L’Encyclopédie/1re édition/ORTHOPNÉE

La bibliothèque libre.
◄  ORTHON
ORTHOSIADE  ►

ORTHOPNÉE, s. f. (Médec.) respiration courte, laborieuse, bruyante, laquelle ne se peut faire que la tête & le thorax élevés. Ces attaques sont différentes les unes des autres & périodiques.

Le mot orthopnœa, ὀρθόπνοια, orthopnée, vient de ὀρθός, droit ou élevé, & de πνέω, respirer ; en effet, c’est une maladie dans laquelle on est obligé d’avoir le cou dans une situation droite & élevé pour respirer. La nécessité de cette posture vient de la grande difficulté de la respiration : dans toute autre situation, le malade risqueroit d’être suffoqué.

Cette difficulté de respirer a pour cause ordinaire l’étroitesse des poumons & de leurs vaisseaux, occasionnée par une inflammation, ou par quelque humeur contenue dans les cavités de ce viscere. Galien dit, comm. II. in Proreht. qu’Hippocrate & tous les autres Médecins entendent par l’orthopnée, cette espece de dyspnée dans laquelle les malades se sentent suffoqués, lorsqu’ils sont couchés à plat, & ne peuvent toutefois se tenir la poitrine élevée, sans avoir quelque appui sous leur dos. La trachée artere, continue-t-il, qui commence au larynx, & qui se distribue dans les poumons, se dilate ainsi que le cou, lorsque la poitrine est dans une posture elevée. Toutes ses branches dispersées dans la substance des poumons, partagent en même tems cette dilatation, & la capacité intérieure de ce viscere en est nécessairement augmentée.

De-là vient qu’il y a dans la péripneumonie, & dans toutes les affections nommées asthmatiques, une orthopnée. Elle arrive aussi nécessairement dans l’esquinancie violente, & lorsque les muscles internes du larynx, étant enflammés, gênent le passage de la respiration. Dans cette maladie, l’étroitesse des parties étant augmentée par la situation horisontale, la respiration se fait avec plus de peine.

Galien expliquant, comm. IV. in lib. de ratione vict. in acut. ce qu’Hippocrate entend par orthopnée seche, dit que c’est une sorte de dyspnée dans laquelle le malade ne tousse ni ne crache, mais respire avec tant de peine, qu’il risqueroit d’être suffoqué s’il étoit couché horisontalement. Nous lisons, lib. VII. Epid. que la sœur d’Harpalide, grosse de quatre ou cinq mois, fut tourmentée d’une toux seche, d’une orthopnée, & de tems à autre d’une suffocation si dangereuse, qu’elle étoit obligée de se tenir toûjours assise sur son lit, & de dormir dans cette posture ; que cette indisposition dura environ deux mois, au bout desquels elle guérit par des crachats d’une grande quantité de matiere cuite & blanchâtre ; & qu’elle fut dans la suite heureusement délivrée d’une fille.

L’orthopnée peut naître de toute maladie capable d’affecter quelque partie de la poitrine, sur-tout le cœur, les grosses arteres, & les poumons. Entre ces maladies, on peut compter l’inflammation du poumon, les tubercules, les vomiques, les différentes matieres polypeuses, plâtreuses, pituiteuses, purulentes, toute tumeur inflammatoire, érésipélateuse, suppurante, skirrheuse, dans le larynx, dans les poumons, dans la poitrine, l’adhérence des poumons avec la plevre, &c. Ces causes notables se manifestent seulement dans la dissection des cadavres ; on tâchera néanmoins pendant la vie d’adoucir les maux de ce genre, dont l’orthopnée résulte infailliblement.

Il arrive quelquefois que dans les maladies aiguës, putrides, varioleuses, scarlatines, l’orthopnée annonce une crise ; alors il faut aider la respiration par la saignée, par une abondante boisson antiphlogistique, par la dérivation de la matiere qui lese la respiration.

L’orthopnée qui procede d’une surabondance d’humeurs visqueuses, pituiteuses, cacochymes, scorbutiques, &c. exige l’évacuation de ces humeurs, & leur correction par les résineux, les balsamiques, & les pectoraux appropriés.

Quand l’orthopnée vient par métastase dans le rhumatisme, la goutte arthritique, les maladies de la peau, la suppression de quelqu’humeur morbifique, il s’agit de procurer la dérivation aux parties ordinaires, ou former des émonctoires artificiels.

L’orthopnée qui doit sa naissance à la sympathie dans les maux de nerfs, dans la passion hystérique & hypocondriaque, requiert qu’on appaise les spasmes, & qu’on facilite la respiration par les anodins, les nervins, & les adoucissans. (D. J.)