L’Encyclopédie/1re édition/PATHOLOGIE

La bibliothèque libre.
PATHOS  ►

PATHOLOGIE, s. f. (Méd. Pathol.) ce mot signifie littéralement discours sur la maladie ; il est dérivé du grec, composé de παθος, maladie, affection, & λογος, discours. On a donné ce nom à cette partie de la medecine théorique, dont l’objet particulier est l’état malade. Dans cet état les pathologistes distinguent trois choses, la maladie proprement dite, la cause, & le symptome ; c’est sur cette distinction que porte la division générale de la pathologie en nosologie, aitiologie & symptomatologie ; l’étymologie de ces mots indique assez leur usage & leur signification. Voyez ces articles.

Si moins attachés aux discussions frivoles des mots, on examine avec plus d’attention les choses, on s’appercevra que la nosologie & la symptomatologie ne doivent pas être distinguées, parce que la maladie la plus simple n’est qu’un symptome, & celle qui est composée n’est qu’un concours de symptomes. Voyez Maladie, Symptome. C’est une absurdité que de prétendre considérer & définir la maladie dépouillée de ses symptomes : cette abstraction métaphysique, absolument déplacée dans les sciences de faits, ne serviroit qu’à obscurcir la connoissance des maladies en éloignant les phénomenes qui les caractérisent, & la rendroit incertaine en la pliant aux loix variables de théorie : donnons un exemple pour rendre plus sensible le ridicule d’une pareille méthode. On propose de définir une pleurésie, & d’en déterminer le caractere ; que mettant à part tous les symptomes, on essaie de donner une définition pathologique, c’est-à-dire, empruntée des causes ; pourra-t-on se conformer ici aux premieres regles de logique qui exigent que la définition tirée des qualités sensibles, connues bien averées, répande de la clarté sur le sujet qu’on définit. La cause de la pleurésie ayant lieu dans l’intérieur de la machine, dérobée aux témoignages des sens, est une matiere de discorde parmi les pathologistes. Ils ne sont pas encore venus à-bout de décider en quoi consistoit le vice qui détermine les symptomes de la pleurésie, s’il affecte les vaisseaux ou le sang ; chacun a là-dessus un sentiment plus ou moins éloigné du vrai, tot capita, tot sensus, ils ne sont pas même d’accord sur le siege de cette maladie : ainsi semblables aux constructeurs de la tour de Babel, qui parloient différentes langues, ces médecins définiront chacun cette maladie suivant l’idée qu’ils se sont faite de la cause & de son siege ; l’un dira la pleurésie est une maladie qui consiste dans l’obstruction des vaisseaux du poumon, produite par un sang tendant à la putréfaction : l’autre, que son caractere doit se tirer de la disproportion qui se trouve entre le diametre de ces vaisseaux & la masse des humeurs ; an troisieme prétendra que la pleurésie n’est que l’augmentation de la fermentation du sang dans les vaisseaux de la plevre ou du poumon ; un quatrieme soutiendra, que le vice caractéristique est l’hérence du sang dans les vaisseaux de la plevre, qui entoure & revêt intérieurement les côtes ; un cinquieme placera cette hérence dans les muscles intercostaux ; un autre dans la membrane externe du poumon, &. ainsi tous donneront leurs idées pour caractere de cette maladie ; après avoir long-tems disputé sans s’entendre pour soutenir leurs sentimens, ils réussiront à détruire les systèmes de leurs adversaires sans venir à-bout d’affermir sur leurs ruines les fondemens de leur doctrine ; tous enfin auront raison, parce que tous auront eu tort. Qu’on juge sur cet exemple que nous pourrions généraliser, quelles lumieres, quelle solidité, quels avantages tireroit la pathologie de ces principes s’ils étoient adoptés ; & combien l’histoire des maladies dressée en conséquence seroit simple, juste & conforme à la réalité ; mais parlons sérieusement, & opposons à ces inconvéniens les avantages des définitions symptomatiques, qu’on appelle aussi pratiques, parce qu’elles servent seules au praticien ; nous allons voir à l’instant tous ces théoristes animés d’intérêts différens, & parlant divers idiomes, se réunir au lit du malade. Lorsqu’il sera question de déterminer les symptomes essentiels de la pleurésie, ils vous diront tous que cette maladie est formée par l’ensemble des symptomes suivans : une fievre aiguë, difficulté de respirer, toux & poing de côté : à ce portrait personne ne méconnoîtra la pleurésie, parce qu’il est formé sur des traits que tout le monde peut appercevoir, & qu’on observe en effet dans toutes les pleurésies. C’est ainsi qu’on doit traiter la pathologie ; c’est ainsi qu’elle étoit enseignée par Thémison, le chef des méthodistes, par Théssalus, Cælius Aurelianus, auteur célebre par l’exactitude de ses descriptions & la bonté de ses diagnostics ; c’est sur le même plan qu’est travaillée l’excellente pathologie méthodique de M. de Sauvages, professeur fameux de l’université de Montpellier, & que sont disposées ses classes de maladies. Voyez Maladies.

En réunissant la nosologie & la symptomatologie, les pathologistes ne devroient pas en distinguer la seméiotique ; elle est renfermée nécessairement dans ces deux parties : la séméiotique de la santé ne doit point être séparée de la physiologie ; & celle qui traite des signes généraux de l’état malade doit être traitée par le détail qu’on fait des symptomes dans la pathologie, parce qu’en fait de maladie, comme en santé, tout symptome devient signe aux yeux du médecin éclairé ; il sait par ces phénomenes apparens pénétrer dans l’intérieur du corps, & y découvrir les dérangemens plus cachés ; il paroît ainsi très-naturel, après qu’on a exposé quelques symptomes généraux, de montrer tout-de-suite quel parti on peut en tirer pour le diagnostic ou le prognostic des maladies. Cette application fixe & occupe plus agréablement l’esprit de l’étudiant, que la sécheresse des questions pathologiques isolées ne peut manquer de rebuter.

Nous n’entrons ici dans aucun détail sur la classification des maladies, sur les divisions ultérieures des causes & des symptomes. Voyez Nosologie, Ætiologie, Symptomatologie, & sur-tout l’article Maladie, où cette matiere est discutée à fond. Les auteurs qui ont écrit sur la pathologie sont Galien, les Arabes, qui l’ont farcie de beaucoup de mots & d’idées inintelligibles : Fernel, Sennert, Riviere, Gorter, Hoffman, Wedelius, Boerhaave, Nenter, Juncker, de Sauvages, Fizes, Lacaze. &c.