L’Encyclopédie/1re édition/ESPERANCE
ESPERANCE, s. f. (Morale.) contentement de l’ame que chacun éprouve, lorsqu’il pense à la joüissance qu’il doit probablement avoir d’une chose qui est propre à lui donner de la satisfaction.
Le Créateur, dit l’auteur de la Henriade, pour adoucir les maux de cette vie ;
A placé parmi nous deux êtres bienfaisans,
De la terre à jamais aimables habitans,
Soûtiens dans les travaux, thrésors dans l’indigence :
L’un est le doux sommeil, & l’autre l’espérance.
Aussi Pindare appelle l’espérance, la bonne nourrice de la vieillesse. Elle nous console dans nos peines, augmente nos plaisirs, & nous fait joüir du bonheur avant qu’il existe ; elle rend le travail agréable, anime toutes nos actions, & recrée l’ame sans qu’elle y pense. Que de philosophie dans la fable de Pandore !
Les plaisirs que nous goûtons dans ce monde sont en si petit nombre & si passagers, que l’homme seroit la plus misérable de toutes les créatures, s’il n’étoit doüé de cette passion qui lui procure quelque avant-goût d’un bonheur qui peut lui arriver un jour. Il y a tant de vicissitudes ici bas, qu’il est quelquefois difficile de juger à quel point nous sommes à bout de notre espérance ; cependant notre vie est encore plus heureuse, lorsque cette espérance regarde un objet d’une nature sublime : c’est pourquoi l’espérance religieuse soûtient l’ame entre les bras de la mort, & même au milieu des souffrances. Voyez l’article suivant Espérance, (Théologie).
Mais l’espérance immodérée des hommes à l’égard des biens temporels, est une source de chagrins & de calamités ; elle coûte souvent autant de peines, que les craintes causent de souci. Les espérances trop vastes & formées par une trop longue durée, sont déraisonnables, parce que le tombeau est caché entre nous & l’objet après lequel nous soupirons. D’ailleurs dans cette immodération de desirs, nous trouvons toûjours de nouvelles perspectives au-delà de celles qui terminoient d’abord nos premieres vûes. L’espérance est alors un miroir magique qui nous séduit par de fausses images des objets : c’est alors qu’elle nous aveugle par des illusions, & qu’elle nous trompe, comme ce verrier persan des contes arabes, qui dans un songe flateur renversa par un coup de pié toute sa petite fortune. Enfin l’espérance de cette nature, en nous égarant par des phantomes ébloüissans, nous empêche de goûter le repos, & de travailler à notre bien-être par le secours de la prévoyance & de la sagesse. Ce que Pyrrhus avoit gagné par ses exploits, il le perdit par ses vaines espérances ; car le desir de courir après ce qu’il n’avoit pas, & l’espoir de l’obtenir, l’empêcha de conserver ce qu’il avoit acquis ; semblable à celui qui joüant aux dés, amene des coups favorables, mais qui n’en sait pas profiter. Que ne vous reposez-vous dès-à-présent, lui dit Cinéas ?
Les conséquences qui naissent de ce petit nombre de réflexions, sont toutes simples. L’espérance est un présent de la nature que nous ne saurions trop priser ; elle nous mene à la fin de notre carriere par un chemin agréable, qui est semé de fleurs pendant le cours du voyage. Nous devons espérer tout ce qui est bon, dit le poëte Linus, parce qu’il n’y a rien en ce genre, que d’honnêtes gens ne puissent se promettre, & que les dieux ne soient en état de leur accorder ; mais les hommes flotent sans cesse entre des craintes ridicules & de fausses espérances. Loin de se laisser guider par la raison, ils se forgent des monstres qui les intimident, ou des chimeres qui les séduisent.
Evitons ces excès, dit M. Adisson, réglons nos espérances, pesons les objets où elles se portent, pour savoir s’ils sont d’une nature qui puisse raisonnablement nous procurer le fruit que nous attendons de leur joüissance, & s’ils sont tels que nous ayons lieu de nous flater de les obtenir dans le cours de notre vie. Voilà, ce me semble, le discours d’un philosophe auquel nous pouvons donner quelque créance.
C’est un sage qui nous conduit,
C’est un ami qui nous conseille.
Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
Espérance, (Théologie.) vertu théologale & infuse, par laquelle on attend de Dieu avec confiance le don de sa grace en cette vie & la béatitude en l’autre.
On peut avoir la foi sans l’espérance, mais on ne peut point avoir l’espérance sans la foi ; car comment espérer ce qu’on ne croiroit pas ? d’ailleurs l’apôtre nous apprend que la foi est la base & le fondement de l’espérance, est autem fides sperandarum substantia rerum. Hébr. cap. xj. mais on peut avoir l’espérance, sans avoir la charité. De-là vient que les Théologiens distinguent deux sortes d’espérance, l’une informe qui se rencontre dans les pécheurs, & l’autre formée ou perfectionnée par la charité dans les justes.
L’effet de l’espérance n’est pas de produire en nous une certitude absolue de notre sanctification, de notre persévérance dans le bien, & de notre glorification dans le ciel, comme le soûtiennent les Calvinistes rigides après la décision du synode de Dordrecht, mais d’établir dans les cœurs une simple confiance fondée sur la bonté de Dieu & les mérites de Jesus-Christ, que Dieu nous accordera la grace pour triompher des tentations & pratiquer le bien, afin de mériter la gloire, parce que l’homme doit toûjours travailler avec crainte & tremblement à l’ouvrage de son salut, & qu’il ne peut savoir en cette vie s’il est digne d’amour ou de haine. Voyez Prédestination.
Les vices opposés à l’espérance chrétienne sont le desespoir & la présomption. Le desespoir est une disposition de l’esprit qui porte à croire que les péchés qu’on a commis sont trop grands, pour pouvoir en obtenir le pardon, & que Dieu est un juge inflexible qui ne les peut remettre. La présomption consiste à être tellement persuadé de sa justice & de son bonheur éternel, qu’on ne craigne plus de les perdre, ou à compter tellement sur les forces de la nature, qu’on s’imagine qu’elles suffisent pour opérer le bien dans l’ordre du salut. Telle étoit l’erreur des Pélagiens. Voyez Pélagiens.
Les Philosophes opposent la crainte à l’espérance, & disent qu’elles s’excluent mutuellement d’un même sujet ; mais les Théologiens pensent que toute espece de crainte ne bannit pas du cœur l’espérance chrétienne. La crainte filiale qui porte à s’abstenir du péché, non-seulement dans la vûe d’éviter la damnation, mais encore par l’amour de la justice qui le défend, non-seulement n’est point incompatible avec l’espérance, mais même elle la suppose. La crainte simplement servile ne l’exclut pas non plus ; mais la crainte servilement servile ne laisse qu’une espérance bien foible dans le cœur de celui qu’elle anime. Voy. Crainte. (G)
* Espérance, (Mythol.) c’étoit une des divinités du Paganisme ; elle avoit deux temples à Rome, l’un dans la septieme région, l’autre dans le marché aux herbes. On la voit dans les antiques couronnée de fleurs, tenant en main des épis & des pavots, appuyée sur une colonne, & placée devant une ruche. Les poëtes en ont fait une des sœurs du sommeil qui suspend nos peines, & de la mort qui les finit.
Espérance, (cap-de-bonne) Géogr. Voyez Cap, &c. & ajoûtez-y que, selon M. Cassini, la longitude du Cap est est 37d 36′ 0″, 17d 44′ 30″à l’orient de Paris, sa latitude 34d 15′ 0″mérid. Selon M. de la Caille, la latitude est 34d 24′, & la longitude à l’orient de Paris, 16d 10′.