L’Encyclopédie/1re édition/BOIS

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 297-310).
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BOIS S. m. (Oeconomie rustiq.) ce terme a deux grandes acceptions : ou il se prend pour cette substance ou matiere dure & solide que nous tirons de l’intérieur des arbres & arbrisseaux ; ou pour un grand canton de terre planté d’arbres propres à la construction des édifices, au charronage, au sciage, au chauffage, &c.

Si l’on jette un coup d’œil sur la consommation prodigieuse de bois qui se fait par la charpente, la menuiserie, d’autres Arts, & par les feux des forges, des fonderies, des verreries, & des cheminées, on concevra facilement de quelle importance doivent avoir été en tout tems, & chez toutes les nations, pour le public & pour les particuliers, la plantation, la culture, & la conservation des forêts ou des bois, en prenant ce terme selon la seconde acception. Comment se peut-il donc que les hommes soient restés si long-tems dans les préjugés sur ces objets, & qu’au lieu de tendre sans-cesse à la perfection, ils se soient au contraire de plus en plus entêtés de méthodes qui les éloignoient de leur bût ? Car c’est-là qu’ils en étoient ; c’est-là qu’ils en sont encore pour la plûpart, comme nous pourrions le démontrer par la comparaison des regles d’agriculture qu’ils ont prescrites, & qu’on suit sur les bois, & par celles que l’expérience & la philosophie viennent d’indiquer à M. de Buffon. Mais notre objet est d’exposer la vérité, & non pas de l’associer à l’erreur : l’erreur ne peut être trop ignorée, & la vérité trop connue, sur-tout quand elle embrasse un objet aussi considérable que l’aliment du feu, & le second d’entre les matériaux qui entrent dans la construction des édifices. Nous observerons seulement que l’extrait que nous allons donner des différens mémoires que M. de Buffon a publiés, non seulement pourra éclairer, sur la culture, l’amélioration & la conservation des bois, mais pourra même devenir une grande leçon pour les philosophes de se méfier de l’analogie ; car il paroît que l’ignorance dans laquelle il semble qu’on aime encore à rester, malgré le grand intérêt qu’on a d’en sortir, ne vient dans son origine que d’avoir transporté les regles de l’agriculture des jardins à l’agriculture des forêts. La nature a ses loix, qui ne nous paroissent peut-être si générales, & s’étendre uniformément à un si grand nombre d’êtres, que parce que nous n’avons pas la patience ou la sagacité de connoître la conduite qu’elle tient dans la production & la conservation de chaque individu. Nous nous attachons au gros de ses opérations : mais les finesses de sa main d’oeuvre, s’il est permis de parler ainsi, nous échappent sans-cesse ; & nous persistons dans nos erreurs jusqu’à ce qu’il vienne quelqu’homme de génie, assez ami des hommes, pour chercher la vérité ; & j’ajoûterois volontiers, assez courageux pour la communiquer quand il l’a trouvée.

Le nom de bois, pris généralement, comprend les forêts, les bois, les haies, & les buissons ou bocages.

L’on entend vulgairement sous le nom de forêt, un bois qui embrasse une fort grande étendue de pays.

Sous le nom de bois, l’on comprend un bois de moyenne étendue.

Le parc est un bois enfermé de murs.

Les noms de haie & de buisson ou bocage, sont usités en quelques endroits pour signifier un bois de peu d’arpens.

Néanmoins l’usage fait souvent employer indifféremment les noms de forêt & de bois ; il y a même des bois de très-grande étendue, des forêts qui occupent peu d’espace, & des bois qui ne sont appellés que haies ou buissons, & chaumes ; comme les chaumes d’Avenay près Beligny-sur-Ouche, dans le bailliage de Dijon en France, qui contiennent autant d’arpens que des bois de moyenne grandeur.

Toutes ces sortes de bois sont plantées d’arbres, qui sont ou en futaie ou en taillis.

Futaie se dit des arbres qu’on laisse croître sans les couper que fort tard. Voyez Futaie.

Taillis, des arbres dont la coupe se fait de tems en tems, & plûtôt que celle de la futaie. V. Taillis.

Il y a des forêts qui sont toutes en futaie ; d’autres toutes en taillis : mais la plûpart sont mêlées de l’une & de l’autre sorte.

Quand on parle de bois de futaie & de taillis, on considere le bois debout & sur le canton même qui en est couvert, & formant des forêts, &c.

Dans les autres occasions, le terme bois s’entend du bois abattu & destiné aux usages de la vie civile : c’est sous ces deux points de vûe que nous allons considérer le bois.

BOIS sur pié, voyez Forêt. Le bois qui étoit autrefois très-commun en France, maintenant suffit à peine aux usages indispensables, & l’on est menacé pour l’avenir d’en manquer absolument. Ceux qui sont préposés à la conservation des bois, se plaignent eux-mêmes de leur dépérissement : mais ce n’est pas assez de se plaindre d’un mal qu’on sent déjà, & qui ne peut qu’augmenter avec le tems, il en faut chercher le remede ; & tout bon citoyen doit donner au public les expériences & les réflexions qu’il peut avoir faites à cet égard.

Tous nos projets sur les bois doivent se réduire à tâcher de conserver ceux qui nous restent, & à renouveller une partie de ceux que nous avons détruits.

Tout le bois de service du royaume consiste dans les forêts qui appartiennent à sa Majesté, dans les réserves des ecclésiastiques & des gens de main-morte, & enfin dans les baliveaux, que l’ordonnance oblige de laisser dans tous les bois.

On sait par une expérience déjà trop longue, que le bois des baliveaux n’est pas d’une bonne qualité, & que d’ailleurs ces baliveaux font tort au taillis Voy. Baliveaux. M. de Buffon a observé les effets de la gelée du printems dans deux cantons voisins de bois taillis ; on avoit conservé dans l’un tous les baliveaux de quatre coupes successives, dans l’autre, on n’avoit réservé que les baliveaux de la coupe actuelle : M. de Buffon a reconnu que la gelée avoit fait un si grand tort au taillis surchargé de baliveaux : que l’autre taillis l’a devancé de près de cinq ans sur douze. L’exposition étoit la même : M. de Buffon a sondé le terrein en différens endroits ; il étoit semblable : ainsi il ne peut attribuer cette différence qu’à l’ombre & à l’humidité que les baliveaux jettoient sur le taillis, & à l’obstacle qu’ils formoient au dessechement de cette humidité, en interrompant l’action du vent & du soleil.

Les arbres qui poussent vigoureusement en bois, produisent rarement beaucoup de fruit ; les baliveaux se chargent d’une grande quantité de glands, & annoncent par-là leur foiblesse. On imagineroit que ce gland devroit repeupler & garnir les bois, mais cela se réduit à bien peu de chose ; car de plusieurs millions de ces graines qui tombent au pié de ces arbres, à peine en voit-on lever quelques centaines, & ce petit nombre est bientôt étouffé par l’ombre continuelle & le manque d’air, ou supprimé par le dégouttement de l’arbre, & par la gelée, qui est toûjours plus vive près de la surface de la terre, ou enfin détruit par les obstacles que ces jeunes plantes trouvent dans un terrein traversé d’une infinité de racines & d’herbes de toute espece. On trouve, à la vérité, quelques arbres de brin dans les taillis. Ces arbres viennent de graine ; car le chêne ne se multiplie pas par rejettons, & ne pousse pas de la racine : mais les arbres de brin sont ordinairement dans les endroits clairs des bois, loin des gros baliveaux, & sont dûs aux mulots ou aux oiseaux, qui en transportant les glands en sement une grande quantité. M. de Buffon a sû mettre à profit ces graines que les oiseaux laissent tomber. Il avoit observé dans un champ, qui depuis trois ou quatre ans étoit demeuré sans culture, qu’autour de quelques petits buissons, qui s’y trouvoient fort loin les uns des autres, plusieurs petits chênes avoient paru tout d’un coup. M. de Buffon reconnut bientôt par ses yeux que cette plantation appartenoit à des geais, qui en sortant des bois venoient d’habitude se placer sur ces buissons pour manger leur gland, & en laissoient tomber la plus grande partie, qu’ils ne se donnoient jamais la peine de ramasser. Dans un terrein que M. de Buffon a planté dans la suite, il a eu soin de mettre de petits buissons ; les oiseaux s’en sont emparés, & ont garni les environs d’une grande quantité de jeunes chênes.

Les réserves établies dans les bois des ecclésiastiques & des gens de main-morte, ne sont pas sujettes au défaut des baliveaux. Il faudroit établir un tems fixe pour la coupe de ces futaies en réserve ; ce tems seroit plus ou moins grand, selon la qualité du terrein. On pourroit en régler les coupes à 50 ans dans un terrein de 2 piés de profondeur, à 70 dans un terrein de 3 piés , & à 100 ans dans un terrein de 4 piés & au-delà de profondeur. M. de Buffon donne ces termes d’après les observations qu’il a faites au moyen d’une tarriere haute de cinq piés, avec laquelle il a sondé quantité de terreins, où il a examiné en même tems la hauteur, la grosseur & l’âge des arbres : cela se trouve assez juste pour les terres fortes & pétrissables. Dans les terres légeres & sablonneuses, on pourroit fixer les termes des coupes à 40, 60 & 80 ans : on perdroit à attendre plus long-tems ; & il vaudroit infiniment mieux garder du bois de service dans des magasins, que de le laisser sur pié dans les forêts, où il ne peut manquer de s’altérer après un certain âge.

Tous ceux qui connoissent un peu les bois, savent que la gelée du printems est le fleau des taillis ; c’est elle qui dans les endroits bas & dans les petits vallons, supprime continuellement les jeunes rejettons, & empê che le bois de s’élever ; en un mot, elle fait aux bois un aussi grand tort qu’à toutes les autres productions de la terre ; & si ce tort a jusqu’ici été moins connu, moins sensible, c’est que la joüissance d’un taillis étant éloignée, le propriétaire y fait moins d’attention, & se console plus aisément de la perte qu’il fait : cependant cette perte n’est pas moins réelle, puisqu’elle recule son revenu de plusieurs années. M. de Buffon a tâché de prévenir, autant qu’il est possible, les mauvais effets de la gelée, en étudiant la façon dont elle agit ; & il a fait sur cela des expériences qui lui ont appris, que la gelée agit bien plus violemment à l’exposition du midi, qu’à l’exposition du nord ; qu’elle fait tout périr à l’abri du vent, tandis qu’elle épargne tout dans les endroits où il peut passer librement. Cette observation, qui est constante, fournit un moyen de préserver de la gelée quelques endroits des taillis, au moins pendant les deux ou trois premieres années, qui sont le tems critique, & où elle les attaque avec plus d’avantage. Ce moyen consiste à observer, quand on les abat, de commencer la coupe du côté du nord : il est aisé d’y obliger les marchands de bois, en mettant cette clause dans son marché ; & M. de Buffon s’est déjà bien trouvé d’avoir pris cette précaution pour ses taillis.

Un pere de famille, un homme arrangé qui se trouve propriétaire d’une quantité un peu considérable de bois taillis, commence par les faire arpenter, borner, diviser, & mettre en coupe réglée ; il s’imagine que c’est-là le plus haut point d’œconomie ; tous les ans il vend le même nombre d’arpens ; de cette façon ses bois deviennent un revenu annuel, il se sait bon gré de cette regle ; & c’est cette apparence d’ordre qui a fait prendre faveur aux coupes réglées : cependant il s’en faut bien que ce soit là le moyen de tirer de ses taillis tout le profit qu’on en peut tirer. Ces coupes réglées ne sont bonnes que pour ceux qui ont des terres éloignées qu’ils ne peuvent visiter ; la coupe réglée de leurs bois est une espece de ferme ; ils comptent sur le produit, & le reçoivent sans s’être donné aucun soin ; cela doit convenir à grand nombre de gens : mais pour ceux dont l’habitation se trouve fixée à la campagne, & même pour ceux qui vont y passer un certain tems toutes les années, il leur est facile de mieux ordonner les coupes de leurs bois taillis. En général, on peut assûrer que dans les bons terreins on gagnera à attendre, & que dans les terreins où il n’y a pas de fond, il faudra les couper fort jeunes : mais il seroit bien à souhaiter qu’on pût donner de la précision à cette regle, & déterminer au juste l’âge où l’on doit couper les taillis. Cet âge est celui où l’accroissement du bois commence à diminuer. Dans les premieres années, le bois croît de plus en plus, c’est-à-dire, la production de la seconde année est plus considérable que celle de la premiere, l’accroissement de la troisieme année est plus grand que celui de la seconde ; ainsi l’accroissement du bois augmente jusqu’à un certain âge, après quoi il diminue : c’est ce point, ce maximum qu’il faut saisir, pour tirer de son taillis tout l’avantage & tout le profit possible.

M. de Buffon a donné, dans les Mémoires de l’Académie, année 1738, le moyen qu’il a trouvé d’augmenter la force & la solidité du bois : rien n’est plus simple ; car il ne s’agit que d’écorcer les arbres, & les laisser ainsi sécher & mourir sur pié avant que de les abattre ; l’aubier devient par cette opération aussi dur que le cœur de chêne ; il augmente considérablement de force & de densité, comme M. de Buffon s’en est assûré par un grand nombre d’expériences ; & les souches de ces arbres écorcés & séchés sur pié, ne laissent pas de repousser & de reproduire des rejettons : ainsi il n’y a pas le moindre inconvénient à établir cette pratique, qui, en augmentant la force & la durée du bois mis en œuvre, doit en diminuer la consommation, & par conséquent doit être comptée au nombre des moyens de conserver les bois. Les Allemands, chez qui les Hollandois vont chercher leurs bois de menuiserie, n’ont point d’autre secret pour leur donner cette qualité qui les rend si propres à être travaillés. Au printems, lorsque l’écorce commence à se lâcher, on écorce l’arbre ; on lui laisse passer l’année : le printems suivant, l’arbre écorcé ne pousse plus que de petites feuilles ; on lui laisse achever encore cette année sur pié ; on ne le coupe que dans la saison où l’on coupe les arbres.

Regles pour semer le bois. Pour semer une terre forte & glaiseuse, il faut conserver le gland pendant l’hyver dans de la terre, en faisant un lit de deux pouces de gland sur un lit de terre d’un demi-pié, puis un lit de terre & un lit de gland, toûjours alternativement, & enfin en couvrant le magasin d’un pié de terre, pour que la gelée ne puisse y pénétrer. On en tirera le gland au commencement de Mars, & on le plantera à un pié de distance. Ces glands qui ont germé, sont déjà autant de jeunes chênes, & le succès d’une plantation faite de cette façon n’est pas douteux ; la dépense même n’est pas considérable, car il ne faut qu’un seul labour. Si l’on pouvoit se garantir des mulots & des oiseaux, on réussiroit tout de même & sans aucune dépense, en mettant en automne le gland sous l’herbe ; car il perce & s’enfonce de lui-même, & réussit à merveille sans aucune culture dans les friches dont le gason est fin, serré & bien garni, & qui indique presque toûjours un terrein ferme & mêlé de glaise.

Si l’on veut semer du bois dans les terreins qui sont d’une nature moyenne entre les terres fortes & les terres légeres, on fera bien de semer de l’avoine avec les glands, pour prévenir la naissance des mauvaises herbes, qui sont plus abondantes dans ces especes de terreins, que dans les terres fortes & les terres légeres ; car ces mauvaises herbes, dont la plûpart sont vivaces, font beaucoup plus de tort aux jeunes chênes, que l’avoine qui cesse de pousser au mois de Juillet.

M. de Buffon a reconnu par plusieurs expériences, que c’est perdre de l’argent & du tems que de faire arracher de jeunes arbres dans les bois pour les transplanter dans des endroits où on est obligé de les abandonner & de les laisser sans culture ; & que quand on veut faire des plantations considérables d’autres arbres que de chêne ou de hêtre dont les graines sont fortes & surmontent presque tous les obstacles, il faut faire des pépinieres où on puisse élever & soigner les jeunes arbres pendant les deux premieres années, après quoi on les pourra planter avec succès pour faire des bois.

Dans les terreins secs, légers, mêlés de gravier, & dont le sol n’a que peu de profondeur, il faut faire labourer une seule fois, & semer en même tems les glands avant l’hyver. Si l’on ne seme qu’au printems, la chaleur du soleil fait périr les graines. Si on se contente de les jetter ou de les placer sur la terre, comme dans les terreins forts, elles se dessechent & périssent ; parce que l’herbe qui fait le gason de ces terres légeres, n’est pas assez garnie & assez épaisse pour les garantir de la gelée pendant l’hyver, & de l’ardeur du soleil au printems. Les jeunes arbres arrachés dans les bois, réussissent encore moins dans ces terreins que dans les terres fortes ; & si on veut les planter, il faut le faire avant l’hyver, avec de jeunes plants pris en pépiniere.

Le produit d’un terrein peut se mesurer par la culture ; plus on travaille la terre, plus elle rapporte de fruits : mais cette vérité d’ailleurs si utile, souffre quelques exceptions ; & dans les bois une culture prématurée & mal entendue, cause la disette, au lieu de produire l’abondance. Par exemple, on imagine que la meilleure maniere de mettre un terrein en nature de bois, est de nettoyer ce terrein & de le bien cultiver avant que de semer le gland ou les autres graines qui doivent un jour le couvrir de bois ; & M. de Buffon n’a été desabusé de ce préjugé qui paroît si raisonnable, que par une longue suite d’observations. M. de Buffon a fait des semis considérables & des plantations assez vastes ; il les a faites avec précaution : il a souvent fait arracher les genievres, les bruyeres, & jusqu’aux moindres plantes qu’il regardoit comme nuisibles, pour cultiver à fond & par plusieurs labours les terreins qu’il vouloit ensemencer. M. de Buffon ne doutoit pas du succès d’un semis fait avec tous ces soins : mais au bout de quelques années il a reconnu que ces mêmes soins n’avoient servi qu’à retarder l’accroissement des jeunes plants ; & que cette culture précédente qui lui avoit donné tant d’espérance, lui avoit causé des pertes considérables : ordinairement on dépense pour acquérir ; ici la dépense nuit à l’acquisition.

Si l’on veut donc réussir à faire croître du bois dans un terrein, de quelque qualité qu’il soit, il faut imiter la nature, il faut y planter & y semer des épines & des buissons qui puissent rompre la force du vent, diminuer celle de la gelée, & s’opposer à l’intempérie des saisons. Ces buissons sont des abris qui garantissent les jeunes plants, & les protegent contre l’ardeur du soleil & la rigueur des frimats. Un terrein couvert, ou plûtôt à demi-couvert, de genievre, de bruyeres, est un bois à moitié fait, & qui peut-être a dix ans d’avance sur un terrein net & cultivé.

Pour convertir en bois un champ, ou tout autre terrein cultivé, le plus difficile est de faire du couvert. Si l’on abandonne un champ, il faut vingt ou trente ans à la nature pour y faire croitre des épines & des genievres : ici il faut une culture qui dans un an ou deux puisse mettre le terrein au même état où il se trouve après une non-culture de trente ans.

Le moyen de suppléer aux labours, & presqu’à toutes les autres especes de culture, c’est de couper les jeunes plants jusqu’auprès de terre : ce moyen, tout simple qu’il paroît, est d’une utilité infinie ; & lorsqu’il est mis en œuvre à propos, il accélere de plusieurs années le succès d’une plantation.

Tous les terreins peuvent se réduire à deux especes ; savoir, les terreins forts & les terreins légers : cette division, quelque vague qu’elle paroisse, est suffisante. Si l’on veut semer dans un terrein léger, on peut le faire labourer ; cette opération fait d’autant plus d’effet, & cause d’autant moins de dépense, que le terrein est plus léger ; il ne faut qu’un seul labour, & on seme le gland en suivant la charrue. Comme ces terreins sont ordinairement secs & brûlans, il ne faut point arracher les mauvaises herbes que produit l’été suivant ; elles entretiennent une fraîcheur bienfaisante, & garantissent les petits chênes de l’ardeur du soleil ; ensuite venant à périr & à se sécher pendant l’automne, elles servent de chaume & d’abri pendant l’hyver, & empêchent les racines de geler. Il ne faut donc aucune espece de culture dans ces terreins sablonneux ; il ne faut qu’un peu de couvert & d’abri pour faire réussir un semis dans les terreins de cette espece. Mais il est bien plus difficile de faire croître du bois dans des terreins forts, & il faut une pratique toute différente : dans ces terreins les premiers labours sont inutiles, & souvent nuisibles ; la meilleure maniere est de planter les glands à la pioche, sans aucune culture précédente : mais il ne faut pas les abandonner comme les premiers au point de les perdre de vûe & de n’y plus penser ; il faut au contraire les visiter souvent ; il faut observer la hauteur à laquelle ils se sont élevés la premiere année, observer ensuite s’ils ont poussé plus vigoureusement à la seconde : tant que leur accroissement va en augmentant, ou même tant qu’il se soûtient sur le même pié, il ne faut pas y toucher. Mais on s’apperçoit ordinairement à la troisieme année que l’accroissement va en diminuant ; & si on attend la quatrieme, la cinquieme, la sixieme, &c. on reconnoîtra que l’accroissement de chaque année est toûjours plus petit : ainsi dès qu’on s’appercevra que sans qu’il y ait eû de gelées ou d’autres accidens, les jeunes arbres commencent à croître de moins en moins, il faut les faire couper jusqu’à terre au mois de Mars, & l’on gagnera un grand nombre d’années. Le jeune arbre livré à lui-même dans un terrein fort & serré, ne peut étendre ses racines ; la terre trop dure les fait refouler sur elles-mêmes ; les petits filets tendres & herbacées qui doivent nourrir l’arbre & former la nouvelle production de l’année, ne peuvent pénétrer la substance trop ferme de la terre ; ainsi l’arbre languit privé de nourriture, & la production annuelle diminue fort souvent jusqu’au point de ne donner que des feuilles & quelques boutons. Si vous coupez cet arbre, toute la force de la seve se porte aux racines, elle en développe tous les germes, & agissant avec plus de puissance contre le terrein qui leur résiste, les jeunes racines s’ouvrent des chemins nouveaux, & divisent par le surcroît de leur force cette terre qu’elles avoient jusqu’alors vainement attaquée ; elles y trouvent abondamment des sucs nourriciers ; & dès qu’elles s’y sont, pour ainsi dire, établies, elles poussent avec vigueur au-dehors la surabondance de leur nourriture, & produisent dès la premiere année un jet plus vigoureux & plus élevé, que ne l’étoit l’ancienne tige de trois ans.

Dans un terrein qui n’est que ferme, sans être trop dur, il suffira de couper une seule fois le jeune plant pour le faire réussir.

Les auteurs d’agriculure sont bien éloignés de penser comme M. de Buffon sur ce sujet ; ils répetent tous les uns après les autres que pour avoir une futaie, pour avoir des arbres d’une belle venue, il faut bien se garder de couper le sommet des jeunes plantes, & qu’il faut conserver avec grand soin le montant, c’est-à-dire, le jet principal. Ce conseil n’est bon que dans certains cas particuliers : mais il est généralement vrai, & M. de Buffon assûre, après un très-grand nombre d’expériences, que rien n’est plus efficace pour redresser les arbres, & pour leur donner une tige droite, que la coupe faite au pié. M. de Buffon a même observé souvent que les futaies venues de graine ou de jeunes plants, n’étoient pas si belles ni si droites que les futaies venues sur de jeunes souches : ainsi on ne doit pas hésiter à mettre en pratique cette espece de culture, si facile & si peu coûteuse.

Il n’est pas nécessaire d’avertir qu’elle est encore plus indispensable lorsque les jeunes plants ont été gelés ; il n’y a pas d’autre moyen pour les rétablir que de les couper. On auroit dû, par exemple, réceper tous les taillis de deux ou trois ans qui ont été gelés au mois d’Octobre 1740 : jamais gelée d’automne n’a fait autant de mal. La seule façon d’y remédier, c’est de couper : on sacrifie trois ans pour n’en pas perdre dix ou douze.

Le chêne & le hêtre sont les seuls arbres, à l’exception des pins & de quelques autres de moindre valeur, qu’on puisse semer avec succès dans les terreins incultes. Le hêtre peut être semé dans les terreins légers ; la graine ne peut pas sortir dans une terre forte, parce qu’elle pousse au-dehors son enveloppe au-dessus de la tige naissante ; ainsi il lui faut une terre meuble & facile à diviser, sans quoi elle reste & pourrit. Le chêne peut être semé dans presque tous les terreins. M. de Buffon a donné en 1739, dans les Mémoires de l’Académie, les différens procédés suivant les différens terreins. Toutes les autres especes d’arbres peuvent être élevées en pépiniere, & ensuite transplantées à l’âge de deux ou trois ans.

Il faut éviter de mettre ensemble les arbres qui ne se conviennent pas : le chêne craint le voisinage des pins, des sapins, des hêtres, & de tous les arbres qui poussent de grosses racines dans la profondeur du sol. En général, pour tirer le plus d’avantage d’un terrein, il faut planter ensemble les arbres qui tirent la substance du fond en poussant leurs racines à une grande profondeur, & d’autres arbres qui puissent tirer leur nourriture presque de la surface de la terre, comme sont tous les arbres dont les racines s’étendent & courent à quelques pouces seulement de profondeur, sans pénétrer plus avant.

Lorsqu’on veut semer du bois, il faut attendre une année abondante en glands, non-seulement parce qu’ils sont meilleurs & moins chers, mais encore parce qu’ils ne sont pas dévorés par les oiseaux, les mulots & les sangliers, qui trouvant abondamment du gland dans les forêts, ne viendront pas attaquer votre semis : ce qui ne manque jamais d’arriver dans des années de disette.

Bois ; accroissement du bois ; formation du bois ; texture du bois ; force & résistance du bois. Une semence d’arbre, un gland qu’on jette en terre au printems, produit au bout de quelques semaines un petit jet tendre & herbacée, qui augmente, s’étend, grossit, durcit, & contient déjà des la premiere année un filet de substance ligneuse. A l’extrémité de ce petit arbre est un bouton qui s’épanoüit l’année suivante, & dont il sort un second jet semblable à celui de la premiere année, mais plus vigoureux, qui grossit & s’étend davantage, durcit dans le même tems, & produit aussi à son extrémité supérieure un autre bouton qui contient le jet de la troisieme année, & ainsi des autres, jusqu’à ce que l’arbre soit parvenu à toute sa hauteur : chacun de ces boutons est une semence qui contient le petit arbre de chaque année. L’accroissement des arbres en hauteur se fait donc par plusieurs productions semblables & annuelles ; de sorte qu’un arbre de cent piés de haut est composé dans sa longueur de plusieurs petits arbres mis bout à bout ; le plus grand n’a pas souvent deux piés de longueur. Tous ces petits arbres de chaque année ne changent jamais de hauteur, ils existent dans un arbre de cent ans sans avoir grossi ni grandi ; ils sont seulement devenus plus solides. Voilà comment se fait l’accroissement en hauteur ; l’accroissement en grosseur en dépend. Ce bouton qui fait le sommet du petit arbre de la premiere année, tire sa nourriture à travers la substance & le corps même de ce petit arbre : mais les principaux canaux qui servent à conduire la seve se trouvent entre l’écorce & le filet ligneux. L’action de cette seve en mouvement dilate ces canaux & les fait grossir, tandis que le bouton en s’élevant les tire & les allonge : de plus la seve en y coulant continuellement y dépose des parties fixes, qui en augmentent la solidité ; ainsi des la seconde année un petit arbre contient déjà dans son milieu un filet ligneux en forme de cone fort allongé, qui est la production en bois de la 1re année, & une couche ligneuse aussi conique, qui envelope ce premier filet & le surmonte, & qui est la production de la seconde année. La troisieme couche se forme comme la seconde ; il en est de même de toutes les autres, qui s’enveloppent successivement & continuellement ; de sorte qu’un gros arbre est un composé d’un grand nombre de cones ligneux, qui s’enveloppent & se recouvrent tant que l’arbre grossit. Lorsqu’on vient à l’abattre, on compte aisément sur la coupe transversale du tronc le nombre de ces cones, dont les sections forment des cercles concentriques ; & on reconnoît l’âge de l’arbre par le nombre de ces cercles ; car ils sont distinctement séparés les uns des autres. Dans un chêne vigoureux l’épaisseur de chaque couche est de deux ou trois lignes ; cette épaisseur est d’un bois dur & solide : mais la substance qui unit ensemble ces cones ligneux n’est pas à beaucoup près aussi ferme ; c’est la partie foible du bois dont l’organisation est différente de celle des cones ligneux, & dépend de la façon dont ces cones s’attachent & s’unissent les uns aux autres, que M. de Buffon explique en deux mots. Les canaux longitudinaux qui portent la nourriture au bouton, non-seulement prennent de l’étendue & acquierent de la solidité par l’action & le dépôt de la seve, mais ils cherchent encore à s’étendre d’une autre façon ; ils se ramifient dans toute leur longueur, & poussent de petits fils, qui d’un côté vont produire l’écorce, & de l’autre vont s’attacher au bois de l’année précédente, & forment entre les deux couches du bois un tissu spongieux, qui coupé transversalement, même à une assez grande épaisseur, laisse voir des petits trous, à peu près comme on en voit dans la dentelle. Les couches du bois sont donc unies les unes aux autres par une espece de réseau ; ce réseau n’occupe pas à beaucoup près autant d’espace que la couche ligneuse ; il n’a que demi-ligne ou environ d’épaisseur.

Par cette simple exposition de la texture du bois, on voit que la cohérence longitudinale doit être bien plus considérable que l’union transversale : on voit que dans les petites pieces de bois, comme dans un barreau d’un pouce d’épaisseur, s’il se trouve quatorze ou quinze couches ligneuses, il y aura treize ou quatorze cloisons ; & que par conséquent ce barreau sera moins fort qu’un pareil barreau qui ne contiendra que cinq ou six couches, & quatre ou cinq cloisons. On voit aussi que dans ces petites pieces, s’il se trouve une ou deux couches ligneuses qui soient tranchées, ce qui arrive souvent, leur force sera considérablement diminuée : mais le plus grand défaut de ces petites pieces de bois, qui sont les seules sur lesquelles on ait fait des expériences, c’est qu’elles ne sont pas composées comme les grosses pieces. La position des couches ligneuses & des cloisons dans un barreau est fort differente de la position de ces mêmes couches dans une poutre ; leur figure est même différente ; & par conséquent on ne peut pas estimer la force d’une grosse piece par celle d’un barreau. Un moment de reflexion fera sentir ce que je viens de dire. Pour faire une poutre il ne faut qu’équarrir l’arbre, c’est-à-dire, enlever quatre segmens cylindriques d’un bois blanc & imparfait qu’on appelle aubier : le cœur de l’arbre, la premiere couche ligneuse, reste au milieu de la piece ; toutes les autres couches enveloppent la premiere en forme de cercles ou de couronnes cylindriques ; le plus grand de ces cercles entiers a pour diametre l’épaisseur de la piece : au-delà de ce cercle tous les autres sont tranchés, & ne forment plus que des portions de cercle qui vont toûjours en diminuant vers les arrêtes de la piece : ainsi une poutre quarrée est composée d’un cylindre continu de bon bois bien solide. & de quatre portions angulaires tranchées d’un bois moins solide & plus jeune. Un barreau tiré du corps d’un gros arbre, ou pris dans une planche, est tout autrement composé : ce sont de petits segmens longitudinaux des couches annuelles, dont la courbure est insensible ; des segmens qui tantôt se trouvent pesés parallelement à une des surfaces du barreau, & tantôt plus ou moins inclinés ; des segmens qui sont plus ou moins longs & plus ou moins tranchés, & par conséquent plus ou moins forts : de plus il y a toûjours dans un barreau deux positions, dont l’une est plus avantageuse que l’autre ; car ces segmens de couches ligneuses forment autant de plans paralleles : si vous posez le barreau en sorte que ces plans soient verticaux, il résistera davantage que dans une position horisontale ; c’est comme si on faisoit rompre plusieurs planches à la fois, elles résisteroient bien davantage étant posées sur le côté, que sur le plat. Ces remarques font déjà sentir combien on doit peu compter sur les tables calculées ou sur les formules que différens auteurs nous ont données de la force du bois, qu’ils n’avoient éprouvée que sur des pieces, dont les plus grosses étoient d’un ou deux pouces d’épaisseur, & dont ils ne donnent ni le nombre des couches ligneuses que ces barreaux contenoient, ni la position de ces couches, ni le sens dans lequel se sont trouvées ces couches lorsqu’ils ont fait rompre le barreau ; circonstances cependant essentielles, comme on le verra par les expériences de M. de Buffon, & par les soins qu’il s’est donnés pour découvrir les effets de toutes ces différences. Les Physiciens qui ont fait quelques expériences sur la force du bois, n’ont fait aucune attention à ces inconvéniens : mais il y en a d’autres, peut-être encore plus grands, qu’ils ont aussi négligé de prévoir & de prevenir. Le jeune bois est moins fort que le bois plus âgé ; un barreau tiré du pié d’un arbre, résiste davantage qu’un barreau qui vient du sommet du même arbre ; un barreau pris à la circonférence près de l’aubier, est moins fort qu’un pareil morceau pris au centre de l’arbre : d’ailleurs le degré de dessechement du bois fait beaucoup à la résistance ; le bois vert casse bien plus difficilement que le bois sec. Enfin le tems qu’on employe à charger les bois pour les faire rompre, doit aussi entrer en considération ; parce qu’une piece qui soûtiendra pendant quelques minutes un certain poids, ne pourra pas soûtenir ce même poids pendant une heure ; & M. de Buffon a trouvé que des poutres qui avoient chacune supporté sans se rompre, neuf milliers pendant un jour, avoient rompu au bout de cinq à six mois sous la charge de six milliers ; c’est-à-dire, qu’elles n’avoient pas pû porter pendant six mois les deux tiers de la charge qu’elles avoient portée pendant un jour. Tout cela prouve assez combien les expériences que l’on a faites sur cette matiere sont imparfaites ; & peut-être cela prouve aussi qu’il n’est pas trop aisé de les bien faire. M. de Buffon, auteur des Mémoires dont nous avons tiré tout ce que nous avons dit jusqu’ici, a fait une infinité d’expériences pour connoitre la force du bois : la premiere remarque qu’il a faite, c’est que le bois ne casse jamais sans avertir, à moins que la piece ne soit fort petite. Le bois vert casse plus difficilement que le bois sec ; & en général le bois qui a du ressort résiste beaucoup plus que celui qui n’en a pas : l’aubier, le bois des branches, celui du sommet de la tige d’un arbre, tout le bois jeune, est moins fort que le bois plus âgé. La force du bois n’est pas proportionnelle à son volume ; une piece double ou quadruple d’une autre piece de même longueur, est beaucoup plus du double ou du quadruple plus forte que la premiere : par exemple, il ne faut pas quatre milliers pour rompre une piece de dix piés de longueur, & de quatre pouces d’équarrissage, & il en faut dix pour rompre une piece double ; & il faut vingt-six milliers pour rompre une piece quadruple, c’est-à-dire, une piece de dix piés de longueur, sur huit pouces d’équarrissage. Il en est de même pour la longueur : il semble qu’une piece de huit piés, & de même grosseur qu’une piece de seize piés, doit par les regles de la Méchanique porter juste le double ; & cependant elle porte beaucoup plus du double. M. de Buffon qui auroit pû donner des raisons physiques de tous ces faits, se borne à donner des faits : le bois qui dans le même terrein croît le plus vîte, est le plus fort ; celui qui a crû lentement, & dont les cercles annuels, autrement les couches ligneuses, sont minces, est moins fort que l’autre.

M. de Buffon a trouvé que la force du bois est proportionnelle à sa pesanteur ; de sorte qu’une piece de même longueur & grosseur, mais plus pesante qu’une autre piece, sera aussi plus forte à peu près en même raison. Cette remarque donne les moyens de comparer la force du bois qui vient de différens pays & de différens terreins, & étend infiniment l’utilité des expériences de M. de Buffon : car lorsqu’il s’agira d’une construction importante, ou d’un ouvrage de conséquence, on pourra aisément au moyen de sa table, & en pesant les pieces, ou seulement des échantillons de ces pieces, s’assûrer de la force du bois qu’on employe ; & on évitera le double inconvénient d’employer trop ou trop peu de cette matiere, que souvent on prodigue mal-à-propos, & que quelquefois on ménage avec encore moins de raison.

Pour essayer de comparer les effets du tems sur la résistance du bois, & pour reconnoître combien il diminue de sa force, M. de Buffon a choisi quatre pieces de dix huit piés de longueur, sur sept pouces de grosseur ; il en a fait rompre deux, qui en nombre rond ont porté neuf milliers chacune pendant une heure ; il a fait charger les deux autres de six milliers seulement, c’est-à-dire des deux tiers, & il les a laissé ainsi chargées, résolu d’attendre l’évenement : l’une de ces pieces a cassé au bout de trois mois & vingt-six jours ; l’autre au bout de six mois & dix-sept jours. Après cette expérience il fit travailler deux autres pieces toutes pareilles, & il ne les fit charger que de la moitié, c’est-à-dire, de quatre mille cinq cens ; M. de Buffon les a tenues plus de deux ans ainsi chargées ; elles n’ont pas rompu, mais elles ont plié assez considérablement ; ainsi dans des bâtimens qui doivent durer long-tems, il ne faut donner au bois tout au plus que la moitié de la charge qui peut le faire rompre ; & il n’y a que dans des cas pressans, & dans des constructions qui ne doivent pas durer, comme lorsqu’il faut faire un pont pour passer une armée, ou un échaffaud pour secourir ou assaillir une ville, qu’on peut hasarder de donner au bois les deux tiers de sa charge.

Tous les auteurs qui ont écrit sur la résistance des solides en général, & du bois en particulier, ont donné comme fondamentale la regle suivante : la résistance est en raison inverse de la longueur, en raison directe de la largeur, & en raison doublée de la hauteur. Cette regle est celle de Galilée, adoptée par tous les Mathématiciens, & elle seroit vraie pour tous les solides qui seroient absolument inflexibles & qui romproient tout-à-coup : mais dans les solides élastiques, tels que le bois, il est aisé d’appercevoir que cette regle doit être modifiée à plusieurs égards. M. Bernoulli a fort bien observé que dans la rupture des corps élastiques une partie des fibres s’allonge, tandis que l’autre partie se racourcit, pour ainsi dire, en refoulant sur elle-même. Voyez son mémoire dans ceux de l’Académie, année 1705. On voit par les expériences précédentes, que dans les pieces de la même grosseur, la regle de la résistance en raison inverse de la longueur s’observe d’autant moins que les pieces sont plus courtes. Il en est tout autrement de la regle de la résistance en raison directe de la largeur & du quarré de la hauteur. M. de Buffon a calculé la table septieme, à dessein de s’assûrer de la variation de cette regle ; on voit dans cette table les résultats des expériences, & au-dessous les produits que donne cette regle ; il a pris pour unités les expériences faites sur les pieces de cinq pouces d’équarrissage, parce qu’il en a fait un plus grand nombre sur cette dimension que sur les autres. On peut observer sur cette table, que plus les pieces sont courtes, & plus la regle approche de la vérité ; & que dans les plus longues pieces, comme celles de 18 & de 20 piés, elle s’en éloigne ; cependant à tout prendre, on peut se servir de la regle générale avec les modifications nécessaires pour calculer la résistance des pieces de bois plus grosses & plus longues que celles dont M. de Buffon a éprouvé la résistance ; car en jettant les yeux sur cette septieme table, on voit un grand accord entre la regle & les expériences pour les différentes grosseurs, & il regne un ordre assez constant dans les différences par rapport aux longueurs & aux grosseurs, pour juger de la modification qu’on doit faire à cette regle. Voyez Resistance.

TABLE DES EXPERIENCES
sur la force du bois


Premiere Table, pour les pieces de quatre pouces d’équarissage


Longueur des pieces.     Poids des pieces. Charges. Tems employé à charger les pieces. Fleches de la courbure des pieces dans l’instant où elles commencent à rompre.





Piés. Livres. Livres. Heur. Min. Pouc. Lign.





7 60 5350 0 29 3 6
56 5275 0 22 4 6




8 68 4600 0 15 3 9
63 4500 0 13 4 8




9 77 4100 0 14 4 10
71 3950 0 12 5 6




10 84 3625 0 15 5 10
82 3600 0 15 6 6




12 100 3050 . . . . 7
98 2925 . . . . 8


Seconde Table, pour les pieces de cinq pouces d’équarissage


Longueur des pieces.     Poids des pieces. Charges. Tems depuis le premier éclat jusqu’à l’instant de la rupture. Fleches de la courbure avant que d’éclater.





Piés. Livres. Livres. Heur. Min. Pouc. Lign.





7 94 11775 0 58 2 6
88 11275 0 53 2 6




8 104 9900 0 40 2 8
102 9675 0 39 2 11




9 118 8400 0 28 3
116 8325 0 28 3 3
115 8200 0 26 3 6




10 132 7225 0 21 3 2
130 7050 0 20 3 6
128 7100 0 18 4




12 156 6050 0 30 5 6
154 6100 . . . . 5 9




14 178 5400 0 21 8
176 5200 0 18 8 3




16 209 4425 0 17 8 1
205 4275 0 15 8 2




18 232 3750 0 11 8
231 3650 0 10 8 2




20 263 3275 0 10 8 10
259 3175 0 8 10




22 281 2975 0 18 11 3




24 310 2200 0 16 11
307 2125 0 15 13 6




26




28 364 1800 0 17 18
360 1750 0 17 22
Troisieme Table, pour les pieces de six pouces d’équarrissage.


Longueur des pieces.     Poids des pieces. Charges. Tems depuis le premier éclat jusqu’à l’instant de la rupture. Fleches de la courbure avant que d’éclater.





Piés. Livres. Livres. Heur. Min. Pouc. Lign.





7 128 19250 1 49 On n’a pas pû observer la quantité dont les pieces de 7 piés ont plié, à cause de l’épaisseur de la boucle.
126 18650 1 38




8 149 15700 1 12 2 4
146 15350 1 10 2 5




9 166 13450 0 56 2 6
164 12850 0 51 2 10




10 188 11475 0 46 3
186 11025 0 44 3 6




12 224 9200 0 31 4
221 9000 0 32 4 1




14 255 7450 0 25 4 6
254 7500 0 22 4 2




16 294 6250 0 20 5 6
293 6475 0 19 5 10




18 334 5625 0 16 7 5
331 5500 0 14 8 6




20 377 5025 0 12 9 6
375 4875 0 11 8 10


Quatrieme Table, pour les pieces de sept pouces d’équarrissage.


Longueur des pieces.     Poids des pieces. Charges. Tems depuis le premier éclat jusqu’à l’instant de la rupture. Fleches de la courbure avant que d’éclater.





Piés. Livres. Livres. Heur. Min. Pouc. Lign.





7




8 204 26150 2 6 2 9
201 25950 2 13 2 6




9 227 22800 1 40 3 1
225 21900 1 37 2 11




10 254 19650 1 13 2 7
252 19300 1 16 3




12 302 16800 1 3 2 11
301 15550 1 3 4




14 351 13600 0 55 4 2
351 12850 0 48 3 9




16 406 11100 0 41 4 10
403 10900 0 36 5 3




18 454 9450 0 27 5 6
450 9400 0 22 5 10




20 505 8550 0 15 7 10
500 8000 0 13 8 6


Cinquieme Table, pour les pieces de huit pouces d’équarrissage.


Longueur des pieces.     Poids des pieces. Charges. Tems depuis le premier éclat jusqu’à l’instant de la rupture. Fleches de la courbure avant que d’éclater.





Piés. Livres. Livres. Heur. Min. Pouc. Lign.





10 331 27800 2 50 3
330 27700 2 58 2 3




12 397 23900 1 30 3
395 23000 1 23 2 11




14 461 20050 1 6 3 10
459 19500 1 2 3 2




16 528 16800 0 47 5 2
524 15950 0 50 3 9




18 594 13500 0 32 4 6
593 12900 0 30 4 1




20 664 11775 0 24 6 6
660 11200 0 28 6


Sixieme Table, pour les charges moyennes de toutes les expériences précédentes.


Longueur des pieces. Grosseurs.
4
pouces.
5
pouces.
6
pouces.
7
pouces.
8
pouces.
Piés. Livres. Livres. Livres. Livres. Livres.
7 5312 11525 18950
8 4550 9787 15525 26050
9 4025 8308 13150 22350
10 3612 7125 11250 19475 27750
12 2987 6075 9100 16175 23450
14 ...... 5300 7475 13225 19775
16 ...... 4350 6362 11000 16375
18 ...... 3700 5562 9425 13200
20 ...... 3225 4950 8275 11487
22 ...... 2975
24 ...... 2162
28 ...... 1775
Septieme Table. Comparaison de la résistance du bois, trouvées par les expériences précédentes, & de la résistance du bois suivant le regle que cette résistance est comme la largeur de la piece, multipliée par le quarré de sa hauteur, en supposant la même longueur.
Note. Les astérismes marquent que les expériences n’ont pas été faites.
Longueur
des pieces.
Grosseurs.
4
pouces.
5
pouces.
6
pouces.
7
pouces.
8
pouces.
Piés. Livres. Livres. Livres. Livres. Livres.
7 5312 11525 18950 32200 48100
47649
5901 19915 31624
47198
8 4550 9787 15525 26050 39750
5011 16912 26856 40089
9 4025 8308 13150 22350 32800
4253 145356 22798 34031
10 3612 7125 11250 19475 27750
3648 12312 19551 29184
12 2987 6075 9100 16175 23450
3110 10497 16669 2488
14 .... 5100 7475 13225 19775
8812 13995 20889
16 .... 4350 6362 11000 16375
7516 11936 17817
18 .... 3700 5562 9425 13200
6393 0125 15155
20 .... 3225 4950 8275 11487
5572 8849 13209

Le bois sur pié prend différentes dénominations selon ses différentes qualités. Il s’appelle

Bois arsin, lorsqu’il a été maltraité par le feu.

Bois blanc. Voyez Blanc-bois.

Bois bombé, s’il a quelque courbure naturelle.

Bois carié ou vicié, s’il a des malandres ou nœuds pourris.

Bois chamblis ; quand il a été maltraité par les vents, soit qu’il ait été déraciné & renversé, soit que les branches seulement en ayent été rompues.

Bois charmé, lorsqu’il a reçû quelque dommage dont la cause n’est pas apparente, & qu’il menace de périr ou de tomber.

Bois en défends, lorsqu’il est défendu de le couper, & qu’ayant été reconnu de belle venue, on veut lui laisser prendre tout son accroissement. Ces défends ne sont guere d’usage que dans les grandes forêts ou les bois dégradés ou trop jeunes, pour qu’on en puisse faire usage. Les taillis sont en défends de droit jusqu’à cinq & six ans. Le défends s’étend toujours aux chevres, cochons, moutons, & autres animaux mal-faisans, hormis le tems de la glandée pour les cochons.

Bois défensable, lorsqu’il est permis, par celui à qui il appartient de permettre, de faire les coupes & paissons convenables, parce qu’il est en état de résister.

Bois encroué, lorsqu’il a été renversé sur d’autres en l’abattant, & que ses branches se sont entrelacées avec les branches des arbres sur lesquels il est tombé.

L’ordonnance défend d’abattre les bois sur lesquels d’autres sont encroüés.

Bois en étant, quand il est debout.

Bois à faucillon, lorsqu’il s’agit d’un petit taillis qu’on peut abattre à la serpette.

Bois gelif, s’il a des gersures ou fentes causées par la gelée.

Bois marmentaux ou de touche, lorsqu’ils entourent un château, une maison, un parterre, & qu’ils lui servent d’ornement. Les usufruitiers n’en peuvent disposer.

Bois mort, s’il ne végete plus, soit qu’il tienne à l’arbre, soit qu’il en ait été séparé. Voyez Mort bois.

Bois mort en pié, s’il est pourri sur pié, sans substance, & bon seulement à brûler.

Bois en pueil, si c’est un bois qui ait été nouvellement coupé, & qui n’ait pas encore trois ans. Il est défendu d’y laisser entrer aucun bétail.

Bois rabougri, s’il est malfait, tortu, & de mauvaise venue.

Bois recépé, quand sur quelque défaut qu’on lui a remarqué, on l’a coupé par le pié pour l’avoir plus promptement & de plus belle venue.

Bois sur le retour, lorsqu’il est trop vieux, qu’il commence à diminuer de prix, & que les chênes ont plus de deux cents ans.

Bois de haut revenu, s’il est de demi-futaie de 40 à 60 ans.

Bois vif, quand il porte fruit & qu’il vit, comme le chêne, le hêtre, le châtaignier, & autres qui ne sont point compris dans les morts-bois.

Le bois abattu ou pris selon la premiere acception du terme bois, ou relativement aux usages qu’on en fait dans la société, peut se distribuer en bois de charpente, de sciage, de charronage, & de chauffage.

Des bois de charpente. La provision des bois de charpente, pour la fourniture de Paris, se fait par trois sortes de marchands, les forains domiciliés, les forains qui vendent en arrivant, & les regratiers, qui ont leurs magasins dans la ville & les fauxbourgs, mais ailleurs que sur les ports. Ces marchands forment trois corps séparés, mais sans communauté ni entr’eux ni en particulier. C’est un commerce libre. L’île Louvier a été le lieu d’abordage des bois à bâtir. Tous les marchands ont eu le même droit d’y descendre. Chacun prenoit la place qui lui convenoit, sans payer de droit, observant seulement de ne pas occuper trop de terrein. Les forains domiciliés tiennent en tout tems leur chantier ouvert pour le service du bourgeois ; il n’est sujet à aucune visite de police : le forain non domicilié est obligé de tenir port pendant trois jours, afin de donner le tems au bourgeois de se pourvoir ; les charpentiers & menuisiers ont la préférence sur les regratiers, & peuvent même rompre leur marché. Le regratier peut faire exploiter pour son compte : mais il ne peut laisser son bois sur les ports ; il faut qu’il le fasse entrer dans ses chantiers immédiatement après l’achat.

Le commerce des bois, soit de chauffage, de charpente ou de menuiserie, pris en grand & dans la forêt, demande une grande expérience : on peut y perdre ou y gagner beaucoup ; le moindre mécompte sur l’étendue du terrein, la quantité des bois, leur qualité, l’exploitation & le transport, tirent à des conséquences immenses ; & tel marchand croit sa fortune faite, tant que son bois est sur pié, qui se trouve à moitié ruiné quand il est abattu.

Le bois de chêne est le meilleur de tous les bois pour la charpente, à cause qu’il ne pourrit point facilement quand il est employé sur terre & dans l’eau, & qu’il est plus fort que les autres bois.

Le bois de châtaignier est bon pour les mêmes ouvrages, pourvû qu’il soit à couvert. La plûpart des anciens édifices ont leur charpente de ce bois.

Le bois d’aune ne pourrit point non plus dans l’eau, ce qui fait qu’on en fait des tuyaux de pompes & de conduites d’eau.

Les chênes, pour pouvoir en faire du bois bon pour l’usage de la charpenterie, ne doivent point être abattus avant soixante ans, & plus tard que deux cents ans ; parce que passé deux cents ans ce bois dépérit, & qu’avant soixante ans il est trop jeune.

Dans la charpente on employe de deux sortes de bois, le bois de brin & le bois de sciage.

Le bois de brin est celui qui se fait en ôtant les quatre dosses & flache d’un arbre en l’équarrissant.

Le bois de sciage se tire ordinairement des bois courts & trop gros, ou des pieces moins saines. On en parlera plus au long ci-dessous.

Le bois de chêne qu’on nomme bois gras ou doux, est celui qui est moins poreux & sans fil, & a moins de nœuds que le bois ferme ; & il n’est bon pour l’usage des menuisiers, que pour faire des panneaux & des assemblages qui ne fatiguent point ; car il ne vaut rien pour les bâtis de portes, & tout ce qui peut souffrir la moindre fatigue.

Le bois dur ou rustique, est celui qui a le fil gros. Il vient dans les terres fortes & fonds pierreux & sablonneux, & au bord des forêts.

Les bois légers sont les bois blancs, comme sapins, tilleuls, trembles, &c. Les charpentiers ne s’en servent que dans les cloisons au défaut du chêne.

Bois, un cent de bois ; c’est, en terme de Charpentier, soixante-douze pouces de longueur sur six pouces d’équarrissage. Tout le bois de charpente se réduit à cette mesure, & une seule poutre est comptée pour autant d’autres, qu’elle contient de fois cette mesure, soit pour la vente, soit pour la voiture, soit pour le toisé.

Le bois de charpente prend différentes dénominations selon ses différentes qualités ; il s’appelle :

Bois affoibli, quand on a diminué considérablement la forme d’équarrissage, en le rendant difforme, courbe, ou rampant, pour laisser des bossages aux poinçons, ou des encorbellemens aux poteaux sous les poutres qui portent dans les cloisons. Au reste ce bois se toise dans le plus gros du bossage.

Bois apparent, lorsqu’étant en œuvre, comme dans les ponts de bois, planchers, cloisons, &c. il n’est point recouvert de plâtre ou autre matiere.

Bois blanc, quand il tient de la nature de l’aubier, & se corrompt facilement.

Bois bouge, quand il a du bombement, ou qu’il est courbé en quelque endroit.

Bois cantiban, lorsqu’il n’a du flache que d’un côté.

Bois corroyé, quand il a été dressé à la varlope ou au rabot.

Bois déchiré, celui qui revient de quelque ouvrage mis en pieces, pour raison de vétusté ou autre.

Bois déversé ou gauchi, lorsqu’après avoir été travaillé & équarri, il n’a pas conservé la forme qu’on lui a donnée, mais s’est dejetté, courbé, incliné & déformé de quelque maniere & par quelque cause que ce soit.

Bois d’échantillon, quand les pieces de bois sont d’une grosseur & longueur déterminée.

Bois échauffé ; lorsqu’il commence à se gâter & à pourrir, & qu’on lui remarque de petites taches rouges & noires ; ce sont ces sortes de bois que quelques-uns appellent bois pouilleux.

Bois d’entrée, s’il est entre verd & sec.

Bois d’équarrissage, quand il est propre à recevoir la forme d’un parallelepipede : il ne s’équarrit point de bois au-dessous de six pouces de gros.

Bois flache, quand il ne pourroit être bien équarri sans beaucoup de déchet, & que les arrêtes n’en sont point vives.

Bois gissant, lorsqu’il est coupé, abbatu & couché sur terre.

Bois en grume, s’il n’est point équarri, & si on l’employe de toute sa grosseur, par exemple, en pieux appellés pilotis.

Bois lavé, quand on lui a ôté tous les traits de scie & rencontre, avec la besaiguë.

Bois mouline, s’il est pourri & rongé des vers.

Bois qui se tourmente, lorsqu’il se déjette, étant employé trop verd ou trop humide.

Bois refait, quand de gauche & flache qu’il étoit, il est équarri & redressé au cordeau sur ses faces.

Bois de refend, lorsqu’on l’a mis par éclats pour faire le merrein, les lattes, les échalats, du boisseau, &c.

Bois rouge, s’il s’échauffe, & s’il est sujet à pourrir.

Bois roulé, quand les cernes ou crues de chaque année, sont séparées, & ne font point de corps ; ce bois n’est bon qu’à brûler. On dit que le bois devient roulé, lorsqu’étant en séve il est battu par le vent.

Bois sain & net, lorsqu’il est sans malandres, nœuds vicieux, gale, fistule.

Bois tortu, quand il ne peut servir qu’à faire des courbes, & n’est bon que pour la marine.

Bois tranché, s’il a des nœuds vicieux ou fils obliques qui coupent la piece, & la rendent peu propre à résister à la charge & à être refendu.

Bois vermoulu, s’il est piqué de vers.

Bois vif, lorsque les arrêtes en sont bien vives & sans flache, & qu’il ne lui reste ni écorce ni aubier.

Bois de charronage : on comprend sous cette dénomination tout celui qui est employé par les Charrons à faire des charrettes, des roues, &c. comme l’orme, le frêne, le charme, & l’érable ; la meilleure partie s’en débite en grume. Voyez les articles de ces bois.

Bois de chauffage ; le bois de chauffage est neuf ou flotté. Les marchands de bois neuf sont ceux qui embarquent sur les ports des rivieres navigables des bois qui y ont été amenés par charroi ; & ils les empilent ensuite en théatre, comme on le voit sur les ports & autres places dont la ville de Paris leur a accordé l’usage. Voyez Chantier. Ces sortes de marchands ne font guere que le tiers de la provision de cette ville, &c.

Les marchands de bois flotté sont ceux qui font venir leurs bois des provinces plus éloignées. Ils les jettent d’abord à bois perdu sur les ruisseaux qui entrent dans les rivieres sur lesquelles ce commerce est établi ; ensuite ces mêmes rivieres les amenent elles-mêmes encore à bois perdu jusqu’aux endroits où il est possible de les mettre en trains, pour les conduire à Paris ; après néanmoins les avoir rétirés de l’eau avant de les flotter en train, & les avoir fait sécher suffisamment, sans quoi le bois iroit à fond. Ces marchands font les deux autres tiers de la provision.

Il y a quelques siecles que l’on étoit dans l’appréhension que Paris ne manquât un jour de bois de chauffage ; les forêts des environs se détruisoient, & l’on prévoyoit qu’un jour il faudroit y transporter le bois des provinces éloignées ; ce qui rendroit cette marchandise si utile & d’un usage si général, d’un prix exorbitant occasionné par le coût des charrois. Si l’on eût demandé alors à la plûpart de ceux qui sentent le moins aujourd’hui le mérite de l’invention du flottage des bois, comment on pourroit remédier au terrible inconvénient dont on étoit menacé, ils y auroient été, je crois, bien embarrassés ; l’accroissement & l’entretien des forêts eussent été, selon toute apparence, leur unique ressource. C’est en effet à ces moyens longs, coûteux & pénibles, que se réduîsit alors toute la prudence du gouvernement ; & la capitale étoit sur le point de devenir beaucoup moins habitée par la chéreté du bois, lorsqu’un nommé Jean Rouvet, bourgeois de Paris, imagina en 1549 de rassembler les eaux de plusieurs ruisseaux & rivieres non navigables ; d’y jetter les bois coupés dans les forêts les plus éloignées ; de les faire descendre ainsi jusqu’aux grandes rivieres ; là, d’en former des trains & de les amener à flot, & sans bateaux, jusqu’à Paris. J’ose assûrer que cette invention fut plus utile au royaume, que plusieurs batailles gagnées, & méritoit des honneurs autant au moins qu’aucune belle action. Jean Rouvet fit ses premiers essais dans le Morvant ; il rassembla tous les ruisseaux de cette contrée ; fit couper ses bois, & les abandonna hardiment au courant des eaux : il réussit. Mais son projet traité de folie avant l’exécution, & traversé après le succès, comme c’est la coûtume, ne fut porté à la perfection & ne reçut toute l’étendue dont il étoit susceptible, qu’en 1566, par René Arnoul. Voyez à l’article Train, la maniere de les construire. Ceux qui voyent arriver à Paris ces longues masses de bois, sont effrayés pour ceux qui les conduisent, à leur approche des ponts : mais il n’y en a guere qui remontent jusqu’à l’étendue des vûes & à l’intrépidité du premier inventeur, qui osa rassembler des eaux à grands frais, & y jetter ensuite le reste de sa fortune.

Entre les marchands de bois flotté, les uns sont bourgeois, les autres forains ; il y a beaucoup plus de bourgeois que de forains, qui fassent le commerce du bois, qui vient du pays d’amont ; au contraire il y a beaucoup plus de forains que de bourgeois, qui fassent commerce du pays d’aval.

Tout ce qui concerne le bois de chauffage se réduit à sa façon, au tems de le tirer des ventes, à sa voiture & à son déchargeage, à la diligence de voiture, à son arrivée, à sa vente dans les chantiers, & aux officiers qui y veillent.

Façon. Il est enjoint de donner à tous les bois à brûler, trois piés & demi de longueur ; au bois de moule, dix-huit pouces de tour ; au bois de corde de quartier ou de traverse, autant. Si le bois de quartier, de traverse, ou fendu, a dix-huit pouces de tour, il se mesure au moule ; s’il n’en a que dix sept, il va avec le bois de corde dans la membrure. Le bois taillis doit avoir six pouces de tour. Le bois d’Andelle a la même grosseur : mais il est plus court ; il n’a que deux piés & demi ou environ.

Sortie des ventes. Les marchands sont tenus de faire couper & sortir les bois des ventes, dans les tems qui leur auront été fixés, eu égard aux lieux & à la qualité des arpens.

Voitures. Il est permis de voiturer depuis les forêts jusqu’aux rivieres, à travers toutes terres, en avertissant dix jours auparavant par des publications aux prônes ; de jetter les bois dans les rivieres ; de les pousser par les ruisseaux, étangs, fossés de châteaux, &c. sans qu’ils en puissent être empêchés par qui que ce soit.

Diligence. Il est défendu de séjourner en chemin sans nécessité, & de décharger ailleurs qu’à Paris.

Vente. Il est enjoint de les mettre en chantier, & ils ne peuvent être vendus ailleurs.

Officiers. La Ville commet des personnes à elle pour veiller à cette distribution. Toute la différence qu’il y a entre les bois de chauffage soit neuf, soit flotté, se tire de la taille, de la voiture, & de la mesure.

Relativement à la taille, il se distribue en gros bois & en menu bois ; à la voiture ; en bois neuf & en bois flotté ; à la mesure, en bois de moule & de compte, & en bois de corde.

Tout le gros bois est compris sous le nom générique de bûches ; chaque bûche, de quelque bois que ce soit, doit avoir, ainsi que nous l’avons déjà dit, trois piés & demi de long.

Les plus grosses bûches sont nommées bois de moule, ou de moulure, ou de compte ; parce qu’elles se mesurent dans le moule ou l’anneau. Voyez Anneau. Elles doivent avoir dix-huit pouces de tour.

Le bois de traverse suit immédiatement en grosseur le bois de compte ou de moule ; il doit avoir dix-sept pouces de tour. Il y en a qui comprennent sous la même dénomination tout le bois blanc.

On appelle bois taillis, tout celui qui n’a que cinq à six pouces de tour.

Le bois de corde doit avoir au moins dix-sept pouces ; il est appellé bois de corde, parce que les Bucherons plantent à la corde quatre pieux en quarré, dont le côté a huit piés, & chaque pieu a quatre piés de haut. C’est-là leur mesure ou corde qui contient, comme on voit, quatre fois 64 ou 256 piés cubes de bois. Cette méthode de mesurer le bois a duré jusqu’en 1641, qu’il fut ordonné de se servir d’une membrure de charpente, qui retint le nom de corde. Voyez Corde. Voyez Membrure.

Le menu bois est ou coteret, ou fagot, ou bourrée.

Il y a des coterets de bois taillis fendu, ou des coterets de bois rond.

Ceux-ci viennent par l’Yonne : mais ils doivent avoir les uns & les autres deux piés de long, sur dix-sept à dix-huit pouces de tour.

Les fagots sont faits de branches d’arbres menues. Ils doivent avoir trois piés & demi de long, sur dix-sept à dix-huit pouces de tour.

La bourrée, qui est une espece de fagot, est faite de brossailles d’épines & de ronces, &c.

Voici encore quelques dénominations qu’on donne au bois de chauffage.

Bois en chantier, est celui qui est en pile ou en magasin ; on nomme ordinairement ces sortes de piles théatre.

Bois flotté, est celui qu’on lie avec des rouelles & des perches, & que l’on amene en train sur des rivieres. Voyez Train.

Bois perdu, est celui qu’on jette dans les petites rivieres qui n’ont pas assez d’eau pour porter ni train ni bateau, & qu’on va recueillir & mettre en train aux lieux où ces rivieres commencent à porter.

Bois canards, sont ceux qui demeurent au fond de l’eau, ou qui s’arrêtent aux bords des ruisseaux, où l’on a jetté une certaine quantité de bois, bûche à bûche, pour le laisser aller au courant de l’eau. Après que ces bûches sont arrivées au lieu où le ruisseau est devenu une riviere navigable, les marchands peuvent faire pêcher leurs bois canards pendant 40 jours sans rien payer. Voyez l’Ordonnance de 1672.

Bois volans, sont ceux que le flot amene droit au port.

Bois échappés, sont ceux que les inondations portent dans les prés ou dans les terres.

Bois neuf, est celui qu’on apporte dans des bateaux sans qu’il ait trempé dans l’eau.

Bois pelard, est un bois menu & rond, dont on ôte l’écorce pour faire du tan. Les Rotisseurs & Boulangers s’en servent.

Bois de gravier, est un bois qui croît dans des endroits pierreux, & qui vient demi flotté du Nivernois & de Bourgogne ; le meilleur est de Montargis.

Bois d’Andelle, ainsi nommé du nom de la riviere qui le voiture, est un bois de hêtre qui a ordinairement deux piés & demi de longueur ; il faut quatre mesures d’anneau pour la voie, & quatre bûches de témoins par anneau.

Bois tortillard ; ce bois n’est point ordinairement reçû dans les membrures à cause des vuides qu’il laisse, & le tort qui en résulte pour le public.

Bois boucan, bûches qui par vetusté ne sont plus de mesure pour être mises en membrures.

Je ne finirai point cet article du bois de chauffage, qui forme un objet presqu’aussi important, que celui de construction & de charpente, sans observer que nous sommes menacés d’une disette prochaine de l’un & l’autre ; & que la cherté seule du premier peut avoir une influence considérable sur l’état entier du royaume. Le bois de chauffage ne peut devenir extrèmement rare & d’un grand prix, sans chasser de la capitale un grand nombre de ses habitans ; or il est constant que la capitale d’un royaume ne peut être attaquée de cette maniere, sans que le reste du royaume s’en ressente. Je ne prévois qu’un remede à cet inconvénient, & ce remede est même de nature à prevenir le mal, si on l’employoit des à présent. Quand les forêts des environs de la ville furent épuisées, il se trouva un homme qui entreprit d’y amener à peu de frais les bois des forêts éloignées, & il réussit. Lorsque la négligence dans laquelle on persiste aura achevé de détruire les forêts éloignées, il est certain qu’on aura recours au charbon de terre ; & il est heureusement démontré qu’on en trouve presque par-tout. Mais pourquoi n’en pas chercher & ouvrir des carrieres dès aujourd’hui ? pourquoi ne pas interdire l’usage du bois à tous les états & à toutes les professions dans lesquels on peut aisément s’en passer ? car il en faudra venir là tôt ou tard ; & si l’on s’y prenoit plûtôt, on donneroit le tems à nos forêts de se restituer ; & en prenant pour l’avenir d’autres précautions que celles qu’on a prises pour le passé, nos forêts mises une fois sur un bon pié, pourroient fournir à tous nos besoins, sans que nous eussions davantage à craindre qu’elles nous manquassent. Il me semble que les vues que je propose sont utiles : mais j’avoue qu’elles ont un grand défaut, celui de regarder plûtôt l’intérêt de nos neveux que le nôtre ; & nous vivons dans un siecle philosophique où l’on fait tout pour soi, & rien pour la posterité.

Bois (mouleur de), Police, officier de ville, commis sur les ports pour que le bois y soit fidelement mesuré dans les moules ou les membrures. V. Moule & Membrure.

Bois (Marchand de), voyez ci-dessus l’article Bois de chauffage.

Bois de sciage. On entend par bois de sciage, celui qui est debité en soliveaux & coupé en planches à l’usage de la menuiserie. On comprend sous ce nom tout celui qui a moins de six pouces d’équarrissage, beaucoup de bois tendres, sur-tout pour la boiserie, le parquetage, les lambris, & plafonds. On fait façonner le bois de sciage, ou par des scieurs de long, ou dans des moulins à scie. Voyez Sciage.

Le bois de sciage s’appelle :

Bois mi-plat, s’il est beaucoup plus large qu’épais ; ce bois est pour l’usage de la menuiserie.

Bois ouvré, ou non ouvré, quand il passe ou non par les mains de l’ouvrier.

Il y a encore le bois d’ouvrage & celui de merrein.

Le bois d’ouvrage, est celui qu’on travaille dans les forêts, & dont on fait des sabots, des pelles, des seaux, des lattes, des cercles, des éclisses.

Le bois de chêne s’appelle bois de merrein, quand il est débité en petits ais ou douves pour faire des tonneaux, des cuves, des seaux, &c. Voyez Merrein.

Il ne nous reste plus qu’à ajoûter à cet article quelques sortes de bois, parmi lesquelles il y en a qui ont peu de rapport avec les précédentes.

Bois fossile, (Hist. nat.) bois qui se trouve en terre à différentes profondeurs, où il s’est conservé depuis long tems sans se pourrir. On sait assez qu’il arrive souvent des éboulemens de terre & d’autres déplacemens, qui sont occasionnés par différentes causes, & sur-tout par les tremblemens de terre, les torrens, les inondations, &c. c’est par ces accidens que les arbres sont enfoncés dans la terre. S’il se rencontre des matieres bitumineuses qui les pénetrent, alors ils ne sont plus susceptibles de pourriture, & ils se conservent dans leur entier. Les différentes combinaisons des matieres bitumineuses doivent causer des différences dans la consistance du bois fossile, dans sa couleur, son poids, &c. Voyez Houille, Charbon de terre, Jayet. (I)

Bois pétrifié. Voyez Pétrification.

* Bois d’aloès. Il y a tout lieu de croire que le bois que nous appellons aujourd’hui bois d’aloès, est le même que Dioscoride a décrit sous le nom d’agallochum, & que l’on a nommé dans la suite xyloaloès. Il ne faut pas confondre le bois d’aloès avec le suc épaissi qui porte simplement le nom d’aloès, ni croire que ce suc sorte du bois d’aloès. Nous verrons dans la suite qu’on le tire de plusieurs especes de plantes aussi appellées aloès. On voit au contraire que le bois d’aloès ne peut venir que d’un arbre.

On peut distinguer trois sortes d’agallochum : la premiere est celle que les Indiens appellent calambac, c’est la plus rare & la plus précieuse, elle vient de la Cochinchine. Le calambac est tendre : il y en a de plusieurs couleurs, par lesquelles on a voulu le distinguer, & plusieurs especes. Si on le met sur les charbons ardens, il semble se fondre plûtôt que brûler, tant il est résineux ; la fumée qu’il rend est fort épaisse & de bonne odeur.

La seconde passe communément sous le nom de bois d’aloès ou bois d’aigle ; on la trouve comme la premiere dans la Cochinchine, mais il y en a aussi à Cambaye & à Sumatra : le bois d’aloès est plus commun dans ce pays-ci que le calambac, parce qu’il n’est pas si cher. Le bois d’aigle est compact & pesant ; sa substance est percée de plusieurs cavités, elle semble être cariée ; sa couleur est rousse, son goût est un peu acre & aromatique, il bouillonne sur les charbons ardens, sa fumée est d’une odeur fort agréable.

La troisieme espece d’agallochum est appellée calambour ou calambouc ; il est d’une couleur verdâtre & quelquefois rousse ; son odeur est agréable & pénétrante. On l’apporte des iles de Solor & de Temor en grosses bûches ; & on en fait des étuis, des boîtes, des chapelets, & plusieurs autres ouvrages.

On ne sait pas si ces trois especes d’agallochum viennent chacune d’un arbre particulier, ou s’il n’y a qu’une seule espece d’arbre pour les trois. Ce dernier sentiment a été soûtenu par plusieurs botanistes : ils ont assûré que l’arbre ressembloit à un olivier, & qu’il portoit de petits fruits rouges.

On dit que les Indiens laissent les troncs de ces arbres dans la boue pour faire pourrir l’écorce & l’aubier ; il ne reste que le cœur, qui prend seulement une couleur brune, & qu’il conserve par la résine qu’il contient. On a prétendu que ce bois étant sur pié ou coupé récemment, rendoit un suc laiteux d’une mauvaise qualité : s’il en entroit dans les yeux, on en perdoit la vûe ; s’il en tomboit sur la peau, il s’élevoit des boutons. On a vû que ce suc étant épaissi & desséché formoit la résine qui préserve de la pourriture les parties du bois auxquelles il s’attache. Celles qui en contiennent une grande quantité sont le vrai calambac : on dit qu’elles se trouvent ordinairement au pié du tronc. D’autres assurent qu’il faut que les arbres se dessechent & se pourrissent d’eux-mêmes sur les montagnes, pour former du calambac. Quoi qu’il en soit, il est certain que ce bois est fort rare, même chez les Indiens, puisqu’ils l’achetent souvent au poids de l’argent, & même de l’or. Ils l’estiment beaucoup à cause de la bonne odeur qu’il rend lorsqu’on le brûle ; c’est un parfum délicieux qu’ils réservent pour les temples des dieux & pour les palais des rois. Si le bois d’aloès n’a pas une aussi bonne odeur que le calambac, on ne laisse pas que d’en faire grand cas dans ce pays-ci.

Il a une qualité chaude & dessiccative, il est cordial, il fortifie les nerfs & le cerveau, il ranime les esprits, il prévient les défaillances & les maladies de la matrice ; on le fait entrer dans les cordiaux & dans la thériaque.

On l’employe dans les boutiques de Paris au lieu de l’aspalath.

* Bois de Rhodes. On soupçonne que le bois de Rhodes étoit l’aspalath des anciens : mais ce n’est qu’une conjecture, les anciens n’etant pas même d’accord sur l’aspalath. Les modernes ont prétendu que c’étoit l’agallochum, le bois d’aloès, ou le bois de Rhodes ; aujourd’hui on ne sait pas encore précisément ce que c’est que le bois de Rhodes.

Celui auquel on donne aujourd’hui ce nom est jaunâtre lorsqu’il est nouvellement coupé ; sa couleur devient brune avec le tems. Il est dur, compact, noüeux, & résineux ; il a une odeur de rose, c’est pour cela qu’on l’a appellé bois de rose ; & parce que l’arbre duquel on le tire croît dans l’ile de Rhodes & de Chypre, on a donné au bois les noms de bois de Rhodes & de bois de Chypre. On trouve aussi ce bois aux Canaries & à la Martinique.

* Bois de Bresil ; ce bois est ainsi nommé à cause qu’on l’a tiré d’abord du Bresil, province de l’Amérique. M. Huet soûtient cependant qu’on le connoissoit sous ce nom, long-tems avant qu’on eût découvert ce pays. Voyez Huetiana, pag. 268.

On le surnomme différemment suivant les divers lieux d’où il vient ; ainsi il y a le bresil de Fernambouc, le bresil du Japon, le bresil de Lamon, le bresil de sainte Marthe, & enfin le bresillet ou bois de la Jamaique qu’on apporte des îles Antilles.

L’arbre de bresil croît ordinairement dans des lieux secs & arides, & au milieu des rochers. Il devient fort gros & fort grand, & pousse de longues branches, dont les rameaux sont chargés de quantité de petites feuilles à demi-rondes. Son tronc est rarement droit, mais tortu & raboteux, & plein de nœuds à peu près comme l’épine blanche. Ses fleurs, qui sont semblables au muguet & d’un très-beau rouge, exhalent une odeur agréable & très-amie du cerveau qu’elle fortifie. Quoique cet arbre soit très-gros, il est couvert d’un aubier si épais, que lorsque les Sauvages l’ont enlevé de dessus le vif du bois, si le tronc étoit de la grosseur d’un homme, à peine reste-t-il une bûche de bresil de la grosseur de la jambe.

Le bois de bresil est très-pesant, fort sec, & pétille beaucoup dans le feu, où il ne fait presque point de fumée à cause de sa grande sécheresse.

Toutes ces différentes sortes de bresil n’ont point de moelle, à la réserve de celui du Japon. Le plus estimé est le bresil de Fernambouc.

Pour bien choisir ce dernier, il faut qu’il soit en bûches lourdes, compact, bien sain, c’est-à-dire sans aubier & sans pourriture ; qu’après avoir été éclaté, de pâle qu’il est il devienne rougeâtre, & qu’étant mâché il ait un goût sucré.

Le bois de bresil est propre pour les ouvrages de tour, & prend bien le poli : cependant son principal usage est pour la teinture, où il sert à teindre en rouge, mais c’est une fausse couleur qui s’évapore aisément, & qu’on ne peut employer sans l’alun & le tartre. Voyez Teinture.

Du bois de bresil de Fernambouc on tire une espece de carmin par le moyen des acides : on en fait aussi de la lacque liquide pour la mignature. V. Rouge, Lacque, &c.

* Bois de fustet, (Hist. nat.) l’arbre qui le donne est commun à la Jamaique ; il y croît en plaine campagne. Les teinturiers s’en servent pour teindre en jaune : mais il n’est d’aucun usage en Medecine.

* Bois lettré, lignum sinense, il vient de la Chine. On l’appelle bois lettré, parce qu’on nous l’apporte marqué de lettres ; il n’est presque d’aucun usage en Medecine.

* Bois de sainte Lucie, arbre qui doit se rapporter au genre appellé cerisier. Voyez Cerisier.

* Bois d’inde, Bois de la Jamaïque, ou Bois de campeche, (Hist. nat.) on l’appelle aussi laurier aromatique ; c’est un grand & bel arbre qui croît en Amérique, & principalement aux îles de Ste Croix de la grande Terre, la Martinique, la Grenade, &c. Le bois de cet arbre est dur, compact, & si lourd, qu’il ne nage point sur l’eau. Sa couleur est d’un beau brun marron, tirant quelquefois sur le violet & le noir : on en fait des meubles précieux, car il prend un très-beau poli & ne se corrompt jamais. Son écorce est jaunâtre, très-mince & très-unie ; ses feuilles ressemblent assez à celles du laurier ordinaire, excepté que celles du bois d’Inde sont ovales, & ne se terminent pas en pointe comme les siennes ; elles sont lisses, roides, d’un verd foncé en-dessus, & d’un verd plus clair en-dessous ; les bords en sont unis, & ne sont point plissés comme ceux des feuilles de laurier, elles sont outre cela fort aromatiques ; & mises dans les fausses elles leur donnent un goût relevé semblable à celui de plusieurs épiceries. Cet arbre fleurit une fois l’an ; & aux fleurs, qui viennent par bouquets, succedent de petites baies ou de petites graines rondes, grosses comme des pois, qui renferment de la semence ; ces graines sont très-odorantes, & ont du rapport avec la canelle, le clou de girofle, & la muscade : elles ont un goût piquant & astringent qui n’est point desagréable : on les connoît en Angleterre sous le nom de graine des quatre épices ; les habitans des îles s’en servent pour assaisonner leurs fausses. Si on en met digérer dans de bonne eau-de-vie, on en retire par la distillation une eau ou liqueur spiritueuse d’une odeur gratieuse mais indéfinissable, à laquelle il ne faut qu’ajoûter une dose convenable de sucre pour en faire une liqueur délicieuse au goût & propre à fortifier l’estomac. On dit que la décoction des feuilles du bois d’Inde est bonne pour fortifier les nerfs, & soulage les paralytiques & les hydropiques : On l’employe dans la teinture, & sa décoction est fort rouge.

On a remarqué que si l’on met de cette teinture dans deux bouteilles, & que l’on mêle dans l’une un peu de poudre d’alun, celle-ci deviendra d’un très-beau rouge clair, qu’elle conservera, & l’autre deviendra jaunâtre en moins d’un jour, quoique les deux bouteilles soient fermées de même ; & si on laisse à l’air quelque peu de cette décoction, elle deviendra noire comme de l’encre dans le même espace de tems.

* Bois de fer, (Hist. nat.) arbre qui croît principalement aux îles de l’Amérique : c’est sa grande dureté qui lui a fait donner ce nom. Il est de la grosseur d’un homme par le tronc ; son écorce est grisâtre & dure ; il a beaucoup de petites feuilles, & est tout couvert de bouquets de fleurs, semblables à ceux du lilas ; l’aubier est jaune & fort dur jusqu’au cœur de l’arbre, qui est fort petit & d’un rouge brun : ce cœur est d’une si grande dureté, que les outils de fer mieux trempés ne peuvent le percer.

* Bois néphrétique, (Hist. nat.) lignum nephreticum ou peregrinum : il est blanchâtre ou d’un jaune pâle, sordide ; pesant, acre, & même un peu amer au goût ; d’une écorce noirâtre, & brun ou d’un rouge brun au cœur. Macéré dans de l’eau claire pendant une demi-heure, il lui donne une belle couleur opale, qui change selon la disposition de l’œil & de la lumiere. Si on y mêle une liqueur acide, la couleur bleue disparoît, & la liqueur paroît dorée de quelque côté qu’on la regarde. Mais l’huile de tartre, ou la solution d’un sel alkali urineux, lui restituera la couleur bleue.

L’arbre qui donne ce bois s’appelle arbor Americana Coatli. M. Tournefort en donne la description suivante. Il a la substance & la grandeur du poirier ; les feuilles disposées alternativement sur les rameaux de la forme de celles du pois chiche, mais plus épaisses, sans découpures, longues d’un demi-pouce, larges de quatre lignes, d’un verd brun, parsemées d’un duvet fort doux, reluisantes en dessous où ce duvet est argenté, avec une nervure assez grosse ; la fleur attachée au bout des rameaux. Hernandès dit qu’elle est d’un jaune pâle, petite, longue, & disposée en épi, & que son calice est d’une piece, partagé en cinq quartiers, semblable à une corbeille, & couvert d’un duvet roux. Cet arbre croît dans la nouvelle Espagne.

On recommande l’usage de ce bois pour les maladies des reins & la difficulté d’uriner. On le coupe par petites lames, qu’on fait macérer dans de l’eau : cette eau acquiert au bout d’une demi-heure la couleur d’un bleu clair ; on la boit ; on en ajoûte de nouvelle, qu’on prend encore, & l’on continue jusqu’à ce que le bois ne colore plus.

Les uns prennent un verre de cette teinture tous les matins ; d’autres la mêlent avec du vin : quelques-uns en ont été soulagés dans la gravelle, & autres maladies relatives aux reins & à la vessie.

Bois puant, (Hist. nat.) anagyris, genre de plante à fleur papilionacée, dont la feuille supérieure est beaucoup plus courte que les autres. Lorsque cette fleur est passée, le pistil qui sort du calice devient une silique semblable à celle du haricot, qui renferme des semences qui ont ordinairement la figure d’un petit rein. Ajoûtez au caractere de ce genre, que ses especes ont les feuilles trois à trois sur un seul pédicule. Tournefort, Inst. rei herb. V. Plante. (I)

Bois rouge ou Bois de sang, (Hist. nat.) c’est le bois d’un arbre qui croît en Amérique près du golfe de Nicaragua ; il est d’un très-beau rouge : on s’en sert dans la teinture. Il se vend fort cher.

Différentes acceptions du terme bois dans les Arts méchaniques.

Bois de grille, partie du métier à travailler les bas, sur laquelle les ressorts de grille sont disposés perpendiculairement. Voyez Bas.

Bois de moule servant à fondre les caracteres d’Imprimerie ; ce sont deux morceaux de bois taillés suivant la figure du moule, dont l’un est à la piece de dessus, & l’autre à la piece de dessous : ils servent à tenir le moule, l’ouvrir, & le fermer sans se brûler au fer qui est échauffé par le métal fondu que l’on jette continuellement dedans. Voyez A & B fig. 1. Pl. II. du Fondeur de caracteres d’Imprimerie, & les figures 2. & 3 de la même planche.

Bois, en terme de Lapidaire, est un gros cylindre court & percé de part en part, qui s’emmanche dans le clou ou cheville de la table, placé à côté de la roue, près duquel l’ouvrier appuie sa main pour être plus sûr, & dans lequel il fourre un bout de son bâton à cimenter, afin que la pression de la pierre sur la roue soit égale. Voyez la fig. 7. Pl. du Lapidaire. 16 est le trou dans lequel entre le bout du bâton à ciment, comme la fig. 6 le représente ; 1, le bois ; rs, le clou ou cheville fixée par sa partie inférieure dans la table ou établi ; 12, la place de l’ouvrier qui presse sur le bâton à ciment, à l’extrémité duquel la pierre est montée ; 14, la meule.

Bois de têtes, Bois de fonds : les Imprimeurs nomment ainsi certains morceaux de bois de chêne, qui entrent dans la composition d’une forme, lesquels sont de diverses grandeurs, mais égaux dans leur épaisseur, qui est réglée à sept à huit lignes, afin qu’elle soit inférieure à la hauteur de la lettre, qui est de dix à onze lignes. Ce sont ces différens morceaux de bois qui déterminent la marge. Ils doivent être plus ou moins grands, suivant le format de l’ouvrage & la grandeur du papier. Voyez Forme, Biseau, Coin . Voyez Pl. II. fig. 5. lettres h, i ; fig. 6. lettres h, i ; fig. 7. lettres h, i, k, l ; fig. 8. lettres f, g, h, 1.

Bois de raquette ; c’est un tour de bois qui a un manche de longueur médiocre, dont on fait avec de la corde à boyau des raquettes à joüer à la paume.

Les bois de raquettes sont faits de branches de bois de frêne fendues en deux.

Bois, chez les Rubaniers, se dit de la petite bobine qui porte l’or ou l’argent filé : il en porte ordinairement deux onces ; & c’est lorsqu’il est chargé qu’il est appellé bois, car il devient bobine lorsqu’il est vuide.

Bois à limer, chez les ouvriers en métaux & autres ; c’est un petit morceau de bois quarré qui se met dans l’étau, & sur lequel on pose la piece que l’on tient d’une main, soit avec les doigts, soit avec un étau à main, soit avec une tenaille, & qu’on lime. On se sert de ce bois pour appui, de peur que le fer de l’étau ne gâte la forme de l’ouvrage à mesure qu’on travaille. On fait à ce morceau de bois une entaille qui sert de point d’appui à la piece.

Bois de brosse, en terme de Vergettier ; c’est une petite planche mince de hêtre ou de noyer, percée à distance égale pour recevoir les loquets.

Bois d’un éventail, signifie les fleches & les maîtres brins de bois, écaille, ivoire, ou autres matieres, dont on se sert pour monter un éventail. Le bois d’un éventail est composé de deux montans ou maîtres brins, & de dix-huit ou vingt fleches, qui sont collées par en-haut entre les deux feuilles, & joints ensemble en-bas par un clou ou cheville de fer qui les traverse, & qui est rivée des deux côtés. Voyez Eventail, & la figure 24. Pl. de l’Eventailliste. Ce sont les Tabletiers qui les fabriquent, & qui se servent pour cet effet de limes, de scies, d’équerres, de forets, &c.

Bois de fusil ou Fût, terme d’Arquebusier ; c’est un morceau de bois de noyer ou de chêne sculpté, de la hauteur de quatre piés, large, & un peu plat par en-bas ou du côté de la crosse ; par en-haut il est rond, creusé en-dedans pour y placer le canon du fusil, à peu-près de la même grosseur, de façon que le canon y est à moitié enchâssé. Il y a par dessous une moulure pour y placer la baguette, qui y est retenue par les porte-baguettes : c’est sur ce bois que l’on monte la platine, le canon, la plaque de couche, la sous-garde, &c.

Il y a aussi des bois de fusils à deux coups, qui ne different de celui-ci que parce qu’il est plus large, & qu’il y a deux moulures pour y placer les deux canons, deux entailles pour y placer les deux platines, l’une à droite & l’une à gauche, & par-dessous une seule entaille pour placer la baguette.

Bois, au trictrac, se dit en général des dames avec lesquelles on joüe au jeu. Voyez Dame & Trictrac.

* Bois de vie, (Hist. eccl.) On nomme ainsi parmi les Juifs deux petits bâtons, semblables à peu-près à ceux des cartes géographiques roulées, par où on prend le livre de la loi, afin de ne pas toucher au livre même, qui est enveloppé dans une espece de bande d’étoffe brodée à l’aiguille. Les Juifs ont un respect superstitieux pour ce bois ; ils le touchent avec deux doigts seulement, qu’ils portent sur le champ aux yeux, car ils s’imaginent que cet attouchement leur a donné la qualité de fortifier la vûe, de guérir du mal d’yeux, de rendre la santé, & de faciliter les accouchemens des femmes enceintes : les femmes n’ont cependant pas le privilege de toucher les bois de vie ; mais elles doivent se contenter de les regarder de loin.

* Bois sacrés, (Myth.) Les bois ont été les premiers lieux destinés au culte des dieux. C’est dans le creux des arbres & des antres, le silence des bois & le fond des forêts, que se sont faits les premiers sacrifices. La superstition aime les ténebres ; elle éleva dans des lieux écartés ses premiers autels. Quand elle eut des temples dans le voisinage des villes, elle ne négligea pas d’y jetter une sainte horreur, en les environnant d’arbres épais. Ces forêts devinrent bientôt aussi révérées que les temples mêmes. On s’y assembla ; on y célébra des jeux & des danses. Les rameaux des arbres furent chargés d’offrandes ; les troncs sacrés aussi révérés que les prêtres ; les feuilles interrogées comme les dieux. Ce fut un sacrilége d’arracher une branche. On conçoit combien ces lieux deserts étoient favorables aux prodiges : aussi s’y en faisoit-il beaucoup. Apollon avoit un bois à Claros, où jamais aucun animal venimeux n’étoit entré. Les cerfs des environs y trouvoient un refuge assûré, quand ils étoient poursuivis. La vertu du dieu repoussoit les chiens : ils aboyoient autour de son bois, où les cerfs tranquilles broutoient. Esculape avoit le sien près d’Epidaure : il étoit défendu d’y laisser naître ou mourir personne. Le bois que Vulcain avoit au mont Ethna étoit gardé par des chiens sacrés, qui flattoient de la queue ceux que la dévotion y conduisoit, déchiroient ceux qui en approchoient avec des mains impures, & éloignoient les hommes & les femmes qui y cherchoient une retraite ténébreuse. Les furies avoient à Rome un bois sacré.