L’Encyclopédie/1re édition/DIFFRACTION

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DIFFRACTION, s. f. (Optiq.) est une propriété des rayons de lumiere, qui consiste en ce que ces rayons se détournent de leur chemin lorsqu’ils rasent un corps opaque, & ne continuent pas leur route en ligne droite. Nous ne pouvons mieux faire ici, que de rapporter en substance ce que dit M. de Mairan sur ce sujet dans les mém. acad. 1738. p. 53.

Tous les Opticiens avant le P. Grimaldi jésuite, ont crû que la lumiere ne pouvoit se répandre ou se transmettre que de trois manieres ; savoir, par voie directe ou en ligne droite, par réfraction, & par réflexion ; mais ce savant homme y en ajoûta une quatrieme qu’il avoit observée dans la nature, & qu’il appella diffraction. C’est cette inflexion des rayons qui se fait à la superficie ou auprès de la superficie des corps, & d’où résulte non-seulement une plus grande ombre que celle qu’ils devoient donner, mais encore différentes couleurs à côté de cette ombre, fort semblables à celles de l’expérience ordinaire du prisme.

Pour se convaincre en gros du phénomene, & sans beaucoup de préparatifs, il n’y a qu’à regarder le soleil à travers les barbes d’une plume, ou auprès des bords d’un chapeau, ou de tel autre corps filamenteux, & l’on appercevra une infinité de petits arc-en-ciels ou franges colorées. La principale raison du P. Grimaldi, pour établir que la diffraction étoit réellement une quatrieme espece de transmission de la lumiere, & pour la distinguer de la réfraction, est qu’elle se fait, comme il le pense, sans l’intervention d’aucun nouveau milieu. A l’égard de M. Newton, qui a décrit ce phénomene avec beaucoup d’exactitude, & qui en a encore plus détaillé les circonstances & les dimensions que le P. Grimaldi, il n’a rien décidé formellement, que je sache, de sa vraie & prétendue différence avec celui de la réfraction, ne voulant pas même, comme il le dit à ce sujet, entrer dans la discussion si les rayons de la lumiere sont corporels ou ne le sont pas : de natura radiorum, utrum sunt corpora necne, nihil omnino disputans. Cependant il a exclu du phénomene, sans restriction & sans rien mettre à sa place, la réfraction ordinaire de l’air.

Voici d’une maniere plus détaillée en quoi consiste la diffraction : soit ABCD (fig. 66. n. 2. Optique.) le profil ou la coupe d’un cheveu ou d’un fil délié de métal, RR un trait de lumiere reçu par un fort petit trou dans la chambre obscure, & auquel on a opposé le corps ABCD à quelques piés au-delà. Si on reçoit l’ombre du fil AC sur un plan, à quelques piés de distance du fil, par exemple en NZ, elle y sera trouvée, toutes déductions faites, beaucoup plus grande qu’elle ne devroit l’être à raison du diametre de ce fil ; on voit de plus de part & d’autre des limites de l’ombre en NL, ZQ, des bandes ou franges de lumiere colorée. On s’imaginera peut-être que les couleurs N, E, L, d’un côté de l’ombre, & Z, V, Q, de l’autre côté, représentent simplement la suite des couleurs de la lumiere, chacune des bandes ou franges ne donnant qu’une de ces couleurs. Mais ce sont bien distinctement tout au moins trois ordres ou suites de couleurs de chaque côté, & posées l’une auprès de l’autre, à-peu-près comme les spectres d’autant de prismes ajustés l’un sur l’autre au-dessus & au-dessous du corps diffringent ABCD. Ces trois suites de franges ou de couleurs sont représentées ici dans leurs proportions ou approchant (fig. 66. n. 3. Optiq.) par rapport à l’ombre O du cheveu, & marquées sur le milieu des mêmes lettres que leurs correspondantes dans la figure. Ainsi la premiere, en partant de l’ombre, est N d’un côté & Z de l’autre, la seconde E & V, & la troisieme L & Q. On voit dans la premiere de part & d’autre, en venant de l’ombre, les couleurs suivantes, violet, indigo, bleu-pâle, verd, jaune, rouge ; dans la seconde, en suivant le même ordre, bleu, jaune, rouge ; & dans la troisieme, bleu-pâle, jaune-pâle, & rouge. Cette propriété des rayons de lumiere s’appelle aussi infléxion. Il y a des auteurs qui prétendent que M. Hook l’a découvert le premier, mais cet auteur est postérieur à Grimaldi. La cause n’en est pas bien connue : on peut voir sur ce sujet les conjectures de M. Newton dans son Optique, & celles de M. de Mairan dans les mém. acad. 1738. (O)