L’Encyclopédie/1re édition/POLIGNY

La bibliothèque libre.
◄  POLIGNANO

POLIGNY, (Géog. mod.) petite ville de France, dans la Franche-Comté, chef-lieu d’un bailliage de même nom sur un ruisseau qui va se perdre dans le Doux, à 6 lieues au sud-ouest de Salins, & à douze de Besançon. Elle est jolie, & composée d’environ 3000 habitans. Il y a une collégiale exempte de la jurisdiction archiépiscopale, une maison des PP. de l’Oratoire, quatre couvens d’hommes, & un d’Ursulines.

Poligny est appellé Polemniacum dans le partage de Lothaire, entre Louis le germanique & Charles le chauve en l’année 870. Dans le siecle suivant, il est nommé Poliniacum ; c’est un lieu ancien qui étoit situé dans le pays de Warasche, pagus Warascus, ainsi nommé des peuples Warasci, qui faisoient partie des Séquaniens, & étoient établis sur le Doux des deux côtés de la riviere. Long. de Poligny, 23. 21. latit. 46. 50.

Oucin (Gad de) dominicain, poëte & écrivain du quatorzieme siecle, étoit de Poligny, & traduisit en vers françois la consolation philosophique de Boëce en 1336 ; traduction que divers écrivains de nos jours attribuent, je crois, mal-à-propos à un autre dominicain du même tems nommé frere Regnault de Louens, poëte inconnu à Fauchet, la Croix du Maine, du Verdier, Sorel, Goujet, & autres bibliothéquaires françois.

C’est par une assez plaisante équivoque que les PP. Quetif & Echard, les plus récens bibliographes des écrivains de leur ordre de S. Dominique, ont fait Gad de Oucin polonois, au lieu de françois & bourguignon. F. Gad de Oucin, disent-ils, natione polonus, nostris nomenclatoribus hactenùs incognitus, hoc eodem anno M. CCC. XXXVI. in Galliis agebat. Parisios forte de more pro ratione provinciæ suæ missus ad Gymnasium san-jacobeum, linguam gallicam, qualem tunc loquebantur, familiarem sibi fecit ; & cela en conséquence de ces vers qu’ils ont lûs à la fin d’un ouvrage qu’ils lui attribuent :

Fut cil romans à Poloignie
Dont li freres s’est pourloignie,
Qui le romans en rime a mis,
Dieu gart au frere ses amis.

Or ce Pouloignie pris pour la Pologne par les PP. Quetif & Echard, n’est autre chose que la petite ville de Poligny en Franche-Comté. Cette bévue est d’autant plus surprenante de la part de ces deux habiles bibliographes, qu’ils n’ignoroient point avoir une maison ou un couvent de leur ordre à Poligny, domus polinianensis, & qu’ils en ont fait eux-mêmes mention deux ou trois fois dans leurs écrits ; c’est d’ailleurs ce qu’ils auroient appris de Borel & de du Verdier, qui ayant vû le Boëce en manuscrit, dit qu’il est d’un moine de Poligny, & en copie ses six vers de la fin.

L’an mil trois cens six avec trente,
Le derrain jour de Mai prenez,
Si sçaurez quand à fin menez
Fut ce roman à Poligny.
Donc le frere est de Poligny,
Qui ce romans en rime a mis.

Au reste, la tradition en vers françois de Boëce, par le frere Oucin, n’est pas la premiere, car elle avoit été précédée de tout un siecle par celle qu’avoit faite de cet ouvrage Jean de Meun, surnommé Clopinel, parce qu’il clopinoit ou boitoit, mais plus connu encore par sa continuation du fameux roman de la Rose commencé par Guillaume de Lorris ; il dédia sa traduction de la consolation philosophique de Boëce à Philippe le Bel, en ces termes : « A ta royale majesté..... jaçoit ce que entendes bien le latin, » &c. (Le Chevalier de Jaucourt.)