L’Encyclopédie/1re édition/MOELLE

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MOELLE, s. f. (Physiologie.) en latin medulla ; substance grasse, oléagineuse, qu’on trouve en masse dans le milieu des os longs : on l’appelle suc moëlleux, huile médullaire, dans la portion cellulaire de ces mêmes os, & dans celle de tous les autres os qui n’ont pas la même figure.

Mais pour donner une idée plus exacte de la moëlle conformément à sa nature, nous la définirons un amas de plusieurs petites vésicules membraneuses, très-déliées, qui s’ouvrent les unes dans les autres, & qui sont remplies d’une matiere huileuse, coulante & liquide.

Ces vésicules sont renfermées dans une membrane qui sert d’enveloppe générale à la moëlle, & cette membrane, qui est parsemée d’un très-grand nombre de vaisseaux, est d’une tissure encore plus fine que la membrane arachnoïde de la moëlle de l’épine.

La moëlle ne fait qu’une seule masse dans les endroits où l’os est creusé en canal ; car dans ceux où il est spongieux, elle est partagée en plusieurs petites portions qui en remplissent les cellules.

La saveur douce & agréable de ce suc, & sa consistance onctueuse, donnent lieu de croire que c’est un extrait de ce qu’il y a de plus délicat & de plus fin dans la portion huileuse du sang, qui est continuellement filtré dans ce tissu vésiculaire, d’où il se distribue dans toute la substance de l’os.

Entrons dans quelques détails sur la distribution de ce suc médullaire dans les os, sa sécrétion, son abondance, son sentiment, son usage, & ses maladies.

Distribution de la moelle dans la substance des os. L’huile médullaire est ramassée dans de petites vésicules qui communiquent les unes aux autres, & qui sont logées dans les parties cellulaires des os aux environs des jointures, d’où il suit que cette huile peut non-seulement se distribuer dans toute la substance de l’os, mais encore passer dans les cavités des jointures, comme Clopton-Havers, qui a parfaitement traité cette matiere, l’a prouve par diverses expériences.

Suivant cet auteur, l’huile médullaire peut sortir des vésicules qui la contiennent, de trois manieres différentes. Ou la dérivation s’en fait vers les extrémités de l’os, en conséquence de la communication des vésicules & des lobes, & elle suinte à travers les pores du cartilage, dont les extrémités des os articulés sont couverts, dans la cavité des jointures, & en facilite le mouvement. Ou cette huile subtile & atténuée entre dans les petites veines, en est absorbée, & se mêle avec le sang. Ainsi, dans certaines maladies aiguës, nous voyons quelquefois toute la graisse du corps entierement consumée en peu de jours. Ou enfin, cette huile médullaire se disperse dans la substance des os, & procure à leurs parties le degré de cohésion, & au tout le degré d’onctuosité qui convient.

Les pores transversaux dont les os sont composés donnent issue à l’huile médullaire, les pores longitudinaux la répandent entre les lames des os, & c’est par leur moyen que les interstices que ces lames laissent entr’elles en sont lubrifiés. Cependant cette distribution de l’huile médullaire dans la substance des os n’a lieu que dans les endroits où les lames osseuses sont contiguës les unes aux autres ; car aux environs des jointures où elles laissent entr’elles une distance considérable, il y a des vésicules médullaires à l’aide desquelles l’huile se distribue facilement.

Sécrétion de la moëlle. Mais d’où provient cette huile-médullaire qui se distribue dans la substance offense, & comment se forme-t-elle ?

Si on mêle de l’esprit de nitre avec de l’huile d’olives, on a un composé qui ressemble à la moelle, & qui se fond sur le feu : si on laisse ces deux matieres en digestion durant quelques jours, la partie fluide s’exhale, & il reste une masse plus solide. Ne pensons pourtant pas avec quelques Chimistes que la moëlle ait une origine semblable, car il n’y a point dans le sang des esprits nitreux développés comme ceux dont on se sert dans cette opération. Un tout autre méchanisme produit la moëlle, & c’est du sang artériel que s’en fait la secrétion par un grand nombre de vaisseaux.

Il faut d’abord remarquer que le périoste intérieur des os qui enduit & couvre les cavités qui contiennent la moëlle, distribue les vaisseaux artériels aux vésicules médullaires, & reçoit un nombre incroyable de vaisseaux veineux, tant grands que petits.

Les arteres qui passent dans la moëlle sont différentes de celles qui portent les humeurs vitales dans la substance des os. Lorsqu’une artere de cette nature est parvenue dans la cavité de l’os, elle se divise communément en deux ramifications, dont il part un nombre infini de petites ramifications qui vont aux vésicules médullaires.

L’on découvre par le moyen du microscope, un grand nombre de petits vaisseaux sanguins disposés dans la plus petite vésicule médullaire. De plus, les injections de Ruysch nous ont démontré qu’il y a de tels vaisseaux répandus dans toute la masse de la moëlle ; d’où il suit vraissemblablement que le même méchanisme regne dans toutes les vésicules qui forment cette masse.

Après que la secrétion de l’huile est faite, le reste du sang passe dans de petites veines qui forment en se réunissant, des troncs plus considérables, & ces troncs se terminent enfin en une veine qui sort ordinairement par le même trou qui a servi d’entrée à l’artere. Les petites veines qui partent de la moëlle, & entrent dans la substance des os, s’y évanouissent. Peut-être que ces veines rapportent le sang transmis à la moëlle par les arteres pour sa nutrition ; car c’est une économie remarquable presque dans toutes les parties du corps, que la nature y a donné aux veines & aux arteres un double emploi ; l’un, par lequel se fait la secrétion d’un fluide ; & l’autre, par lequel se fait la nutrition & l’entretien de la partie.

Les parties dont il s’agit, de blanches & transparentes qu’elles étoient, devenant rouges par l’injection, prouvent ce grand nombre de petits vaisseaux dont nous avons parlé, & conséquemment quantité de vaisseaux lymphatiques. Comme il est démontré que toutes les cavités du corps, grandes ou petites, sont humectées par une liqueur subtile qui s’exhale, il n’est pas moins nécessaire qu’il y ait dans ces parties de petites veines absorbantes. Il y a encore un grand nombre de filamens nerveux, distribués aux vésicules membraneuses.

En outre, la moëlle est environnée d’une membrane qui sert comme de périoste aux os intérieurement. Cette membrane est très fine, transparente comme le verre, & formée par les tuniques des arteres. Elle est adhérente aux os, 1o. par des petits vaisseaux ; 2o. par les petits prolongemens qu’elle envoie dans les pores osseux.

L’usage de ce périoste interne est non-seulement de distribuer des vaisseaux artériels dans les vésicules médullaires, & de recevoir à leur retour des vésicules médullaires, les vaisseaux veineux, mais encore de faciliter l’accroissement & la nutrition des os, par le moyen de ces vaisseaux qui entrent dans leur substance, & en sortent.

Rien donc n’est plus merveilleux que la structure des vaisseaux qui contiennent la moëlle & l’huile médullaire. On remarque d’abord la cavité des os traversée par une infinité de petits filets qui forment un réseau. Dans les aires de ce réseau s’insinue une membrane qui forme une infinité de vésicules semblables à une grappe de raisin, dans lesquelles les vaisseaux sanguins déposent une substance huileuse. Tous ces petits filets semblent destinés à soutenir les vésicules, qui dans les sauts tomberoient sans leur appui. Les animaux qui sautent, suivant les observations de Nieuventyt, ont beaucoup de ces filets ; mais ceux qui ne sont sujets qu’à des mouvemens peu rapides, comme le bœuf, ont des cavités inégales dans leurs os, qui soutiennent la moëlle.

Abondance de la moëlle & du suc médullaire. On ne peut douter que l’huile médullaire distribuée entre les lames des os, ne transpire continuellement en grande abondance. Si l’on fait bouillir des os de bœuf, on verra combien est grande l’abondance de cette huile médullaire logée dans les parties caverneuses des os ; si l’on broye, ou si l’on bat avec un marteau l’extrémité des os, après qu’on en aura ôté toute la moëlle, on verra sortir une grande quantité de cette huile médullaire. C’est encore la raison pour laquelle certains os font un si bon feu. Par la même cause, les squelettes les mieux préparés deviennent jaunes.

C’est en effet le plus grand obstacle qu’on trouve lorsqu’on veut blanchir les os, & en faire un squelette ; car, si l’on n’a soin de les percer par un bout, & d’en tirer entierement la moëlle ; si l’on n’y seringue plusieurs fois des eaux propres à emporter cette matiere onctueuse, on voit dans quelque tems, qu’un os qui paroissoit blanc d’abord, devient extrèmement jaune ensuite ; parce qu’à la moindre chaleur l’huile médullaire qui y est restée, transude naturellement, & peu-à-peu des lames internes vers les lames externes.

C’est aussi pour quoi les ouvriers qui emploient des os dans leurs ouvrages, ont la précaution de les scier en long, pour en ôter exactement toute la moëlle, & même le tissu spongieux, afin que la blancheur de l’os ne soit point altérée.

Sentiment dont la moëlle est susceptible. Les anciens & les modernes ont parlé avec tant d’incertitude du sentiment que peut avoir la moëlle, que M. Duverney s’est cru obligé de l’examiner avec soin. Voyant dans les hôpitaux panser ceux qui avoient un bras ou une jambe coupés, il fit toucher un peu rudement la moëlle qui étoit à découvert, & le malade aussi-tôt donna des marques d’une nouvelle douleur ; mais comme cette premiere expérience ne lui parut pas convainquante, il eut recours à une seconde qui ne lui laissa aucun sujet de doute.

Il fit scier, en présence de Mrs de l’académie des Sciences, (Mém. de l’acad. des Scienc. année 1700.) l’os de la cuisse d’un animal vivant, & ayant fait ôter les chairs & les membranes pour laisser le bout de l’os entierement à nud, après avoir laissé passer les cruelles douleurs que cette opération causoit à l’animal, il plongea un stilet dans la moëlle, & aussitôt on vit que l’animal donnoit des marques d’une très-vive douleur. Cette expérience ayant été réiterée plusieurs fois avec le même succès, il n’y a pas lieu de douter que la moëlle n’ait un sentiment très-exquis.

Mais il ne faut pas s’imaginer que ce sentiment soit dans la moëlle même, c’est-à-dire dans cette huile fine & fluide qui fait proprement la moëlle ; car la moëlle considérée de la sorte, n’est pas plus susceptible de sentiment que le sang renfermé dans les veines. Il faut donc l’attribuer aux petites vésicules membraneuses qui contiennent la moëlle, & qui seules peuvent avoir un sentiment si délicat. Donc, quand l’on dit que les moindres impressions sur la moëlle excitent des sensations douloureuses, cela ne doit s’entendre que de sa portion membraneuse qui est très-sensible, parce qu’elle est parsemée de nerfs.

Les usages de la moëlle. La moëlle & le suc moëlleux ont des usages qui leur sont communs avec la graisse, & d’autres qui leur sont particuliers.

Hippocrate & Galien ont cru que la moëlle servoit de nourriture aux os, tant parce qu’ils ne voyoient point de vaisseaux sanguins se distribuer dans le corps de l’os, que parce qu’à mesure que les os sont longs, leur cavité est plus ample & plus capable de soutenir une grande quantité de suc moëlleux pour leur nourriture.

Il faut avouer que cette opinion a quelque apparence de vérité. Cependant on ne peut l’adopter, quand l’on considere que la partie solide des os des jeunes animaux est réellement parsemée d’un grand nombre de vaisseaux sanguins ; qu’il y a plusieurs os qui sont tout-à-fait solides, & dépourvus de moëlle, comme les osselets de l’oreille, le bois des cerfs & des daims, & que cependant ces os ne laissent pas de se nourrir ; qu’il y a d’autres os qui sont creux, & qui ne sont revêtus que d’une membrane glanduleuse, comme les cavités qui se trouvent entre les deux tables de certains os du crâne, & qu’on nomme sinus. On sait aussi que les feuilles osseuses qui tiennent lieu de diploé dans le crâne de l’éléphant, sont sans moëlle, & tapissées seulement d’une membrane parsemée de plusieurs vaisseaux. Le creux des os, dont les pattes des homars & des écrevisses sont composées, est aussi sans moëlle, & n’est rempli que de muscles qui servent à leur mouvement : & cependant tous ces os ne laissent pas de se bien nourrir. On peut enfin ajouter que ce n’est pas seulement pour enfermer & conserver la moëlle, que les os sont creux ; mais que c’est principalement afin qu’ils soient moins pesans, sans être moins fermes.

Il est donc plus vraissemblable de croire que l’usage de l’huile médullaire sera de lubrifier les jointures, & de s’insinuer entre les lames des os pour entretenir la cohésion des parties terrestres des corps osseux, & faire entre elles l’office d’une espece de glu.

Cette conjecture s’appuie par les raisons suivantes.

1°. Lorsque cette huile médullaire vient à manquer, par la vieillesse ou les maladies qui l’ont épuisée, ce mouvement des jointures devient plus rude & plus pénible ; & les os privés de ce suc, ou abreuvés de ce suc quand il est vicié, se brisent bien plus aisément. 2°. Que les os qui font de grands mouvemens, & qui par-là pourroient trop se dessécher, sont abondamment pourvus de moëlle ou d’huile médullaire, de même que les parties où la nature a fourni plus de graisse, sont celles d’ordinaire, où les muscles ayant plus d’action, ont plus besoin d’être humectés. De-là vient qu’il y a beaucoup moins de moëlle, à proportion dans les jeunes os, qui sont tendres & flexibles. 3°. Si l’on dépouille les os de cette huile, par le moyen du feu, ils deviennent friables ; & si après les avoir calcinés par un feu violent, on les plonge dans l’huile, ils recouvrent derechef leur consistance.

On objecte contre ces raisons, que le cerf qui court avec tant de légéreté, a moins de moëlle dans les os longs que d’autres bêtes qui marchent très lentement. Mais l’on peut répondre, que, si l’exercice du cerf le prive d’une abondance de moëlle dans les os longs, l’huile médullaire qui y est répandue, ou dans les jointures, y supplée & facilite également sa course légere.

Maladies que produit la moëlle altérée. Il est aisé de concevoir que l’huile médullaire séparée du sang artériel, accumulée dans les vésicules, ou dispersée dans les parties celluleuses des os, peut être sujette à diverses maladies, car elle peut être viciée à plusieurs égards.

Il y aura maladie dans les os, lorsque les vésicules qui contiennent l’huile médullaire, seront affectées ; si la corruption de cette huile est considérable, il en résultera un grand nombre de maux. Si l’huile médullaire est en stagnation dans ses vésicules, dans ses émonctoires, ou dans les interstices des os, & s’il arrive que le mouvement & la chaleur vitale la rendent acrimonieuse, putride & sanieuse, la secrétion en sera interrompue, il y aura obstruction dans les vaisseaux qui servent à sa distribution, & dans ceux qui sont destinés à sa secrétion, & il surviendra inflammation dans ses vésicules. Il en suivra donc suppuration ou putréfaction gangreneuse, & corruption des fluides & des solides. La substance de l’os en deviendra alterée, & cette altération sera nécessairement suivie de douleurs violentes, de chaleurs, de pulsations, de tumeurs, d’abscès, & de carie. Voyez sur ces maladies, Boerhaave & son savant commentateur Van-Swieten.

Contes faux sur la moëlle. On a fait bien des contes sur la moëlle, lesquels, comme il arrive ordinairement, se sont évanouis à l’examen, & M. Duverney en a pris la peine. Il a vérifié que la moëlle ne souffroit aucun changement dans les divers aspects de la lune ; que sa qualité n’augmentoit point ou ne diminuoit point suivant le cours de cet astre, mais suivant la bonne nourriture ou le repos que prenoit l’animal ; que les os ne sont pas moins pleins de moëlle à la nouvelle qu’à la pleine lune ; que ceux des lions sont creux & remplis de moëlle, contre le sentiment d’Aristote ; enfin, que ceux du cheval ne sont point sans moëlle, contre l’opinion populaire.

La moëlle dans les animaux est liquide. La moëlle des animaux est toujours coulante & liquide, tandis qu’ils sont en vie ; si elle nous paroît avoir de la consistance après leur mort, & principalement après qu’elle est cuite, cela provient d’un côté, de l’interruption de sa circulation & du froid de l’air qui l’a congelée ; & de l’autre côté, de ce que le feu faisant évaporer ce qu’il y a de plus aqueux, donne plus de consistance au reste.

La moëlle est émolliente comme la graisse, & n’a pas d’autre qualité, ni celles des divers animaux n’ont pas plus d’efficace les unes que les autres.

Il faut lire & relire Clopton Havers sur cette matiere de Phisiologie ; son ouvrage écrit originairement en Anglois, est traduit en latin. Il a le premier découvert dans chaque articulation, des glandes particulieres, d’où sort une substance mucilagineuse, qui sert avec la moëlle que les os fournissent, à humecter, lubrifier les jointures & les parties qui y ont leur emboîtement. Il a aussi fait quelques découvertes sur le périoste, & plusieurs sur la moëlle en particulier. Mais Jacques de Marque a soutenu le premier, que la moëlle ne servoit pas à la nourriture des os, & a fait pour le prouver, un livre exprès qui est aujourd’hui fort rare, & qu’il mit au jour à Paris en 1609, in-8°. Le chevalier de Jaucourt.

Moelle des plantes ; (Botan.) c’est une substance molle, spongieuse qui se trouve au milieu de quelques arbres & autres plantes, comme dans le sureau & dans la tige de l’héliotrope. Grew pense d’après Hook, que la moëlle est un amas de plusieurs petits bouillons, dont le mouvement latéral & le mouvement perpendiculaire élevent le suc, & font croître la plante, tant en grosseur qu’en hauteur : mais cette idée ne paroît être qu’une pure hypothèse. (D. J.)

Moelle des pierres. (Hist. nat.) Voyez Medulla saxorum. On a quelquefois donné à la marne le nom de moëlle de terre.

Moelle du cerveau & du cervelet, (Anat.) est la partie blanche & molle du cerveau & du cervelet, laquelle est couverte extérieurement de la substance corticale, qui est d’une couleur plus obscure & cendrée. La moëlle du cerveau se nomme la substance médullaire. Voyez-en l’origine, la structure & l’usage, sous les articles Cerveau & Cervelet.

Moelle alongée est la partie médullaire du cerveau & du cervelet joints ensemble. La partie antérieure vient du cerveau, & la postérieure du cervelet. Elle est située sur la base du crâne, & se continue à-travers le grand trou de l’occipital, dans le canal des vertebres du cou, du dos, & des lombes ; mais il n’y a que ce qui est enfermé dans le crâne, qui retienne le nom de moëlle alongée. Après qu’elle est sortie du crâbe, elle s’appelle moëlle de l’épine. Voyez Moelle de l’épine & Jambes

La substance de la moëlle alongée n’étant que la réunion de la moëlle du cerveau & du cervelet, doit de même être purement fibreuse ou nerveuse, & un simple assemblage de petits tuyaux pour porter les esprits animaux. Elle a, pour ainsi dire, quatre racines, dont les deux plus grosses viennent du cerveau, & se nomment jambes ; & les deux moindres viennent du cervelet, & ont été nommées péduncules par Willis. Voyez Cerveau & Cervelet.

En renversant la moëlle alongée, la premiere chose qui paroît sous son tronc, est une éminence qui ressemble un peu à un anneau, & qui a été nommée par cette raison protubérance annulaire. Ensuite est l’origine des dix paires de nerfs, qui de-là vont se distribuer aux différentes parties du corps. Voyez Nerf.

Immédiatement sous la premiere paire ou sous les olfactifs, on voit deux petites arteres qui sont des branches des carotides. La seconde paire, où les optiques étant coupées, on découvre l’entonnoir, en latin infundibulum, qui se termine à la glande pituitaire, & de chaque côté les arteres carotides entrent dans le crâne. Dans les ventricules latéraux de la moëlle alongée, sont deux éminences de chaque côté. Les unes sont appellées corps cannelés, en latin corpora striata, à cause des raies ou fibres nerveuses qu’on voit en-dedans de ces éminences. Leur substance extérieure est corticale ou glanduleuse, comme le reste de la surface du cerveau, quoique non pas si profonde. Entre les corps cannelés est une production large & mince de la moëlle alongée, qui se nomme la voûte, en latin fornix ; & au-dessous des corps cannelés se voient deux autres éminences, appellées couches des nerfs optiques, en latin thalami nervorum opticorum. De chaque côté de ces éminences est un plexus de vaisseaux sanguins, appellé plexus choroïde.

Au-dessous de la voute est une ouverture étroite, appellée la fente qui s’ouvre dans l’entonnoir, lequel est un conduit qui va du troisieme ventricule à la troisieme glande pituitaire à-travers la moëlle du cerveau, & qui est tapissée de la pie-mere. Sous ce ventricule, & dans la fosse de l’os sphénoïde, nommée selle à cheval, ou selle du Turc, se trouve placée la glande pituitaire qui est environnée d’un plexus de vaisseaux, appellé réseau admirable, mais qui n’est visible que dans les brutes. Voy. Réseau, Pituitaire, &c. A la troisieme partie du troisieme ventricule est un petit trou appellé anus, qui mene au quatrieme ventricule du cervelet. A l’orifice de ce trou est fixée une petite glande, qui à raison de sa prétendue ressemblance avec une pomme de pin, est nommée glande pinéale ou conarium, & où Descartes & ses sectateurs mettent le siege de l’ame. Voyez Pinéale.

A la partie postérieure de la moëlle allongée, près du cervelet, se voient quatre éminences, dont les deux supérieures & plus grosses sont appellées nates, les deux inférieures & plus petites, testes. Voyez Nates & Testes. Entre ces éminences & les productions du cervelet, se trouve le quatrieme ventricule, appellé à cause de sa figure calamus scriptorius. Voyez Calamus. Près de l’extrémité de la moëlle alongée, il y a quatre autres éminences, deux de chaque côté, les unes appellées pyramidales, & les autres olivaires. Voyez Olivaires & Conarium.

Moelle de l’épine, ou épineuse, est une continuation de la moëlle alongée, ou partie medullaire du cerveau. Voyez Épine.

Elle est composée, de même que le cerveau, de deux parties, une blanche ou medullaire, & une cendrée ou glanduleuse ; la premiere est extérieure & la seconde intérieure. La substance de la partie extérieure est à-peu-près la même que celle de la substance médullaire, sinon-qu’elle est un peu plus ferme & plus fibreuse, & cette différence devient plus sensibles à mesure que la moëlle de l’épine descend plus bas, parce que le canal des vertebres devenant toujours plus étroit, presse davantage les fibres medullaires, les rend plus compactes, & les rassemble en faisceaux plus distincts, jusqu’à ce qu’étant descendues jusqu’au bas de l’épine, elles se terminent par la queue de cheval. La moëlle de l’épine donne naissance à la plûpart des nerfs du tronc : elle en envoie trente paires, tant aux extrémités qu’aux grandes cavités, & à d’autres parties. Ces nerfs ne sont autre chose que des faisceaux de fibres medullaires, couverts de leurs tuniques particulieres. Voyez Nerf.

On dit ordinairement que la moëlle de l’épine est couverte de quatre tuniques ; la premiere ou extérieure est un ligament fort & nerveux, qui attache les vertebres les unes aux autres, & se trouve collée à la face interne du canal des vertebres ; la seconde est une continuation de la dure-mere : elle est extrèmement forte, & sert à empêcher que la moëlle de l’épine ne soit endommagée par la flexion des vertebres ; la troisieme, qui se nomme arachnoïde, est mince & transparente, c’est elle qui fournit aux nerfs qui sortent de l’épine, leur tunique interne, comme la dure-mere leur fournit l’externe ; la quatrieme tunique est une continuation de la pie-mere, elle est extrèmement fine & transparente, & embrasse étroitement toute la substance de la moëlle, qu’elle partage exactement en deux dans sa longueur, & en fait, pour ainsi dire, deux colonnes. Voyez nos Planches anatomiques. Voyez aussi Épine, Vertebres, &c.

On voit dans l’Histoire de l’académie royale des Sciences, année 1714, un exemple d’un fœtus né sans cerveau, sans cervelle ni moëlle de l’épine du dos quoique fort bien conformé à tout autre égard. Il étoit à terme ; il a vécu deux heures, & même a donné des signes de vie, lorsqu’on lui a répandu de l’eau sur la tête en le baptisant.