L’Encyclopédie/1re édition/GÉNÉALOGIE

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GÉNÉALOGIE, s. f. (Hist.) mot tiré du grec, & qui n’a que la terminaison françoise. il est composé de γένος, race, lignée, & de λόγος discours, traité.

On entend ordinairement par généalogie, une suite & dénombrement d’ayeux, ou une histoire sommaire des parentés & alliances d’une personne ou d’une maison illustre, tant en ligne directe qu’en ligne collatérale. Voyez Ligne directe, Collatéral, Degré, &c.

Il faut prouver sa noblesse par sa généalogie, quand on entre dans des ordres nobles & militaires, ou dans certains chapitres, & c’est ce qu’on appelle faire ses preuves. On est aussi quelquefois obligé de faire apparoir de sa généalogie dans un procès où il s’agit de succession. Voyez Preuves & Naissance.

On forme d’une généalogie une espece d’arbre. Voyez l’article suivant.

L’étude des généalogies est d’une extrème importance pour l’histoire ; outre qu’elles servent à distinguer les personnages historiques du même nom & de même famille, elles montrent les liaisons de parenté, les successions, les droits, les prétentions. Mais il faut être en garde contre les absurdités de certains historiens, qui par adulation font remonter jusqu’aux tems héroïques, l’origine des maisons ou des princes en faveur de qui ils écrivent ; comme il arriva à un auteur espagnol, qui vouloit faire la cour à Philippe II. Il le faisoit descendre en ligne directe d’Adam, depuis lequel jusqu’à ce prince, il comptoit cent dix-huit générations sans lacune ou interruption. Il n’est guere de nation qui n’ait ses fables à cet égard.

Si l’on avoit la généalogie exacte & vraie de chaque famille, il est plus que vraissemblable qu’aucun homme ne seroit estimé ni méprisé à l’occasion de sa naissance. A peine y a-t-il un mendiant dans les rues qui ne se trouvât descendre en droite ligne de quelque homme illustre, ou un seul noble élevé aux plus hautes dignités de l’état, des ordres & des chapitres, qui ne découvrit au nombre de ses ayeux, quantité de gens obscurs. Supposé qu’un homme de la premiere qualité, plein de sa haute naissance, vit passer en revûe sous ses yeux, toute la suite de ses ancêtres, à-peu-près de la même maniere que Virgile fait contempler à Enée tous ses descendans, de quelles différentes passions ne seroit-il pas agité, lorsqu’il verroit des capitaines & des pastres, des ministres d’état & des artisans, des princes & des goujats, se suivre les uns les autres, peut-être d’assez près, dans l’espace de quatre mille ans ? De quelle tristesse ou de quelle joie son cœur ne seroit-il pas saisi à la vûe de tous les jeux de la fortune, dans une décoration si bigarrée de haillons & de pourpre, d’outils & de sceptres, de marques d’honneur & d’opprobre ? Quel flux & reflux d’espérances & de craintes, de transports de joie & de mortification, n’essuyeroit-il pas, à-mesure que sa généalogie paroitroit brillante ou ténébreuse ? Mais que cet homme de qualité, si fier de ses ayeux, rentre en lui-même, & qu’il considere toutes ces vicissitudes d’un œil philosophique, il n’en sera point altéré. Les générations des mortels, alternativement illustres & abjectes, s’effacent, se confondent, & se perdent comme les ondes d’un fleuve rapide ; rien ne peut arrêter le tems qui entraîne après lui tout ce qui paroît le plus immobile, & l’engloutit à jamais dans la nuit éternelle. (D. J.)

Quand les familles modernes remontent jusqu’au tems des premieres croisades, & qu’à partir de-là elles prennent pour tige un homme déjà illustre ou de quelque considération, leur généalogie peut être regardée comme respectable. On peut s’aider sur ces matieres des généalogies anciennes de Claude de l’Isle, & d’un livre du P. Buffier, intitulé les souverains de l’Europe, & pour la maison de France en particulier, de l’histoire généalogique qu’en a donné M. le Gendre de Saint-Aubin.