L’Encyclopédie/1re édition/GRÉENWICH

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GRÉENWICH, (Géog.) petite ville d’Angleterre dans la province de Kent N. O. à deux lieues de Londres sur la Tamise. Long. suivant Harris & Cassini, 17d. 28’. 3″ lat 51d. 28’. 3″.

Gréenwich est remarquable par son observatoire & par son hôpital en faveur des matelots invalides. Cette derniere maison étoit le palais chéri de Guillaume & de la reine Marie ; mais en 1694 ils l’abandonnerent volontairement à cette pieuse destination.

C’est à Gréenwich que naquit Henri VIII. prince aussi fougueux que voluptueux, d’une opiniâtreté invincible dans ses desirs, & d’une volonté despotique qui tint lieu de lois ; libéral jusqu’à la prodigalité : courageux, intrépide, il battit les François & les Ecossois, réunit le pays de Galles à l’Angleterre, & érigea l’Irlande en nouveau royaume : cruel & sans retour sur lui-même, il se souilla de trois divorces & du sang de deux épouses : également tyran dans sa famille, dans le gouvernement & dans la religion, il se sépara du pape, parce qu’il étoit amoureux d’Anne de Boulen, & se fit le premier reconnoître pour chef de l’église dans ses états. Mais si ce fut un crime sous son empire de soûtenir l’autorité du pape, c’en fut un d’être protestant ; il fit brûler dans la même place ceux qui parloient pour le pontife romain, & ceux qui se déclaroient pour la réforme d’Allemagne.

Elisabeth sa fille, l’une des plus illustres souveraines dont les annales du monde ayent parlé, naquit dans le même lieu qu’Henri VIII. hérita de ses couronnes, mais non pas de son caractere & de sa tyrannie. Son regne est le plus beau morceau de l’histoire d’Angleterre : il a été l’école où tant d’hommes célebres d’état & de guerre se sont formés, que la Grande-Bretagne n’en produisit jamais un si grand nombre ; elle ne peut oublier l’époque mémorable ou, après la dispersion de la flotte invincible, cette reine disoit à son parlement : « Je sais, Messieurs, que je ne tiens pas le sceptre pour mon propre avantage, & que je me dois toute entiere à la société qui a mis en moi sa confiance ; mon plus grand bonheur est de voir que j’ai pour sujets des hommes dignes que je renonçasse pour eux au throne & à la vie ». (D. J.)