L’Encyclopédie/1re édition/OIGNON

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OIGNON, s. m. cepa, (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur liliacée composée de six pétales ; le pistil occupe le milieu de cette fleur, & devient dans la suite un fruit arrondi & divisé en trois loges, qui renferme des semences arrondies. Ajoutez aux caracteres de ce genre que les fleurs sont réunies en un bouquet sphérique, & que les feuilles & les tiges sont fistuleuses. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Outre les treize especes d’oignons que compte Tournefort, il s’y trouve encore d’autres variétés en couleur, en grosseur, en forme, que produit l’art de la culture. L’espece la plus commune dans nos jardins est l’oignon blanc ou rouge : cepa vulgaris, floribus & tunicis candidis, vel purpurascentibus. C. B. P. 71. I. R. H. 382.

Sa racine est bulbeuse, composée de plusieurs tuniques charnues intérieurement & membraneuses à l’extérieur ; elle est tantôt rouge, tantôt blanche ; quelquefois orbiculaire, quelquefois oblongue d’autrefois applatie, garnie à sa partie inférieure de fibres blanches, remplies d’un suc subtil & très-âcre qui fait pleurer. Ses feuilles sont longues d’un pié, fistuleuses, cylindriques, pointues, d’une saveur âcre. Sa tige est unie, droite, haute de deux ou trois coudées, renflée vers le milieu, portant à son sommet une tête de la grosseur du poing, composée de fleurs-de-lis, dont chacune a six pétales, six étamines & un pistil : ce pistil se change ensuite en un fruit arrondi, partagé en trois loges remplies de graines arrondies, anguleuses, noires. L’oignon differe de toutes les racines bulbeuses, en ce que sa racine n’en donne point d’autres. On le cultive sans cesse dans les jardins pour la cuisine.

L’oignon blanc d’Espagne, ou l’oignon doux, cepa africana, maxima, bulbà lignariâ, dulci, H. R. P. est encore une espece d’oignon qu’on cultive dans les jardins ; il est remarquable en ce que ses bulbes sont extrèmement grosses & très-douces. L’oignon blanc est apéritif, incisif & résolutif. On l’applique extérieurement pour faire mûrir les abscès.

L’échalote, cepa ascalonica, sive fissilis, I. R. H. 382, est une espece d’oignon. Sa racine est un assemblage de plusieurs bulbes unies ensemble, un peu plus grosses qu’une aveline, & portée sur un paquet de racines fibreuses ; elle a une vive saveur d’oignon, cependant agréable. Elle pousse des feuilles menues, fistuleuses, cylindriques, lisses, qui ont le même goût. On seme l’échalote dans les potagers, pour assaisonner les alimens.

La ciboule, cepa fissilis, I. R. H. 382. est une quatrieme espece d’oignon, qui ressemble par son extérieur à l’échalote, si ce n’est que toutes ses parties sont plus grandes. Il sort plusieurs bulbes grêles & alongées d’un seul paquet de racines chevelues, comme dans l’échalote, dont elles different par leur acrimonie. On la cultive dans les potagers. Elle a les mêmes qualités que l’oignon blanc & l’échalote. Son analyse nous apprend qu’elle contient un sel ammoniacal & un esprit subtil. (D. J.)

Oignon, (Jardin.) quoiqu’il y ait différentes especes d’oignons dans les jardins des curieux botanistes, les jardiniers n’en cultivent que deux ou trois especes ; savoir, l’oignon d’Espagne, cepa vulgaris floribus & tunicis candidis vel purpurascentibus, C. B. & l’oignon de Strasbourg. Celui d’Espagne a la racine grosse & douce ; l’oignon de Strasbourg est plus amer, & se garde plus long-tems : l’un & l’autre n’ont aucune différence dans leur culture ; mais il faut observer que leurs variétés ne sont pas durables : car si vous semez des graines de l’oignon d’Espagne, vous aurez un mélange d’oignon rouge parmi. L’oignon de Strasbourg ne conserve pas mieux sa nature ; car il s’applatit insensiblement. La même chose arrive aux oignons de Portugal dans nos climats ; au bout d’un ou deux ans ils dégénerent au point, qu’on ne reconnoît plus leur origine.

L’oignon quel qu’il soit vient de graine, & veut une terre neuve. Cette graine se jette à plein champ un peu à claire voie ; puis on la couvre de terre avec le rateau. On ôte avec soin toutes les mauvaises herbes ; on éclaircit aussi les oignons, afin que ceux qui restent viennent plus beaux ; & lorsqu’ils ont acquis une belle grosseur, on en foule les montans ; quand leurs tiges sont fanées. on tire l’oignon de terre en coupant l’extrémité de la tige ; on les fait sécher dans un terrein bien sec, observant de les tourner chaque jour, pour les empêcher de pousser de nouvelles racines, ce qu’ils ne manqueroient pas de faire sur-tout dans un tems humide ; on finit par ôter toute la terre qui les entoure, & on met ensemble dans un grenier de la maison tous ceux qui sont bien sains, sans les trop presser les uns contre les autres. Plus on les garantit de l’air, & plus on les conserve.

Il est inutile d’entrer dans de plus grands détails sur une plante si commune ; cependant elle a mérité l’attention de Miller ; & ses préceptes sont bien supérieurs à ceux de nos auteurs qui se sont attachés à indiquer la culture de cette plante potagere. (D. J.)

Oignon, (Chim. Diet. & Mat. médic.) l’oignon rouge & l’oignon blanc ; le principe vif & très-volatil qui nage dans le suc aqueux de l’oignon, & qui se répand au loin dès qu’on vient à le couper ou le piquer, & cela sans le secours du moindre feu artificiel ; la nature de ce principe, dis-je, n’a pas encore été déterminée par les chimistes. Il est certain seulement que ce n’est point de l’alkali volatil, & que Boerhaave & quelques chimistes plus modernes se sont trompés en le croyant du même genre que l’alkali spontané des plantes cruciferes de Tournefort. Il est manifeste encore que ce principe est beaucoup plus mobile que l’alkali volatil qui se trouve dans ces dernieres plantes dans l’état le plus concentré.

La racine ou le bulbe de l’oignon porte par excellence le nom de toute la plante. C’est dans cette partie que réside principalement le principe dont nous venons de parler : elle est encore la seule qui soit employée comme aliment & comme remede.

L’oignon est d’autant plus doux, c’est-à-dire dépourvu de ce principe actif & volatil, qu’il croît dans des pays plus chauds. L’oignon cultivé en Languedoc ou en Provence differe si fort à cet égard de la même espece cultivée aux environs de Paris, que le piquant de ces derniers est un objet absolument nouveau pour les habitans des premieres provinces. Un paysan languedocien qui a mangé fort communément dans son pays un ou deux gros oignons cruds, ne sauroit manger sans répugnance ou sans effort une seule feuille de ceux de Paris. La même différence s’observe dans la même proportion entre les oignons de Languedoc & ceux d’Espagne, de l’île Minorque, &c. On peut couper ces derniers extrèmement près du nez & des yeux, sans qu’ils picotent ces organes d’une façon incommode. J’ai observé encore que la qualité malfaisante de l’oignon crud, dont nous allons parler dans un instant, étoit aussi directement proportionnelle à l’abondance & à la vivacité de ce principe ; en sorte que l’oignon qui en est presque absolument privé, n’est plus qu’un aliment plein d’une eau douce, d’un goût agréable, relevé par un parfum léger ; & que les oignons d’Egypte étant vraissemblablement dans ce degré extrème de perfection, il n’est pas étonnant que les Juifs qui abandonnerent ce pays, en aient tant regretté cette précieuse production.

Cette mauvaise qualité de l’oignon crud de notre pays, dont nous parlions tout-à-l’heure, est de causer l’assoupissement & le vertige aux personnes qui ne sont pas accoutumées à cet aliment, de ne subir qu’une digestion longue & pénible, & enfin de causer des vents & des rapports fort dégoûtans. Les paysans sur tout dans les pays chauds, & pendant les plus grandes chaleurs de l’été, mangent beaucoup d’oignons cruds, qu’ils assaisonnent avec beaucoup plus de sel qu’aucun autre aliment que je connoisse. Cette nourriture convient aux organes de ces hommes robustes, & aide à les soutenir dans leurs travaux pénibles ; elle les défend utilement sur-tout contre le relâchement qu’opéreroit sur leur corps la chaleur du climat & de la saison. Voyez Climat, Médecine.

Par les raisons du contraire, un pareil aliment est inutile, & peut même être nuisible aux tempéramens plus délicats, & sur-tout à ceux qui ont les nerfs sensibles, & qui sont facilement échauffés.

L’oignon cuit sous la cendre, soit à l’eau, soit dans les potages, ou avec le jus des viandes, qui a été absolument dépouillé dans cette opération, de son principe volatil, & dont le suc a peut-être reçu d’ailleurs une élaboration utile ; l’oignon cuit, dis-je, est au contraire un aliment très-sain qui se digere facilement, qui peut même, si l’on veut, être regardé comme adoucissant, pectoral, &c.

Quant aux usages médicinaux de l’oignon, le suc récent de l’oignon crud est compté parmi les diurétiques les plus puissans. L’infusion de l’oignon dans le vin blanc est aussi recommandée pour la même vertu. Il est fort singulier que Chomel, qui vante ce remede, exige, comme une circonstance essentielle, qu’il soit pris les trois derniers jours de la lune, & que Geoffroi rapporte cette prétention sans la réfuter.

La qualité anti-pestilentielle attribuée à l’oignon par le peuple, & par quelques médecins, n’est rien moins que démontrée.

L’oignon crud est encore vanté pour faire revenir les cheveux ; autre qualité peu éprouvée. On applique aussi extérieurement l’oignon crud & pilé sur la tête, pour en calmer les douleurs opiniâtres, sur les œdemes, qu’il guérit quelquefois en excitant les urines, & sur le ventre dans l’ascite & la leucophlegmatie, qu’il dissipe par la même voie : ce sont encore-là des vertus célébrées dans les livres, & trop peu confirmées par l’expérience.

L’oignon cuit & réduit en forme de cataplasme, est un très-bon émollient & résolutif. Cette derniere propriété est prouvée par une expérience journaliere.

L’échalote & la ciboule sont fort analogues à l’oignon. La premiere de ces racines l’est cependant encore davantage à l’ail. Voyez Ail. Ce que nous avons dit de l’oignon crud convient presque absolument à la derniere. (b)

Oignon marin, (Mat. médic.) Voyez Scille.

Oignon musqué, (Botan.) genre de plante, connu des Botanistes sous le nom de muscari. Voyez Muscari, Botan.

Oignon, terme de Chirurgie vulgaire, est une dureté qui vient au pié à la base du gros orteil : c’est une espece de cors. Lorsque sa racine est simplement dans la peau, il n’est que cutané : quelquefois ses racines vont jusqu’aux ligamens & au périoste.

Ces oignons sont quelquefois fort douloureux, s’enflamment & suppurent. J’ai vû un amas de synovie sous l’enveloppe calleuse d’un oignon : le malade a guéri par l’usage de l’esprit de térébenthine introduit dans la plaie.

Les oignons sont en général plus incommodes que dangereux : on les diminue en les coupant, après avoir fait tremper le pié dans le bain tiede ; il ne faut pas aller trop au vif de crainte d’accident ; par une longue macération réitérée, on parvient à les détacher sans se servir d’instrument tranchant.

Le meilleur topique est le galbanum ou la gomme ammoniaque amollie dans le vinaigre & appliqués en forme d’emplâtre. Voyez ce que nous avons dit au mot Cor. (Y)