L’Encyclopédie/1re édition/SATURA

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SATURA, s. f. (Gram. latine.) il nous paroît important d’expliquer ce mot en faveur des jeunes littérateurs ; c’est l’adjectif de satur, qui se prenoit tout-à-la-fois ou séparément ; de plenus, plein ; & de micellus, mélangé. Satur color, exprime une laine qui a parfaitement pris sa couleur. Satura lanx, un bassin rempli d’un mélange de toutes sortes de fruits. Les Romains offroient tous les ans à Cérès & à Bacchus un bassin de cette sorte, qui étoit garni des prémices de tout ce qu’ils venoient de cueillir. Satura, en sous-entendant esca, est un mets composé de plusieurs choses. Satura lex, une loi qui contenoit plusieurs titres sur différentes matieres ; ou qui sous une proposition générale, décidoit de plusieurs points particuliers, comme les lois Julia, Pompeia, Papia, qu’on nomma aussi micella.

Ciceron parle d’une loi satura, composée apparemment de plusieurs autres lois, suivant l’explication qu’en donne Sextus Pompée ; ou qui permettoit de proposer un sujet d’une maniere générale, & d’opiner sans l’ordre accoutumé. Le même Ciceron dit, que cette loi fut abrogée par les lois Cécilia & Dédia ; on avoit coutume d’ajouter cette clause à toutes les lois. Neve per saturam abrogato, aut derogato : que l’on ne puisse l’abroger, ni y déroger ; per saturam sententias exquirere (phrase dont Lélius s’étoit servi avant Saluste) signifioit mettre une affaire sur le tapis, & faire opiner à la hâte & confusément sur plusieurs chefs ; c’est ce que nous disons, en termes vulgaires, faire un pot pourri d’une affaire, & en décider sans compter régulierement les voix. Il ne s’agit pas ici des ouvrages d’esprit, tels que les historiettes & les poëmes, que l’on a aussi nommés saturas ou satyras ; c’est assez de remarquer qu’on disoit Sulla, Purrhus, Phruges. Optumus, Maxumus, &c. pour Sylla, Pyrrhus, Phryges, Optimus, Maximus, en changeant l’y ou l’i simple en u. (D. J.)