L’Encyclopédie/1re édition/FÊTE des Innocens

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Fête des Innocens : cette fête étoit comme une branche de l’ancienne fête des fous, & on la célébroit le jour des Innocens. Elle n’a pas disparu sitôt que la premiere ; puisque Naudé, dans sa plainte à Gassendi en 1645, témoigne qu’elle subsistoit encore alors dans quelques monasteres de Provence. Cet auteur raconte qu’à Antibes, dans le couvent des Franciscains, les religieux prêtres ni le gardien n’alloient point au chœur le jour des Innocens, & que les freres lais qui vont à la quête, ou qui travaillent au jardin & à la cuisine, occupoient leurs places dans l’église, & faisoient une maniere d’office avec des extravagances & des profanations horribles. Ils se revêtoient d’ornemens sacerdotaux, mais tous déchirés, s’ils en trouvoient, & tournés à l’envers. Ils tenoient des livres à rebours, où ils faisoient semblant de lire avec des lunettes qui avoient de l’écorce d’orange pour verre. Ils ne chantoient ni hymnes, ni pseaumes, ni messes à l’ordinaire ; mais tantôt ils marmotoient certains mots confus, & tantôt ils poussoient des cris avec des contorsions qui faisoient horreur aux personnes sensées. Thiers, traité des jeux. Voyez Fête des Fous.

On a conservé dans quelques cathédrales & collégiales, l’usage de faire officier ce jour-là les enfans-de-chœur, c’est-à-dire de leur faire porter chape à la messe & à vêpres, & de leur donner place dans les hautes stalles, pour honorer la mémoire des enfans égorgés par l’ordre d’Hérode. C’est une pratique pieuse qui n’étant accompagnée d’aucune indécence, ne se ressent en rien de la mascarade contre laquelle Naudé s’est élevé si justement, & encore moins de l’ancienne fête des fous. (G)