L’Encyclopédie/1re édition/GALLES

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GALLES, s. m. pl. galli, (Litt.) prêtres de Cybele, qui avoient pris leur nom, ou du fleuve Gallus en Phrygie, parce qu’ils bûvoient de ses eaux qui leur inspiroient je ne sai quelle fureur ; ou plûtôt de leur premier prêtre qui s’appelloit Gallus. Vossius propose ces deux étymologies, & paroît pencher davantage pour la seconde, qui est celle qu’Etienne le géographe a embrassée. Ovide favorise la premiere ; mais Ovide est un poëte.

Quoique les galles se donnassent le titre de prêtres de la mere des dieux, c’étoient néanmoins des gens de la lie du peuple, qui couroient de ville en ville joüant des cymbales & des crotales ; & portant avec eux des images de leur déesse. Ils disoient sur leur route la bonne-avanture, & prédisoient l’avenir ; ils menoient aussi dans leur compagnie de vieilles enchanteresses, qui faisoient des charmes pour séduire les gens simples : c’est de cette maniere qu’ils trouvoient le secret de rassembler des aumônes pour leur subsistance.

Cependant l’institution des galles, après avoir commencé en Phrygie, se répandit dans toute la Grece ; dans la Syrie, dans l’Afrique, & dans l’empire romain. La cérémonie qu’ils faisoient en Syrie, pour recevoir de nouveaux galles dans leur société, est ainsi décrite par Lucien. « A la fête de la déesse, se rend un grand nombre de gens, tant de la Syrie que des régions voisines ; tous y portent les figures & les marques de leur religion. Au jour assigné, cette multitude s’assemble au temple, quantité de galles s’y trouvent & y célebrent leurs mysteres ; ils se tailladent les coudes & se donnent mutuellement des coups de foüet sur le dos. La troupe qui les environne, joue de la flûte & du tympanum ; d’autres saisis comme d’un enthousiasme, chantent des chansons qu’ils composent sur le champ. Tout ceci se passe hors du temple, & la troupe qui fait toutes ces choses n’y entre pas. C’est dans ces jours-là qu’on crée des galles ; le son des flûtes inspire à plusieurs des assistans une espece de fureur ; alors le jeune homme qui doit être initié, quitte ses vêtemens, & poussant de grands cris, vient au milieu de la troupe où il tire une épée, & se fait eunuque lui-même. Il court ensuite par la ville, portant entre ses mains les marques de sa mutilation, les jette dans une maison, dans laquelle il prend l’habit de femme.

Quand un galle vient à mourir, ajoûte le même Lucien, ses compagnons l’emportent aux fauxbourgs, déposent la bierre & le corps du défunt sur un tas de pierres, se retirent, & ne peuvent entrer dans le temple que le lendemain après s’être purifiés ».

Quant à leurs autres usages, c’est assez de remarquer qu’ils n’immoloient point de cochons, mais des taureaux, des vaches, des chevres, & des brebis ; qu’ils faisoient pendant leurs sacrifices des contorsions violentes de tout le corps, tournant rapidement la tête de toutes parts, & se heurtant du front les uns contre les autres à la façon des béliers.

Plutarque étoit sur-tout irrité de ce qu’ils avoient fait tomber les vrais oracles du trépié. Ces gens-là, dit-il, pour y parvenir, se sont avisés de chanter des vers par tous pays ; de rendre des oracles, les uns sur le champ, les autres en les tirant au sort ; après quoi ils les ont vendus à des femmelettes, qui ont été ravies d’avoir des oracles en vers & en cadence.

Il y avoit deux galles à Rome, un homme & une femme, pour le service des autels de Cybele, qu’on honoroit sous le nom d’Idæa mater. Voyez ce mot. Il étoit même permis par la loi des douze tables, à cet ordre de prêtres, de demander l’aumône dans certains jours de l’année, à l’exclusion de tout autre mendiant. Vous trouverez de plus grands détails à ce sujet, dans Rosinus, antiq rom. liv. II. chap. jv. Godwin, Anthol. rom. lib. II. Vossius, & autres.

J’ajoûterai seulement que les galles tout méprisables qu’ils étoient, avoient un chef très-considéré qu’on appelloit archigalle, ou souverain prêtre de Cybele. Ce chef étoit vêtu de pourpre, & portoit la tiare. Voyez Archigalle. Il y a des inscriptions antiques qui font mention de l’archigalle ; Lilius Gyraldus, Onuphrius & Gruter, se sont donné la peine de les recueillir. (D. J.)

Galles, (le pays de) Géog. autrefois nommé Gambrie, en latin Cambria, Vallia, & en anglois Wales ; principauté d’Angleterre, bornée à l’est par les comtés de Chester, de Shrop, de Heresord, & de Montmouth ; à l’oüest & au nord par la mer d’Irlande, & au midi par le canal de Saint-Georges.

Les Romains maîtres de la Grande-Bretagne, la divisoient en trois parties ; savoir Britannia maxima Cæsariensis, contenant la partie septentrionale ; Britannia prima, contenant la méridionale ; & Britannia secunda, contenant le pays de Galles. Ce dernier pays étoit alors habité par les peuples Silures, Dimetæ & Ordovices.

La plûpart des Bretons s’y retirerent pour y être à couvert des Saxons, lorsqu’ils envahirent l’Angleterre ; & depuis il a toûjours été habité par leur postérité, les Gallois, qui ont eu leurs princes particuliers jusqu’à la fin du treizieme siecle. Alors Edoüard premier les réduisit sous son obéissance, & leur pays devint par conquête l’apanage des fils aînés des rois d’Angleterre, avec titre de principauté. Cependant ces peuples ne furent jamais vraiment soûmis, que quand ils virent un roi Breton sur le throne de la Grande-Bretagne ; je veux parler d’Henri VII. qui réunit les droits de la maison de Lancastre & d’Yorck, & conserva la couronne qu’il avoit acquise par un bonheur inoüi.

Enfin sous Henri VIII. les Gallois furent déclarés une même nation avec l’angloise, sujette aux mêmes lois, capable des mêmes emplois, & joüissant des mêmes priviléges.

Leur langue est l’ancien breton ; & c’est peut-être la langue de l’Europe où il y a le moins de mots étrangers. Elle est gutturale ; ce qui en rend la prononciation rude & difficile. Passons au pays.

Il se divise en douze provinces ; six septentrionales, qui forment le North-Wales ; & six méridionales, qui constituent le South-Wales. Les Géographes vous indiqueront les noms & les capitales de ces douze provinces.

L’air qu’on y respire est sain, & l’on y vit à bon prix. Le sol placé entre le neuvieme & le dixieme climat septentrional, est en général fort montagneux : cependant quelques-unes des vallées sont très-fertiles, & produisent une grande quantité de blé & de pâturages ; de sorte que ses denrées principales consistent en bestiaux, peaux, harengs, coton, beurre, fromage, miel, cire, & autres choses semblables.

Ce pays contient aussi de grandes carrieres de pierres de taille, & plusieurs mines de plomb & de charbon. Voyez-en le détail dans l’histoire naturelle de Childrey, Paris, 1667. in-12.

Son étendue fait à-peu-près la cinquieme partie de l’Angleterre ; elle comprend cinquante-huit bourgs à marché, & environ trois cents cinquante mille ames, qui payent pour la taxe des terres quarante-trois mille sept cents cinquante-deux livres sterlin. Son port de Milford, Milford-Haven, est un des plus sûrs & des plus grands qu’il y ait en Europe.

Le pays de Galles a produit des gens illustres dans les Sciences, parmi lesquels je me contenterai de nommer Guillaume Morgan, traducteur de la Bible en gallois ; Jean Owen poëte latin, connu par ses épigrammes ; & le lord Herbert de Cherbury : ce dernier né en 1581, & mort en 1648, fut tout-ensemble un grand homme de guerre, un habile ministre d’état, & un écrivain très-distingué par ses ouvrages ; son histoire du regne & de la vie d’Henri VIII. est un morceau précieux. (D. J.)

Galles, (les) Géog. peuples d’Afrique dans l’Ethiopie à l’orient, au midi & au couchant de l’Abyssinie : de-là vient qu’il faut les distinguer en orientaux, occidentaux, & méridionaux.

Ces peuples ennemis de la paix, ne vivent que de leurs brigandages, & sont continuellement en course contre les Abyssins. Ils ne cultivent ni ne moissonnent ; contens de leurs troupeaux, soit en paix, soit en guerre, ils les chassent devant eux dans d’excellens pâturages ; ils en mangent la chair souvent crue & sans pain ; ils en boivent le lait, & se nourrissent de cette maniere, soit au camp, soit chez eux. Ils ne se chargent point de bagages ni de meubles de cuisine ; des gamelles pour recevoir le lait, voilà tout ce qu’il leur faut. Continuellement prêts à envahir le bien des autres, ils ne craignent point les représailles, dont la pauvreté les met à couvert. Dès qu’ils se sentent les plus foibles, ils se retirent avec leurs bestiaux dans le fond des terres, & mettent un desert entr’eux & leurs ennemis. C’est ainsi qu’on vit autrefois les Huns, les Avares, les Goths, les Vandales, les Normands, répandre la terreur chez les nations policées de l’Europe, & les Tartares orientaux se rendre maîtres de la Chine. De même les Galles choisissent un chef tous les huit ans pour les commander ; & ce chef ne se mêle d’aucune autre affaire. Son devoir est d’assembler le peuple, & de fondre sur l’ennemi, pour y acquérir de la gloire & y faire du butin.

Telle est cette nation terrible qui a si bien affoibli le royaume de l’Abyssinie, qu’il en reste à peine au roi la moitié des états que ses ancêtres ont possédés. Les Galles l’auroient conquis entierement, si la mesintelligence ne s’étoit pas mise entre eux, & s’ils ne se fussent pas mutuellement affoiblis. Voyez l’histoire d’Ethiopie du savant Ludolf. (D. J.)