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L’Encyclopédie/1re édition/IMAGINAIRE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 560).

* IMAGINAIRE, adj. (Gram.) qui n’est que dans l’imagination ; ainsi l’on dit en ce sens un bonheur imaginaire, une peine imaginaire. Sous ce point de vûe, imaginaire ne s’oppose point à réel ; car un bonheur imaginaire est un bonheur réel, une peine imaginaire est une peine réelle. Que la chose soit ou ne soit pas comme je l’imagine, je souffre ou je suis heureux ; ainsi l’imaginaire peut être dans le motif, dans l’objet ; mais la réalité est toûjours dans la sensation. Le malade imaginaire est vraiment malade, d’esprit au moins, sinon de corps. Nous serions trop malheureux, si nous n’avions beaucoup de biens imaginaires.

Imaginaire, adj. on appelle ainsi en Algebre les racines paires de quantités négatives. La raison de cette dénomination est, que toute puissance paire d’une quantité quelconque, positive ou négative, a nécessairement le signe , parce que par , ou par , donnent également + ; Voyez Quarré, Puissance, Négatif & Multiplication. D’où il s’en suit que toute puissance paire, tout quarré, par exemple, qui a le signe , n’a point de racine possible (voyez Racine.), & qu’ainsi la racine d’une telle puissance est impossible ou imaginaire. Les quantités imaginaires sont opposées aux quantités réelles. Voyez Réel & Équation.

Non-seulement toute racine paire d’une quantité négative, comme , est imaginaire ; mais encore si on y joint une quantité réelle b, le tout devient imaginaire ; ainsi est imaginaire, ce qui est évident ; car si étoit égal à une quantité réelle c, on auroit , ce qui est impossible.

Les quantités composées de réel & d’imaginaire, s’appellent mixtes imaginaires, & les autres imaginaires simples.

J’ai démontré le premier dans les mémoires de l’académie de Berlin, pour l’année 1746, & même dans un ouvrage antérieur, envoyé à l’académie de Berlin au commencement de 1746, que toute quantité imaginaire donnée à volonté, & de telle forme qu’on voudra, peut toûjours se réduire à , e & f étant des quantités réelles. M. Euler a démontré depuis cette même proposition, dans les mémoires de l’académie de Berlin 1749, mais il est aisé de voir que sa démonstration ne differe en aucune façon de la mienne. Pour s’en convaincre, on peut comparer la page 273 des mémoires de Berlin de 1749, avec l’article 79 de ma dissertation sur les vents.

J’ai démontré de plus, dans les mêmes mémoires de 1746, que toute racine imaginaire d’une équation quelconque pouvoit toûjours se réduire à , e & f étant des quantités réelles. M. Euler a donné de son côté, dans les mémoires de 1749, une démonstration de cette proposition, qui differe entierement de la mienne, & qui ne me paroît pas aussi simple. On peut voir les démonstrations des deux propositions dont je viens de parler, dans le traité de M. de Bougainville le jeune, sur le calcul intégral.

Un corollaire de cette proposition, qui est démontré fort simplement dans les mémoires de Berlin 1746, c’est que si est une des racines d’une équation, en sera une autre ; & voilà pourquoi les racines imaginaires des équations vont toûjours en nombre pair. Voyez Racine.

Deux quantités imaginaires jointes ensemble peuvent former une quantité réelle ; p. ex. est une quantité réelle. Voyez Cas irréductible. (O)

Imaginaire, (Docimastique.) poids imaginaire ou fictif. Voyez Poids fictif.