L’Encyclopédie/1re édition/PESTILENTIEL

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PESTILENTIEL, adj. (Médecine.) se dit en Médecine des maladies, de l’air & des alimens ; on dit un air pestilentiel, un aliment empesté.

La maladie pestilentielle est une maladie épidémique, dont il meure plus de monde qu’il n’en réchappe, & dont les malades meurent plus promptement que dans les maladies épidémiques ordinaires, les signes propres & caractéristiques de la maladie ou fievre pestilentielle ou de la pestilence sont ; 1° l’épidémie ; 2°. la mortalité ; 3°, les accidens, tels que les bubons, les charbons, le pourpre, la mollesse, l’abattement de tout le corps ; 4°. la cause qui gît dans le vice de l’air & des alimens.

Ce sont ces quatre conditions, l’épidémicité, la mortalité, la qualité des accidens, & la cause commune qui constituent le caractere des maladies pestilentielles ; ces quatre conditions se rencontrent souvent dans les fievres malignes, dans les fievres continues à redoublement, dans les péripneumonies, dans les pleurésies, les dyssenteries, les petites véroles, &c. & alors ces maladies sont pestilentielles.

Les maladies pestilentielles different de la peste, en ce que l’épidémie est plus genérale dans celle-ci ; 2°. en ce que la mortalité y est aussi plus grande ; 4°. en ce que les accidens sont plus violens dans la peste, & enfin la cause de la peste est différente ; car elle est produite par une infection particuliere. Voyez Peste.

La cause de la fievre pestilentielle, est une cause épidémique & souvent sporadique, jointe à une cause particuliere qui est l’infection ; c’est ainsi qu’une fievre maligne simple qui attaquera différens habitans d’une ville, deviendra sporadique, & souvent épidémique ; & si l’infection particuliere, soit de l’air, soit des alimens, se joint à cette fievre maligne, elle sera pestilentielle ; c’est ainsi que la pestilence accompagne la fievre continue à redoublement, la pleurésie, les dyssenteries, les péripneumonies, la petite vérole, la rougeole & le pourpre.

La peste au contraire, est toujours causée par la seule infection particuliere sans cause sporadique : les symptômes de la fievre pestilentielle sont, 1°. l’abattement des forces, d’où dépendent le défaut de la respiration, la foiblesse, l’intermittence & l’intercadence du pouls.

2°. Des nausées, des cardialgies, des vomissemens, par le vice de l’estomac où les oscillations pêchent, & où les bouillons même s’aigrissent ou se corrompent.

3°. Des urines troubles & grasses, où l’huile est comme par floccons, par la laxité des tuyaux secrétoires des reins.

4°. Des sueurs colliquatives, aigres, grasses & fétides par la même cause.

5°. Des bubons aux aines ou aux aisselles, des charbons, des lanieres de pourpre, noires ou violettes, ou bleues ; l’âcreté des humeurs & leur épaississement produisent ces différens accidens. Voyez Bubons.

6°. La gangrene seche & la mollesse des membres après la mort. Voyez Gangrene seche.

7°. Des déjections sanglantes par les selles, des excrétions de sang, par les urines & par la sueur.

Prognostic. La fievre pestilentielle est très-funeste ; en effet, on n’en connoît point le caractere, on ne peut y employer les remedes ordinaires aux autres maladies, sans une crainte infinie & un ménagement inconcevable. Le prognostic n’est d’ailleurs que trop vérifié, par l’expérience funeste que nous donne le nombre de malades qui périssent de cette maladie ; cependant le prognostic varie selon le degré de la pestilence, selon le nombre & la violence des symptômes, selon le dénaturement du sang, selon que la maladie sporadique domine sur la pestilence, ou que la pestilence prend le dessus sur la maladie sporadique.

Voici ce qui doit régler le pronostic :

1°. Plus l’épidémie est grande, plus il y a des malades attaqués en même tems, plus la pestilence est à craindre.

2°. Plus la mortalité est grande, & plus le danger est grand.

3°. La violence & le nombre des accidens, la gangrene des parties extérieures, l’intermittence & l’intercadence suivies dans le pouls, sont des signes très-dangereux.

Curation. La pestilence ou la fievre pestilentielle est très-difficile à traiter ; elle présente cependant deux indications, celle de la maladie sporadique ou de l’épidemie, & celle de la pestilence. Le sentiment des médecins est partagé sur l’administration de la saignée & de la purgation : mais si nous distinguons nos chefs d’indications & différens degrés dans la maladie, nous verrons que l’on peut saigner dans ces maladies, mais moins que dans les maladies inflammatoires ordinaires ; il en sera de même de la purgation. D’ailleurs quoique les cordiaux soient conseillés par le plus grand nombre, il est cependant prouvé par l’expérience qu’ils nuisent fort souvent, & qu’il périt plus de personnes par les cordiaux que par l’usage des autres remedes ; nous sommes donc de l’avis suivant :

1°. On saignera, s’il y a inflammation, comme péripneumonie, pleurésie, &c. s’il y a douleur locale, ou effervescence considérable dans le sang ; si le pouls est plein, fort & tendu ; mais comme il y a pestilence, on saignera de façon que l’on modérera le nombre & la quantité des saignées : hors ces cas, on ne doit point saigner du tout.

2°. On purgera pour vuider les premieres voies pour détourner le venin sur le bas-ventre, & le jetter par les selles ; on employera les purgatifs, & même l’émétique ; on tiendra le ventre libre en donnant de tems à autre des cathartiques ; mais la foiblesse contrindique ces remedes : & il faut remarquer qu’elle augmente assez souvent par la saignée & les purgatifs, au lieu qu’elle diminue dans les autres maladies. Ceci mérite une attention singuliere.

Le remede contre cette foiblesse est l’antidote ou le spécifique propre contre la pestilence ; mais quel est ce spécifique ? c’est ce qu’on cherche depuis long-tems sans le trouver. Les quatre alexipharmaques, les confections d’alkermès & d’hyacinthe, la thériaque & l’orviétan ; les esprits volatils tirés des animaux ; les cordiaux acides sont mêlés avec les précédens, ou donnés séparément, on remarque en général qu’ils ne causent pas une si grande dissolution du sang ; ainsi on peut employer en même-tems que les remedes généraux, la potion suivante.

Potion antipestilentielle. Prenez des eaux de chardon béni ; de reine des prés & d’angélique, de chaque deux onces ; d’eau thériacale de baudron ; de vinaigre thériacal ; de l’esprit de citron, de chaque cinq gros ; de sirop d’œillet, une once : faites une potion du tout dont on donnera par cueillerée, pour soutenir le pouls & procurer une douce moiteur.

On peut employer la thériaque, la poudre de vipere, l’antidote de Tichobrahé. Voyez ces articles.

Enfin, on applique les vésicatoires & les ventouses.

Quant aux amulettes, voyez Amulettes.

Le régime doit être proportionné à l’état du mal ; il doit être analeptique, restaurant & soutenu par les antiputrides. Voyez Peste.