L’Encyclopédie/1re édition/SIBYLLINS, Livres

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SIBYLLINS, Livres, (Hist. rom.) anciens livres d’oracles & de prédictions extrèmement accrédités chez les Romains. Ils furent apportés à Tarquin le Superbe, ou, selon Pline, à Tarquin l’ancien, par une vieille mystérieuse qui disparut comme une ombre ; on la crut sibylle elle-même. On assembla les augures, on enferma les livres dans le temple de Jupiter au capitole ; on créa des pontifes pour les garder ; on ne douta point que les destinées de Rome n’y fussent écrites. Ces livres prophétiques périrent cependant dans l’incendie du capitole l’an 671 de Rome, sous la dictature de Sylla ; mais on se hâta de réparer cette perte. On en recueillit d’autres dans la ville d’Erithrée & ailleurs ; on les rédigea par extraits. Auguste les renferma dans des coffres dorés, & les mit sous la base du temple d’Apollon Palatin qu’il venoit de bâtir. Ils y demeurerent jusqu’au tems d’Honorius en 405 de J. C. & cet empereur, dit-on, donna des ordres à Stilicon de les jetter dans le feu. Traçons en détail toute cette histoire d’après les écrits de M. Freret, & faisons-la précéder de ses réflexions intéressantes sur cette maladie incurable de l’esprit humain, qui, toujours avide de connoître l’avenir, change sans cesse d’objets, ou déguise sous une forme nouvelle les anciens objets qu’on veut lui arracher. Croyons que l’histoire des erreurs qui semblent les plus décriées, peut encore ne pas être aujourd’hui des recherches de pure curiosité.

Dans tous les siecles & dans tous les pays, les hommes ont été également avides de connoître l’avenir ; & cette curiosité doit être regardée comme le principe de presque toutes les pratiques superstitieuses qui ont défiguré la religion primitive chez les peuples policés, aussi-bien que chez les nations sauvages.

Les différentes especes de divination que le hasard avoit fait imaginer, & qu’adopta la superstition, consistoient d’abord dans une interprétation conjecturale de certains événemens qui par eux-mêmes ne méritoient le plus souvent aucune attention ; mais qu’on étoit convenu de prendre pour autant de signes de la volonté des dieux. On commença probablement par l’observation des phénomenes célestes, dont les hommes furent toujours très-vivement frappés ; mais la rareté de ces phénomenes fit chercher d’autres signes qui se présentoient plus fréquemment, ou même que l’on pût faire paroître au besoin. Ces signes furent le chant & le vol de certains oiseaux ; l’éclat & le mouvement de la flamme qui consumoit les choses offertes aux dieux ; l’état où se trouvoient les entrailles des victimes ; les paroles prononcées sans dessein, que le hasard faisoit entendre ; enfin, les objets qui se présentoient dans le sommeil à ceux qui par certains sacrifices ou par d’autres cérémonies, s’étoient préparés à recevoir ces songes prophétiques.

Les Grecs furent pendant plusieurs siecles sans connoître d’autres moyens que ceux-là de s’instruire de la volonté des dieux ; & chez les Romains, si on en excepte quelques cas singuliers, cette divination conjecturale fut toujours la seule que le gouvernement autorisa ; on en avoit même fait un art qui avoit ses regles & ses principes.

Dans les occasions importantes c’étoit par ces regles que se conduisoient les hommes les plus sensés & les plus courageux ; la raison subjuguée dès l’enfance par le préjugé religieux, ne se croyoit point en droit d’examiner un système adopté par le corps de la nation. Si quelquefois séduite par cette nouvelle philosophie, dont Tite-Live fait gloire de s’être garanti, elle entreprenoit de se révolter, bientôt la force de l’exemple, & le respect pour les anciennes opinions la contraignoient de rentrer sous le joug. En voulez-vous un exemple bien singulier ? le voici.

Jules César ne peut être accusé ni de petitesse d’esprit, ni de manque de courage, & on ne le soupçonnera pas d’avoir été superstitieux ; cependant, ce même Jules César ayant une fois versé en voiture, n’y montoit plus sans réciter certaines paroles, qu’on croyoit avoir la vertu de prévenir cette espece d’accident. Pline qui nous rapporte le fait, liv. XXVII. chap. ij. assure que de son tems, presque tout le monde se servoit de cette même formule, & il en appelle la conscience de ses lecteurs à témoin.

Du tems d’Homere & d’Hesiode, on ne connoissoit point encore les oracles parlans, ou du-moins ils avoient fort peu de célébrité ; j’appelle oracles parlans, ceux où l’on prétendoit que la divinité consultée de vive voix, répondoit de la même maniere par l’organe d’un prêtre, ou d’une prétresse qu’elle inspiroit. L’oracle de Delphes qui fut le premier des oracles parlans, ne répondoit qu’un seul jour dans l’année, le septieme du mois busios, usage qui subsista même assez long-tems : ainsi on imagina pour la commodité de ceux qui vouloient connoître l’avenir, de dresser des recueils d’oracles ou de prédictions écrites, que pouvoient consulter les curieux qui n’avoient pas le loisir d’attendre. Ces prédictions, conçues en termes vagues & ambigus, comme ceux des oracles parlans, étoient expliquées par des devins particuliers, qu’on nommoit chresmologues, ou interpretes d’oracles.

On trouve dans les anciens écrivains trois différens recueils de cette espece, celui de Musée, celui de Bacis, & celui de la Sibylle. Quoique ce dernier ait été beaucoup plus célébre chez les Romains que chez les Grecs, on voit néanmoins par les ouvrages de ces derniers, qu’ils ne laissoient pas d’en faire usage. Il falloit même que ces prédictions fussent très-connues aux Athéniens, puisque le poëte Aristophane en fait le sujet de ses plaisanteries dans deux des comédies qui nous restent de lui.

Différens pays, & différens siecles avoient eu leurs sibylles : on conservoit à Rome avec le plus grand soin les prédictions de celle de Cumes, & on les consultoit avec appareil dans les occasions importantes ; cependant les écrivains de cette ville, Pline, l. XIII. c. xiij, & Denis d’Halicarnasse, l. I, c. iv. ne sont d’acord sur le nombre des livres qui composoient ce recueil, ni sur le roi auquel il fut présenté. Ils s’accordent seulement à dire que Tarquin, soit le premier, soit le second de ceux qui ont porté ce nom, fit enfermer ce recueil dans un coffre de pierre, qu’il le déposa dans un souterrain du temple de Junon au capitole, & qu’il commit à la garde de ces vers qu’on prétendoit contenir le destin de Rome, deux magistrats sous le titre de duumviri sacris faciundis, auxquels il étoit défendu de les communiquer, & à qui même il n’étoit permis de les consulter que par l’ordre du roi, & dans la suite par celui du sénat. Cette charge étoit une espece de sacerdoce ou de magistrature sacrée, qui jouissoit de plusieurs exemptions, & qui duroit autant que la vie.

Quand les plébéïens eurent été admis à partager les emplois avec les patriciens, l’an 366 avant J. C. on augmenta le nombre de ces interpretes des destinées de la nation, comme les appelle P. Decius dans Tîte-Live, fatorum populi Romani interpretes. On les porta jusqu’à dix, dont cinq seulement étoient patriciens, & alors on les nomma décemvirs. Dans la suite, ce nombre fut encore accru de cinq personnes, & on les appella quindécemvirs. L’époque précise de ce dernier changement, n’est pas connue ; mais comme une lettre de Célius à Cicéron, épist. famil. l. VIII, c. iv, nous apprend que le quindécimvirat est plus ancien que la dictature de Jules César, on peut conjecturer que le changement s’étoit fait sous Sylla.

Ces magistrats que Cicéron nommoit tantôt sibyllinorum interpretes tantôt, sibyllini sacerdotes, ne pouvoient consulter les livres sibyllins sans un ordre exprès du sénat, & de-là vient l’expression si souvent répétée dans Tite-Live libros adire jussi sunt. Ces quindécimvirs étant les seuls à qui la lecture de ces livres fut permise, leur rapport étoit reçu sans examen, & le sénat ordonnoit en conséquence, ce qu’il croyoit convenable de faire. Cette consultation ne se faisoit que lorsqu’il s’agissoit de rassurer les esprits allarmés, par la nouvelle de quelques présages fâcheux, ou par la vue d’un danger dont la république sembloit être ménacée : ad deponendas potius quàm ad suscipiendas religiones, dit Cicéron ; & afin de connoître ce qu’on devoit faire pour appaiser les dieux irrités, & pour détourner l’effet de leurs menaces, comme l’observent Varron & Tite-Live.

La réponse des livres sibyllins étoit communément, que pour se rendre la divinité favorable, il falloit instituer une nouvelle fête, ajouter de nouvelles cérémonies aux anciennes, immoler telles ou telles victimes, &c. Quelquefois mêmes les prêtres sibyllins jugeoient, qu’on ne pouvoit détourner l’effet du courroux céleste que par des sacrifices barbares, & immolant des victimes humaines. Nous en trouvons un exemple dans les deux premieres guerres puniques, les années 227 & 217 avant J. C.

Les décemvirs ayant vu dans les livres sibyllins que des Gaulois & des Grecs s’empareroient de la ville, urbem occupaturos, on imagina que, pour détourner l’effet de cette prédiction, il falloit enterrer vif dans la place, un homme & une femme de chacune de ces deux nations, & leur faire prendre ainsi possession de la ville. Toute puérile qu’étoit cette interprétation, un très-grand nombre d’exemples nous montre que les principes de l’art divinatoire admettoient ces sortes d’accommodemens avec la destinée.

Le recueil des vers sibyllins déposé par l’un des Tarquins dans le capitole, périt comme on l’a vu au tems de la guerre sociale, dans l’embrasement de ce temple en 671. Mais on se hâta de remédier à la perte qu’on venoit de faire, & dès l’an 76 avant J. C. le sénat sur la proposition des consuls Octavius & Curion, chargea trois députés d’aller chercher dans la ville d’Erithrée, ce qu’on y conservoit des anciennes prédictions de la sibylle. Varron & Fenestella cités par Lactance, ne parlent que d’Eritrée ; mais Denis d’Halicarnasse & Tacite ajoutent les villes grecques de la Sicile & de l’Italie.

Tacite qui devoit être instruit de l’histoire des livres sibyllins, puisqu’il étoit du corps des quindecimvirs, dit qu’après le retour des députés, on chargea les prêtres sibyllins de faire l’examen des différens morceaux qu’on avoit rapportés ; & Varron assuroit selon Denis d’Halicarnasse, que la regle qu’ils avoient suivie, étoit de rejetter comme faux tous ceux qui n’étoient pas assujettis à la méthode acrostiche. Nous indiquerons dans la suite quelle étoit cette méthode.

Auguste étant devenu souverain pontife, après la mort de Lepidus, ordonna une recherche de tous les écrits prophétiques, soit grecs, soit latins, qui se trouvoient entre les mains des particuliers, & dont les mécontens pouvoient abuser pour troubler sa nouvelle domination. Ces livres remis au préteur, montoient à deux mille volumes qui furent brûlés ; & l’on ne conserva que les vers sibyllins, dont on fit même une nouvelle révision.

Comme l’exemplaire écrit au tems de Sylla commençoit à s’altérer, Auguste chargea encore les quindecimvirs d’en faire une copie de leur propre main, & sans laisser voir ce livre à ceux qui n’étoient pas de leur corps. On croit que, pour donner un air plus antique & plus vénérable à leur copie, ils l’écrivirent sur ces toiles préparées qui composoient les anciens libri lintei, avant qu’on connût dans l’occident l’usage du papier d’Egypte, & avant qu’on eût découvert à Pergame l’art de préparer le parchemin, carta Pergamena.

Cet exemplaire des vers sibyllins fut enfermé dans deux coffrets dorés, & placés dans la base de la statue d’Apollon Palatin, pour n’en être tiré que dans les cas extraordinaires.

Il seroit inutile de suivre les différentes consultations de ces livres, marquées dans l’histoire romaine ; mais nous croyons devoir nous arrêter sur celle qui se fit par l’ordre d’Aurélien, au mois de Décembre de l’an 270 de J. C. parce que le récit en est extrêmement circonstancié dans Vopiscus.

Les Marcomans ayant traversé le Danube, & forcé les passages des Alpes, étoient entrés dans l’Italie, ravageoient les pays situés au nord du Pô, & menaçoient même la ville de Rome, dont un mouvement mal-entendu de l’armée romaine, leur avoit ouvert le chemin. A la vue du péril où se trouvoit l’empire, Aurélien naturellement superstitieux, écrivit aux pontifes, pour leur ordonner de consulter les livres sibyllins. Il falloit pour la forme un decret du sénat ; ainsi le préteur proposa dans l’assemblée le réquisitoire des pontifes, & rendit compte de la lettre du prince. Vopiscus nous donne un précis de la délibération, qu’il commence en ces termes : prætor urbanus dixi, referimus ad vos, patres conscripti, pontificum suggestionem, & principis litteras quibus jubetur ut inspiciantur fatales libri, &c. Le decret du sénat rapporté ensuite, ordonne aux pontifes sibyllins de se purifier, de se revêtir des habits sacrés, de monter au temple, d’en renouveller les branches de laurier, d’ouvrir les livres avec des mains sanctifiées, d’y chercher la destinée de l’empire, & d’exécuter ce que ces livres ordonneront. Voici les termes dans lesquels Vopiscus rapporte l’exécution du decret : itum est ad templum, inspecti libri, proditi versus, lustrata urbs, cantata carmina, amburbium celebratum, ambarvalia promissa, atque ità solemnitas quæ jubebatur expleta est.

La lettre de l’empereur aux pontifes, qu’il appelle patres sancti, finit par des offres de contribuer aux frais des sacrifices, & de fournir les victimes que les dieux demanderont, même s’il le faut des captifs de toutes les nations, cujuslibet gentis captivos, quælibet animalia regta. Cette offre montre que, malgré les édits des empereurs, on croyoit, comme je l’ai dit, les sacrifices humains permis dans les occasions extraordinaires, & qu’Aurélien ne pensoit pas que les dieux se contenteroient de cantiques & de processions.

Sa lettre aux pontifes commence d’une façon singuliere, il marque qu’il est surpris qu’on balance si long-tems à consulter les livres sibyllins. Il semble, ajoute-t-il, que vous ayez cru délibérer dans une église de chrétiens, & non dans le temple de tous les dieux : perindè quasi in chri stianorum ecclesiâ, non in templo deorum omnium tractaretis. Ce qui augmente la singularité & l’expression de l’empereur, c’est qu’il est prouvé par les ouvrages de S. Justin, de Théophile d’Antioche, de Clément d’Alexandrie, & d’Origene, que depuis près de six vingt ans, les chrétiens citoient, au tems d’Aurélien, les ouvrages de la sibylle, & que quelques-uns d’entr’eux la traitoient de prophétesse.

Les livres sibyllins ne furent point ôtés du temple d’Apollon Palatin par les premiers empereurs chrétiens. Ils y étoient encore au tems Julien qui les fit consulter en 363 sur son expédition contre les Perses ; mais au mois de Mars de cette année, le feu ayant consumé le temple d’Apollon, on eut beaucoup de peine à sauver ces livres, qu’on plaça sans doute dans quelqu’autre lieu religieux : car Claudien nous apprend qu’on les consulta quarante ans après sous Honorius, lors de la premiere invasion de l’Italie, par Alaric en 403. Ce poëte parle encore de ces vers dans son poëme sur le second consulat de Stilicon en 405.

Il faut conclure de-là, que si, comme le dit Rutilius Numatianus, Stilicon fit jetter ces livres au feu, ce fut au plutôt dans les années 406, ou 407. Au reste, comme ce poëte, zélateur ardent de l’ancienne religion, accuse en même tems Stilicon d’avoir appellé les barbares, & d’avoir détruit les vers sibyl- lins, dans la vue de causer la ruine de l’empire, en lui enlevant le gage de sa durée éternelle ; peut-être la seconde de ces deux accusations n’est-elle pas mieux fondée que la premiere.

Après avoir donné cette espece d’histoire des livres sibyllins, qui renferme tout ce qu’on en sait d’assuré, je dois ajouter quelques remarques sur ce qu’ils contenoient. Ce que Tite-Live & Denis d’Halicarnasse nous racontent touchant les diverses consultations qu’on en faisoit, donne lieu de penser, qu’on ne publioit point le texte même des prédictions, mais seulement la substance de ce qu’on prétendoit y avoir trouvé ; c’est-à-dire, le détail des nouvelles pratiques religieuses ordonnées par la sibylle pour appaiser les dieux. Comme il ne nous reste aucun des historiens antérieurs à la perte du premier recueil des vers sibyllins, il faut nous contenter de ce qu’en disent Denis & Tite-Live ; & nous devons même regarder comme supposé le long fragment des vers sibyllins, rapporté par Zozime, à l’occasion des jeux séculaires.

Ces vers qui devoient être tirés de l’ancien recueil, ne sont point dans la forme acrostiche ; ils contiennent le nom de Rome, du Tibre, de l’Italie, &c. & prescrivent les cérémonies qui devoient accompagner les jeux séculaires dans un détail qui démontre la supposition.

Le second recueil compilé sous Sylla, nous est un peu mieux connu, & je vais rapporter ce que les anciens nous en apprennent. 1°. Varron cité par Lactance, assure que ce recueil contenoit d’abord mille vers au plus ; & comme Auguste ordonna une seconde révision, qui en fit encore rejetter quelques-uns, ce nombre fut probablement diminué.

2°. Ce que disoit Varron cité par Denis d’Halicarnasse, qu’on avoit regardé comme supposés tous les vers qui interrompoient la suite des acrostiches, montre que cette forme regnoit d’un bout à l’autre de l’ouvrage.

3°. Cicéron nous explique en quoi consistoit cette forme. Le recueil étoit partagé en diverses sections, & dans chacune, les lettres qui formoient le premier vers, se trouvoient répétés dans le même ordre au commencement des vers suivans ; ensorte que l’assemblage de ces lettres initiales devenoit aussi la répétition du premier vers de la section : acrostichus dicitur, cùm deinceps ex primis versûs litteris aliquid connectitur…… In sibyllinis ex primo versu cujusque sententiæ primis litteris illius sententiæ carmen omne proetextitur.

4°. Les prédictions contenues dans ce recueil étoient toutes conçues en termes vagues & généraux, sans aucune désignation de tems ou de lieu ; ensorte, dit Cicéron, qu’au moyen de l’obscurité dans laquelle l’auteur s’est habilement enveloppé, on peut appliquer la même prédiction à des événemens différens : Callide, qui illa composuit, perfecit ut, quodcumque accidisset, proedictum videretur, hominum & temporum definitione sublatâ. Adhibuit etiam latebram obscuritatis ut iidem versus alias in aliam rem posse accommodari viderentur.

Dans le dialogue où Plutarque recherche pourquoi la Pythie ne répondoit plus en vers, Boéthius, un des interlocuteurs qui attaque vivement le surnaturel des oracles, observe dans les prédictions de Musée, de Bacis & de la Sibylle, les mêmes défauts que Cicéron avoit reprochés aux vers sibyllins. Ces auteurs de prédictions, dit Boéthius, ayant mêlé au hasard des mots & des phrases qui conviennent à des événemens de toute espece, les ont, pour ainsi dire, versés dans la mer d’un tems indéterminé : ainsi lors même que l’événement semble vérifier leurs prophéties, elles ne cessent pas d’être fausses, parce que c’est au hasard seul qu’elles doivent leur accomplissement.

Plutarque nous a conservé dans la vie de Démosthène, un de ces oracles qui couroient dans la Grece sous le nom de la Sibylle ; c’est à l’occasion de la défaite des Athéniens, près de Chéronée ; on étoit, dit Plutarque, dans une grande inquiétude avant la bataille, à cause d’un oracle dont tout le monde s’entretenoit : « Puissai-je, disoit-il, m’éloigner de la bataille du Thermodon, & devenir un aigle pour contempler du haut des nues ce combat, où le vaincu pleurera, & où le vainqueur trouvera sa perte ». Il étoit bien difficile d’appliquer cet oracle à la défaite de Chéronée ; 1°. il falloit trouver un Thermodon auprès du champ de bataille ; & Plutarque qui étoit de Chéronée même, avoue qu’il n’a pu découvrir dans les environs de cette ville, ni ruisseaux, ni torrent de ce nom. 2°. Le vainqueur ne trouva point sa perte à cette bataille, & même il n’y fut pas blessé.

Lorsqu’on examinera les prédictions des oracles les plus accrédités, celles de la Pythie, de Musée, de Bacis, de la sibylle, &c. rapportées dans les anciens, on trouvera toujours que Cicéron, liv. II. n. 56. de divinat. a raison de dire, que celles qui n’ont pas été faites après-coup, étoient obscures & équivoques, & que si quelques-unes n’avoient pas été démenties par l’événement, c’étoient au hasard qu’elles le devoient.

Quelque absurdes que fussent les conséquences que les partisans du surnaturel de la divination se trouvoient obligés de soutenir dans les controverses philosophiques, ils étoient excusables jusqu’à un certain point. Le principe qu’ils défendoient, faisoit chez eux une partie essentielle de la religion commune ; ce principe une fois admis, l’absurdité des conséquences ne devoit point arrêter des hommes religieux. Mais que dire de ces rusés politiques, qui pour couvrir les desseins de leur ambition, forgeoient à leur gré des oracles sibyllins ? C’est ainsi que P. Lentulus Sura, un des chefs de la conjuration catilinaire n’eut point de honte de semer comme vraie, une prétendue prédiction des sibylles, annonçant que trois Cornéliens jouiroient à Rome de la souveraine puissance.

Sylla & Cinna, tous deux de la famille Cornélienne, avoient déja vérifié une partie de la prédiction. Lentulus qui étoit de la même famille, répandit dans le public que l’oracle devoit avoir son accomplissement dans sa personne ; & peut-être eût-il réussi sans l’heureuse prévoyance de Cicéron, qui fit mentir l’oracle.

Pompée voulant rétablir Ptolomée Auletès dans son royaume d’Egypte, la faction qui étoit contraire à ce puissant citoyen, prit le parti d’inventer une prédiction sibylline qui portoit, qu’au cas qu’un roi d’Egypte eût recours aux Romains, ils devoient l’assister de leur protection, sans lui fournir de troupes. Cicéron qui soutenoit le parti de Pompée, savoit bien que l’oracle étoit supposé ; mais persuadé qu’il étoit plus sage de l’éluder que de le réfuter, il fit ordonner au proconsul d’Afrique, d’entrer en Egypte avec son armée, de conquérir ce pays, & d’en gratifier Ptolomée au nom des Romains.

Jules-César s’étant emparé de l’autorité souveraine sous le nom de dictateur, ses partisans qui cherchoient à lui faire déférer la qualité de roi, répandirent dans le public un nouvel oracle sibyllin, selon lequel les Parthes ne pouvoient être assujettis que par un roi des Romains. Le peuple étoit déja déterminé à lui en accorder le titre, & le sénat se trouvoit contraint d’en signer le decret, le jour même que César fut assassiné.

Enfin cet abus de faire courir dans Rome & dans toute l’Italie des prédictions sibyllines, alla si loin, que Tibere tremblant qu’on n’en répandît contre lui, défendit à qui que ce fût d’avoir aucun papier de prédictions sibyllines, ordonnant à tous ceux qui en auroient de les porter dans le jour même au préteur : simul commonefecit, Tiberius, quia multa vana sub nomine celebri vulgabantur, sanxisse Augustum, quem intrà diem ad prætorem urbanum deferrentur, neque habere privatim liceret.

Ce qui cause mon étonnement, n’est pas de voir que les Romains crussent aux oracles des sibylles, c’étoit un principe de leur religion, quelque ridicule qu’il fût en lui-même ; mais je suis toujours surpris que dans des tems éclairés, tel qu’étoit la fin du dernier siecle, la question du surnaturel des oracles eût encore besoin d’être traitée sérieusement, & qu’une opinion si folle & contredite par les faits mêmes sur lesquels on la fondoit dans le paganisme, ait trouvé de nos jours, pour ainsi dire, & dans le sein du christianisme, des défenseurs très-zélés. (Le chevalier de Jaucourt.

Sibyllins, livres, (Hist. ecclés.) l’ouvrage moderne qui nous est parvenu sous ce nom, est une compilation informe de prophéties différentes, supposées la plûpart vers le premier ou le second siecle du christianisme, par quelques-uns de ces hommes, qui joignant la fourberie au fanatisme, ne font point scrupule d’appeller le mensonge & l’imposture au secours de la vérité.

Les livres ou vers sibyllins dont nous parlons, sont encore remplis de choses contre l’idolatrie & la corruption des mœurs des payens, mais on a eu soin pour accréditer ces prophéties, d’y insérer plusieurs circonstances véritables que fournissoient les anciennes histoires qui subsistoient alors, & que la barbarie des siecles postérieurs a détruites. Il est aussi fait mention dans ces vers, d’une comete que l’auteur annonce devoir précéder certains événemens qu’il prédit à-coup-sûr, puisqu’ils étoient arrivés ainsi que la comete, plusieurs siecles avant lui ; mais on attend sans doute de nous quelques détails de plus sur cette collection des vers sibyllins.

Elle est divisée en huit livres, & a été imprimée pour la premiere fois en 1545 sur des manuscrits, & publiée plusieurs fois depuis avec d’amples commentaires, surchargés d’une érudition souvent triviale, & presque toujours étrangere au texte que ces commentaires éclaircissent rarement. Les ouvrages composés pour & contre l’authenticité de ces livres sibyllins, sont en très-grand nombre, & quelques-uns même très-savans ; mais il y regne si peu d’ordre & de critique, & leurs auteurs étoient tellement dénués de tout esprit philosophique, qu’il ne resteroit à ceux qui auroient eu le courage de les lire, que l’ennui & la fatigue de cette lecture.

Le savant Fabricius, dans le premier livre de sa bibliotheque grecque, donne une espece d’analyse de ces différens ouvrages, à laquelle il joint une notice assez détaillée des huit livres sibyllins. On peut y avoir recours ; c’est assez de nous borner dans cet article à quelques observations générales sur ces huit livres sibyllins modernes.

1°. Il est visible, qu’ils ne sont autre chose qu’une misérable compilation informe de divers morceaux détachés, les uns dogmatiques, les autres supposés prophétiques, & ceux-ci toujours écrits depuis les événemens, & le plus souvent chargés de détails fabuleux ou du moins peu assurés.

2°. Il est encore certain que tous ces morceaux sont écrits dans une vue absolument différente de celle que s’étoient proposée les auteurs des vers qui composoient le premier & le second des deux recueils gardés à Rome. Les anciens vers sibyllins prescrivoient les sacrifices, les cérémonies, & les fêtes par lesquelles les Romains pouvoient appaiser le couroux des dieux qu’ils adoroient. Le recueil moderne est au contraire rempli de déclamations très-vives contre le polythéisme & contre l’idolâtrie ; & partout on y établit, ou du moins on y suppose l’unité de Dieu. Presque aucun de ces morceaux n’a pû sortir de la plume d’un payen ; quelques-uns peuvent avoir été faits par des Juifs, mais le plus grand nombre respire le christianisme ; il suffit de les lire pour s’en convaincre.

3°. Les prédictions des vers sibyllins conservés à Rome, & celles qui étoient répandues dans la Grece, dès le tems d’Aristophane & de Platon, étoient, comme l’observent Cicéron & Boëthus, des prédictions vagues, applicables à tous les tems & à tous les lieux ; elles se pouvoient ajuster avec des événemens opposés : ut idem versus aliàs in aliam rem posse accomodari viderentur ..... ut, quodcumque accidisset, prædictum videretur. Au contraire dans la nouvelle collection tout est si bien circonstancié, qu’on ne peut se méprendre aux faits que l’auteur avoit en vûe. S’il ne nomme pas toujours les villes, les pays & les peuples dont il veut parler, il les désigne si clairement qu’on ne sauroit les méconnoître, & le plus souvent il indique le tems où ces choses sont arrivées d’une maniere qui n’est point susceptible d’équivoque.

4°. Les anciens oracles sibyllins gardés à Rome étoient écrits de telle sorte qu’en réunissant les lettres initiales des vers qui composoient chaque article, on y retrouvoit le premier vers de ce même article. Le nouveau recueil n’offre aucun exemple de cette méthode, car l’acrostiche inséré dans le huitieme livre, & qui est emprunté d’un discours de l’empereur Constantin, est d’une espece différente. Il consiste en trente-quatre vers, dont les lettres initiales forment Ἰησοῦς Χριστὸς Θεοῦ ὑὸς σωτὴρ σταυρὸς, mais ces mots ne se trouvent point dans le premier vers.

5°. Les nouveaux vers sibyllins contiennent des choses qui n’ont pu être écrites que par un homme instruit des dogmes du Christianisme, & des détails de l’histoire de Jesus-Christ rapportés par les évangélistes. L’auteur se dit même dans un endroit enfant du Christ : ailleurs il assûre que ce Christ est le fils du Très-haut, & il désigne son nom par le nombre 888, valeur numérale des lettres du mot Ἰησοῦς dans l’alphabet grec.

6°. Quoique les morceaux qui forment ce recueil puissent avoir été composés en différens tems, celui auquel on a mis la derniere main à la compilation se trouve clairement indiqué dans le cinquieme & dans le huitieme livre. On fait dire à la sibylle que l’empire romain aura quinze rois : les quatorze premiers sont désignés par la valeur numérale de la premiere lettre de leur nom dans l’alphabet grec. Elle ajoute que le quinzieme, qui sera, dit-on, un homme à tête blanche, portera le nom d’une mer voisine de Rome : le quinzieme des empereurs romains est Hadrien, & le golfe adriatique est la mer dont il porte le nom. De ce prince, continue la sibylle, il en sortira trois autres qui régiront l’empire en même tems ; mais à la fin, un seul d’entr’eux en restera possesseur. Ces trois rejettons, κλάδοι, comme la sibylle les appelle, sont Antonin, Marc-Aurele & Lucius-Vérus, & elle fait allusion aux adoptions & aux associations qui les unirent. Marc-Aurele se trouva seul maître de l’empire à la mort de Lucius-Vérus, arrivée au commencement de l’an 169, & il le gouverna sans collegue l’an 177, qu’il s’associa son fils Commode. Comme il n’y a rien qui puisse avoir quelque rapport avec ce nouveau collegue de Marc-Aurele, il est visible que la compilation doit avoir été faite entre les années 169 & 177 de Jesus-Christ.

7°. On trouve encore un autre caractere chronologique, mais moins précis dans le huitieme livre. Il y est dit que la ville de Rome, Ῥώμη, subsistera pendant neuf cens quarante-huit ans seulement, suivant la valeur des lettres numérales de son nom, après quoi elle deviendra une ruine, ῥύμη. Cette destruction de Rome est annoncée dans presque tous les livres du recueil, mais sa date n’est marquée qu’en ce seul endroit. Nous lisons dans l’histoire de Dion, qu’au tems de Tibere il courut sur la durée de Rome une prédiction attribuée à la sibylle, où cette durée étoit fixée à neuf cens ans. Cet oracle attira l’attention de Tibere, & occasionna une nouvelle recherche des vers sibyllins conservés par les particuliers ; cependant on ne comptoit alors que l’an 772 de la fondation de Rome, & on ne devoit pas être fort alarmé. Cette réflexion de l’historien nous montre que l’addition de quarante-huit ans avoit été faite à dessein par quelqu’un qui écrivoit après l’an 900 de Rome, 148 de Jesus-Christ, mais avant l’an 196 : la valeur numérale des lettres du mot Ῥώμη étoit sans doute ce qui l’avoit déterminé à préférer le nombre de 948.

Josephe, dans ses antiquités judaïques, liv. XX. chap. xvj. composées depuis les livres de la guerre des juifs & vers la treizieme année de Domitien l’an 93 de l’ere vulgaire, cite un ouvrage de la sibylle ou l’on parloit de la tour de Babel & de la confusion des langues, à-peu-près comme dans la Genèse ; si, dans le tems auquel écrivoit Josephe, cet ouvrage de la sibylle n’eût pas déja passé pour ancien, s’il n’eût pas été dans les mains des Grecs, l’historien juif ne l’auroit pas cité en confirmation du récit de Moïse. Il résulte de-là que les Chrétiens ne sont pas les premiers auteurs de la supposition des livres sibyllins. Josephe ne rapportant pas les paroles mêmes de la sibylle, nous ne sommes plus en état de vérifier si ce qui est dit de ce même événement dans notre collection étoit tiré de l’ouvrage que cite Josephe ; mais on est sûr que plusieurs des vers attribués à la sibylle dans l’exhortation qui se trouve parmi les œuvres de S. Justin, dans l’ouvrage de Théophile d’Antioche, dans Clément d’Alexandrie, & dans quelques autres peres, ne se lisent point dans notre recueil ; & comme la plûpart de ces vers ne portent aucun caractere de christianisme, il seroit possible qu’ils fussent l’ouvrage de quelque juif platonisant.

Lorsqu’on acheva sous M. Aurele la compilation des vers sibyllins, il y avoit déja quelque tems que les sibylles avoient acquis un certain crédit parmi les Chrétiens. Nous en avons la preuve dans deux passages de Celse, & dans les réponses que lui fait Origene. Celse qui écrivoit sous Hadrien & sous ses successeurs, parlant des différentes sectes qui partageoient les Chrétiens, supposoit une secte de Sibyllistes ; sur quoi Origene observe qu’à la vérité ceux d’entre les Chrétiens qui ne vouloient pas regarder la sibylle comme une prophétesse, désignoient par ce nom les partisans de l’opinion contraire ; mais qu’on n’avoit jamais connu de sectes particulieres des Sibyllistes. Celse reproche aux Chrétiens dans le second passage d’avoir corrompu le texte des vers sibyllins, desquels, leur dit-il, quelques-uns d’entre vous emploient les témoignages, ἔχρονταί τινες ὑμῶν, & vous les avez corrompus, ajoute-t-il, pour y mettre des blasphèmes. Il entendoit par-là sans doute les invectives contre le polythéisme & contre l’idolâtrie. Origene se contente de répondre au reproche, en défiant Celse de produire d’anciens exemplaires non-altérés.

Ces passages de Celse & d’Origene semblent prouver deux choses ; 1°. que l’authenticité de ces prédictions n’étoit point alors mise en question, & qu’elle étoit également supposée par les païens & par les Chrétiens ; 2°. que parmi ces derniers il y en avoit seulement quelques-uns, τίνες, qui regardoient les sibylles comme des prophétesses, & que les autres chrétiens blâmant la simplicité de ces hommes crédules, leur donnoient l’épithete de Sibyllistes. Plutarque qui vivoit presque dans le même tems, appelle ainsi, dans la vie de Marius, les interpretes des prédictions de la sibylle, ou les chresmologues. Ceux qui ont avancé que les païens donnoient à tous les Chrétiens le nom de Sibyllistes, n’ont compris le vrai sens ni du reproche de Celse, ni de la réponse d’Origene.

L’opinion favorable aux sibylles qui, de l’aveu de Celse, étoit d’abord celle d’un assez petit nombre de Chrétiens, devint peu-à-peu l’opinion commune. Les vers sibyllins paroissant favorables au Christianisme, on les employoit dans les ouvrages de controverse avec d’autant plus de confiance que les Païens eux-mêmes, qui reconnoissoient les sibylles pour des femmes inspirées, se retranchoient à dire que les Chrétiens avoient falsifié leurs écrits, question de fait qui ne pouvoit être décidée que par une comparaison des différens manuscrits, que très-peu de gens étoient en état de faire.

Les regles de la critique & même celles de la saine logique étoient alors peu connues, ou du-moins très-négligées : à cet égard, les plus célebres philosophes du paganisme n’avoient aucun avantage sur le commun des auteurs chrétiens. Il suffira d’en citer pour exemple les dialogues & les traités dogmatiques de Plutarque, qui, malgré ce grand sens dont on le loue, ne paroît jamais occupé que de la crainte d’omettre quelque chose de tout ce qu’on peut dire de vrai & de faux sur le sujet qu’il traite. Ce même défaut regne dans les ouvrages de ceux qui sont venus après lui. Celse, Pausanias, Philostrate, Porphyre, l’empereur Julien, en un mot, tous les auteurs païens n’ont ni plus de critique, ni plus de méthode que Plutarque. On les voit tous citer sous le nom d’Orphée, de Musée, d’Eumolpe, & des autres poëtes antérieurs à Homere, des ouvrages fabriqués par les nouveaux Platoniciens, & donner comme authentiques des oracles supposés par ces mêmes philosophes, ou plutôt par les sectateurs du nouveau Pythagorisme, ou de la secte orphique, qui joignoit les dogmes égyptiens & chaldéens à quelques points de l’ancienne doctrine de Pythagore.

Comme les auteurs de ces oracles & de ces vers philosophiques supposoient la spiritualité, l’infinité, la toute-puissance du Dieu suprème, que plusieurs blâmoient le culte des intelligences inférieures, condamnoient les sacrifices & faisoient quelquefois allusion à la Trinité platonicienne, parlant d’un Pere, d’un Fils, d’un Esprit, les Chrétiens crurent qu’il leur étoit permis d’employer ces autorités dans la controverse avec les païens, pour les battre par leurs propres armes. Mémoires des Inscriptions, t. XXIII. (D. J.)