L’Encyclopédie/1re édition/ECCLESIASTIQUE

La bibliothèque libre.

ECCLESIASTIQUE, s. m. (Théolog.) nom d’un des livres de l’ancien Testament, qu’on attribue à Jesus fils de Sirach : on n’est point d’accord sur le tems où il a été composé, l’original hébreu ne subsiste plus.

Les Juifs n’ont point mis cet ouvrage au rang des livres canoniques ; & dans les anciens catalogues des livres sacrés reconnus par les Chrétiens, il n’est mis qu’au nombre de ceux qu’on lisoit dans l’Eglise avec édification, & distingué des livres canoniques : cependant plusieurs peres des premiers siecles l’ont cité sous le nom d’Ecriture-sainte. Saint Cyprien, S. Ambroise & S. Augustin l’ont reconnu pour canonique, & il a été déclaré tel par les conciles de Carthage, de Rome sous le pape Gelase, & de Trente. Le P. Calmet en attribue la composition au traducteur du livre de la Sagesse.

On trouve souvent dans les manuscrits & dans les imprimés le livre de l’ecclésiastique cité par cette abbréviation, eccli. pour le distinguer de l’ecclésiaste qu’on désigne par celle-ci, eccle. ou eccl. (G)

Ecclésiastique, adj. se dit de tout ce qui appartient à l’Eglise. Voyez Eglise.

Ainsi l’histoire ecclésiastique est l’histoire de ce qui est arrivé dans l’Eglise depuis son commencement ; M. Fleuri nous l’a donnée dans un-ouvrage excellent qui porte ce titre : il a joint à l’ouvrage des discours raisonnés, plus estimables & plus précieux encore que son histoire. Ce judicieux écrivain, en développant dans ces discours les moyens par lesquels Dieu a conservé son Eglise, expose en même tems les abus de toute espece qui s’y sont glissés. Il étoit avec raison dans le principe, « qu’il faut dire la vérité toute entiere ; que si la religion est vraie, l’histoire de l’Eglise l’est aussi ; que la vérité ne sauroit être opposée à la vérité, & que plus les maux de l’Eglise ont été grands, plus ils servent à confirmer les promesses de Dieu, qui doit la défendre jusqu’à la fin des siecles contre les puissances & les efforts de l’enfer ». (O)

Nouvelles ecclésiastiques, est le titre très-impropre d’une feuille, ou plûtôt d’un libelle périodique, sans esprit, sans vérité, sans charité, & sans aveu, qui s’imprime clandestinement depuis 1728, & qui paroît régulierement toutes les semaines. L’auteur anonyme de cet ouvrage, qui vraissemblablement pourroit se nommer sans être plus connu, instruit le public quatre fois par mois des avantures de quelques clercs tonsurés, de quelques sœurs converses de quelques prêtres de paroisse, de quelques moines, de quelques convulsionnaires, appellans & réappellans ; de quelques petites fievres guéries par l’intercession de M. Paris ; de quelques malades qui se sont crûs soulagés en avalant de la terre de son tombeau, parce que cette terre ne les a pas étouffés, comme bien d’autres. A ces objets si intéressans le même auteur a joint depuis quelque tems de grandes déclamations contre nos académies, qu’il assûre être peuplées d’incrédules, parce qu’on n’y croit pas aux miracles de saint Medard, qu’on n’y a point de convulsions, & qu’on n’y prophétise pas la venue d’Elie. Il assûre aussi que les ouvrages les plus célebres de notre siecle attaquent la religion, parce qu’on n’y parle point de la constitution unigenitus, & qu’ils sont l’apologie du matérialisme, parce qu’on n’y soûtient pas les idées innées. Quelques personnes paroissent surprises que le gouvernement qui réprime les faiseurs de libelles, & les magistrats qui sont exempts de partialité comme les lois, ne sévissent pas efficacement contre ce ramas insipide & scandaleux d’absurdités & de mensonges. Un profond mépris est sans doute la seule cause de cette indulgence : ce qui confirme cette idée, c’est que l’auteur du libelle périodique dont il s’agit est si malheureux, qu’on n’entend jamais citer aucun de ses traits ; humiliation la plus grande qu’un écrivain satyrique puisse recevoir, puisqu’elle suppose en lui la plus grande ineptie dans le genre d’écrire le plus facile de tous. Voyez Convulsionnaires. (O)

Ecclésiastique, (Jurisprud.) il se dit des personnes & des choses qui appartiennent à l’église.

Les personnes ecclésiastiques ont d’abord été appellées clercs, & on leur donne encore indifféremment ce nom, ou celui d’ecclésiastiques simplement. On comprend sous ce nom tous ceux qui sont engagés dans l’état ecclésiastique, c’est-à-dire qui sont destinés au service de l’église, à commencer depuis le souverain pontife & les autres archevêques, évêques & abbés ; les prêtres, diacres, soudiacres ; ceux qui ont les quatre ordres mineurs, & jusqu’aux simples clercs tonsurés.

Le nombre des clercs ou ecclésiastiques étoit autrefois réglé : il n’y avoit point d’ordination vague : chacun étoit attaché par son ordination à une église particuliere, aux biens de laquelle il participoit à proportion du service qu’il lui rendoit. Le concile de Nicée & celui d’Antioche ordonnent encore la stabilité des clercs dans le lieu de leur ordination.

Présentement ce ne sont ni les bénéfices ni les dignités & offices dans l’église, qui donnent à ceux qui en sont pourvus la qualité de personnes ecclésiastiques, mais le caractere qu’ils ont reçû par le ministere de leur supérieur ecclésiastique. Pour avoir ce caractere, il suffit d’être engagé dans les ordres de l’église, ou au moins d’avoir reçû la tonsure. Le nombre des clercs n’est plus limité, & l’on en reçoit autant qu’il s’en présente de capables, sans qu’ils ayent aucun titre, c’est-à-dire aucun bénéfice ni patrimoine, excepté pour l’ordre de prêtrise, à l’égard duquel il faut un titre clérical. Voyez Titre clérical.

Les moines & religieux étoient autrefois personnes laïques ; ils ne furent appellés à la cléricature que par le pape Sirice, à cause de la disette qu’il y avoit alors de prêtres, par rapport aux persécutions que l’on faisoit souffrir aux chrétiens.

Dans le jx. siecle l’état des moines étoit regardé comme le premier degré de la cléricature. Photius fut d’abord fait moine, ensuite lecteur.

Présentement tous les religieux & religieuses, les chanoines réguliers, les chanoinesses, les sœurs & freres convers dans les monasteres, les sœurs des communautés de filles qui ne sont que des vœux simples, même les ordres militaires qui sont réguliers ou hospitaliers, sont réputés personnes ecclésiastiques, tant qu’ils demeurent dans cet état.

On fait néanmoins une différence entre ceux qui sont engagés dans les ordres ou dans l’état ecclésiastique, d’avec ceux qui sont simplement attachés au service de l’église ; les premiers sont les seuls ecclésiastiques proprement dits, & auxquels la qualité d’ecclésiastiques est propre : les autres, tels que les religieuses & chanoinesses, les freres & sœurs convers, les ordres militaires réguliers & hospitaliers, ne sont pas des ecclésiastiques proprement dits, mais ils sont réputés tels ; c’est pourquoi ils sont sujets à certaines regles qui leur sont communes avec les clercs ou ecclésiastiques, & participent aussi à plusieurs de leurs priviléges.

On distingue aussi deux sortes d’ecclésiastiques ; les uns qu’on appelle séculiers, d’autres réguliers. Les premiers sont ceux qui sont engagés dans l’état ecclésiastique, sans être astraints à aucune autre regle particuliere. Les réguliers sont ceux qui, outre l’état ecclésiastique, ont embrassé un autre état régulier, c’est-à-dire qui les astraint à une regle particuliere, comme les chanoines réguliers, tous les moines & religieux, & même ceux qui sont d’un ordre militaire régulier & hospitalier.

Les ecclésiastiques considérés collectivement, forment tous ensemble un ordre ou état que l’on appelle l’état ecclésiastique, ou de l’Eglise, ou le clergé.

Ceux qui sont attachés à une même église, forment le clergé de cette église ; si ce sont des chanoines, ils forment une collégiale ou chapitre. Les ecclésiastiques de toute une province ou diocèse, forment le clergé de cette province ou diocèse.

Les ecclésiastiques de France forment tous ensemble le clergé de France.

Les assemblées que les ecclésiastiques forment entr’eux pour les affaires spirituelles, reçoivent différens noms selon la nature de l’assemblée.

Quand on assemble tous les prélats de la Chrétienté, c’est un concile œcuménique.

S’il n’y a que ceux d’une même nation, le concile s’appelle national.

Si ce sont seulement ceux d’une province, alors c’est un concile provincial.

Les assemblées diocésaines composées de l’évêque, des abbés, prêtres, diacres, & autres clercs du diocèse, sont nommées synodes. Voyez ce qui a été dit à ce sujet au mot Concile.

L’assemblée des membres d’une cathédrale ou collégiale ou d’un monastere, s’appelle chapitre. Voyez Chapitre.

Les ecclésiastiques ont toûjours été soûmis aux puissances, & obéissoient aux princes même payens, en tout ce qui n’étoit pas contraire à la vraie religion : si plusieurs d’entr’eux poussés par un esprit d’ambition & de domination ont en divers tems fait des entreprises pour se rendre indépendans dans les choses temporelles, & s’élever même au-dessus des souverains ; s’ils ont quelquefois abusé des armes spirituelles contre les laïcs, ce sont des faits personnels à leurs auteurs, & que l’Eglise n’a jamais approuvés.

Pour ce qui est de la puissance ecclésiastique par rapport au spirituel, on en parlera au mot Puissance.

Dans la primitive Eglise, ses ministres ne subsistoient que des offrandes & aumônes des fidéles ; ils contribuoient cependant dès-lors, comme les autres sujets, aux charges de l’état. Jesus-Christ lui-même a enseigné que l’Eglise devoit payer le tribut à César ; il en a donné l’exemple en faisant payer ce tribut pour lui & pour S. Pierre : la doctrine des apôtres & celle de S. Paul, sont conformes à celle de Jesus-Christ, & celle de l’Eglise a toûjours été la même sur ce point.

Depuis que l’Eglise posséda des biens fonds, ce que l’on voit qui avoit déjà lieu dès le commencement du jve siecle, & même avant Constantin le Grand, les clercs de chaque église y participoient selon leur état & leurs besoins ; ceux qui avoient un patrimoine suffisant, n’étoient point nourris des revenus de l’église : tous les biens d’une église étoient en commun, l’évêque en avoit l’intendance & la disposition.

Les conciles obligeoient les clercs à travailler de leurs mains pour tirer leur subsistance de leur travail, plûtôt que de rien prendre sur un bien qui étoit consacré aux pauvres : ce n’étoit à la vérité qu’un conseil ; mais il étoit pratiqué si ordinairement, qu’il y a lieu de croire que plusieurs le regardoient comme un précepte. C’en étoit un du moins pour plusieurs des clercs inférieurs, lesquels étant tous mariés, & la distribution qu’on leur faisoit ne suffisant pas pour la dépense de leur famille, étoient souvent obligés d’y suppléer par le travail de leurs mains.

Il y a encore moins de doute par rapport aux moines, dont les plus jeunes travailloient avec assiduité, comme le dit Severe Sulpice en la vie de saint Martin.

Les plus grands évêques qui avoient abandonné leur patrimoine après leur ordination, travailloient des mains à l’exemple de S. Paul, du moins pour s’occuper dans les intervalles de tems que leurs fonctions leur laissoient libres.

Vers la fin du jve siecle, on commença en Occident à partager le revenu de l’Eglise en quatre parts ; une pour l’évêque, une pour son clergé & pour les autres ecclésiastiques du diocèse, une pour les pauvres, l’autre pour la fabrique : les fonds étoient encore en commun ; mais les inconvéniens que l’on y trouva, les firent bien-tôt partager aussi-bien que les revenus, ce qui forma les bénéfices en titre. Voyez Bénéfices & Dignités, & ci-après Eglise, Office, Personnat.

Chaque église en corps ou chaque clerc en particulier depuis le partage des revenus & des fonds, contribuoient de leurs biens-aux charges publiques. Les ecclésiastiques n’eurent aucune exemption jusqu’au tems de Constantin le Grand. Cet empereur & les autres princes Chrétiens qui ont regné depuis, leur ont accordé différens priviléges, & les ont exemptés d’une partie des charges personnelles, exemptions qui ont reçu plus ou moins d’étendue, selon que le prince étoit disposé à favoriser les ecclésiastiques, & que les besoins de l’état étoient plus ou moins grands ; à l’égard des charges réelles qui étoient dûes à l’empereur pour la possession des fonds, les ecclésiastiques les payoient comme les autres sujets.

Ainsi Constantin le Grand accorda aux ecclésiastiques l’exemption des corvées publiques, qui étoient regardées comme des charges personnelles.

Sous l’empereur Valens cette exemption cessa ; car dans une loi adressée, en 370, à Modeste préfet du prétoire, il soûmet aux charges de ville les clercs qui y étoient sujets par leur naissance, & du nombre de ceux qu’on nommoit curiales, à moins qu’ils n’eussent été dix ans dans l’état ecclésiastique.

Du tems de Théodose, ils payoient les charges réelles ; en effet, S. Ambroise évêque de Milan disoit à un officier de l’empereur : Si vous demandez des tributs, nous ne vous les refusons pas ; les terres de l’Eglise payent exactement le tribut. S. Innocent pape écrivoit de même, en 404, à S. Victrice évêque de Roüen, que les terres de l’Eglise payoient le tribut.

Honorius ordonna en 412, que les terres de l’Eglise seroient sujettes aux charges ordinaires, & les affranchit seulement des charges extraordinaires.

Justinien par sa novelle 37, permet aux évêques d’Afrique de rentrer dans une partie des biens dont les Ariens les avoient dépouillés, à condition de payer les charges ordinaires : ailleurs il exempte les églises des charges extraordinaires seulement ; il n’exempta des charges ordinaires qu’une partie des boutiques de Constantinople, dont le loyer étoit employé aux frais des sépultures, dans la crainte que s’il les exemptoit toutes, cela ne préjudiciât au public.

Les papes mêmes, & les fonds de l’église de Rome, ont été tributaires des empereurs romains ou grecs jusqu’à la fin du viij. siecle ; & S. Gregoire recommandoit aux défenseurs de Sicile, de faire cultiver avec soin les terres de ce pays, qui appartenoient au saint siége, afin que l’on pût payer plus facilement les impositions dont elles étoient chargées. Pendant plus de 120 ans, & jusqu’à Benoit II, le pape étoit confirmé par l’empereur, & lui payoit 20 liv. d’or ; les papes ne sont devenus souverains de Rome & de l’exarcat de Ravenne, que par la donation que Pepin en fit à Etienne III.

Lorsque les Romains eurent conquis les Gaules, tous les ecclésiastiques y étoient gaulois ou romains, & par conséquent sujets aux tributs comme dans le reste de l’empire.

La monarchie françoise ayant été établie sur les ruines de l’empire, on suivit en France, par rapport aux ecclésiastiques, ce qui se pratiquoit du tems des empereurs.

Entre les ecclésiastiques, plusieurs étoient francs d’origine, d’autres étoient gaulois ou romains, & entre ceux-ci quelques-uns étoient ingenus, c’est-à-dire libres ; la plûpart des autres étoient serfs comme une grande partie du peuple ; plusieurs des évêques qui dégraderent Louis le Débonnaire avoient été serfs.

Sous la premiere race de nos rois, les ecclésiastiques ne faisoient point au roi des dons à part, comme la noblesse & le peuple en faisoient chaque année ; ils contribuoient néanmoins de plusieurs autres manieres à soûtenir les charges de l’état.

Nos rois les exempterent à la vérité, d’une partie des charges personnelles ; mais les terres de l’Eglise demeurerent sujettes aux charges réelles.

Il y avoit même des tributs ordinaires, auxquels les ecclésiastiques étoient sujets comme les laïcs.

Grégoire de Tours rapporte que Theodebert roi d’Austrasie, petit-fils de Clovis, déchargea les églises d’Auvergne de tous les tributs qu’elles lui payoient : il fait aussi mention que Childebert roi du même pays, & petit-fils de Clotaire premier, affranchit pareillement le clergé de Tours de toutes sortes d’impôts.

Clotaire I. ordonna, en 568 ou 560, que les ecclésiastiques payeroient le tiers de leur revenu ; tous les évêques y souscrivirent, à l’exception d’Injuriosus évêque de Tours, dont l’opposition fit changer le roi de volonté.

Pasquier & autres auteurs remarquent aussi que Charles Martel prit une partie du temporel des églises, & sur-tout de celles qui étoient de fondation royale, pour récompenser la noblesse françoise qui lui avoit aidé à combattre les Sarrasins. Les ecclésiastiques contribuerent encore de son tems, pour la guerre qu’il préparoit contre les Lombards. Loiseau tient que cette levée fut du dixieme des revenus ; & quelques-uns tiennent que ce fut là l’origine des décimes ; mais on la rapporte plus communément au tems de Philippe Auguste, comme on l’a dit ci-devant au mot Décimes.

Sous la seconde race de nos rois, les ecclésiastiques ayant été admis dans les assemblées de la nation, offroient au roi tous les ans un don, comme la noblesse & le peuple.

Il y avoit même une taxe sur le pié du revenu des fiefs-aleux & autres héritages que chacun possedoit. Les historiens en font mention sous les années 826 & suivantes.

Fauchet dit qu’en 833 Lothaire reçut à Compiegne les présens que les évêques, les abbés, les comtes, & le peuple faisoient au roi tous les ans ; que ces présens étoient proportionnés au revenu de chacun : Louis le Débonnaire les reçut encore des trois ordres à Orléans, Worms, & Thionville en 835, 836, & 837.

Le roi tiroit quelquefois des grands seigneurs & des évêques certaines subventions de deniers, & les autorisoit ensuite à y faire contribuer ceux qui leur étoient subordonnés ; ainsi les seigneurs faisoient des levées sur leurs vassaux & censitaires, & les évêques sur les curés & autres bénéficiers de leur diocèse ; c’est sans doute de-là, que dans un concile de Toulouse, tenu en 846, on trouve que chaque curé étoit tenu de fournir à son évêque une certaine contribution, consistante en un minot de froment & un minot d’orge, une mesure de vin, & un agneau, le tout évalué deux sols ; & l’évêque avoit le choix de le prendre en argent ou en nature.

L’empereur Charles le Chauve fit en outre, en 877, une levée extraordinaire de deniers, tant sur les ecclésiastiques que sur les laïcs, à l’occasion de la guerre qu’il entreprit à la priere de Jean VIII. contre les Sarrasins, qui ravageoient les environs de Rome & de toute l’Italie. Fauchet dit que les évêques levoient sur les prêtres, c’est-à-dire sur les curés & autres bénéficiers de leur diocèse, cinq sous d’or pour les plus riches, & quatre deniers d’argent pour les moins aisés ; que tous ces deniers étoient remis entre les mains des gens commis par le roi : on prit même quelque chose du thrésor des églises pour payer cette subvention, laquelle paroît être la seule de cette espece qui ait été levée sous la seconde race.

On voit aussi par les actes d’un synode, tenu à Soissons en 853, que les rois faisoient quelquefois des emprunts sur les fiefs de l’Eglise : en effet, Charles le Chauve, qui fut présent à ce synode, renonça à faire ce que l’on appelloit præsturias, c’est-à-dire de ces sortes d’emprunts, ou du moins des fournitures, devoirs, ou redevances, dont les fiefs de l’Eglise étoient chargés.

Les voyages d’outre-mer qui se firent pour les croisades & guerres saintes, furent proprement la source des levées, auxquelles on donna peu de tems après le nom de décimes.

Le premier & le plus fameux de ces voyages, fut celui qui se fit sous la conduite de Godefroi de Bouillon en 1096 ; les ecclésiastiques s’empresserent comme les autres ordres de contribuer à cette sainte expédition.

Louis le Jeune le premier de nos rois qui se croisa, lorsqu’il partit en 1147, fit une levée de deniers sur les ecclésiastiques pour la dispense qu’il leur accorda de faire ce voyage. Ce fait est prouvé par trois pieces que rapporte Duchesne : 1°. un titre de l’abbaye de S. Benoit-sur-Loire, qui porte que cette abbaye fut d’abord taxée à 1000 marcs d’argent, ensuite à 500 ; qu’ensuite on s’accorda à 300 marcs & 500 besans d’or : 2°. par une lettre d’un abbé de Ferriere à l’abbé Suger, alors regent du royaume en l’absence de Louis le Jeune, ou cet abbé demande du tems pour payer le restant de sa taxe : 3°. une autre lettre du chapitre & des habitans de Brioude à Louis le Jeune, où ils parlent d’une couronne qu’ils avoient mise en gage pour payer au roi ce qu’ils lui avoient promis.

Une chronique de l’abbaye de Morigny nous apprend encore, qu’Eugene III. étant arrivé en France lorsque le roi étoit sur le point de partir pour la Terre sainte, les églises du royaume firent tous les frais de son séjour, qui fut fort long, puisque le premier Avril 1148 il tint un concile à Reims.

Il n’est point fait mention d’aucune autre subvention extraordinaire fournie par les ecclésiastiques, jusqu’à la dixme ou décime saladine sous Philippe Auguste, depuis lequel les subventions fournies par le clergé ont été appellées décimes, dons gratuits, & subventions, comme on l’a expliqué aux mots Décimes & Dons gratuits, & qu’on le dira au mot Subvention.

Outre les redevances & subventions que les ecclésiastiques payoient en argent, dès le commencement de la monarchie, ils devoient aussi au roi le droit de gîte ou procuration, & le service militaire.

Le droit de gîte consistoit à nourrir le roi & ceux de sa suite, quand il passoit dans quelque lieu où des ecclésiastiques séculiers ou réguliers avoient des terres ; ils étoient aussi obligés de recevoir ceux que le roi envoyoit de sa part dans les provinces, & les ambassadeurs.

A l’égard du service militaire, ils le devoient comme sujets & comme propriétaires de biens fonds, long tems avant que l’on connût en France l’usage des fiefs & du service dû par les vassaux.

Hugues abbé de S. Bertin, l’un des fils de Charlemagne, qui étoit général de l’armée de Charles le Chauve son oncle, fut tué dans la bataille qu’il donna près de Toulouse le 7 Juin 844.

Abbon, parlant du siége de Paris par les Normans, dit qu’Ebolus abbé de Saint-Germain-des-Prez, alloit à la guerre avec Golenus évêque de Paris.

Lorsque les ecclésiastiques devinrent possesseurs de fiefs, ce fut un titre de plus pour les obliger au service militaire, comme ils continuerent en effet de le rendre. Dès qu’il y avoit guerre, les églises étoient obligées d’envoyer à l’armée leurs hommes ou vassaux, & un certain nombre de personnes, & de les y entretenir à leurs dépens : les évêques & abbés devoient être à la tête de leurs vassaux.

Il est dit dans les capitulaires, que l’on présenta une requête à Charlemagne, tendante à ce que les ecclésiastiques fussent dispensés du service militaire, & il paroît que c’étoient les peuples qui le demandoient, représentans au roi que les ecclésiastiques serviroient l’état plus utilement en restant dans leurs églises, & s’occupant aux prieres pour le roi & ses sujets, qu’en marchant à l’ennemi & au combat, ce qui confirme que quand ils venoient en personne à l’armée, ils n’étoient pas ordinairement simples spectateurs du combat.

La réponse de Charlemagne fut qu’il accordoit volontiers la demande, mais que de telles affaires devoient être concertées avec tous les ordres.

Les prélats furent cependant dispensés de se trouver en personne à l’armée, à condition d’y envoyer leurs vassaux sous la conduite de quelqu’autre seigneur ; mais les évêques insisterent alors pour continuer à faire le service militaire en personne, craignant que s’ils le cessoient, cela ne leur fît perdre leurs fiefs & n’avilît leur dignité.

Il paroît même que les successeurs de Charlemagne rétablirent l’obligation du service militaire de la part des ecclésiastiques ; on en trouve en effet plusieurs preuves.

Rouillard, en son histoire de Melun, pag. 322. fait mention d’un ecclésiastique, lequel, sous Louis le Débonnaire, en 871, commandoit l’armée des Esclavons.

La chronique manuscrite de l’abbaye de Mouson, fait aussi mention d’Adalberon archevêque de Reims, qui assiégea le château de Vuarch en 971.

Ordericus Vitalis dit sur l’année 1094, que Philippe I. assiégeant la forteresse de Breval, les abbés y conduisirent leurs vassaux, & que les curés s’y trouverent à la tête de leurs paroissiens, chacun rangés sous leurs bannieres.

Philippe Auguste, en 1209, confisqua les fiefs des évêques d’Auxerre & d’Orléans pour avoir quitté l’armée, prétendant qu’ils ne devoient le service que quand le roi y étoit en personne.

Joinville parle de son prêtre, qui se battoit vaillamment contre les Turcs.

Le pere Thomassin prétend que les évêques & les abbés n’étoient dans les armées, que pour contenir leurs vassaux & troupes à leur solde, & qu’ils ne faisoient pas le service de gens de guerre, ce qui est une erreur ; car outre les exemples que l’on a déjà rapportés du contraire, il est certain que les ecclésiastiques continuerent encore long-tems de servir en personne, & que les plus valeureux se battoient réellement contre les ennemis, tandis que ceux qui étoient plus pacifiques levoient les mains au ciel : ceux qui se battoient, pour ne point tomber en irrégularité en répandant le sang humain, s’armoient d’une massue de bois pour étourdir & abbattre ceux contre qui ils combattoient.

Ce fut Guerin, élu depuis peu évêque de Senlis, qui rangea l’armée avant la bataille de Bouvines, en 1214 ; il ne combattit cependant pas de la main à cause de sa qualité d’évêque ; mais Philippe cousin du roi & évêque de Beauvais, se souvenant que le pape l’avoit repris pour s’être déjà trouvé en un autre combat contre les Anglois, assommoit dans celui-ci les ennemis avec une massue, d’un coup de laquelle il terrassa le comte de Salisbury ; il s’imaginoit par ce moyen être à couvert de tout reproche, prétendant que ce n’étoit pas répandre le sang, comme cela lui étoit défendu à cause de sa qualité d’évêque.

Quelques évêques & abbés obtenoient des dispenses de servir en personne, & envoyoient quelqu’un en leur place ; d’autres étoient dispensés purement & simplement du service, comme Philippe Auguste l’accorda en 1200 à l’évêque de Paris, & Philippe III. à Gerard de Moret abbé de S. Germain-des-Prez ; mais nos rois étoient fort retenus dans la concession de ces dispenses, qui tendoient à affoiblir les forces de l’état.

Pour être convaincu de l’usage constant où étoient les ecclésiastiques de faire le service militaire pour leurs fiefs, ou au moins d’envoyer quelqu’un en leur place, il suffit de parcourir les rôles des anciens bans & arriere-bans, qui sont rapportés à la suite du traité de la noblesse par de la Roque, dans lesquels sont compris les évêques, abbés, prieurs, chanoines, & autres bénéficiers, les religieux, & même les religieuses, & cela depuis Philippe Auguste jusque fort avant dans le xjv. siecle.

Philippe le Bel, en 1303, écrivit à tous les archevêques & évêques des lettres circulaires, qu’ils eussent à se rendre avec leurs gens à son armée de Flandre ; & par d’autres lettres de la même année, il demande à tous les gens d’église un secours d’hommes & d’argent à proportion des terres qu’ils possédoient ; il ordonna encore, en 1304, à tous les ecclésiastiques de son royaume, de se trouver en personne à son armée à Arras, ainsi qu’ils y étoient obligés par le serment de fidélité.

De même Philippe V, dans des lettres du 4 Juin 1318, adressées au bailli de Vermandois, dit : Nous vous envoyons plusieurs lettres, par lesquelles nous requérons & semonnons les prélats, abbés, barons, nobles, & autres,… qu’ils soient en chevaux & en armes appareillés suffisamment selon leur état, & le plus fortement qu’ils le pourront, à la quinzaine prochaine à Arras, &c.

Il y eut encore pendant long tems plusieurs prélats & autres ecclésiastiques, qui faisoient en personne le service militaire qu’ils devoient pour leurs fiefs.

On voit dans les registres de la chambre des comptes, qu’Henri de Thoire & de Villars, étant évêque de Valence & depuis archevêque de Lyon, porta les armes, avec Humbert sire de Thoire & de Villars, son frere aîné, dans les armées de Philippe de Valois en Flandres, dans les années 1337, 1338, 1340, 1341, & 1342, ayant six chevaliers & quatre-vingt-deux écuyers de leur compagnie.

Jean de Meulant évêque de Meaux, se trouva aussi en 1339 & 1340, dans les armées de Flandres.

Renaut Chauveau évêque de Châlons, assista à la bataille de Poitiers où il fut tué ; & Guillaume de Melun archevêque de Sens, y fut fait prisonnier.

A la bataille d’Azincourt, donnée le 25 Octobre 1415, Guillaume de Montaigu archevêque de Sens, qui fut le seul entre les ecclésiastiques qui se trouva en personne à cette journée, fit admirer son grand courage dont il avoit déjà donné des preuves en d’autres occasions ; il se porta dans celle-ci aux endroits les plus dangereux, & y perdit la vie.

Louis d’Amboise cardinal & évêque d’Alby, s’employa aussi fort utilement au siége de Perpignan l’an 1475.

Dans la suite, au moyen des contributions d’hommes & d’argent que les ecclésiastiques ont fournies, ils ont été peu-à-peu dispensés de servir en personne, & même entierement exemptés du ban & de l’arriere-ban, tant par François I. le 4 Juillet 1541, que par contrat du 29 Avril 1636, sous le regne de Louis XIII.

Depuis le regne de Constantin, les ecclésiastiques ont toûjours été en grande considération chez tous les princes chrétiens, & singulierement en France, où on leur a accordé plusieurs honneurs, distinctions, & priviléges, tant au clergé en corps, qu’à chacun des membres qui le composent.

Le second concile de Macon tenu en 585, porte que les laïcs honoreront les clercs majeurs, c’est-à-dire ceux qui avoient reçû le sous-diaconat ou un autre ordre supérieur ; que quand ils se rencontreroient, si l’un & l’autre étoient à cheval, le laïc ôteroit son chapeau ; que si le clerc étoit à pié, le laïc descendroit de cheval pour le saluer.

Une des principales prérogatives que les ecclésiastiques ont dans l’état, c’est de former le premier des trois ordres qui le composent, & de précéder la noblesse dans les assemblées qui leur sont communes ; quoique dans l’origine la noblesse fût le premier ordre, & même proprement le seul ordre considéré dans l’état.

Pour bien entendre comment les ecclésiastiques ont obtenu cette prérogative, il faut observer que les évêques eurent beaucoup de crédit dans le royaume, depuis que Clovis eut embrassé la religion chrétienne ; ils furent admis dans ses conseils, & eurent beaucoup de part au gouvernement des affaires temporelles.

On croit aussi que tous les ecclésiastiques francs & tous ceux qui étoient ingénus & libres, furent admis de bonne-heure dans les assemblées de la nation ; mais c’étoit d’abord sans aucune distinction, c’est-à-dire sans y former un ordre à part.

Ils ne tenoient point non plus alors d’assemblées reglées pour leurs affaires temporelles ; s’ils s’assembloient quelquefois en pareil cas, l’affaire étoit terminée en une ou deux séances. Les assemblées que le clergé tient présentement de tems en tems, n’ont commencé à devenir fréquentes & à prendre une forme reglée, que depuis le contrat de Poissy en 1561. Voyez ce qui en a été dit aux mots Clergé, Décime, Don gratuit.

Mais si les ecclésiastiques n’étoient pas alors autorisés à tenir de telles assemblées, ils eurent l’avantage d’être admis dans les assemblées de la nation ou parlemens généraux.

Il y avoit trente-quatre évêques au parlement, où Clotaire fit resoudre la loi des Allemands. Les abbés étoient aussi admis dans ces assemblées. Le nombre des ecclésiastiques y étoit quelquefois supérieur à celui des laïcs : c’est de-là que les historiens ecclésiastiques, comme Grégoire de Tours, donnent souvent à ces assemblées le nom de synodes ou conciles.

Mais il paroît que dès le tems de Gontran, on n’appelloit plus aux assemblées que ceux que l’on jugeoit à propos : en effet, quoiqu’il fût question de juger deux ducs, on n’y appella que quatre évêques. Il est probable qu’on ne les appelloit tous à ces assemblées, que quand quelqu’un d’eux y étoit intéressé.

Ces assemblées ne subsisterent pas long-tems dans la même forme, tant à cause des partages de la monarchie, qu’à cause des entreprises de Charles Martel, lequel irrité contre les ecclésiastiques, abolit ces assemblées pendant les vingt-deux ans de sa domination. Elles furent rétablies par Pepin-le-Bref, lequel y fit de nouveau recevoir les prélats, leur y donna le premier rang ; & par leur suffrage, il gagna tout le monde. Il confia à ces assemblées le soin de la police extérieure ; emploi que les prélats saisirent avec avidité, & qui changea la plûpart des parlemens en conciles.

On distinguoit cependant dès le tems de Charlemagne deux chambres.

L’une pour les ecclésiastiques, où les évêques, les abbés, & les vénérables clercs, étoient reçûs sans que les laïcs y eussent d’entrée : c’étoit-là que l’on traitoit toutes les affaires ecclésiastiques ou réputées telles, dont les ecclésiastiques affecterent de ne point donner connoissance aux laïcs.

L’autre chambre où se traitoient les affaires du gouvernement civil & militaire, étoit pour les comtes & autres principaux seigneurs laïcs, lesquels de leur part n’y admettoient pas non plus les ecclésiastiques ; quoique probablement ceux-ci consultassent, du moins comme casuistes ou jurisconsultes, pour la décision des affaires capitales, mais sans avoir part aux jugemens.

Ces deux chambres se réunissoient quand elles jugeoient à-propos, selon la nature des affaires qui paroissoient mixtes, c’est-à-dire ecclésiastiques & civiles.

Les ecclésiastiques, tant du premier que du second ordre, s’étant ainsi par leur crédit attribué la séance avant les plus hauts barons, ils siégeoient même au-dessus du chancelier ; mais le parlement, par un arrêt de 1287, rendit aux barons la séance qui leur appartenoit, & renvoya les prélats & autres gens d’église, dans un rang qui ne devoit point tirer à conséquence.

Philippe V. rendit une ordonnance le 3 Décembre 1319, portant qu’il n’y auroit dorénavant aucuns prélats députés au parlement, le roi se faisant conscience de les empêcher de vaquer au gouvernement de leur spiritualité. Il paroît néanmoins que cette ordonnance ne fut pas toûjours ponctuellement exécutée ; car le parlement, toutes les chambres assemblées le 28 Janvier 1471, ordonna que dorénavant les archevêques & évêques n’entreroient point au conseil de la cour sans le congé d’icelle, ou s’ils n’y étoient mandés, excepté les pairs de France, & ceux qui par privilége ancien y doivent & ont accoûtumé y venir & entrer.

Les évêques qui possedent les six anciennes pairies ecclesiastiques, siegent encore au parlement après les princes du sang, au-dessus de tous les autres pairs laics.

Pour ce qui est des conseillers-clercs qui sont admis au conseil du roi, dans les parlemens & dans plusieurs autres tribunaux, ils n’y ont rang & séance que suivant l’ordre de leur réception, excepté en la grand-chambre du parlement de Paris, où ils ont une séance particuliere du côté des présidens à mortier.

Indépendamment de l’entrée & séance qui fut donnée aux ecclésiastiques dans les assemblées de la nation & parlemens, comme ils étoient presque les seuls dans les siecles d’ignorance qui eussent quelque connoissance des lettres, ils remplissoient aussi presque seuls les premieres places de l’état, & celles des autres cours & tribunaux, & généralement presque toutes les fonctions qui avoient rapport à l’administration de la justice.

Tandis qu’ils s’occupoient ainsi des affaires temporelles, le relâchement de la discipline ecclésiastique s’introduisit bien-tôt parmi eux ; ils devinrent la plûpart chasseurs, guerriers, quelques-uns même concubinaires : ils prirent ainsi les mœurs des seigneurs qu’ils avoient supplantés dans l’administration & le crédit. Grégoire de Tours dit lui-même qu’il avoit peu étudié, & on le voit bien à son style.

Quand les ecclésiastiques de quelque ville ou autre lieu, ne pouvoient obtenir des laïcs ce qu’ils vouloient, ils portoient dans un champ les croix, les vases sacrés, les ornemens, & les reliques, formoient autour une enceinte de ronces & d’épines, & s’en alloient. La terreur que cet appareil inspiroit aux laïcs, les engageoit à rappeller les gens d’église & à leur accorder ce qu’ils demandoient. Cet usage ne fut aboli qu’au concile de Lyon, tenu sous Grégoire X. vers l’an 1274.

En France, les ecclésiastiques séculiers étoient en si petit nombre dans les xij. & xiij. siecles, que les évêques étoient obligés de demander aux abbés des moines pour desservir les églises ; ce que les abbés n’accordoient qu’après de grandes instances, & souvent ils rappelloient leurs religieux sans en avertir l’évêque.

On ne parle pas ici des biens d’église ni de leur aliénation, étant plus convenable de traiter ces objets sous le mot Eglise.

Pour ce qui est des priviléges des ecclésiastiques dont on a déjà touché quelques points, ils consistent :

1°. Dans ce qu’on appelle le privilége de cléricature proprement dit, ou le droit de porter devant le juge d’église les causes où ils sont défendeurs. Voyez Cléricature, Juge d’Eglise, Jurisdiction ecclésiastique, & Privilége.

2°. Ils ne sont point justiciables des juges de seigneur en matiere de délits, mais seulement du juge d’église pour le délit commun, & du juge royal pour le cas privilégié. Voyez Cas privilégié & Délit commun.

3°. Ils sont assimilés aux nobles pour l’exemption de la taille, & pour plusieurs autres exemptions qui leur sont communes ; ils sont exempts de logement de gens de guerre, de guet, & garde, &c.

4°. Les ecclésiastiques constitués aux ordres sacrés de prêtrise, diaconat, & sous-diaconat, ne peuvent être exécutés en leurs meubles destinés au service divin ou servant à leur usage nécessaire, de quelque valeur qu’ils puissent être, ni même en leurs livres qui doivent leur être laissés jusqu’à la somme de cent cinquante livres. Ordonn. de 1667, tit. xxxiij. art. 15.

5°. La déclaration du 5 Juillet 1696, fait défense d’emprisonner les prêtres & autres ecclésiastiques pour dettes & choses civiles ; & celle du mois de Juillet 1710, ordonne, à l’égard de ceux qui sont dans les ordres sacres, qu’ils ne pourront être contraints par corps au payement des dépens des procès dans lesquels ils succomberont.

Le 32e canon du concile d’Agde, tenu en 506, excommunie les laïcs qui auront intenté quelque procès à un ecclésiastique, s’ils perdent leur cause : mais cela ne s’observe point.

Les canons défendent aussi aux ecclésiastiques de se mêler d’aucune affaire séculiere ; & en conséquence ils ne peuvent faire aucune fonction militaire, ni de finance, ni faire commerce d’aucunes marchandises : mais ils peuvent, suivant notre usage, faire les fonctions de juge tant dans les tribunaux ecclésiastiques, que dans les tribunaux séculiers, nonobstant une loi contraire faite par Arcadius, & insérée au code de Justinien, laquelle n’est point observée, non plus que la disposition des decrétales, qui leur défend de faire la fonction de juges dans les tribunaux séculiers.

Ils peuvent aussi faire la fonction d’avocats dans tous les tribunaux séculiers ou ecclésiastiques, en quoi notre usage est encore contraire au droit canon.

On n’observe pas non plus parmi nous les decrets des papes, qui détendent aux ecclésiastiques d’étudier en droit civil, les magistrats qui sont ecclésiastiques devant auparavant être reçûs avocats, & par conséquent gradués in utroque jure.

Aucun de ceux qui sont engagés dans l’état ecclésiastique, ne peut présentement être marié ; mais pour savoir les progrès de la discipline à ce sujet, on renvoye au mot Célibat, où cette matiere a été savamment traitée.

On peut aussi voir au mot Clerc ce qui concerne l’habillement des ecclésiastiques, & plusieurs autres points de leur discipline.

Il y a eu beaucoup de réglemens faits par rapport aux mœurs des ecclésiastiques, & à la pureté qu’ils doivent observer, jusque-là que S. Lucius pape leur défendit d’aller seuls au domicile d’une femme.

Aux états de Languedoc en 1303, le tiers état fit de grandes plaintes sur certaines jeunes femmes que les curés retenoient auprès d’eux, sous le nom de comeres. Annales de Toulouse, par la Faille ; hist, des ouv. des Sav. Septemb. 1688. Pour prévenir tous les abus & les scandales, les conciles ont défendu aux ecclésiastiques d’avoir chez eux des personnes du sexe qu’elles ne soient âgées au moins de 50 ans.

Le concile de Bordeaux, tenu en 1583, est un de ceux qui entre dans le plus grand détail sur ce qui concerne la modestie & la régularité des ecclésiastiques dans leurs habits, les jeux dont ils doivent s’abstenir, les professions & fonctions peu convenables à leur état ; le grand soin qu’ils doivent avoir de ne point garder chez eux des personnes du sexe, capables de faire naître des soupçons sur leur conduite. Il décerne plusieurs peines contre les ecclésiastiques qui après en avoir été avertis, persisteront à retenir chez eux ces sortes de femmes.

Pour ce qui concerne le jeu spécialement, le droit canon, les conciles de Sens en 1460, 1485, & 1528, ceux de Toulouse & de Narbonne, & les statuts synodaux de plusieurs diocèses, leur défendent expressément de joüer avec les laïcs à quelque jeu que ce soit ; de joüer en public à la paume, au mail, à la boule, au billard, ni autre jeu qui puisse blesser la gravité de leur état, même d’entrer dans aucun lieu public pour y voir joüer. Ceux qui n’ont d’autre revenu que celui de leur bénéfice, ne doivent point joüer du tout, attendu que ce seroit dissiper le bien des pauvres.

Les honoraires des ecclésiastiques ont été fixés par plusieurs réglemens, qui sont rapportés par Bruneau en son traité des criées, pag. 503.

L’article 27 de l’édit de 1695, dit que le reglement de l’honoraire des ecclésiastiques appartiendra aux archevêques & évêques, & que les juges d’église connoîtront des procès qui pourront naître sur ce sujet entre des personnes ecclésiastiques. Ce même article exhorte les prélats, & néanmoins leur enjoint d’y apporter toute la modération convenable, de même qu’aux rétributions de leurs officiaux, secrétaires, & greffiers des officialités.

Il y a eu un réglement fait par M. l’archevêque de Paris, pour l’honoraire des curés & autres ecclésiastiques de la ville & fauxbourgs de Paris ; ce réglement a été homologué par un arrêt du 10 Juin 1693. Voyez Clerc, Clergé, Cléricature, Curés & ci-après Eglise, Evêques, Prélats, Prêtre, &c. (A)

Ecclésiastiques (bénéfices), voyez Bénéfices.

Ecclésiastiques (biens), voyez Eglise.

Ecclésiastiques (cas ou délits), voyez Délit commun.

Ecclésiastiques (censures), voyez Censure.

Ecclésiastiques (chambres), sont les chambres des décimes ou bureaux diocésains, & les chambres souveraines du clergé ou des décimes. Voyez Décimes.

Ecclésiastique (comput), voyez Comput.

Ecclésiastique (délit), voyez Délit commun.

Ecclésiastique (discipline), voyez Discipline, Clerc, Cléricature, Clergé.

Ecclésiastique (dixme), voyez Dixme.

Ecclésiastique (état), voyez ci-après Etat.

Ecclésiastique (habit), voyez Clerc & Habit.

Ecclésiastique (jurisdiction), voyez Jurisdiction.

Ecclésiastique (ordre), voyez Clergé, État ecclésiastique, & Ordres sacrés.

Ecclésiastique (patronage), voyez Patronage.

Ecclésiastique (province), voyez Diocèse, Métropole, & Province. (A)