L’Effrayante Aventure/3/3

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Tallandier (p. 188-206).


III

SOUS PARIS


Pour tout homme de sens rassis, se défendant contre les suggestions d’une imagination fantaisiste, il n’est pas douteux que, si un kiosque à journaux et trois hommes sont entraînés dans la débâcle de centaines de mètres cubes de matériaux divers, les probabilités militant en faveur de leur écrasement se peuvent chiffrer par — sur mille — 999 à une chance pour leur salut.

Cependant étudiez les faits divers que nous apportent les journaux, et vous serez surpris de voir le rôle qu’en les cas les plus effrayants, joue cette force que nous nommons — sans la comprendre — le hasard.

Sans qu’il y ait miracle, sans qu’aucune des lois connues et vérifiées soit violée, ce couvreur tombe du sixième étage, rebondit sur un balcon et vient s’étaler sur une voiture d’ordures ménagères, qui lui fait un lit moelleux et sauveur.

Sur deux automobilistes emportés par la même voiture, mis en péril par la même rupture de frein, culbutant sur le même obstacle, sous la même voiture qui capote, l’un d’eux est tué raide, l’autre en est quitte pour quelques douleurs internes et provisoires, dont le seul intérêt sera de servir de justification pour réclamer une indemnité au célèbre Qui de droit, anonyme auteur de tous nos maux.

Sous les rafales de la tempête, sur dix navires, neuf parviennent à fuir devant le vent et atteignent l’accalmie. Le dixième, le plus solide, le plus neuf, le mieux commandé disparaît, happé par la mer et des passagers, un seul survit, un boiteux qui n’avait jamais navigué et, bien entendu, ignorait les plus élémentaires principes de la natation.

Il y a, sur mon trottoir, une pelure d’orange : depuis le matin cent personnes ont déambulé, au pas, au trot, au galop, sans même y prendre garde. Je sors, je vois la pelure et, d’un coup de pied, l’envoie dans le ruisseau. Je tombe et me casse la jambe.

La vie et la mort sont à la merci de milliers de circonstances, les unes visibles et dont nous croyons pouvoir nous écarter, les autres invisibles et sournoises qui règlent notre compte, sans que nous ayons supposé qu’il y avait un calcul à faire.

Il n’est rien de moins vraisemblable que le vrai, rien de plus vrai que l’invraisemblable.

C’est pourquoi, si étrange, si stupéfiant que paraisse la suite de ce récit, l’incrédulité du lecteur ne serait qu’une preuve d’inexpérience.

Le mot — impossible — a dit Arago, n’existe pas, sinon dans les mathématiques pures… et encore !

C’est pourquoi ce serait faire preuve d’une fâcheuse étroitesse d’esprit que de s’étonner quand nous retrouvons, à une profondeur que nous n’avons pas encore eu le temps d’évaluer numériquement…

Sir Athel Random, assis, le front dans la main et réfléchissant profondément…

Assis ? où ? sur quoi ?

Très simplement sur le plancher de son kiosque, de sa guérite, de quelque nom qu’on veuille la nommer.

Brisé ? Ou tout au moins étourdi ? Point. Très calme, très valide et en possession de toutes ses facultés.

Seulement un peu étonné : 1o de se trouver à l’intérieur de son appareil d’aviation, 2o de n’entendre aucun bruit, et de se sentir en pleine et lourde solitude, 3o d’avoir la sensation d’une descente plutôt que d’une chute, sans heurt violent.

Naturellement l’obscurité était profonde et ce n’était qu’à tâtons que sir Athel avait reconnu le plancher et les parois.

Encore n’avait-il hasardé ces gestes qu’avec une infinie précaution ; il savait trop, par expérience, quels périls pouvait présenter une brusquerie de geste dans un local muni de tous côtés d’une machinerie aussi délicate que dangereuse.

Donc il avait pris le parti le plus sage, qui était de se tenir aussi immobile que possible et de réfléchir, aussi nettement et aussi froidement que les circonstances le permettaient.

Sir Athel — on l’a deviné du reste — était un esprit précis, méthodique, sériant les questions.

Le fait de se trouver à de nombreux mètres sous terre, enfermé dans une caisse d’explosifs, n’était pas, à premier examen, de ceux que l’on choisirait bénévolement pour occuper ses loisirs.

Mais, d’autre part, c’était satisfaction réelle que de sentir son cœur battre, que de faire jouer ses muscles, que de constater l’activité de son cerveau ; en un mot, de se retrouver, après pareille alerte, parfaitement vivant.

Sir Athel monologua, à la muette, bien entendu.

— Je me rappelle fort bien, se disait-il, que je touchais au succès. J’allais en quelques minutes — et par la seule force du vrilium, convenablement adaptée, soulever lentement le Vriliogire.

« Mon but était, aussitôt que j’aurais dégagé la porte, de m’introduire à l’intérieur, avec les précautions convenables, d’atteindre l’isolateur central et ainsi de neutraliser l’effet du vrilium, redevenu provisoirement inerte. Et alors on aurait achevé le sauvetage de l’appareil par les moyens ordinaires. Quelques cordes solides et de vigoureux bras auraient achevé l’œuvre.

« Que s’est-il alors passé ? Je me souviens que j’avais déjà déchargé certaines parties des condensateurs… encore quelques instants et je touchais au but. Seulement j’eus besoin — ma mémoire est très fidèle — d’une des tiges que j’avais préparées et qui, par sa forme recourbée, me permettait de la faire pénétrer à l’intérieur. J’atteignais ainsi le ressort supérieur de la porte dont une partie se repliait et livrait passage à ma main qui achevait l’œuvre…

« J’eus le tort, je le reconnais maintenant, de faire appel à autrui — à M. Labergère, si je ne me trompe — pour obtenir l’outil désiré… ce fut alors qu’un corps lourd se précipita sur moi… détermina le choc de ma baguette à vrilium contre une partie de la paroi… »

Il se donna à lui-même quelques explications dont le résultat fut qu’il ignorait comment la porte avait pu s’ouvrir et se refermer sur lui…, en même temps que les charges de vrilium contenues dans des baguettes, et soudain libérées, déterminaient un éboulement et la chute de l’appareil.

Mais la science constate nombre de faits dont les modalités lui échappent.

Le phénomène actuel les augmentait d’une unité. C’était tout.

Ce qui était évident, c’est que, par les chocs subis, tels déclenchements s’étaient produits dans les ressorts moteurs qui avaient opéré la neutralisation du vrilium. Car au moment actuel il semblait en vérité que l’appareil fût pour ainsi dire mort, ne produisant plus ni force, ni chaleur, ni lumière. Question à étudier de plus près, si jamais on avait encore le loisir de l’étude.

— Tout ceci, pensa Sir Athel, ne me renseigne que très médiocrement sur les moyens qui me restent de sortir de la position plus que précaire dans laquelle je me trouve.

Et tout à coup il eut un frisson.

Une pensée — un instant écartée — lui sautait au cerveau.

Il n’était pas la seule victime de cette catastrophe. Il avait deux compagnons ! Labergère, Bobby, le reporter génial, le détective si fortement britannique. Les… deux malheureux avaient-ils péri, soit qu’ils eussent été foudroyés par les décharges vriliennes qui avaient déterminé et accompagné l’effondrement ; soit, ce qui était plus horrible encore, qu’ils eussent été écrasés par les décombres…

Sir Athel avait le cœur essentiellement bon. Toutes ses recherches scientifiques n’avaient d’autre objet que d’augmenter, si possible, la somme de bien-être dont disposait l’humanité.

Qu’importait sa vie à lui ! Dès longtemps, il en avait fait le sacrifice. Mais avait-il le droit de disposer de celle d’autrui ? Or ici sa responsabilité était entière, indéniable. Pourquoi, connaissant les périls de l’opération, sachant que lui seul pouvait les conjurer ; comment, pourquoi, avait-il été assez faible pour autoriser ces deux hommes à l’accompagner ?

Encore pour le cas de Coxward, pouvait-il alléguer pour sa défense personnelle que c’était par la propre imprudence du boxeur que l’accident s’était produit. Sir Athel en avait été témoin sans y participer en quoi que ce fût.

Mais là, il ne pouvait pas adresser le moindre reproche à ces deux hommes, qui ne l’avaient suivi que par intérêt pour lui… ; il aurait dû, c’était son devoir d’honnête homme, les repousser, rejeter impitoyablement leur requête.

Et Sir Athel se demandait en rougissant s’il n’avait pas obéi à un ridicule instinct de vanité en les acceptant pour proches témoins de ce qu’il croyait être une victoire.

Il se dit qu’après tout il avait expié ce crime : car quel espoir de sortir du gouffre où il était enlisé ! Eh bien, qu’il mourût, ce n’était après tout que le châtiment qui lui était dû !

Sous le poids de ces pensées douloureuses, Sir Athel se sentait faiblir. Toute son énergie l’abandonnait. Était-ce manque d’air ou simplement l’effet de la tension morale, ses nerfs se brisaient, son cerveau s’embrumait, un voile s’étendait sur ses yeux. Il éprouvait la sensation épouvantable de l’inhumation prématurée, et ses deux mains, en un geste désespéré, se crispèrent contre sa poitrine, secouée par un spasme convulsif.

Ce geste inconscient le sauva.

Sous ses doigts, il sentit des objets durs qu’il connaissait bien : c’étaient de petites boîtes plates, pareilles à des bonbonnières, dans lesquelles il avait enfermé des parcelles de vrilium !

Le vrilium ! Quoi ! Il était en possession de ce produit étonnant, de ce moteur universel, de cette panacée à laquelle rien ne résistait ! Et il se laissait aller au découragement !

À quoi donc eût servi de s’être rendu maître d’un des plus puissants secrets de la nature, si cette découverte ne lui eût pas apporté le salut dans les circonstances les plus désespérées…

Après tout, puisqu’il n’était pas mort, pourquoi ses deux compagnons eussent-ils nécessairement succombé ?

Rien que pour avoir touché une des boîtes qui renfermaient le vrilium, déjà sir Athel se sentait réconforté ! Non, non, il ne s’abandonnerait pas, il lutterait, il vaincrait !…

Et il lui sembla voir, dans une vague pénombre, le doux visage de Mary Redmore qui l’encourageait.

— Je suis dans le Vriliogire, se dit-il. Mais où se trouve l’appareil ? C’est là ce qu’il faut savoir, et pour cela il faut de la lumière. Le vrilium va m’en procurer.

Il y avait encore un danger, c’était de hasarder un faux mouvement qui agît sur quelqu’un des ressorts de la machinerie et déchaînât encore quelque décharge. Car Sir Athel qui, avant le 1er avril, ne songeait pas encore à utiliser son avion, s’en servait volontairement pour emmagasiner les parties de vrilium qu’il obtenait dans son laboratoire.

Avec d’infinies précautions, il tira de la poche de son gilet le menu porte-crayon qui lui avait servi naguère à dissocier l’encrier de marbre. Il le palpa, fit jouer délicatement une virole, destinée à modifier les effets à obtenir, puis poussa un ressort. Il y eut un léger déclic et une languette de feu jaillit, assez semblable à la flamme de l’acétylène.

Une clarté éblouissante envahit la cabine disposée comme celle d’un poste téléphonique ; et sur toutes les parois, étaient installées des petites caisses, munies de poignées ou de boutons, le tout formant, pourrait-on dire, une sorte de clavier dont les touches agissaient sur les diverses parties du mécanisme. Un faisceau de fils reliait ce système à une sphère, de très petite dimension, fixée sur une tige métallique qui traversait la cabine de haut en bas, et qui, nous le savons déjà, commandait les deux hélices, aux deux extrémités verticales de l’appareil.

Au premier coup d’œil, Sir Athel comprit ce qui s’était passé. Dans le choc brutal qu’avait produit sa chute, un des ressorts de l’intérieur s’était déclenché, et le moteur se mettant en marche avec une rapidité énorme avait fait agir l’arbre des hélices.

À son extrémité supérieure, l’hélice qui avait été brisée n’existait plus ; mais, à la partie inférieure, elle subsistait dans son entier, et tournant avec une vélocité vertigineuse, elle s’était enfoncée dans le sol friable, faisant en quelque sorte office de tire-bouchon — ou mieux de vis d’Archimède. Et elle avait creusé un puits dans lequel l’appareil tout entier était descendu, comme dans une gaine où il s’était frayé sa voie, ralenti cependant par le frottement.

Ce qui expliquait comment la descente, au lieu de présenter le caractère d’une chute dans laquelle tout se fût fracassé, avait pris celui d’un glissement.

Mais pourquoi l’arrêt ?

Ayant allumé une lampe attachée à la paroi, Athel, libre de ses mouvements et complètement maître de lui-même, chercha. La charge de vrilium qui actionnait le moteur et les diverses parties du mécanisme était presque épuisée, et pourtant suffisante encore pour produire de très réels effets. Il était évident qu’un obstacle puissant s’était opposé à la continuation du mouvement, et bientôt Athel en reconnut la cause.

Après avoir perforé les diverses couches de terre, de sable, de pierres désagrégées qui ne lui avaient opposé qu’une résistance relative, l’hélice inférieure s’était trouvée subitement arrêtée. L’énorme foret dont elle était garnie à son centre s’était engagé dans une matière dont la dureté était telle qu’il n’avait pu la percer ; son mouvement de rotation s’était arrêté et l’appareil se trouvait, par le fait même, immobilisé par l’obstacle.

Cependant Athel savait qu’à la force du vrilium pas une substance connue ne pouvait résister : cet arrêt devait donc provenir d’une cause spéciale qu’il ne tarda pas à découvrir. Par un accident dû à la rupture d’un des ressorts métalliques, la communication se trouvait interrompue entre l’arbre de couche et le moteur, ce qui était facile à réparer.

En somme, et grâce à un hasard incroyable, mais qui prouvait l’excellente qualité des matériaux employés à la construction de l’armature, le vriliogire était pour ainsi dire intact et Athel ne doutait pas qu’il pût facilement le remettre en activité.

Mais ici se posait la question la plus grave.

Y avait-il lieu de provoquer un nouveau déplacement ? Dans quel sens devait-il être dirigé ? En un mot, où se trouvait-on ? À quelle profondeur ?

Le savant anglais avait la sensation très nette qu’il avait perdu connaissance… pendant combien de temps ? Était-il à dix, vingt, trente, cent mètres au-dessous du sol ? La descente s’était-elle opérée en ligne droite ou inclinée ? Toutes interrogations qui restaient nécessairement sans réponse.

Athel regarda sa montre. Elle marquait une heure. C’est-à-dire que depuis le moment où il avait commencé l’opération — dix heures du matin — trois heures s’étaient écoulées. Et encore où était la preuve que ce fût trois heures plutôt que quinze heures. Ceci pouvait se vérifier mécaniquement.

Il fit jouer soigneusement le remontoir. Le nombre de tours lui démontra que c’était bien une heure de l’après-midi. Mais pendant combien de temps était-il resté inerte et inconscient ?

Les termes du problème ne se simplifiaient pas.

Enfin de quoi était enveloppé le vriliogire ? Dans quelle sorte de matière se trouvait-il encastré, enchâssé ?… Comment le savoir ?…

Pour se donner de la force, Athel ouvrit une petite boîte qui contenait des pilules Berthelot. On sait que notre grand chimiste avait émis cette hypothèse qu’un jour viendrait où la nourriture de l’homme par les substances organiques serait remplacée par les éléments chimiques qui les composaient.

Si bien que l’alimentation en serait assurée par des condensés de l’essence même des choses, des éléments, azote, carbone, phosphore dont sont formés les viandes, les légumes, le lait, etc., tablettes ou pilules qui sous un très petit volume serviraient à la réparation des forces.

Sir Athel avait étudié cette question depuis longtemps et l’avait en partie résolue.

Dans une boîte d’un décimètre carré, Athel était en possession de provisions suffisantes pour assurer son alimentation pendant des mois entiers.

Craignant donc une nouvelle défaillance physique, il prit deux pilules riches en azote et y ajouta même, afin d’éclaircir son cerveau, une tasse de café (en pilule).

Il se sentit rasséréné, alerte ! et éprouva cette sensation qu’il était vraiment trop vivant pour mourir. Il savait enfin, qu’en dernier ressort, il lui restait une suprême ressource : l’injection sous-cutanée du vrilium, qui, tant que les organes étaient intacts, rendait à l’être toute sa vitalité.

La confiance en soi est la première condition du succès.

Dans le très petit espace où Athel pouvait se mouvoir, il examina un à un tous les divers mécanismes de sa machine, interrompit les contacts qui pouvaient encore développer l’action du vrilium. Il ne laissa rien au hasard et comme un général qui a inspecté toutes les parties de son champ de bataille, il se décida à agir.

Ce fut alors que, levant les yeux pour la première fois jusqu’au plafond du kiosque, il s’aperçut que la partie supérieure était soulevée. N’avait-il pas été pratiqué en effet une sorte d’arrachement du casque prussien qui le couronnait. Dans la chute, ce couvercle — il n’est pas de terme plus clair — avait basculé et par l’orifice ainsi pratiqué, il était possible de jeter un regard au dehors.

Il se hissa sur un escabeau, et grâce à sa haute taille, il atteignit le sommet et passa sa tête par l’orifice. L’obscurité était noire, mais une tiédeur lui monta au visage. On eût dit qu’un certain espace s’étendait alentour.

Il prit le fameux porte-crayon — bon à tout faire — et ayant passé le bras, fit jaillir la lueur claire et blanche. Il eut une exclamation de surprise. Le vriliogire n’était pas engainé, comme il l’avait cru d’abord. Au-dessus de lui, l’espace était libre ; et aussi, devant l’une des parois, celle justement où se trouvait la porte, qu’il n’avait pas jugé prudent d’ouvrir jusqu’ici, dans la crainte d’un éboulement à l’intérieur.

Il lui parut que ce qui l’entourait fût de pierres dures, de roc même.

Alors il n’hésita plus : il fit jouer les ressorts de la porte et se pencha sur le seuil, avançant dans les ténèbres la torche minuscule qui répandit des flots de lumière.

Athel avait devant lui une caverne, une grotte très spacieuse, dont l’ossature était faite de pierres énormes, tassées, encastrées les unes dans les autres, donnant la sensation d’une solidité inébranlable.

Il ne voyait pas distinctement le sol : regardant prudemment à ses pieds, avant de franchir le seuil, il s’aperçut qu’entre le vriliogire et le terrain de la caverne, s’étendait un espace vide, large de plus d’un mètre.

Il pencha le jet de lumière, et il lui sembla qu’il y avait là un abîme très profond, dans lequel ses regards ne distinguaient rien. Au delà de cet intervalle était le sol de la caverne qui lui parut fait d’une voûte peu épaisse, comme d’une croûte de ciment qui aurait recouvert un espace creux au-dessous.

Cependant cette sorte de carapace était d’apparence solide. Décidé à tout, Athel prit son élan, franchit l’espace vide et se trouva debout, sain et sauf, sous la haute voûte de la caverne.

L’air y était épais, lourd, presque suffocant, avec un relent de moisissure qui écœurait.

Mais on n’en était pas à s’émouvoir de ces détails. Athel éprouvait comme une sensation de libération. N’avait-il pas ressenti cette crainte, inavouée à lui-même, qu’il resterait séquestré, inhumé dans le vriliogire transformé en cercueil ! La mort lente, horrible, dans l’immobilité et l’asphyxie.

Jamais touriste en face de l’espace, du ciel, des bouquets d’arbres, des vastes paysages, n’éprouva joie plus intense que celle de notre bon savant, enveloppé de tous côtés d’une calotte de pierre, avec, sous les pieds, un abîme sans fond ? Preuve nouvelle de la relativité des jouissances humaines !…

Et Sir Athel, emporté par son enthousiasme, s’écria :

— Vive la vie !… Vive la science !

— Qui est-ce qui piaille là-haut ? répondit une voix qui semblait sortir des profondeurs de la terre.