L’Encyclopédie/1re édition/HÉRÉSIE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 158-159).

HÉRÉSIE, s. f. (Critiq. sacrée.) Ce mot, qui se prend à présent en très-mauvaise part, & qui signifie une erreur opiniâtre, fondamentale contre la religion, ne désignoit dans son origine, qu’un simple choix, une secte bonne & mauvaise ; c’est le sens du mot Grec αἵρεσις, electio, secta, du verbe αἵρεω, je choisis.

On disoit hérésie péripatéticienne, hérésie stoïcienne, & l’hérésie chrétienne étoit la secte de Jesus-Christ. Saint Paul déclare, que pendant qu’il vivoit dans le Judaisme, il s’étoit attaché à l’hérésie pharisienne, la plus estimable qu’il y eût dans cette nation ; & c’est ce qu’il allegue pour preuve de la droiture d’ame avec laquelle il avoit vécu. Il ne prend point, par cette déclaration, le nom d’hérétique pharisien, comme étant un titre flétrissant, il le renferme au contraire dans sa défense ; si ce terme eût eu le sens qu’on lui donne aujourd’hui, c’est plûtôt aux Saducéens qu’aux Pharisiens qu’il auroit convenu.

Les hérésies, c’est-à-dire, les différentes sectes qu’on suivoit, n’avoient rien de choquant quant au nom, & elles ne devenoient blâmables que par la nature des erreurs qu’elles admettoient ; mais vraies ou fausses, innocentes ou dangereuses, importantes ou indifférentes, elles portoient également le nom d’hérésies. Ce n’est que dans la suite des tems qu’on a attaché à cette qualification une idée si grande d’horreur, que peu s’en faut qu’on ne frémisse au simple son de ce terrible mot.

On définit l’hérésie, une opiniâtreté erronée contre quelque dogme de la foi ; mais comment juger sûrement de cette opiniâtreté, car ceux-là même qui sont dans l’erreur peuvent regarder comme opiniâtres les partisans de la vérité ? Rien n’est plus difficile, disoit saint Chrysostome, que d’abandonner les opinions ausquelles on s’est attaché. Ajoutons, pour preuve de cette réflexion, que le dégré de la faute de ceux qui errent, est proportionné au dégré de leurs lumieres, & à d’autres dispositions intérieures que les hommes ne sçauroient ni pénétrer ni changer.

A Dieu ne plaise qu’on prétende faire ici l’apologie des hérésies. On desireroit au contraire que les Chrétiens n’eussent qu’une même foi ; mais puisque la chose n’est pas possible, on voudroit du moins qu’à l’exemple de leur Sauveur, ils fussent remplis les uns pour les autres de bienveillance & de charité.

Le malheur de ce royaume en particulier, a voulu qu’on fût divisé depuis plus de 200 ans sur les dogmes de créance, & l’un des articles du serment de nos rois est de détruire les hérésies ; mais comme ce mot n’est point défini, & que d’ailleurs on ne sauroit trop en restraindre le sens, ce n’est pas à dire que pour parvenir à cette extirpation, le prince y doive procéder avec violence, contre la foi publique, & rompre l’amour, la sûreté, la protection qu’il doit à ses sujets pour le bien de l’état. Il n’y a point de serment qui puisse être contraire aux commandemens de Dieu, & nos rois ne jurent l’article de la destruction de l’hérésie, qu’après avoir juré un autre article qui le précede, par lequel ils promettent de conserver inviolablement la paix dans leur royaume. Ce premier serment regle tous les autres, & par conséquent emporte avec lui la douceur & la tolérance. Je crois qu’il est à propos de répéter souvent ces vérités, & de les inculquer respectueusement aux fils & petits-fils des rois qui doivent un jour monter sur le trône, afin de jetter dans leur ame dès la tendre enfance, les semences d’une piété véritable & lumineuse. (D. J.)

Hérésie se dit par extension de quelques propositions fausses dans des matieres qui n’ont aucun rapport à la foi.

Les théologiens distinguent deux sortes d’hérésie, l’une matérielle, & l’autre formelle. La premiere consiste à avancer une proposition contraire à la foi, mais sans opiniâtreté, au contraire dans la disposition sincere de se soumettre au jugement de l’Eglise. La seconde a les caracteres contraires.

Hérésie, (Jurisprud.) Les sujets orthodoxes ne sont point dispensés de la fidélité & obéissance qu’ils doivent à leur souverain, quand même il seroit hérétique, suivant la doctrine de saint Paul.

L’hérésie étant un crime contre la religion, la connoissance en appartient au juge d’Eglise, pour déclarer quelles sont les opinions contraires à celles de l’Eglise, & punir de peines canoniques ceux qui soutiennent leurs erreurs avec obstination. Les évêques peuvent absoudre du crime d’hérésie.

Mais ce crime est aussi considéré comme un cas royal, en tant qu’il contient un scandale public, commotion populaire & autres excès qui troublent la religion & l’état ; c’est pourquoi la connoissance en appartient aussi aux juges royaux, même contre les ecclésiastiques qui en sont prévenus. Voyez l’ordonnance du 30 Août 1742.

Les hérétiques sont incapables de posséder des bénéfices : l’hérésie où tombe le bénéficier fait vaquer le bénéfice de plein droit, mais non pas ipso facto ; il faut un jugement qui déclare le bénéficier hérétique.

Les seigneurs & patrons déclarés hérétiques sont exclus des droits honorifiques dans les églises, & incapables de jouir du droit de patronage.

On n’admet plus aussi les hérétiques à aucun office, où il faut une information des vie & mœurs du récipiendaire.

Sur l’hérésie, voyez les textes de droit cités par Brillon au mot Hérésie ; les loix ecclésiastiques de Héricourt, part. I, chap. xxiv. Voyez aussi ce qui est répandu dans les mémoires du clergé. (A)