L’Encyclopédie/1re édition/NAPHTE

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NAPHTE, s. m. (Hit. nat. Minéral.) en latin naphta. C’est le nom que les Naturalistes donnent à un bitume blanc, transparent, très-fluide & léger qui surnage à l’eau. Cette substance est très-inflammable, au point d’attirer le feu même à une certaine distance ; son odeur est pénétrante ; elle brûle sans laisser aucun résidu.

Il est très-rare de trouver du naphte dans cet état de pureté : la substance à qui on donne communément ce nom, est d’un jaune plus ou moins clair ; c’est-à-dire, de la couleur du succin, & alors elle ne paroît point si pure que celle qui est parfaitement blanche.

Le naphte doit son origine à des arbres résineux ensevelis sous terre, ainsi que les autres substances bitumineuses, le charbon de terre, le jais, le succin, &c. la seule différence vient de ce que la substance qui produit le naphte semble avoir été filtrée, fondue &, pour ainsi dire, distillée dans l’intérieur de la terre ; en effet, ce bitume a beaucoup de rapport avec les huiles essentielles que la Chimie tire de certaines plantes. M. Rouelle croit que le naphte le plus pur & le plus clair vient du succin ; selon ce savant chimiste, les embrasemens souterreins ne se manifestent point toujours par des effets sensibles & éclatans, ils agissent souvent paisiblement & sans produire d’éruptions dans le sein de la terre ; alors ils peuvent distiller &, pour ainsi dire, rectifier les substances bitumineuses solides qui s’y trouvent, les rendre fluides, les forcer à s’élever & à suinter au-travers des couches de la terre & des pierres-mêmes, & alors ces substances ainsi élaborées se montrent sous la forme de naphte, c’est-à-dire, d’une huile ténue & légere que l’on trouve quelquefois nageante à la surface des eaux thermales.

Cette conjecture très-vraissemblable paroît confirmée par plusieurs faits. En effet, on nous apprend que dans le voisinage d’Astrakan, pour avoir du naphte, on n’a que la peine de creuser des puits, qui ne tardent point à se remplir de ce bitume liquide. On s’en sert dans le pays au lieu d’huile pour le brûler dans les lampes, & même au lieu de bois, qui est très-rare, pour se chauffer & pour cuire les alimens. Pour cet effet, on ne fait que jetter sur l’atre des cheminées quelques poignées de terre, on les arrose de naphte auquel on met le feu ; il s’allume sur le champ ; & avec la précaution de remuer ce mélange, on parvient à cuire les viandes plus promptement qu’on ne feroit avec du bois. Il est vrai que par ce moyen toutes les maisons se trouvent remplies de noir-de-fumée & d’une odeur désagréable pour tout autre que des tartares.

A une lieue de l’endroit où sont ces puits d’où l’on tire le naphte, est un lieu appellé Baku, où le terrein brûle perpétuellement. C’est un espace qui a environ un demi-quart de lieue de tour. Le terrein n’y paroît point visiblement enflammé ; pour s’appercevoir du feu il faut y faire un trou d’un demi-pié de profondeur, & alors on n’a qu’à y présenter un bouchon de paille, il s’allumera sur le champ. Les Gaures ou Persans qui adorent le feu & qui suivent la religion de Zoroastre, viennent en cet endroit pour rendre leur culte à Dieu, qu’ils adorent sous l’emblême du feu. C’est-là le feu perpétuel de Perse ; il a cela de particulier qu’il ne répand, en brûlant, aucune odeur, & qu’il ne laisse point de cendres. Ce détail est tiré d’une lettre allemande, datée d’Astrakan le 2. de Juillet 1735, & insérée dans un ouvrage de M. Zimmermann, intitulé Académie minéralogique.

On trouve encore du naphte en plusieurs endroits de la Perse, de la Chine, de l’Italie, & sur-tout aux environs de Modene. On en trouve aussi en Allemagne & en France ; mais il n’a que rarement la limpidité & la transparence du naphte le plus pur. (—)