fille qui renie et maudit presque son père illégitime, par le fiancé qui le soupçonne et l’insulte, par le précepteur qui n’admet pas d’excuse à la faute commise. Mais le pardon est invoqué par le coupable qui a expié, et le pardon tombe de la bouche la plus pure, celle de l’aïeule qui n’a jamais fait que le bien. Je crois que celle-ci est dans la vraie morale et dans la vraie religion, et, si l’on m’assurait qu’il faut punir à outrance et sans retour le mal que l’on a autorisé, j’avoue que je ne le croirais pas.


Puisque j’ai cru devoir dire quelques mots de l’intention si peu mystérieuse de l’auteur, je saisirai l’occasion de remercier ses éminents et excellents interprètes, anciens et fidèles amis pour la plupart. C’est à eux bien autant qu’à moi qu’il faut attribuer la sympathie et la bienveillance du public.


GEORGE SAND


Nohant, 5 mars 1870