L’Encyclopédie/1re édition/APPARENT

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 544-546).
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APPARENT, apparens, adj. m. Cette épithete convient à tout ce qui est visible, à tout ce qui est sensible à l’œil, ou intelligible à l’esprit. Voyez Apparence.

Hauteur apparente. Voyez Hauteur.

Conjonction apparente. Il y a conjonction apparente de deux planetes, lorsque la ligne droite qu’on suppose tirée par les centres des deux planetes ne passe point par le centre de la terre, mais par l’œil du spectateur. La conjonction apparente est distinguée de la conjonction vraie, ou le centre de la terre est dans une même ligne droite avec les centres des deux planetes. Voyez Conjonction.

Horison apparent ou sensible, c’est le grand cercle qui termine notre vûe ; ou celui qui est formé par la rencontre apparente du ciel & de la terre.

Cet horison sépare la partie visible ou supérieure du ciel, d’avec la partie inférieure qui nous est invisible, à cause de la rondeur de la terre. L’horison apparent differe de l’horison rationel qui lui est parallele, mais qui passe par le centre de la terre. Voyez Horison. On peut concevoir un cone dont le sommet seroit dans notre œil, & dont la base seroit le plan circulaire qui termine notre vûe ; ce plan est l’horison apparent. Voyez Abaissement.

L’horison apparent détermine le lever & le coucher apparent du soleil, de la lune, des étoiles, &c. Voyez Lever, Coucher, &c.

Grandeur apparente. La grandeur apparente d’un objet est celle sous laquelle il paroît à nos yeux. Voyez Grandeur.

L’angle optique est la mesure de la grandeur apparente, du moins c’est ce que les auteurs d’optique ont soûtenu long-tems. Cependant d’autres opticiens prétendent avec beaucoup de fondement, que la grandeur apparente d’un objet ne dépend pas seulement de l’angle sous lequel il est vû ; & pour le prouver, ils disent qu’un géant de six piés vû à six piés de distance, & un nain d’un pié vû à un pié de distance, sont vûs l’un & l’autre sous le même angle, & que cependant le géant paroît beaucoup plus grand : d’où ils concluent, que tout le reste étant d’ailleurs égal, la grandeur apparente d’un objet dépend beaucoup de sa distance apparente, c’est-à-dire de l’éloignement auquel il nous paroît être. Voyez Angle.

Ainsi quand on dit que l’angle optique est la mesure de la grandeur apparente, on doit restraindre cette proposition aux cas où la distance apparente est supposée la même ; ou bien l’on doit entendre par le mot de grandeur apparente de l’objet, non pas la grandeur sous laquelle il paroît véritablement, mais la grandeur de l’image qu’il forme au fond de l’œil. Cette image est en effet proportionnelle à l’angle sous lequel on voit l’objet, & en ce sens on peut dire que la grandeur apparente d’un objet est d’autant de degrés que l’angle optique, sous lequel on voit cet objet, en contient. Voyez Vision.

On dit aussi que les grandeurs apparentes des objets éloignés sont réciproquement comme les distances. Voyez Vision & Visible.

Cependant on peut démontrer en rigueur qu’un même objet AC (Planch. d’optique, fig. 69.) étant vû à des distances différentes, par exemple en D & en B, ses grandeurs apparentes c’est-à-dire, les angles ADC & ABC, sont en moindre raison que la réciproque des distances DG & BG : il n’y a que le cas où les angles optiques ADC & ABC seroient fort petits, comme d’un ou de deux degrés, dans lequel ces angles, ou les grandeurs apparentes, seroient à peu-près en raison réciproque des distances.

La grandeur apparente, ou le diametre apparent du soleil, de la lune ou d’une planete, est la quantité de l’angle sous lequel un observateur placé sur la surface de la terre apperçoit ce diametre.

Les diametres apparens des corps célestes ne sont pas toûjours les mêmes. Le diametre apparent du soleil n’est jamais plus petit, que quand le soleil est dans le cancer, & jamais plus grand, que quand il est dans le capricorne. Voyez Soleil.

Le diametre apparent de la lune augmente & diminue alternativement, parce que la distance de cette planete à la terre varie continuellement. V. Lune.

Le plus grand diametre apparent du soleil est, selon Cassini, de 32′ 10″ ; le plus petit de 31′ 38″. Selon de-la-Hire, le plus grand est de 32′ 43″, & le plus petit de 31′ 38″.

Le plus grand diametre apparent de la lune est, selon Kepler, de 32′ 44″ ; & le plus petit de 30′ 60″. Selon de-la-Hire, le plus grand est de 33′ 30″ ; & le plus petit de 29′ 30″. Voyez Soleil & Lune.

Le diametre apparent de l’anneau de Saturne est, selon Huygens, de 1′ 8″, lorsqu’il est le plus petit. Voyez Saturne.

Quand aux diametres apparens des autres planetes, voyez l’article Diametre.

Si les distances de deux objets fort éloignés, par exemple, de deux planetes, sont égales, leurs diametres reels seront proportionnels aux diametres apparens ; & si les diametres apparens sont égaux, les diametres réels seront entr’eux comme les distances à l’œil du spectateur ; d’où il s’ensuit que, quand il y a inégalité entre les distances & entre les diametres apparens, les diametres réels sont en raison composée de la directe des distances & de la directe des diametres apparens.

Au reste, quand les objets sont fort éloignés de l’œil, leurs grandeurs apparentes, c’est-à-dire, les grandeurs dont on les voit, sont proportionnelles aux angles sous lesquels ils sont vûs. Ainsi quoique le soleil & la lune soient fort différens l’un de l’autre pour la grandeur réelle, cependant leur grandeur apparente est à peu-près la même, parce qu’on les voit à peu-près sous le même angle ; la raison de cela est que quand deux corps sont fort éloignés, quelque différence qu’il y ait entre leur distance réelle, cette différence n’est point apperçûe par nos yeux, & nous les jugeons l’un & l’autre à la même distance apparente ; d’où il s’ensuit que la grandeur dont on les voit est alors proportionnelle à l’angle optique ou visuel. Par conséquent si deux objets sont fort éloignés, & que leurs grandeurs réelles soient comme leurs distances réelles, ces objets paroîtront de la même grandeur, parce qu’ils seront vûs sous des angles égaux.

Il y a une différence très-sensible entre les grandeurs apparentes ou diametres apparens du soleil & de la lune à l’horison, & leurs diametres apparens au méridien. Ce phénomene a beaucoup exercé les Philosophes. Le Pere Malebranche est celui qui paroît l’avoir expliqué de la maniere la plus vraissemblable, & nous donnerons plus bas son explication. Cependant l’opinion de cet auteur n’est pas encore reçûe par tous les Physiciens. Voyez Lune.

Distance apparente ou distance apperçûe, est la distance à laquelle paroît un objet. Cette distance est souvent fort différente de la distance réelle ; & lorsque l’objet est fort éloigné, elle est presque toûjours plus petite. Il n’y a personne qui n’en ait fait l’expérience, & qui n’ait remarqué que dans une vaste campagne des maisons ou autres objets qu’on croyoit assez près de soi, en sont souvent fort éloignés. De même le soleil & la lune, quoiqu’à une distance immense de la terre, nous en paroissent cependant assez proches, si nous nous contentons d’en juger à la vûe simple. La raison de cela est que nous jugeons de la distance d’un objet principalement par le nombre d’objets que nous voyons interposés entre nous & cet objet ; or quand ces objets intermédiaires sont invisibles, ou qu’ils sont trop petits pour être apperçûs, nous jugeons alors l’objet beaucoup plus proche qu’il n’est en effet. C’est par cette raison, selon le Pere Malebranche, que le soleil à midi nous paroît beaucoup plus près qu’il n’est réellement, parce qu’il n’y a que très-peu d’objets remarquables & sensibles entre cet astre & nos yeux ; au contraire, ce même soleil à l’horison nous paroît beaucoup plus éloigné qu’au méridien ; parce que nous voyons alors entre lui & nous un bien plus grand nombre d’objets terrestres, & une plus grande partie de la voûte céleste. C’est encore par cette raison que la lune, vûe derriere quelque grand objet comme une muraille, nous paroît immédiatement contiguë à cet objet. Une autre raison pour laquelle nous jugeons souvent la distance d’un objet beaucoup plus petite qu’elle n’est réellement, c’est que pour juger de la distance réelle d’un objet, il faut que les différentes parties de cette distance soient apperçûes ; & comme notre œil ne peut voir à la fois qu’un assez petit nombre d’objets, il est nécessaire pour qu’il puisse discerner ces différentes parties, qu’elles ne soient pas trop multipliées. Or lorsque la distance est considérable, ces parties sont en trop grand nombre pour être distinguées toutes à la fois, joint à ce que les parties éloignées agissent trop foiblement sur nos yeux pour pouvoir être apperçûes. La distance apparente d’un objet est donc renfermée dans des limites assez étroites ; & c’est pour cela que deux objets fort éloignés sont jugés souvent à la même distance apparente, ou du moins que l’on n’apperçoit point l’inégalité de leurs distances réelles, quoique cette inégalité soit quelquefois immense, comme dans le soleil & dans la lune, dont l’un est éloigné de nous de 11000 diametres de la terre, l’autre de 60 seulement.

Mouvement apparent, tems apparent, &c. Voyez Mouvement, Tems, &c.

Lieu apparent. Le lieu apparent d’un objet, en Optique, est celui où on le voit. Comme la distance apparente d’un objet est souvent fort différente de sa distance réelle, le lieu apparent est souvent fort différent du lieu vrai. Le lieu apparent se dit principalement du lieu où l’on voit un objet, en l’observant à travers un ou plusieurs verres, ou par le moyen d’un ou plusieurs miroirs. Voyez Dioptrique, Miroir, &c.

Nous disons que le lieu apparent est différent du lieu vrai ; car lorsque la réfraction que souffrent à travers un verre les pinceaux optiques que chaque point d’un objet fort proche envoye à nos yeux, a rendu les rayons moins divergens : ou lorsque par un effet contraire, les rayons qui viennent d’un objet fort éloigné sont rendus par la refraction aussi divergens que s’ils venoient d’un objet plus proche ; alors il est nécessaire que l’objet paroisse à l’œil avoir changé de lieu : or le lieu que l’objet paroît occuper, après ce changement produit par la divergence ou la convergence des rayons, est ce qu’on appelle son lieu apparent. Il en est de même dans les miroirs. Voyez Vision.

Les Opticiens sont fort partagés sur le lieu apparent d’un objet vû par un miroir, ou par un verre. La plûpart avoient crû jusqu’à ces derniers tems que l’objet paroissoit dans le point où le rayon réfléchi ou rompu passant par le centre de l’œil rencontroit la perpendiculaire menée de l’objet sur la surface du miroir ou du verre. C’est le principe que le pere Taquet a employé dans sa Catoptrique, pour expliquer les phénomenes des miroirs convexes & concaves ; c’est aussi celui dont M. de Mairan s’est servi pour trouver la courbe apparente du fond d’un bassin plein d’eau, dans un Mémoire imprimé parmi ceux de l’Académie de 1740. Mais le pere Taquet convient lui-même à la fin de sa Catoptrique, que le principe dont il s’est servi n’est pas général, & qu’il est contredit par l’expérience. A l’égard de M. de Mairan, il paroît donner ce principe comme un principe de Géométrie plûtôt que d’Optique ; & il convient que Newton, Barrow, & les plus célebres auteurs ne l’ont pas entierement admis. Ceux-ci pour déterminer le lieu apparent de l’objet, imaginent d’abord que l’objet envoye sur la surface du verre ou du miroir, deux rayons fort proches l’un de l’autre, lesquels après avoir souffert une ou plusieurs réfractions ou réflexions, entrent dans l’œil. Ces rayons rompus ou refléchis, étant prolongés, concourent en un point, & ils entrent par conséquent dans l’œil comme s’ils venoient de ce point ; d’où il s’ensuit selon Newton & Barrow, que le lieu apparent de l’objet est au point de concours des rayons rompus ou refléchis qui entrent dans l’œil, & ce point est aisé à déterminer par la Géométrie. Voyez l’optique de Newton, & les leçons optiques de Barrow. Ce dernier auteur rapporte même une expérience qui paroît sans replique, & par laquelle il est démontré que l’image apparente d’un fil à plomb enfoncé dans l’eau, est courbe ; d’où il résulte que le lieu apparent d’un objet vû par réfraction n’est point dans l’endroit où le rayon rompu coupe la perpendiculaire menée de l’objet sur la surface rompante. Mais il faut avoüer aussi que Barrow à la fin de ses leçons d’optique fait mention d’une expérience qui paroît contraire à son principe sur le lieu apparent de l’image : il ajoûte que cette expérience est aussi contraire à l’opinion du Pere Taquet qu’à la sienne : malgré cela Barrow n’en est pas moins attaché à son principe sur le lieu apparent de l’objet, qui lui paroît évident & très-simple ; & il croit que dans le cas particulier où ce principe semble ne pas avoir lieu, on n’en doit attribuer la cause qu’au peu de lumieres que nous avons sur la vision directe. A l’égard de M. Newton, quoiqu’il suive le principe de Barrow sur le lieu apparent de l’image, il paroît regarder la solution de ce probleme comme une des plus difficiles de l’Optique : Puncti illius, dit-il, accurata determinatio problema solutu difficillimum proebebit, nisi hypothesi alicui saltem verisimili, si non accuratè veroe, nitatur assertio. Lec. opt. schol. Prop. VIII. p. 80. Voyez Miroir & Dioptrique.

Quoi qu’il en soit, voici des principes dont tous les Opticiens conviennent.

Si un objet est placé à une distance d’un verre convexe, moindre que celle de son foyer, on pourra déterminer son lieu apparent : s’il est placé au foyer, son lieu apparent ne pourra être déterminé ; on le verra seulement dans ce dernier cas extremement éloigné, ou plûtôt on le verra très-confusément.

Le lieu apparent ne pourra point encore se déterminer, si l’objet est placé au-de-là du foyer d’un verre convexe : cependant si l’objet est plus éloigné du verre convexe que le foyer, & que l’œil soit placé au-de-là de la base distincte, son lieu apparent sera dans la base distincte. On appelle base distincte un plan qui passe par le point de concours des rayons rompus. Voyez Lentille.

De même si un objet est placé à une distance d’un miroir concave moindre que celle de son foyer, on peut déterminer son lieu apparent : s’il est placé au foyer, il paroîtra infiniment éloigné, ou plûtôt il paroîtra confusément, son lieu apparent ne pouvant être déterminé.

Si l’objet est plus éloigné du miroir que le foyer, & que l’œil soit placé au-de-là de la base distincte, le lieu apparent sera dans la base distincte. Voyez Miroir, Concave & Catoptrique.

On peut toûjours déterminer le lieu apparent de l’objet dans un miroir convexe.

Le lieu apparent d’une étoile, &c. est un point de la surface de la sphère, déterminé par une ligne tirée de l’œil au centre de l’étoile, &c. Voyez Lieu.

Le lieu vrai ou réel se détermine par une ligne tirée du centre de la terre, au centre de la planete, ou à l’étoile, &c. (O)