L’Encyclopédie/1re édition/PRONONCIATION

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PRONONCIATION, (Littérature.) c’est, selon tous les Rhéteurs, la cinquieme & derniere partie de la Rhétorique, & celle qui enseigne à l’orateur à régler & à varier sa voix & son geste d’une maniere décente & convenable au sujet qu’il traite, & au discours qu’il débite ; en sorte que ce qu’il dit produise sur l’auditeur le plus d’impression qu’il est possible. Voyez Rhétorique.

La prononciation est une qualité si importante à l’orateur, que Démosthène ne faisoit pas difficulté de l’appeller la premiere, la seconde & la troisieme partie de l’éloquence, & on la nomme ordinairement l’éloquence extérieure. Voyez Action.

Quintilien définit la prononciation, vocis & vultûs & corporis moderatio cum venustate, c’est-à-dire, l’art de conduire d’une maniere agréable, & tout-à-la-fois convenable, sa voix, son geste & l’action de tout son corps. Voyez Geste & Déclamation.

Cicéron appelle quelque part la prononciation, une sorte d’éloquence corporelle, quædam corporis eloquentia ; & dans un autre endroit il la nomme sermo corporis, le langage ou le discours du corps ; en effet, elle parle aux yeux, comme la pensée parle à l’esprit. La prononciation n’est donc autre chose que ce qu’on a coutume d’appeller l’action de l’orateur. Voyez Action. Quelques-uns la confondent avec l’élocution qui en est cependant fort différente. Voyez Elocution.

Dans la partie de la Rhétorique, qu’on nomme prononciation, on traite ordinairement de trois choses ; savoir, de la mémoire, de la voix, & du geste. Voyez chacun de ces articles à sa place.

On raconte d’Auguste que pour n’être pas obligé de se fier à sa mémoire, & en même tems pour éviter la peine d’y graver ses harangues, il avoit coutume de les lire ou de les mettre par écrit ; usage que les prédicateurs ont pris en Angleterre, mais qui ne s’est point introduit parmi nous. Une prononciation animée pallie & sauve les imperfections d’une piece foible ; une simple lecture dérobe souvent la force & les autres beautés du morceau le plus éloquent.

Prononciation, (Belles-Lett.) dans un sens moins étendu, signifie l’action de la voix dans un orateur, ou dans un lecteur quand il déclame ou lit quelque ouvrage.

Quintilien donne à la prononciation les mêmes qualités qu’au discours.

1°. Elle doit être correcte, c’est-à-dire exempte de défauts ; en sorte que le son de la voix ait quelque chose d’aisé, de naturel, d’agréable, accompagné d’un certain air de politesse & de délicatesse que les anciens nommoient urbanité, & qui consiste à en écarter tout son étranger & rustique.

2°. La prononciation doit être claire, à quoi deux choses peuvent contribuer ; la premiere c’est de bien articuler toutes les syllabes ; la seconde est de savoir soutenir & suspendre sa voix par différens repos & différentes pauses dans les divers membres qui composent une période ; la cadence, l’oreille, la respiration même demandant différens repos qui jettent beaucoup d’agrément dans la prononciation.

3°. On appelle prononciation ornée celle qui est secondée d’un heureux organe, d’une voix aisée, grande, flexible, ferme, durable, claire, sonore, douce & entrante ; car il y a une voix faite pour l’oreille, non pas tant par son étendue, que par sa flexibilité, susceptible de tous les sons depuis le plus fort jusqu’au plus doux, & depuis le plus haut jusqu’au plus bas. Ce n’est pas par de violens efforts, ni par de grands éclats qu’on vient à bout de se faire entendre, mais par une prononciation nette, distincte & soutenue. L’habileté consiste à savoir ménager adroitement les différens ports de voix, à commencer d’un ton qui puisse hausser & baisser sans peine & sans contrainte, à conduire tellement sa voix qu’elle puisse se déployer toute entiere dans les endroits où le discours demande beaucoup de force & de véhémence, & principalement à bien étudier & à suivre en tout la nature.

L’union de deux qualités opposées & incompatibles en apparence, fait toute la beauté de la prononciation, l’égalité & la variété. Par la premiere, l’orateur soutient sa voix, & en regle l’élévation & l’abaissement sur des lois fixes qui l’empêchent d’aller haut & bas comme au hasard, sans garder d’ordre ni de proportion. Par la seconde il évite un des plus considérables défauts qu’il y ait en matiere de prononciation, la monotonie. Il y a encore un autre défaut non moins considérable que celui-ci, & qui en tient beaucoup, c’est de chanter en prononçant, & sur-tout des vers. Ce chant consiste à baisser ou à élever sur le même ton plusieurs membres d’une période, ou plusieurs périodes de suite, en sorte que les mêmes inflexions de voix reviennent fréquemment, & presque toujours de la même sorte.

Enfin la prononciation doit être proportionnée aux sujets que l’on traite, ce qui paroît sur-tout dans les passions qui ont toutes un ton particulier. La voix qui est l’interprete de nos sentimens, reçoit toutes les impressions, tous les changemens dont l’ame elle-même est susceptible. Ainsi dans la joie elle est pleine, claire, coulante ; dans la tristesse au contraire, elle est traînante & basse ; la colere la rend rude, impétueuse, entrecoupée : quand il s’agit de confesser une faute, de faire satisfaction, de supplier, elle devient douce, timide, soumise ; les exordes demandent un ton grave & modéré ; les preuves un ton un peu plus élevé ; les récits un ton simple, uni, tranquille, & semblable à-peu-près à celui de la conversation. Rollin, traité des Etudes, tom IV. pag. 618. & suiv.

Prononciation des langues, (Gramm.) la difficulté de saisir les inflexions de la voix propres aux langues de chaque nation, est un des grands obstacles pour les parler avec un certain degré de perfection. Cette difficulté vient de ce que les différens peuples n’attachent pas la même valeur, la même quantité, ni les mêmes sons aux lettres ou aux syllabes qui les représentent ; dans quelques langues on fait des combinaisons de ces signes représentatifs qui sont totalement inconnues dans d’autres. Il faut d’abord une oreille bien juste pour apprécier ces sons lorsqu’on les entend articuler aux autres, & ensuite il faut des organes assez flexibles ou assez exercés pour pouvoir imiter soi-même les inflexions ou les mouvemens du gosier que l’on a entendu faire aux autres ; la nature ou un long exercice peuvent seuls nous donner la facilité de prononcer les langues étrangeres de la même maniere que ceux qui les ont apprises dès l’enfance ; mais il est rare que les organes soient assez souples pour cela, ou que l’on s’observe assez scrupuleusement dans la prononciation des langues que l’on a voulu apprendre. Joignez à ces obstacles que souvent ceux qui enseignent les langues n’ont point le talent de rapprocher les différentes manieres de prononcer la langue qu’ils montrent de celles qui sont connues dans la langue du disciple qui apprend. Cependant à l’exception d’un très-petit nombre d’inflexions de voix ou d’articulations particulieres à quelques nations & inconnues à d’autres, il semble que l’on pourroit parvenir à donner à tout homme attentif la faculté de prononcer, du-moins assez bien, les mots de toutes les langues actuellement usitées en Europe. Le lecteur françois verra, qu’à quelques exceptions près, toutes les différentes articulations, soit des Anglois, soit des Allemands, soit des Italiens, &c. peuvent être représentées de maniere à pouvoir être saisies assez parfaitement.

En exceptant les seuls Anglois, tous les peuples de l’Europe attachent les mêmes sons aux quatre premieres voyelles A, E, I, O, la voyelle U souffre des différences. A l’égard des consonnes seules, elles ont à-peu-près les mêmes sons dans toutes les langues, mais lorsqu’elles sont combinées on leur attache une valeur très-différente. Les aspirations gutturales qui sont usitées dans quelques langues, sont entierement ignorées dans d’autres. Il est très-difficile de les peindre aux yeux, & l’on est obligé de tâcher d’exprimer le mouvement des organes pour en donner une idée à ceux dans la langue de qui ces sortes d’aspirations sont inconnues. La différence de la quantité fait un obstacle très-grand à la prononciation des langues ; c’est de cette différence que résulte l’accent d’une langue ou sa quantité ; on a tâché de distinguer cette prosodie par les signes qui marquent les longues & les breves dans les exemples qui seront rapportés dans cet article. Enfin la langue françoise fait un usage très-fréquent de syllabes nazales, comme dans les mots en, on, intention, &c. sur quoi il faut bien remarquer que ces sons nazaux sont presqu’entierement bannis de presque toutes les autres langues qui font sonner les n, & qui prononceroient les mots susdits enn, onn, inntenntionn.

Nous remarquerons en dernier lieu que presque toutes les nations de l’Europe prétendent que leur ortographe est la meilleure en ce qu’elles écrivent comme elles prononcent. Cette prétention est très peu fondée ; & si elle avoit lieu pour une langue, ce seroit pour l’espagnole plutôt que pour aucune autre.

Parmi toutes les langues modernes il n’y en a point dont la prononciation s’écarte plus de celle de toutes les autres que la langue angloise, c’est aussi cette langue qui va nous fournir le plus grand nombre d’exemples d’irrégularités. Ce sont les seuls points auxquels nous nous arrêterons, vû que des volumes suffiroient à peine si on vouloit donner la prononciation des mots de toute cette langue & des autres, avec les exceptions continuelles que l’usage y a introduit. On a déja remarqué que les Anglois attachent des sons différens de tous les autres peuples au cinq voyelles A. E. I. O. U. Cette prononciation bizarre peut se rendre en françois par ai, i, aï, o, iou. L’O des Anglois est un son qui tient le milieu entre l’A & l’O des autres peuples. Cette regle pour la prononciation angloise des voyelles souffre des exceptions perpétuelles qu’il n’y a que l’usage qui puisse apprendre ; băck, le dos, se prononce en anglois comme on doit le faire en françois, au-lieu que bake, cuire, se prononce comme on feroit bāic. L’E des Anglois se prononce comme I dans les autres langues, ce qui souffre encore des exceptions infinies. A la fin des mots il se mange, ou est muet, & il se transpose lorsqu’il est suivi d’un R. Baker, boulanger, se prononce baikre. Deux E E font toujours un I long ; meet, rencontrer, se prononce mīt. L’I des Anglois se prononce aï̆ ; iron, fer, fait aï̆ronn. Suivi d’un R à la fin d’un mot, il se prononce eŭrr ; sir, monsieur, fait seŭrr. L’J consonne en anglois se prononce comme dg ; James, Jacques, fait en françois dgāims. L’O des Anglois tient le milieu entre l’A & l’O des autres peuples : frŏck, d’un autre côté, smoke, fumée, se prononce long, smōk. Les deux O O combinés se prononcent toujours comme ou ; moor, marais, feroit en françois mour. Or à la fin d’un mot est mangé & prononcé comme re ; mayor se prononce maire. L’U voyelle des anglois se prononce iou ; duke, duc, se prononce diouk ; mais dans duck, canard, il se prononce doc. L’V voyelle se prononce en anglois comme en françois ; le double W se prononce comme ou ; water, eau, se prononce comme ouātre.

Quant aux diphtongues, en anglois, ai fait āi comme en françois, au & aw, font un a long ; law, loi, fait lā ; ea fait tantôt I : eat, manger, se prononce īte : quelquefois il se prononce comme e ; pleasure fait pléjeurr : eu ou ew font iou ; crew fait criou ; ey fait comme é ; sidney fait sidné : ou se prononce aŏn très bref ; graound, terrein, fait grande : ow fait ō long ; bowl se prononce bāule. Les mots anglois dérivés du latin ou du françois & terminés en tion, comme inclination, se prononceroient chïŏnn, innclinaichionn. Les Anglois n’ont point de syllabes nazales ; king, roi, doit se prononcer kigne.

Le ch des Anglois, soit au commencement, soit à la fin d’un mot, fait comme en françois TCH ; each, chacun, se prononce ītch ; choose, choisir, fait tchōuze.

Les Anglois mangent un grand nombre de consonnes dans leurs mots : knight, chevalier, se prononce naï̌tt ; knife, couteau, se prononce comme naï̌ff ; walk, marcher, fait ouāke.

Les Anglois n’ont point d’aspirations gutturales dans leur langue, non plus que les François ; mais une prononciation qui leur est particuliere, & que la plûpart des étrangers ne peuvent presque jamais saisir, c’est celle du th ; elle se présente très-fréquemment dans la langue, soit au commencement, soit à la fin, soit au milieu des mots. On ne peut point décrire la prononciation pour un françois, à moins de dire que le son en est à-peu-près le même que d’un S prononcé par une langue épaisse ; ou bien en appuyant la langue contre les dents supérieures, & en forçant le son de l’S entre la langue & les dents. The, l’article le ou la ; faith, la foi ; either, l’un & l’autre, fournissent des exemples de cette prononciation singuliere.

Les Italiens prononcent toutes les voyelles de même que les François, excepté que leur U se prononce ou ; leur A & leur E est plus ou moins ouvert. Leur C lorsqu’il précede un I ou un E, comme dans cercar, chercher, ciascheduno, chacun, se prononce comme tche ou tchi en françois ; ainsi on diroit tchercar & tchiaschedouno : g suivi d’un E ou d’un I, se prononce comme en françois dg ; giammai feroit dgiammaï ; gélosia fait dgélosia : les deux gg se prononcent de la même maniere ; reggio fait redgio : sc fait comme ch lorsqu’il précede un E & un I ; scelta, recueil, fait en françois l’effet de chelta ; sciolto fait chiolto : le ch des Italiens a le son du K en françois ; perche fait perké : ZZ en italien se rendroit en françoie par dz ; vezzosa, jolie, fait vedzosa. Les Italiens n’ont point d’aspirations gutturales non plus que les François. Ils n’ont point de syllabes nazales.

Dans la langue espagnole les voyelles ont les mêmes sons que dans le françois excepté l’U qui fait ou. La prononciation qui differe le plus de celle des autres langues chez les Espagnols, est celle de l’J consonne & de l’X, ces deux lettres s’expriment par une aspiration tirée du fond du gosier, que l’on ne peut décrire ou peindre aux yeux que très-imparfaitement par kh, en aspirant fortement l’H. Le Ç avec une cédille, comme dans moça, fille, a l’effet d’une S épaisse ou grasséyée, à-peu-près comme le TH des Anglois, mais un peu plus adouci : les deux LL sont toujours mouillées ; olla fait oillia, ou oiglia : souvent le B se prononce comme un V consonne : le G devant un E ou un I est aspiré, mais moins fortement que l’J consonne : les deux NN, comme dans sennora, se prononcent en françois comme seignora.

Les Portugais, dont la langue est presque la même que celle des Espagnols, ont les mêmes prononciations qu’eux ; celles qui différencient le portugais sont aon, qui se prononce am ; relaçaon, relation, fait relassam : nh ou lh se mouille ; senhora fait seignora ; caravalho se prononce caravaiglio.

Dans la langue allemande les voyelles se prononcent de même que dans le françois, à l’exception de l’U voyelle qui fait ou ; cependant dans la basse Allemagne, la prononciation françoise de l’U n’est point inconnue ; mais alors on met un petit e au-dessus, . Dans la haute Allemagne cette prononciation n’est point usitée, & se prononce comme Ī. Les premiers prononcent le mot uͤbel, mal, comme en françois üble, les derniers comme ible : l’V consonne se prononce comme un F ; vatter, pere, fait făttre : le double W a le son de l’V consonne en françois : l’E lorsqu’il suit un I, ne fait qu’allonger cet I sans se faire sentir ; die, la, se prononce di : el, er, en à la fin des mots, se mangent ou se transposent ; vogel, wasser, haben, font fogle, vassre, habn : sch fait chez les Allemands ce que ch fait en françois ; schelm se prononce comme chelm : l’J consonne des Allemands ne differe point comme en françois ; Jesus se prononce Ièsous : le G des Allemands se prononce avec aspiration ; berg fait à-peu-près berkh : mais l’ch s’exprime par une aspiration de la gorge très-marquée, comme si l’on vouloit pousser fortement l’haleine du fond de l’estomac ; ich, je, fait à-peu-près ikhh. Cette prononciation est très-difficile pour les étrangers, surtout quand le ch est encore combiné avec d’autres consonnes, comme dans hechts, &c. En général les Allemands combinent plusieurs consonnes, ce qui rend leur prononciation rude & souvent impossible à saisir par ceux dont les organes n’y sont point accoutumés dès leur tendre jeunesse ; kopff, la tête, schwartz, noir, &c. le Z chez les Allemands se prononce comme ts ; zinn, étain, fait en françois tsinn. Quant aux diphtongues, au fait aŏu ; hauss, maison, se prononce haŏuff : ei, eu & ey, fait aï : Œ se prononce comme é ; & dans la basse Allemagne, comme eu : les uns prononcent schoͤn, beau, comme chéne ; les autres comme cheune. Les Allemands n’ont point de nazales, ils font sonner les n qui suivent les voyelles ; le mot menschen, les hommes, se prononce mennchen ; kling, l’ame, fait kligne. Dans plusieurs provinces de l’Allemagne les habitans confondent sans cesse les B & les P, les D & les T, ce qui n’est pas un vice de la langue, mais un défaut dans ceux qui la parlent.

La langue flamande ou hollandoise quoiqu’entierement dérivée de l’allemand, a cependant quelques prononciations très-différentes : l’U voyelle a le même son qu’en françois ; l’V consonne fait f comme en allemand ; le double W a le son de l’V consonne en françois ; aa, ee, oo, ne font qu’alonger ces voyelles ; maar, zeer, doof, font mār zēr, dauf : Œ se prononce ou ; moer, marais, fait mōur ; ouw fait ooŭ ; vrouw, femme, fait frooŭ : uy fait eu ; huys, maison, fait geuss : l’y se prononce comme eï̆ ; vry, libre, fait freï. Les Hollandois n’ont point la prononciation du ch comme en françois ; leur sch differe de celui des Allemands, & se rend par une aspiration très-forte de la gorge, que l’on peut rendre à-peu-près par skhh ; schaats, patin, fait skhhāts : le g ou gh des Hollandois se prononce avec aspiration, à-peu-près comme ch des Allemands. Ils n’ont point de syllabes nazales ; urind, ami, se prononce frinnd.

Les langues suédoises & danoises sont dérivées de l’allemand, & ont une très-grande affinité avec lui ; leur prononciation n’a, dit-on, rien qui les caractérise & qui les distingue sensiblement de celle des Allemands.

La langue des Russes, des Polonois, des Bohémiens, des Croates, des Illyriens, des Dalmatiens, des Bosniens, des Serviens, des Bulgares & des Sclavons, est la même avec très-peu de différence, au point que tous ces peuples s’entendent ; c’est le sclavon qu’ils parlent.

Les Russes ont un plus grand nombre de caracteres que les autres nations ; quelques-uns de ces caracteres ont la valeur des diphtongues, comme ia, ie, iou : d’autres marquent des consonnes combinées, & font l’effet de cz, tch, sch, ts ou tz ; le mot czar se prononce tzaar. Ils prononcent les cinq voyelles de la même maniere que les autres peuples ; leur u fait ou. Les Russes ont l’y, l’êta des Grecs, qu’ils prononcent de même qu’eux ; c’est l’E bêlant ou ai : l’V consonne, ainsi que le double W au commencement d’un mot se prononce comme en françois, mais à la fin d’un mot il se prononce toujours comme un F ; czerniskew se prononce tchernichef, vasili ostrow fait vazili ostrof. La langue russe fait usage du χ des Grecs, il se prononce avec une aspiration gutturale, & fait l’effet du ch des Allemands ; le G demande une aspiration moins sensible. Les Russes font usage du lambda ou λ des Grecs, qui fait l’effet des deux LL mouillées. Le son de l’N, lorsqu’elle précede ia ou ie, se prononce comme gn en françois dans le mot soigner. Chez les Russes le C fait toujours S, & ne se confond jamais avec le K, comme dans les autres langues. Ils ont une lettre qui répond au φ ou phi des Grecs, & qui se prononce de même. Le Z des Russes se prononce comme l’j consonne en françois dans le mot jamais ; zemla fait jemla.

Telles sont en abrégé les principales différences qui se trouvent dans la prononciation de la plûpart des langues qui se parlent en Europe. Un grand nombre de volumes suffiroit à peine si l’on vouloit entrer dans les détails de tous les mots de chaque langue ; il n’y a qu’un long usage & l’habitude qui puissent apprendre les irrégularités & les exceptions que la prononciation rencontre chez les différens peuples. On finira donc par observer qu’il n’y a point de langue en Europe qui prononce moins comme elle écrit que la langue françoise, vérité dont on sera forcé de convenir pour peu que l’on y fasse attention. (—)