L’Encyclopédie/1re édition/RÉGULIER

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RÉGULIER, adj. (Gramm.) Voyez Regularité.

Regulier, ere, adj. il y a en Grammaire des mots réguliers & des phrases régulieres. Les mots déclinables sont réguliers, lorsque la suite des terminaisons que l’usage leur a accordées est semblable à la suite des terminaisons correspondantes du paradigme commun à tous les mots de la même espece. Les phrases sont régulieres lorsque les parties en sont choisies & ordonnées conformément aux procédés autorisés par l’usage de la langue dans les cas semblables. Voyez Irrégulier, Anomal, Hétéroclite, Paradigme, Phrase & Proposition.

Régulier, en terme de Géométrie ; une figure réguliere est celle dont tous les côtés & tous les angles sont égaux entre eux. Voyez Figure.

Le triangle équilatéral & le quarré, sont des figures régulieres. Voyez Quarré & Triangle. Toutes les autres figures régulieres qui ont plus de quatre côtés, sont appellées polygones réguliers. Voyez Polygone. Il n’y a point de figure réguliere qu’on ne puisse inscrire dans le cercle. Voyez Cercle. Sur les propriétés, &c. des figures régulieres, voyez Polygone.

Un corps régulier que l’on appelle aussi corps platonique, est un solide terminé de tous côtés par des plans réguliers & égaux, & dont tous les angles solides sont égaux. Voyez Corps, Plan & Solide.

Il n’y a que cinq corps réguliers, savoir l’hexahedre ou le cube, qui est composé de six quarrés égaux ; le tétrahedre, de quatre triangles égaux ; l’octahedre, de huit ; le dodecahedre. de douze pentagones, & l’icosahedre, de vingt triangles égaux. Voyez Cube, Tetrahedre, Octahedre, &c. Ces cinq corps sont les seuls de cette espece qui existent dans la nature.

Maniere de mesurer la surface & la solidité des cinq corps réguliers. On a donné la méthode de trouver la solidité du cube au mot Cube. Le tétrahedre étant une pyramide, & l’octahedre une double pyramide ; l’icosahedre étant composé de vingt pyramides triangulaires, & le dodécahedre un solide compris sous 12 pyramides à 5 angles, dont les bases sont dans la surface de l’icosahedre & du dodécahedre, & les sommets au centre ; on peut trouver la solidité de ces corps par les regles que nous avons données au mot pyramide. Voyez Pyramide. On a leur surface en trouvant celle d’un des plans au moyen des lignes qui le terminent (voyez Triangle) ; & en multipliant l’aire ainsi trouvée par le nombre dont le corps reçoit sa dénomination ; par exemple par 4 pour le tétrahedre, par 6 pour l’exahedre ou cube, par 8 pour l’octahedre, par 12 pour le dodécahedre, & par 20 pour l’icosahedre. Le produit donnera la surface de ces solides. Voyez Aire & Superficie.

Proportion de la sphere & des cinq corps réguliers qui y sont inscrits, le diametre de la sphere étant supposé égal à 2.

La circonférence d’un grand cercle est 6. 28318.
Surface d’un grand cercle, 3. 14159.
Surface de la sphere, 12. 56637.
Solidité de la sphere, 4. 18859.
Coté du tétrahedre, 1. 62299.
Surface du tétrahedre, 4. 6188.
Solidité du tétrahedre, 0. 15132.
Côté d’un cube ou hexahedre, 1. 1547.
Surface de l’hexahedre, 8.
Solidité de l’hexahedre, 1. 5396.
Côté de l’octahedre, 1. 41421.
Surface de l’octahedre, 6. 9282.
Solidité de l’octahedre, 1. 33333.
Côté du dodécahedre, 0. 71364.
Surface du dodécahedre, 10. 51462.
Solidité du dodécahedre, 2. 78516.
Côté de l’icosahedre, 1. 5146.
Surface de l’icosahedre, 9. 57454.
Solidité de l’icosahedre, 2. 53605.

Supposé que l’on veuille tirer un de ces corps d’une sphere de quelque autre diametre, on fera la proportion suivante : comme le diametre de la sphere 2 est au côté du solide qui lui est inscrit (supposons le cube 1 1547), de même le diametre de telle autre sphere qu’on voudra (supposons 8) est à 9.2376, qui est le côté du cube inscrit dans cette derniere sphere.

Soit dy (Pl. géométr. fig. 81.) le diametre de telle sphere qu’on voudra, & da du diametre, cette même sphere = ab = br. Elevez les perpendiculaires ae, cf, & bg, & tirez de, df, er, fr, gr, dg, re sera le côté du tétrahedre ; df le côté de l’exahedre ; de le côté de l’octahedre ; & coupant de en moyenne & extrème raison au point n, dn sera le côté du dodécahedre. Elevez le diametre dy perpendiculairement en r du centre c, menez à son sommet la ligne co, qui coupe le cercle au point h, abaissez la perpendiculaire hm, mr sera le côté de l’icosahedre.

Les courbes régulieres sont celles dont la courbure est uniforme, c’est-à-dire qui n’ont ni point d’inflexions, ni point de rebroussement, &c. telles sont les sections coniques. Voyez Courbe, Section conique, &c.

On appelle courbes irrégulieres celles qui ont un point d’inflexion ou de rebroussement ; telles sont la conchoïde & les paraboles cubiques solides, dont le parametre est un quarré. Voyez Inflexion & Rebroussement. Chambers. (E)

Régulier, mode, (Musique.) on appelle mode régulier celui qui a une cinquieme juste au-dessus de sa finale ; & la cadence réguliere est celle qui tombe sur les cordes essentielles du mode. (D. J.)

Régulier adjectif, (Jurisprudence.) se dit de ce qui est conforme aux regles ; un acte est régulier lorsqu’il est rédigé suivant ce qui est permis & ordonné par les réglemens ; une procédure est réguliere lorsqu’elle est conforme à l’ordonnance & aux arrêts & réglemens de la cour. Voyez Acte, Forme, Formalité, Procedure.

Régulier, est aussi celui qui observe une certaine regle de vie, & dans ce sens on comprend sous le terme de réguliers tous les moines, religieux & religieuses, chanoines & chanoinesses réguliers, même certains ordres militaires & hospitaliers, & autres personnes qui ont embrassé une regle.

On appelle bénéfice régulier celui qui est affecté à un régulier. Voyez Bénéfice.

Les premieres regles sont celles qui furent prescrites aux moines par leurs abbés, tels que S. Paul, S. Antoine & S. Hilarion, en Egypte & dans la Palestine.

La premiere regle dont il soit parlé en France, est celle de S. Colomban, qui fut approuvée dans le concile de Mâcon, en 627.

Les moines embrasserent ensuite celle de S. Benoît, qu’ils reconnurent pour la plus parfaite de toutes.

Les quatre principales regles connues en France sont celles de S. Basile, de S. Augustin, de S. Benoît, & de S. François.

Il y a en outre 24 autres constitutions, ou regles particulieres observées dans diverses maisons religieuses & communautés.

Les réguliers ont un supérieur de même qualité qui prend le titre d’abbé, ou autre titre, selon l’usage de chaque ordre ou communauté.

La jurisdiction des supérieurs réguliers n’étoit autrefois que correctionnelle, présentement elle s’étend à tout ce qui est du gouvernement monastique. Ils peuvent prononcer des censures contre les religieux, les en absoudre, condamner aux peines portées par la regle ou par les canons ceux qui ont commis des crimes dans le cloitre.

Le supérieur des réguliers doit être régulier lui-même, de sorte que les abbés commendataires n’ont point de jurisdiction sur leurs religieux, à moins que le pape ne la leur ait accordée par un indult particulier.

Les réguliers doivent être gouvernés suivant la regle de leur ordre.

Pour que la regle soit canonique, il faut qu’elle soit du nombre de celles que l’Eglise a approuvées.

Depuis le concile de Latran, on n’en peut point établir de nouvelle sans le consentement exprès du saint siege.

Les bulles d’érection donnent ordinairement aux chapitres généraux le pouvoir de faire de nouveaux statuts.

Mais aucune regle, ni aucun statut n’ont force de loi en France, qu’ils n’ayent été autorisés par lettres patentes dûement enregistrées.

L’évêque diocésain est le supérieur immédiat de tous les réguliers qui ne sont pas soumis à une congrégation & sujets à des visiteurs, quand même ces réguliers prétendroient être soumis immédiatement au saint siege. Il peut conséquemment les visiter, leur donner des statuts pour la discipline réguliere, & juger les appels que l’on interjette des jugemens des supérieurs reguliers.

Les réguliers mêmes qui sont en congrégation, sont soumis à la jurisdiction de l’évêque, à moins qu’ils n’ayent titre & possession d’exemption ; l’évêque peut par conséquent visiter leurs maisons, y faire des réglemens pour le service divin, la discipline réguliere & le temporel, & enjoindre aux supérieurs de faire le procès à ceux qui ont commis quelque délit dans le cloître ; mais il ne connoît ni par lui-même, ni par son official des jugemens rendus par les supérieurs de chaque monastere ; ces appels sont portés devant les supérieurs majeurs réguliers. L’évêque pourroit néanmoins connoître de ces délits, si le supérieur régulier, en étant averti par l’évêque, négligeoit de le faire.

Pour ce qui est des monasteres, chefs & généraux d’ordre, de ceux où résident les supérieurs réguliers, qui ont jurisdiction sur d’autres monasteres du même ordre, & ceux qui étant exempts de la jurisdiction épiscopale se trouvent en congrégation, l’évêque ne peut les visiter. S’il y arrive quelque desordre, il doit avertir les supérieurs réguliers d’y pourvoir dans six mois, ou même plutôt, si le cas est pressant ; & faute par les supérieurs réguliers de justifier à l’évêque qu’ils se sont conformés à ce qu’il leur a prescrit, il peut ordonner ce qui convient pour remédier aux abus, en se conformant à la regle du monastere.

Quoique l’évêque fasse la visite dans les monasteres non-exempts, soumis à une congrégation, le supérieur régulier peut aussi faire la sienne pour l’observation de la discipline.

Les congrégations de réguliers doivent tenir au moins de trois en trois ans des chapitres généraux ou provinciaux, dans lesquels on examine entre autres choses, tout ce qui concerne la discipline réguliere. Voyez Chapitre.

Les ordonnances des supérieurs réguliers ou du chapitre en matiere de discipline sont exécutoires par provision, comme celles de l’évêque.

Les appels des jugemens des premiers supérieurs des monasteres en congrégation, se portent de degré en degré jusqu’au général de l’ordre, & de-là au pape, qui délegue des juges sur les lieux pour juger l’appel.

La voie d’appel que les réguliers ont devant leurs supérieurs, n’empêche pas qu’ils ne puissent aussi se pourvoir devant leur évêque, dans les cas où il a jurisdiction sur eux, ou aux juges royaux dans les cas royaux, ou au parlement par appel comme d’abus.

Un régulier qui commet quelque délit hors du monastere est justiciable de l’official.

Quand les délits des réguliers ne méritent qu’une légere correction, les supérieurs ne sont pas astraints à instruire le procès dans toutes les formes ; mais s’il s’agit d’une peine grave, il faut se conformer à l’ordonnance criminelle.

La reforme des réguliers appartient à leurs supérieurs & à l’évêque ; & si ceux-ci négligeoient de le faire, ou ne croyoient pas avoir assez d’autorité ; le roi, comme protecteur des canons, & les parlemens y pourvoient. Voyez les lois ecclésiastiques de M. d’Héricourt ; ch. x. du gouvernement des réguliers, & les mots Chapitre, Monastere, Reforme, Religieux. (A)