L’Encyclopédie/1re édition/MÉCHOACAN, le

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MÉCHOACAN, le (Botan.) racine d’une espece de liseron d’Amérique. Elle est nommée bryonia, mechoacana, alba, dans C. B. P. 297. Jetuca Maregr. 41. & Pison 253.

C’est une racine blanche, coupée par tranches, couverte d’une écorce ridée ; elle est d’une substance où l’on distingue à peine quelques fibres, d’un goût douçâtre, avec une certaine acreté qui ne se fait pas sentir d’abord, & qui excite quelquefois le vomissement.

Cette racine a des bandes circulaires comme la brione, mais elle en differe en ce qu’elle est plus visqueuse, plus pesante, & qu’elle n’est pas fongueuse ni roussâtre, ni amere, ni puante. On l’appelle méchoacan, du nom de la province de l’Amérique méridionale, où les Espagnols l’ont d’abord trouvée au commencement du xvj. siecle ; mais on nous en apporte aujourd’hui de plusieurs autres contrées de cette même Amérique méridionale, comme de Nicaragua, de Quito, du Brésil, & d’autres endroits.

Cette racine étoit inconnue aux Grecs & aux Arabes ; c’est sur-tout Nicolas Monard qui l’a mise en usage au commencement du xvi. siecle, & nous savons de Maregrave, témoin oculaire, que c’est la racine d’un liseron d’Amérique, dont voici la description.

Il pousse en terre une fort grosse racine d’un pié de long, partagée le plus souvent en deux, d’un gris foncé, ou brun en-dehors, blanche en-dedans, laiteuse, & résineuse. Il jette des tiges sarmenteuses, grimpantes, anguleuses, laiteuses, garnies de feuilles alternes, tendres, d’un verd foncé, sans odeur, de la figure d’un cœur, tantôt avec des oreillettes, tantôt sans oreillettes, longues d’un, de deux, de trois, ou de quatre pouces, ayant à leur partie inférieure une côte, & des nervures élevées. Les fleurs sont d’une seule piece en cloche, de couleur de chair pâle, purpurines intérieurement. Le pistil se change en une capsule qui contient des graines noirâtres, de la grosseur d’un pois, triangulaires & applaties.

Les habitans du Brésil cueillent les racines au printems, les coupent tantôt en tranches circulaires, tantôt en tranches oblongues, les enfilent, & les font sécher. Ils tirent aussi de cette racine une fécule blanche, qu’ils nomment lait, ou fécule du méchoacan ; mais cette fécule reste dans le pays, les Européens n’en sont point curieux. Ils emploient la seule racine, qui purge modérement. On accuse même sa lenteur à agir, & la grande dose qu’il en faut donner ; d’ailleurs, il s’agit d’avoir le méchoacan récent ; car sa vertu ne se conserve pas trois années.

Ainsi la racine du mechoacanica, qu’Hernandez a décrit sous le nom de tacnathe, differe du méchoacan de nos boutiques ; 1°. parce que sa racine brûle la gorge, & que notre méchoacan est presque insipide ; 2°. parce que la plante qu’il décrit sous le nom de mechoacanica, est différente du convolvolus americanus, ou liseron d’Amérique de Maregrave. (D. J.)

Méchoacan, (Mat. méd.) On trouve sous ce nom dans les boutiques une racine appellée aussi quelquefois rhubarbe blanche, coupée par tranches, d’une substance peu compacte, couverte d’une écorce ridée, marquée de quelques bandes circulaires, d’un goût un peu acre & brûlant lorsqu’on la roule long-tems dans la bouche, grise à l’extérieur, & blanche, ou d’un jaune pâle à l’intérieur. On nous l’apporte dans cet état de l’Amérique méridionale, & principalement de l’île de Méchoacan qui lui a donné son nom.

Il faut choisir le méchoacan récent, aussi compacte qu’il est possible, d’un blanc jaunâtre ; & rejetter celui qui est trop blanchâtre, léger, carié, mollasse, & mêlé de morceaux de racine de brione, avec laquelle on le trouve assez souvent falsifié. Cette derniere racine est facile à distinguer, à son goût amer, & à son odeur puante & nauséeuse.

Le méchoacan contient, selon l’analyse de Cartheuser, une portion considérable d’une terre subtile blanchâtre & comme farineuse, (c’est-à-dire d’une fécule farineuse, analogue à celle de brione, & de quelques autres racines, voyez Fecule), très-peu de résine ; savoir, demi-scrupule sur une once, & quantité assez considérable de substance gommeuse-saline, c’est-à-dire, de matiere extractive, voyez Extrait ; savoir, trois gros sur une once.

Cette racine purge doucement donnée en poudre à la dose de demi-once jusqu’à une, dans une liqueur appropriée. Ce remede est peu employé ; on lui préfere, avec juste raison, le jalap, qui purge aussi plus doucement qu’on ne le pense communément, mais plus efficacement que le méchoacan, auquel il est d’ailleurs très-analogue, étant la racine d’une plante de même genre. Voyez Jalap, Hist. nat. bot. Jalap, Mat. méd. Mechoacan, Hist. nat. bot.

On apporte quelquefois des Indes, sous la forme de petit pain, une certaine matiere qu’on prétend être préparée en épaississant sur le feu, une liqueur qui a découlé par incision de la plante de méchoacan. M. Boulduc le pere a donné l’examen de cette substance dans les mémoires de l’acad. des Sciences, année 1711 ; il a trouvé que ce prétendu suc concret n’étoit autre chose qu’une fécule absolument privée de toute vertu purgative, & parfaitement analogue à celle qu’il retira d’une liqueur exprimée du méchoacan infusé pendant plusieurs jours dans l’eau : le même auteur a trouvé que la liqueur séparée par inclination de la fécule, purgeoit assez bien, de même que la décoction du méchoacan ; mais encore un coup, on a très-rarement recours à ce purgatif, qui est trop foible pour la plûpart des sujets. (b)

Méchoacan, (Géog.) province de la nouvelle Espagne dans l’Amerique septentrionale. C’est la troisieme des quatre provinces qui composoient le Mexique propre. Elle a 80 lieues de tour, & produit tout ce qui est nécessaire à la vie ; son nom de Méchoacan signifie une pêcherie, parce qu’elle abonde en certains poissons excellens à manger. Thomas Gage a fait une description un peu romanesque des coutumes de ses anciens habitans ; c’est assez pour nous de dire que Valladolid évêché en est la principale ville. (D. J.)