L’Encyclopédie/1re édition/CONJUGUÉ

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CONJUGUÉ, adj. Dans les sections coniques on appelle diametres conjugués, ceux qui sont réciproquement paralleles à leurs tangentes au sommet. V. Diametre,

Axe conjugué, est le nom que plusieurs auteurs donnent au plus petit des diametres ou au petit axe d’une ellipse. Voyez Ellipse.

Il est démontré 1o. que dans une ellipse le quarré de l’axe conjugué est au quarré de l’axe transverse, comme le quarré de la demi-ordonnée à l’axe conjugué est au rectangle des segmens de cet axe : 2o. que toute ligne droite tirée du foyer aux extrémités du demi-axe conjugué, est égale au demi-axe transverse. De-là il suit que les deux axes étant donnés, on a aussi-tôt les foyers, par le moyen desquels il est aisé ensuite de tracer l’ellipse. Voyez Foyer.

L’axe conjugué dans une ellipse ou hyperbole, est le moyen proportionnel entre l’axe transverse & le parametre. Voy. Hyperbole, Axe transverse, Parametre.

Ovale conjuguée, dans la haute Géométrie, se dit d’une ovale qui appartient à une courbe, & qui se trouve placée sur le plan de cette courbe, de maniere qu’elle est comme isolée & séparée des autres branches ou portions de la courbe. On trouve de ces sortes d’ovales dans les courbes du second genre ou lignes du troisieme ordre, comme M. Newton l’a remarqué. Quelques-unes de ces courbes sont composées de plusieurs branches infinies, telles qu’on les voit (fig. 43. Analyse.) & d’une ovale A séparée des autres branches, & placée dans le plan de la courbe.

Il y a des cas où l’ovale A se réduit à un seul point, & cette ovale s’appelle alors point conjugué.

Quelquefois l’ovale conjuguée touche la courbe, & le point conjugué y est adhérent.

M. l’abbé de Gua, dans son livre qui a pour titre usages de l’analyse de Descartes, remarque & prouve que la courbe appellée cassinoide ou ellipse de M. Cassini, doit dans certains cas être composée de deux ovales conjuguées, telles que A, B, (fig. 44. analyse.) distantes l’une de l’autre, & que ces ovales peuvent même se reduire chacune à un seul point conjugué, ensorte que la courbe dont il s’agit n’aura alors d’ordonnées réelles que dans deux de ses points, & se reduira par conséquent à deux points conjugués uniques & isolés, placés à une certaine distance l’un de l’autre sur le plan de la courbe.

Pour qu’une courbe se réduise à un point conjugué, il faut que la valeur de y en x soit telle, que cette valeur ne soit réelle que quand x a elle-même une certaine valeur déterminée ; par exemple, la courbe dont l’équation seroit , ou se reduit à un point conjugué ; car c’est l’équation d’un cercle dont le rayon est nul ou zero ; ce cercle se reduit donc à un point. La valeur de y est nulle lorsque x = 0, & imaginaire si x est réelle.

Ceux qui ont peu réflechi sur la nature des lignes courbes, entant qu’elle est représentée par des équations, trouveront d’abord fort extraordinaires ces ovales & ces points conjugués, isolés & séparés du reste de la courbe. Comme les courbes les plus familieres & les plus connues n’en ont point, savoir le cercle, les sections coniques, la conchoide, &c. & que ces différentes courbes se décrivent ou peuvent se décrire par un mouvement continu ; ces autres courbes dont les parties sont pour ainsi dire détachées, paroissent d’abord fort singulieres ; cependant on pourroit observer que l’hyperbole nous fournit en quelque maniere un exemple de ces courbes, dont les parties sont détachées ; car les deux hyperboles opposées paroissent n’avoir entr’elles rien de commun, & appartiennent pourtant à une seule & même courbe.

Tout ce mystere prétendu disparoîtra, si on fait réflexion qu’une courbe représentée par une équation, n’est proprement que le lieu des différens points qui peuvent servir à résoudre un problème indéterminé ; que les ordonnés qui répondent aux différentes valeurs de x, ne sont autre chose que les valeurs de y, qu’on auroit en résolvant séparement cette équation pour chaque valeur de x ; & que si la valeur de x est telle que l’y correspondante soit imaginaire, l’ordonnée sera imaginaire ; qu’ainsi un point conjugué dans une courbe ne signifie autre chose sinon que la valeur de x qui répond à ce point conjugué, donne une valeur réelle pour y, & que si on prend x un peu plus grande ou un peu plus petite, la valeur de y sera imaginaire ; ce qui n’a plus rien de merveilleux. C’est ainsi qu’avec des idées nettes & précises, on peut ôter à bien des vérités certain air paradoxe que quelques savans ne sont pas fâchés de leur donner, & qui en fait souvent tout le mérite. (O)

Conjugué, se dit aussi, en Botanique, des feuilles ou autres parties qui partent d’un même endroit de la plante, & qui s’en vont en divergeant l’une d’un côté l’autre de l’autre.

Conjuguées, (Hyperboles) On appelle ainsi deux hyperboles opposées, que l’on décrit dans l’angle vuide des asymptotes des hyperboles opposées, & qui ont les mêmes asymptotes que ces hyperboles, & le même axe, avec cette seule différence, que l’axe transverse des opposées est le second axe des conjuguées, & réciproquement.

Quelques Géometres se sont imaginé que le système des hyperboles conjuguées & des hyperboles opposées formoit un seul & même système de courbes, mais ils étoient dans l’erreur. Prenons pour exemple, les hyperboles opposées équilateres. L’équation est , d’où l’on voit que x < a donne y imaginaire ; & qu’ainsi dans l’angle des asymptotes autre que celui où sont les hyperboles opposées, on ne peut tracer de courbes qui appartiennent au même système ; car alors x < a donneroit y réel. On peut encore s’assûrer sans calcul, que les hyperboles conjuguées & les hyperboles opposées ne forment point un même système, parce que l’on trouve bien dans un cône & dans son opposé les hyperboles opposées, mais jamais les conjuguées. Mais, dira-t-on, si je formois cette équation , cette équation représenteroit le système des quatre hyperboles ; car on auroit  ; & , , d’où l’on voit aisément que les deux premieres valeurs de y représentent les hyperboles opposées, & les deux autres les hyperboles conjuguées ; ainsi, conclura-t-on, le système des hyperboles conjuguées & opposées appartiennent à une même courbe, dont l’équation est . Mais il faut remarquer que cette équation se divise en deux autres, ,  ; & qu’une équation n’appartient jamais à un seul & même système de courbes, que lorsqu’elle ne peut se diviser en deux autres équations rationnelles : ainsi , ne représente point un seul & même système de courbes, parce que cette équation se divise en  ; mais représente un seul & même système, parce qu’on ne peut diviser cette équation qu’en ces deux-ci, , & , qui ne sont pas rationnelles. Voyez Courbe. Cette remarque est très-importante pour les commençans, qui ne la trouveront guere ailleurs. (O)