L’Encyclopédie/1re édition/MADAGASCAR

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MADAGASCAR, (Géogr.) île immense sur les côtes orientales d’Afrique. Sa longit. selon Harris, commence à 62d 1′ 15″. Sa latit. méridionale tient depuis 12d 12′ jusqu’à 25d 10′, ce qui fait 336 lieues françoises de longueur. Elle a 120 lieues dans sa plus grande largeur, & elle est située nord-nord-est & sud-sud-ouest. Sa pointe au sud s’élargit vers le cap de Bonne-Espérance ; mais celle du nord, beaucoup plus étroite, se courbe vers la mer des Indes. Son circuit peut aller à 800 lieues, en sorte que c’est la plus grande île des mers que nous connoissions.

Elle a été visitée de tous les peuples de l’Europe qui navigent au-delà de la ligne, & particulierement des Portugais, des Anglois, des Hollandois, & des François. Les premiers l’appellerent l’île de Saint-Laurent, parce qu’ils la découvrirent le jour de la fête de ce saint en 1492. Les autres nations l’ont nommée Madagascar, nom peu différent de celui des naturels du pays, qui l’appellent Madécasse.

Les anciens Géographes l’ont aussi connue, quoique plus imparfaitement que nous. La Cerné de Pline est la Menuthias de Ptolomée, qu’il place au 12d 30′ de latit. sud, à l’orient d’été du cap Prassum. C’est aussi la situation que nos cartes donnent à la pointe septentrionale de Madagascar. D’ailleurs, la description que l’auteur du Périple fait de sa Ménuthias, convient fort à Madagascar.

Les François ont eu à Madagascar plusieurs habitations, qu’ils ont été obligés d’abandonner. Flacourt nous a fait l’histoire naturelle de cette île qu’il n’a jamais pû connoître, & Rennefort en a forgé le roman.

Tout ce que nous en savons, se réduit à juger qu’elle se divise en plusieurs provinces & régions, gouvernées par diverses nations, qui sont de différentes couleurs, de différentes mœurs, & toutes plongées dans l’idolatrie ou dans les superstitions du mahométisme.

Cette île n’est point peuplée à proportion de son étendue. Tous les habitans sont noirs, à un petit nombre près, descendans des Arabes qui s’emparerent d’une partie de ce pays au commencement du quinzieme siecle. Les hommes y éprouvent toutes les influences du climat ; l’amour de la paresse & de la sensualité. Les femmes qui s’abandonnent publiquement, n’en sont point deshonorées. Les gens du peuple vont presque tout nuds ; les plus riches n’ont que des caleçons ou des jupons de soie. Ils n’ont aucunes commodités dans leurs maisons, couchent sur des nattes, se nourrissent de lait, de riz, de racines & de viande presque crue. Ils ne mangent point de pain qu’ils ne connoissent pas, & boivent du vin de miel.

Leurs richesses consistent en troupeaux & en pâturages, car cette île est arrosée de cent rivieres qui la fertilisent. La quantité de bétail qu’elle produit est prodigieuse. Leurs moutons ont une queue qui traîne de demi-pié par terre. La mer, les rivieres & les étangs fourmillent de poisson.

On voit à Madagascar presque tous les animaux que nous avons en Europe, & un grand nombre qui nous sont inconnus. On y cueille des citrons, des oranges, des grenades, des ananas admirables ; le miel y est en abondance, ainsi que la gomme de tacamahaca, l’encens & le benjoin. On y trouve du talc, des mines de charbon, de salpètre, de fer ; des minéraux de pierreries, comme crystaux, topases, améthystes, grenats, girasoles & aigues-marines. Enfin, on n’a point encore assez pénétré dans ce vaste pays, ni fait des tentatives suffisantes pour le connoître & pour le décrire.