L’Encyclopédie/1re édition/SICAMBRES

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SICAMBRES, (Géogr. anc.) Sicambri, peuples de la Germanie. Leur nom est différemment écrit dans les anciens auteurs. César dit ordinairement Sicambri, quoique dans quelques manuscrits on lise Sigambri. Suétone, Florus, Horace, Martial, Sidonius Apollinaris & Claudien lisent assez généralement Sicambri. Strabon, Plutarque & Tacite disent Sugambri.

On convient que ces peuples furent ainsi nommés du fleuve Sigus ou Segus, la Siga. Ils s’avancerent de-là vers le Rhin ; car du tems de César ils étoient voisins de ce fleuve, Sicambri qui proximi sunt Rheno. Ils étendirent ensuite leurs limites jusqu’au Weser. Ce fut un peuple puissant & nombreux, le plus considérable des Istévons, & qui passoit pour le plus belliqueux de la Germanie : on sait la réponse fiere qu’ils firent à l’officier que César leur avoit envoyé, pour leur demander qu’ils lui livrassent la cavalerie des Usipetes qui s’étoit retirée sur leurs terres. Ils lui dirent que l’empire romain finissoit au Rhin, & qu’il n’avoit rien à voir dans la Germanie. César outré de cette réponse, fit faire un pont sur ce fleuve. L’ouvrage fut achevé en dix jours. L’armée romaine marcha contre les Sicambres, qui se retirerent dans les bois, résolus de s’y défendre s’ils y étoient attaqués. César n’ayant osé l’entreprendre, se contenta de ravager leurs terres, après quoi il repassa le Rhin, & fit rompre le pont qu’il y avoit fait construire.

Les Sicambres paroissent avoir été partagés en trois nations ; celle des Usipetes, celle des Taneteres & celle des Bructeres. Les Usipetes ayant été chassés de leur pays par les Cattes, furent errans pendant quelque tems ; une partie passa dans les Gaules où elle fut défaite par César ; ceux qui échapperent après le combat, s’étant joints aux autres, vinrent s’établir dans cette contrée des Sicambres, qui forme présentement le comté de la Marck & une partie de la Westphalie. Ils furent subjugués par Drusus l’an 743 de Rome, & ne voulurent pas suivre les autres Sicambres dans la Gaule Belgique, les duchés de Guadnes & de Cleves.

Les Teneteres ayant été chassés de leur pays, comme les Usipetes, par les mêmes ennemis, eurent la même destinée, & s’arrêterent avec eux dans le pays des Sicambres, qui leur en assignerent une assez grande étendue entre les Usipetes, les Bructeres & les Ubiens, ce qui forme à-présent une partie de la Westphalie & du duché de Berg, & quelque peu du côté de la Marck. Ils passoient pour les meilleurs cavaliers de la Germanie. C’étoit leur passion, & on remarque dans l’histoire qu’ils aimoient tellement les chevaux, que l’aîné des enfans avoit le privilege de choisir le cheval qui lui plaisoit dans l’écurie de son pere. Les Sueves les chasserent de ce pays, ce qui les obligea de passer le Rhin, & de se réfugier parmi les Ménapiens.

Les Bructeres habiterent originairement entre les Angrivariens & les Chamaves. Ils étoient divisés en grands & petits. Ceux-là occupoient partie de l’Over-Issel, & les évêchés de Munster & de Paderborn. Les petits demeuroient vers la source de l’Ems, dans une partie de l’évêché de Paderborn & dans les comtés de Lippe & de Rieteberg. Ce pays avoit été habité auparavant par les Juhons.

Les Angrivariens & les Chamaves s’étant emparés des terres des Bructeres, ceux-ci vinrent occuper la contrée des Sicambres, qui s’étendoit le long de la riviere de Segus qui renferme aujourd’hui partie du duché de Berg, de l’archevêché de Treves & de la Vétéravie. Segodunum, qu’on prétend être Siegen, étoit leur demeure la plus remarquable.

Ces trois peuples auxquels d’autres se joignirent, quitterent le nom de Sicambres vers la décadence de l’empire romain, pour prendre celui de Francs. Ils occupoient alors tout ce qui étoit entre l’Océan & le Meyn ; & comme le pays étoit extraordinairement peuplé, une partie passa dans la Gaule Belgique, & y jetta les fondemens de la monarchie françoise ; les autres demeurerent dans la Germanie, & furent distingués par le surnom de Francs orientaux ; c’est d’eux qu’est dérivé le nom de Franconie qui étoit la France orientale, dont une partie a conservé le même nom de Franconie. (Le Chevalier de Jaucourt.)